Un poème élargit-il le monde,
ou seulement notre idée du monde ? 1
Jane Hirshfield, née en 1953 à New York, est poète, essayiste, critique et traductrice. Elle vit en Californie depuis 1974.
Nommée Chancelière de l’Académie des Poètes Américains, Jane Hirshfield a aussi reçu le Prix Donald Hall-Jane Kenyon de Poésie Américaine ainsi que de nombreuses bourses universitaires et diverses autres distinctions et prix littéraires.
Czeslaw Milosz disait d’elle : Jane figure parmi les étoiles les plus brillantes de ma fratrie de poètes californiens.
***
SEPT CLES POUR ENTRER DANS L’ŒUVRE DE JANE HIRSHFIELD
Dans les livres et les essais de Jane Hirshfield, nous rencontrons de nombreuses portes, fenêtres et seuils. Elle aime cette métaphore architecturale parce qu’elle est, dit-elle, saturée de possibles et de sens. Portes et fenêtres au travers desquelles nous pouvons passer et en premier lieu dans l’acte même d’écrire si précaire et si enthousiasmant quand il arrive comme une grâce, un cadeau, un répit : qu’une porte s’ouvre là où il y avait un mur.
Pour poursuivre sur cette voie métaphorique, disons que les lectrices et davantage encore les traductrices de l’œuvre de Jane Hirshfield que nous sommes 2, ont eu besoin de clés pour entrer dans cette œuvre dense, riche, diversifiée, étonnante, drôle, émouvante, empreinte de sagesse et de compassion dans un rapport direct au monde et au quotidien.
Je ne sais jamais ce que je vais écrire jusqu’à ce que je le fasse dit-elle, mais si je regarde en arrière les thèmes sont : amour, perte, amitié, vie privée et aussi, justice, ravage de la guerre. C’est aussi l’interconnexion entre tous les êtres vivants, humains mais aussi non-humains, l’environnement. Egalement le destin et les choix qui ont affaire avec la question de justice.
Pour elle, la poésie américaine est poésie du monde, de nombreux courants la traversent, même pour un poète natif américain du 21ème siècle.
Clé I : L’héritage américain et l’ouverture au monde
Jane Hirshfield connaît parfaitement la poésie, l’a étudiée sous ses moindre aspects, l’a enseignée dans de nombreuses universités américaines, elle s’en nourrit, la porte autour du monde dans de nombreux festivals, en parle magnifiquement dans ses essais3 dont “ Ten Windows: How Great Poems Transform the World ”, paru en 2015. Transformer le monde ! Quelle utopie ! Et pourtant…
Dans ce dernier essai, elle montre, poèmes à l’appui, ce qui fait ce qu’elle appelle “a good poem” et pour ça elle convoque tous les poètes de langue anglaise importants pour elle : de Shakespeare à Henry David Thoreau en passant par Walt Whitman, Emily Dickinson, Edgar Poe. Plus près de nous, Ezra Pound, William Carlos Williams, Elizabeth Bishop, Denise Levertov, W. S. Merwin, Yusef Komunyakaa, Jean Valentine. Ses amis poètes californiens sont en bonne place, Czeslaw Milosz avec qui elle conservera jusqu’à la fin, une amitié sans failles, d’autres peut-être moins connus en Europe, comme Jack Gilbert, Larry Levis, Gary Snyder. Elle s’ouvre très largement au monde par la traduction avec les poètes japonais et principalement Bashô, les poètes polonais : Wislawa Szymborska, Anna Swir, Julia Hartwig, le poète suédois Lars Gustafsson mais aussi Constantin Cavafy et bien d’autres. Avec eux, elle démontre comment la poésie est un langage qui fomente les révolutions de l’être en incluant l’énigmatique, le paradoxe, la surprise, en faisant une large et nécessaire place à l’incertitude – entre la certitude et le réel, une vieille hostilité dit-elle – au pouvoir de l’image. Elle nous apprend à regarder avec les yeux du poème, à parler avec sa langue.
Dans son dernier essai, elle nous montre comment un poème peut à lui tout seul élargir le champ de la perception en guidant le regard, l’attention vers quelque chose autre. C’est ce qu’elle appelle le “window-moment” qui fait passer, parfois avec un seul mot, du dehors au dedans ou inversement. Ces poèmes sont faits de mots qui agissent au- delà de leur propre portée parce que ce qui est infini en eux n’est pas dans le poème, mais dans ce qu’il déverrouille en nous.
