On croit souvent que les mots
En poésie nous emportent
Vers un ailleurs
Eloigné du présent
Du quotidien
Je n’ai jamais découvert autant de force
Dans les mots
Pour dire et écouter le vrai
Le concept nomme les choses et les êtres
La poésie leur donne chair
S’incarne dans le vivant
Même dans les silences
J’aime l’entrelacement
des mots
avec les choses et les êtres
Je cueille le moindre souffle
la lumière brûlante
comme le gris du ciel
J’aime les vibrations du violoncelle
qui entre en moi
avec la musique de Piazzolla
Il y a dans l’air
une mélancolie troublante
mêlée de joie discrète
de tristesse perlée
qui donne envie de goûter
le suc de l’existence
avec délicatesse
pour longtemps
J’ai mis les mains
Dans la terre nouvelle
Terre noire
Habitée d’insectes surpris et apeurés
Qui entament une course folle
Se cachent pour survivre
J’ai planté les couleurs du printemps
Sur la terrasse engourdie
Par l’hiver de vent et de pluie
Nourri la terre
Où la vigne d’Arménie
Reprend un nouveau souffle
Au milieu d’arbustes rougeoyants
Qui offrent leurs feuilles ouvertes
Au soleil timide d’Avril
Légère et grave
La musique d’Haendel accompagne
Une solitude précieuse
Qui dilate en joie
L’intimité du Soi
Où nous conduit-elle ?
Peu importe de savoir
J’ai besoin de marcher
Marcher encore
Avec les mots en poche
Et quelques cailloux
Qui s’égrènent sur mes chemins
L’air est pur
Le souffle calme
Parfois une halte
Juste le temps
De sentir en soi
La joie
Irradier son être
Cela suffit pour voyager loin
En emportant dans ses bagages
Toutes les pages de sa vie
Sans rien renier
De ce que nous avons été
Et de ce que nous sommes devenus