À Gilles Ghez
Le détective n’abandonnait pas son chapeau. Il arpentait
le damier des bars, accostant les sirènes. À dos de tigre
il était déjà devenu le fauve à la canne, un pêcheur
en paquebot. Bien sûr un peu centaure il préférait
le dos des éléphants, dans la nuit attendant sans trêve le palanquin
du dragon. On dresse une armée de drapeaux sur le territoire,
une colonie de stylos sous ses jambes, il avait déjà franchi
la grille, à cheval sur un tas de femmes, et le langoureux,
le beau baiser de la conscience, oblique, ravissait les étuis,
les bobards, ses souvenirs de Venise ou de Chine, surtout
pour un voyageur effrayé des bobines. On rêve devant ses plans,
larges, ses Léda laiteuses, autant d’espaces que l’on dirait
lettrines. Alors je salue ce digne uniforme, cet escogriffe
qui me regarde ; un seul geste : il m’invite à l’escalade,
à son ciel, quelque part, sous les plumes, amoureuses de la nuit.
Parlé depuis la plus lointaine existence, et déclinante,
il va tel Achille, et les mains posées sous ses flèches
il vous efface les lois de son impuissance hostile,
son ris tendre inscrit style autour de l’œil des chèvres.
C’est évident sous la nuit, la lumière : elle jaillit,
résistante, au temps du crépuscule. Elle a pris l’écoute
et le bouger des faux-témoins : le vent à ce moment
redouble et lui écrit. Ils portent en eux le fol énoncé
de ne pas mordre au soir d’Hector, ni bien trop loin
dans le cœur d’Andromaque : entre les reins de la reine
il frotte un sac de couleurs. Des serpents pour la défendre.