Nous disions plus haut que Jane Hirshfied s’était nourrie de la poésie de ses illustres prédécesseurs. Elle a très certainement lu attentivement l’œuvre de Dickinson. Les similitudes sont troublantes : la proximité avec les éléments du quotidien, les animaux, les objets, un humour qui allège les situations dramatiques, court ‑circuite les tendances à la nostalgie voire au désespoir.
… j’ai continué ma promenade lorsqu’une une petite créature a bondi sur le mince châle que je portais et s’est mise à me chevaucher… Elle a refusé de mettre pied à terre et a commencé à se parler à elle-même… » et ce qu’elle appelle son « tourmenteur », s’est habillée avant moi, s’est assise au bord du lit et me dévisage d’un air si comique que… »
Lettre d’Emily Dickinson à Abiah Root, in « Lettres aux amies et amis proches »,
Traduction Claire Malroux
La femme au miroir du matin
était étrangère
à la femme au miroir du soir
…
Une femme se lave le visage,
une autre saisit la brosse en poils de sanglier, une troisième retire ses mules.
Que chacune meure dans le même lit ne signifie rien pour elles
In, « Baies rouges », Jane Hirshfield
Elles parlent toutes les deux des Moi multiples qui nous constituent, s’ignorent mais ne peuvent se dissocier.
Ou encore :
Peut-être riez-vous de moi ! Peut-être tous les Etats-Unis rient-ils aussi de moi ! Ce n’est pas ce qui m’arrêtera ! Mon affaire c’est d’aimer…
Lettre d’Emily Dickinson à Elizabeth Holland, in « Lettres aux amies et amis proches », Traduction Claire Malroux
Jane Hirshfield n’a‑t-elle pas écrit “Lake and Maple” 4 qui est une déclaration d’amour ?
I want to give myself
utterly
as this maple
that burned and burned
for three days without stinting and then in two more dropped off every leaf; (…)
Je désire m’offrir
totalement
comme cet érable
qui a brûlé et brûlé
pendant trois jours généreusement
puis en deux jours
a perdu toutes ses feuilles ; (…)
On ne peut s’empêcher de penser également à Walt Whitman qui écrivait :
« (…) tous viennent vers moi et moi je vais vers eux,
Et, dans la mesure où cela se peut, je suis plus ou moins chacun d’eux, Et avec eux tous sans exception je tisse le chant de moi-même ».
Jane Hirshfied, poète mystique ? Il est vrai qu’elle a éprouvé le besoin en 1994 d’aller chercher dans les plus beaux textes poétiques sacrés pour en faire une anthologie, “Women in Praise of the Sacred: Forty-Three Centuries of Spiritual Poetry by Women”. Les écrits d’Hildegarde de Bingen, Thérèse d’Avila côtoient ceux des poètes indous, Lalla et Mirabai ou encore les poèmes d’Anna Akhmatova. Pour Jane, l’expérience spirituelle est fondamentale, mais elle n’aimerait pas cette autre façon de l’emprisonner dans une catégorie, elle qui a besoin d’élargir toujours plus son champ d’action pour connaître et faire connaître la poésie, elle qui se demande inlassablement ce qu’elle pourrait apporter aux questionnements des écrivains et des lecteurs à ce sujet. Je n’ai jamais eu envie d’écrire sur ce que je comprenais déjà ; je regardais les choses dont j’étais curieuse, dit-elle.
Clé II : L’héritage du bouddhisme Zen
Le Zen comme chemin spirituel
Jane Hirshfield a fait ses études à Princeton, dans la première classe à accueillir des femmes. Son diplôme en main, alors qu’elle aurait pu obtenir un poste dans une université américaine, elle prend un tout autre chemin, travaille neuf mois dans une ferme puis intègre un monastère Zen pendant huit ans dont trois à Tassajara, un lieu sans chauffage ni électricité. Je connaissais un peu de littérature dit-elle, un peu de moi-même, mais j’avais à trouver le moyen de connaître plus profondément le cœur et l’esprit humain pour trouver un moyen d’intégrer ma propre expérience à celle du monde de façon à la fois plus perméable et plus inébranlable.
A Cedary Fragrance5
Even now,
decades after,
I wash my face with cold water—
Not for discipline,
nor memory,
nor the icy, awakening slap,
but to practice
choosing
to make the unwanted wanted.
Le Zen dit-elle est un chemin spirituel expérimental dans lequel la vie est un laboratoire qui permet de tester à la fois convictions, pratiques, actions, choix. Ce besoin d’explorer, d’investiguer, se retrouvera de façon très prégnante dans son œuvre et en particulier dans ses “Assays”.
Quand on lui demande quelle est l’influence du Zen sur sa poésie, elle répond : ils sont comme le pied gauche et le pied droit, ce qui nous laisse penser qu’il s’agit pour elle d’un équilibre et que les deux sont indissociables, nécessitant le même degré d’attention et de perméabilité au monde pour devenir les instruments de nos propres vies et partie d’un orchestre d’existences élargies qui nous incluent.
C’est pendant ses études qu’elle s’intéresse à la littérature japonaise de l’époque de Heian, 794‑1185, âge d’or durant laquelle la poésie féminine était considérée comme prépondérante. Elle y a trouvé un lien sororal très fort.
Although the wind
blows terribly here,
the moonlight also leaks
between the roof planks
of this ruined house.
Izumi Shikibu
Bien que le vent souffle
ici avec force,
le clair de lune filtre
entre les planches du toit
de cette maison en ruine.
Certains poèmes sont comme des carrefours, des pivots marquants dans une vie. Celui-ci sur la perméabilité intérieure aussi bien qu’extérieure, écrit il y a mille ans par une femme de la Cour des Heian, a transformé ma relation au difficile. Si vous voulez être partie prenante de la vie […] vous devez vous ouvrir à tout, ce qui n’est pas désiré côtoyant ce qui est désiré. Refuser le vent, c’est aussi perdre la lune, écrit ‑elle.
C’est à cette époque qu’elle traduit (avec Mariko Aratani) un recueil de poèmes courtois japonais, “The Ink Dark Moon”.
Jane a dit à plusieurs reprises que ce qu’elle aimait en poésie, était tout ce qui peut être dit avec peu. Elle s’est donc tournée naturellement vers les maîtres du haïku et l’essai qu’elle a écrit sur Bashô recueille toujours un très grand succès. Elle- même n’a pas, à ma connaissance, publié de haïkus mais a pratiqué la forme courte dans ce qu’elle a appelé “The Pebbles” dont elle dit qu’ils sont la représentation simple d’une chose complexe et l’on peut citer deux exemples : “Global Warming” où comment certains refusent de reconnaître le réchauffement climatique, “Lemon” qui parle en peu de mots du pouvoir dans la relation amoureuse.
Dire beaucoup avec peu ou l’inverse, comme dans ses “Assays” (que nous avons traduits par “Analyses ”), explorer de façon complexe quelque chose de simple comme par exemple le ciel, l’ombre, la perspective ou des bribes de langage comme « de », « et » ou encore des comportements humains comme le jugement.
La compassion
A ceux qui cherchent à la confiner dans le rôle de poète bouddhiste, elle rappelle que le Zen étant une voie pour fusionner avec l’ordinaire, les pratiquants sont amenés quotidiennement à entrer dans le monde ordinaire et quelle que soit la pratique, monastère ou galerie marchande, il n’y a pas de Zen mais seulement la Vie.
Et c’est de l’humain dont elle parle dans ses poèmes : La poésie doit nous permettre de ressentir combien nos destinées sont partagées, de nous sentir accompagnés et même si nous le savons, il est très différent d’être accompagné par les mots du poème qui ne sont pas des idées mais des expériences. Expérience – ex perire – sortir du périr dirait P. Quignard.
Pensant à ses années de pratique au centre Zen de San Francisco, elle dira plus tard qu’elles ne l’auront pas « immunisée » contre la souffrance du monde. Il est possible nous dit-elle, que chaque poème que j’ai écrit soit une sorte d’incantation contre le désespoir.
C’est ce qu’elle fait avec une très grande justesse de ton dans son long poème “Manners/Rwanda” 6.
They took the woman
and tied to one arm a child
to the other arm a child
to one leg a child
to the other leg a child—
you also read this in the paper— and threw them all in.
No marks of damage, not one on the five bodies
which means of course
that they drowned,
which means of course
that she knew.
(…)
Bienséances/Rwanda
Ils ont pris la femme
et attaché un enfant à un bras,
à l’autre bras un enfant,
à une jambe un enfant,
à l’autre jambe un enfant –
on lit ça aussi dans le journal–
et ils les ont tous jetés à l’eau.
Aucune trace de blessure, pas une seule sur les cinq corps,
ce qui veut dire évidemment qu’ils se sont noyés,
ce qui veut dire évidemment qu’elle le savait.
(…)
Elle le savait… Trois mots et une immense vague de compassion submerge le lecteur. Et c’est de la nécessité d’espérer et de tenir malgré tout qu’elle parle dans son poème “Optimism”, utilisé à plusieurs reprises par des organismes luttant pour la Paix et diffusé par la presse pour les vœux du Nouvel An 2005.
Optimism 7
More and more I have come to admire resilience.
Not the simple resistance of a pillow, whose foam
returns over and over to the same shape, but the sinuous
tenacity of a tree: finding the light newlyblocked on one side,
it turns in another. A blind intelligence, true.
But out of such persistence arose turtles, rivers,
mitochondria, figs—all this resinous, unretractable earth.
Optimisme
J’en viens de plus en plus à admirer la résilience.
Pas la simple résistance de l’oreiller dont la mousse
reprend encore et encore la même forme, mais la ténacité
sinueuse de l’arbre, qui observant que la lumière vient de se cacher d’un côté
se tourne de l’autre. Une intelligence aveugle,certes.
Mais d’une telle persévérance ont émergé tortues, rivières,
mitochondries, figues –toute cette terre résineuse, irrétractable.
Clé III : Le cœur humain
Le cœur humain qu’elle va chercher à sonder tout au long des huit recueils 8 édités à ce jour, nous le trouvons central dans bon nombre de ses poèmes. Dans “The Lives of the Heart”, le poème éponyme qui ouvre le recueil est une énumération de ce que peuvent être les rapports passionnés du cœur avec le monde. Il contient l’essence de son œuvre. Mais déjà dans un des tout premiers opus 9, elle nous donne à lire un poème magistral sur ce thème :
At times
the heart
stands back
and looks at the body,
looks at the mind,
as a lion
quietly looks
at the not-quite-itself,
not-quite-another,
moving to shadows and grass.
Wary, but with interest,
considers its kingdom.
Then seeing
all what will be,
heart once again enters—
enters hunger, enters sorrow,
enters finally losing it all.
To know, if nothing else,
what it once owned.
Clé IV : Notre destinée humaine
Humain ? Vous avez dit humain ?
La poésie de Jane Hirshfield pose les questions essentielles de l’existence humaine : désir et manque, impermanence et beauté, rapports complexes aux autres et à l’ensemble des créatures et objets avec lesquels nous partageons nos vies. En démontrant avec une tranquille fermeté ce que signifie l’éveil à la pleine capacité d’attention, son œuvre met en évidence les difficultés d’affirmation de notre condition humaine.
Les sujets qu’elle aborde avec une intelligence très fine, une grande sensibilité qui n’exclut pas légèreté et malice, sont donc à la fois éthiques, métaphysiques mais aussi écologiques, scientifiques et englobent l’ensemble des préoccupations humaines qu’elles soient existentielles ou domestiques.
Elle nous rappelle que le poème tient ensemble ce qu’il nous est si difficile, voire impossible de tenir, de penser, à savoir les contradictions de notre monde, le paradoxe ultime qu’elle illustre étant : nous allons mourir et — malgré cela, ou grâce à cela — le monde reste pour nous merveilleux.
C’est dans “The Life Was the Size of my Life”, poème de son dernier recueil, “The Beauty” que Jane Hirshfield avoue explicitement : je voulais que mon destin soit humain. Son humanité inclut autocritique et humilité.
Quand elle écrit :
Nous vivons nos vies en un lieu
et regardons à tout moment dans un autre.
elle s’inclut bien dans cette pratique.
Quand elle nous prend en flagrant délit de chapardage de notre commune richesse, la Terre, elle nous fait la leçon en ajoutant immédiatement :
Mais comment puis-je dire cela ?
Je suce le noyau de ma question,
moi qui mange aussi tous les jours le travail des autres.
Jane Hirshfield regarde la vie en face sans détourner le regard et elle nous enjoint à faire de même :
« Rien ne dure » :
avec quelle amertume cette pensée accompagne chaque perte !
Curieuse de tout, elle montre également un intérêt aigu pour tout ce que l’homme est capable de découvrir et de comprendre dans tous les domaines.
I don’t know
with what tongue
to answer
this world’s constant question
but it keeps asking
and so I continue…
Je ne sais pas
dans quelle langue
répondre
à l’interrogation constante de ce monde
mais il insiste
alors je continue…
nous dit Jane Hirshfield dans son poème, “A Breakable Spell” 6
Cela explique peut-être la grande diversité de forme de son œuvre poétique. Elle expérimente sans cesse pour offrir la meilleure réponse à ce questionnement. Elle fait feu de tout bois, n’hésite pas à utiliser les poèmes incantatoires comme nous le verrons plus loin mais aussi la science, la biologie et même les mathématiques.
Tout acte qui vaut la peine, nous dit-elle, signifie partir dans l’inconnu, en rapporter quelque chose, que ce soit un nouveau mot, une perception ou une émotion insoupçonnée, voire une jeune tête d’ail dans le jardin au printemps.
Dans un poème de son dernier recueil, “Zero Plus Anything Is a World”, elle ajoute la mort à la vie, conseillant d’aimer sans réserve ce qu’elle apporte/Sœur, père, mère, mari, fille. Fractions, division et soustraction parlent de ce qui reste. Quelque chose part, c’est tout, et quelque chose reste. Une façon de dire que le temps fait son œuvre et que nous n’y pouvons pas grand-chose. Personne ne prévoit d’être fantôme dit-elle dans le poème intitulé “Things Keep Sorting Themselves”. Sagesse ? Résignation ? Lucidité ?
Pour Jane Hirshfield la question est : avons-nous la possibilité d’intervenir sur nos vies ou sommes nous impuissants, incapables de faire plus que de constater notre souffrance mutuelle ? Avons-nous véritablement le choix ou nos vies sont-elles déjà écrites ?
It is foolish
to let a young redwood
grow next to a house.
Even in this
one lifetime,
you will have to choose.
That great calm being,
this clutter of soup pots and books—
Already the first branch-tips brush at the window.
Softly, calmly, immensity taps at your life.
Arbre
Il n’est pas raisonnable
de laisser un jeune séquoia
pousser près d’une maison.
Même dans cette
seule durée de vie,
vous aurez à faire des choix.
Cet être impassible,
Le fatras de casseroles, de livres.
Dès les premières pousses des branches frôlent la fenêtre.
Doucement, calmement, l’immensité frappe à ta vie.
Quand Hirshfield écrit, « toute action humaine est jugement » elle montre que la véritable impartialité est illusoire. Les destinées humaines sont notoirement inégales. Être né dans une culture, un pays ou une famille pas une autre est tellement constitutif de nos destinées dit-elle, être un enfant du Darfour aujourd’hui signifie n’avoir aucune chance, être complètement à la merci […] c’est un crève-cœur quand on y pense et j’ai remarqué que ces questions continuent à se poser à moi, traversant mes poèmes depuis des années.
Nous retrouvons cette préoccupation au centre de son dernier livre, “The Beauty” qui s’ouvre sur le poème “Fado”, destin en portugais. Et ce destin, le poète en fait un compagnon à solliciter, à questionner.
A Person Protests To Fate 8
A person protests to fate:
“The things you have caused me most to want
are those that furthest elude me”.
Fate nods.
Fate is sympathetic.
(…)
Quelqu’un fait une réclamation au destin
Quelqu’un fait une réclamation au destin :
“Les choses que vous m’avez incité à désirer le plus
sont celles qui m’échappent le plus ».
Destin hoche la tête.
Destin a de la sympathie.
(…)
ou encore pour “The One Not Chosen” 9 : presque chanceux dit-elle, surtout quand il s’agit de la mine enterrée depuis trente ans/qui choisit la jambe d’un autre. Le destin fait que la plupart se contente de regarder.
Je pas Je
La majorité des poèmes de ses premiers recueils sont dépourvus de cette affirmation de soi qui, dit-elle, empêche de voir le paysage.
Quand le Je affleure, c’est le Nous universel que nous entendons mais là encore Jane préfère l’équilibre qui consiste, comme l’a dit Novalis, à passer une première partie de sa vie à développer son moi intérieur et la seconde à aller au-delà, vers l’extérieur. Elle met en garde, à l’instar de Jung, contre le danger que les énergies inconscientes se retournent fatalement contre nous.
Dans la série de poèmes qui commencent par « My » que l’on trouve dans son dernier recueil, on pourrait penser que Jane Hirshfield s’autorise une affirmation, comme s’il était temps pour elle de planter sa propre balise directement et fortement dans ce monde. En réalité, elle avoue avec humour, qu’il s’agit d’un clin d’œil affectueux à notre relation avec notre propre Moi et donne l’image de ces groupes d’amies qui parlent en prenant le thé, de « leur » vie, de « leurs » enfants, de « leur chien » de « leurs amours»…
Mais tout cela ne va pas sans difficulté. Mettre le corps et l’esprit en repos de la quête de sens, perdre l’orgueil de l’identité pour atteindre une dimension impersonnelle et en finir avec la séparation d’avec le monde, tout cela est tentant mais impossible et c’est ce que Jane dit dans son poème “Only When I Am Quiet And Do Not Speak”10.
Only When I Am Quiet And Do Not Speak
Only when I am quiet for a long time and do not speak
do the objects of my life draw near.
Shy, the scissors and spoons, the blue mug.
Hesitant even the towels,
for all their intimate knowledge and scent of fresh bleach.
(…)
As if they believe it possible I might join
their circle of simple, passionate thusness, their hidden rituals of luck and solitude,
the joyous gap in them where appears in us the pronoun I.
Seulement quand je suis calme et que je ne parle pas
C’est seulement quand je suis calme pendant
un long moment,
que je ne parle pas
que les objets de ma vie se rapprochent.
Timides les ciseaux et les cuillères, la tasse bleue.
Les serviettes mêmes, pudiques,
malgré leur rapport intime, leur parfum de
lessive fraîche.
(…)
Comme s’ils pensaient possible que je puisse joindre
leur cercle d’ainsi-istes, simples, passionnés,
leurs rituels secrets de chance et de solitude,
le joyeux écart en eux où apparaît en nous le
pronom Je.
Perspective
Perspective est le titre d’un “Assay” que nous trouvons dans le dernier recueil de Jane Hirshfield. C’est ce qui diminue quand nous rentrons dans l’âge et que le champ de la nouveauté se réduit, à moins que, à l’instar du poète qui excelle à considérer les choses sous plusieurs angles (comme le faisaient les cubistes nous dit-elle), ce soit au contraire le moyen par le biais du poème, de fragmenter pour mieux multiplier, développer afin que la somme de ses morceaux fasse un nouveau tout, lequel, bien qu’il ne soit pas paraphrasable, soit malgré tout plus grand.
Dans ce cas, préfère « et » à « ou » nous dit-elle. « Et » est un chemin vers la perspective. Pour sentir et voir depuis des angles différents et savoir qu’ils sont vrais, certaines expressions sont utiles dans la langue, « et pourtant » en est un exemple. « Et pourtant, et pourtant », qui termine le fameux haïku qu’Issa écrivit après la mort de sa fille :
Ce monde de rosée
Est un monde de rosée,
Et pourtant, et pourtant…
Clé V : L’Univers comme univers
“Plus grand” est le maître mot chez Jane Hirshfield dont la poésie se reconnaît d’emblée en ce qu’elle ne met aucune barrière entre le monde des humains et celui des animaux, des végétaux, des choses du quotidien. Si vous exploitez la nature, vous exploitez les hommes dit-elle.
Tout un bestiaire peuple ses poèmes, des plus petits au plus grands : fourmis, chats, chiens, oiseaux, renards, juments, grillons, biches, hérons, lynx. En sa qualité de cavalière, ses préférés sont les chevaux puis les lions qui investissent peu à peu l’espace poétique en même temps que le cœur dont elle parle de façon récurrente dans les poèmes des années 1990. Le lion est férocité et beauté dit-elle, présence incontestable, danger, pouvoir, passion amoureuse, transformation. La réponse terrestre aux anges ? Elle rappelle que pour les bouddhistes, dire la vérité est rugir comme un lion. Les déesses de l’abondance sont généralement accompagnées par des lions, l’extase de la dévoration accompagnant l’abondance, comme pour empêcher la terre de s’emplir au-delà de l’acceptable.
Côtoyant aussi bien le vivant que l’inanimé, elle n’hésite pas à prêter vie aux objets du quotidien avec une grande sensualité, comme dans ce poème, “Button” 11 :
(…)
It likes the caress of two fingers against its slightly thickened edges.
It likes the scent and heat of the proximate body.
The exhilaration of the washing is its wild pleasure.
Amoralist, sensualist, dependent of cotton thread,
its sleep is curled like a cat to a patch of sun, calico and round.
Its understanding is the understanding
of honey and jasmine, of letting what happens
come.
(…)
(…)
Il aime la caresse de deux doigts sur ses bords légèrement épaissis.
Il aime l’odeur et la chaleur du corps tout proche.
La joie intense du lavage est son plaisir sauvage.
Amoral, sensuel, dépendant du fil de coton,
son sommeil est enroulé comme chat dans un
rayon de soleil,
calicot et rond.
Sa compréhension est celle
du miel et du jasmin, laisser advenir ce qui
vient.
(…)
Cette immersion, Jane Hirshfield va la vivre profondément à travers ses poèmes jusqu’à une forme de transsubstantiation qui s’opère dans son écriture par des glissements de sens ou encore comme dans le recueil « Given Sugar, Given Salt » :
Metempsychosis
Some stories last many centuries,
others only a moment.
All alter over that lifetime like beach-glass,
grow distant and more beautiful with salt.
Yet even today, to look at a tree
and ask the story Who are you? is to be transformed.
There is a stage in us where each being, each thing, is a mirror.
Then the bees of self pour from the hive-door,
ravenous to enter the sweetness of flowering nettles and thistle.
Next comes the ringing a stone or violin or empty bucket gives off—
the immeasurable’s continuous singing,
before it goes back into story and feeling.
In Borneo, there are palm trees that walk on their high roots.
Slowly, with effort, they lift one leg then another.
I would like to join that stilted transmigration,
to feel my own skin vertical as theirs
an ant road, a highway for beetles.
I would like not minding, whatever travels my heart.
To follow it all the way into leaf-form, bark-furl, root-touch, and then keep walking, unimaginably further.
Métempsychose
Certaines histoires durent des siècles,
d’autres seulement un instant.
Tout s’altère au fil d’une vie comme le galet de verre, s’éloigne et s’embellit avec le sel.
Cependant, même aujourd’hui, regarder un arbre,
réclamer son histoire par un Qui es-tu ?, c’est se transformer.
Il y a une étape en nous où chaque être, chaque chose, est un miroir.
Puis les abeilles de l’ego surgissent de la ruche,
avides de pénétrer la douceur des orties et des chardons en fleur.
Ensuite arrive la résonance d’une pierre, d’un violon ou d’un baquet vide –
le chant continu de l’insondable ,
avant qu’il ne redevienne histoire, émotion.
A Bornéo, il y a des palmiers qui marchent sur leurs hautes racines.
Lentement, avec effort, ils lèvent une jambe puis une autre.
J’aimerais me joindre à cette transmigration d’échassier, pour sentir ma propre peau verticale comme la leur : route de fourmi, autoroute pour scarabées.
J’aimerais ne pas m’inquiéter, peu importe ce qui traverse mon cœur.
Pour l’accompagner dans sa transformation en feuille, rouleau d’écorce, toucher de racine, et puis continuer à avancer plus loin, jusqu’à l’inconcevable.
Cette tentation, elle l’explique tout en la refusant dans “Between the Material World and the World of Feeling” : Entre le monde matériel et le monde des sentiments il faut une frontière dit-elle : d’un côté la personne pleure […] de l’autre côté, la volonté de fer de la terre continue. Mais elle cite pourtant Cavafy quand il avoue : En moi, maintenant, tout devient émotion, meubles, rues… et Rilke qui croyait aussi que l’objet languit de s’éveiller en nous. Tout cela pour faire le choix à la fin de son poème d’un équilibre, sans faire la différence entre les deux.
Jane Hirshfield est aussi profondément concernée par les problèmes environnementaux et la sagesse bouddhiste rejoint dans ses poèmes les considérations écologiques. Dans le long poème “Beautiful Dawn” elle parle d’un feu de forêt dont elle a été témoin, rend hommage aux pompiers du contre-feu en veste jaune et dit le souvenir terrible qui remonte en mémoire à chaque nouvel incendie – et la Californie est loin d’être épargnée.
Le court poème de la série des “Pebbles” 12 dont nous parlions plus haut est directement lié à cette préoccupation :
Global Warming
When his ship first came to Australia,
Cook wrote, the natives
continued fishing, without looking up.
Unable, it seems, to fear what was too large to be comprehended.
Réchauffement climatique
Quand son bateau atteignit pour la première fois l’Australie,
écrivit Cook, les indigènes
continuaient à pêcher, sans lever la tête.
Incapables, semble-t-il, d’avoir peur de ce qui était trop grand pour être appréhendé.
Clé VI : Ethique et politique
Jane Hirshfield, pense que sa responsabilité de poète consiste à prendre la distance suffisante vis-à-vis des évènements pour dire, ce n’est pas ce que je pense, je veux ça pour ma vie. Même si elle ne prend pas de position frontale dans ses écrits, elle sait être très incisive comme dans son poème “The Judgment : an Assay” 13 : Tu transformes une vie/comme manger un artichaut transforme le goût/de tout ce qui est mangé ensuite, dit-elle, avouant encore une fois qu’elle n’échappe pas, elle non plus, à ce travers : je t’admire beaucoup à de tels moments, je ne peux t’aimer:/tu prends trop de place en moi, pesant le poids de ta propre valeur sans pitié.
Pour elle, la poésie de nos jours, est un moyen de s’éveiller à une conscience universelle, un antidote à ce qui cherche à nous aliéner, une façon de garder le cœur vivant pour espérer. Face à la tentation du repli, au durcissement face aux changements, elle permet une malléabilité dit- elle. Elle réduit intransigeance, schématisation, entêtement et notre dépendance à l’aspect uniquement pratique des choses comme étant la seule issue. Et si nous avons besoin d’espérer, nous avons aussi besoin de tendresse dit-elle et l’Art, les arts, pas seulement la poésie, sont des lieux multiples de reconnaissance.
Clé VII : Les poèmes incantatoires
Comme disait Claire Malroux dans « Chambre avec vue sur l’éternité » en parlant de la poésie d’Emily Dickinson : « Elle seule à la clef de cette parade sauvage ».
Les onze poèmes incantatoires du recueil “The Lives of the Heart” nous ont posés le même problème de traduction au point que nous avons trouvé un peu déraisonnable pour ne pas dire carrément fou d’oser en présenter une traduction. Mais nous l’avons fait car la voix d’un poète ne peut être arrêtée par des considérations de langue. Renoncer à traduire c’eût été rogner les ailes de celle qui vole par-delà les frontières.
Spell to Be Said Upon Departure 14
What was come here to do
having finished,
shelves of the water lie flat.
Copper the leaves of the doorsill, yellow and falling.
Scarlet the bird that is singing.
Vanished the labor, here walls are.
Completed the asking.
Loosing the birds there is water.
Having eaten the pears.
Having eaten
the black figs, the white figs. Eaten the apples.
Table be strewn.
Table be strewn with stems,
table with peelings of grapefruit and pleasure.
Table be strewn with pleasure,
what was here to be done having finished.
Incantation à prononcer au moment du départ
Ce qui était venu ici pour faire ayant fini,
les nappes d’eau s’étalent.
Cuivrées les feuilles du seuil, jaunes et tombantes. Ecarlate l’oiseau qui chante.
Disparu le labeur, ici des murs.
Achevé le questionnement.
Libérant les oiseaux, l’eau.
Ayant mangé les poires.
Ayant mangé
les figues noires, les figues blanches. Mangé les pommes.
Table, sois parsemée.
Table, sois parsemée de tiges,
table d’épluchures de pamplemousse et de plaisir.
Table, sois parsemée de plaisir,
ce qui fut ici pour être fait ayant fini.
Parfois nous sommes obligés de laisser le poème, pour un temps plus ou moins long, suivre son chemin en nous et nous savons que de là, il ressortira un jour limpide et simplement évident, ou pas. Car lire de la poésie c’est suivre le lapin d’Alice et prendre le risque de tomber comme elle dans le trou, grandir et rapetisser, grandir encore pour en sortir tout autre, enrichi, entier.
Et c’est toujours enrichis que nous ressortons de la lecture des poèmes de Jane Hirshfield, enrichis par la diversité et la multiplicité des images qu’elle déploie devant nous, enrichis par l’ouverture qu’elle pratique dans notre quotidien pour faire de l’ordinaire un chant joyeux ou grave, c’est selon, par la profondeur dans laquelle elle nous entraîne si nous acceptons de passer et repasser sur le chemin qu’elle trace jusqu’à ce qu’il devienne familier. Car c’est bien elle qui fait tout le travail, curieuse, aventureuse, jamais en repos, elle qui ouvre une à une les fenêtres et les portes, qui nous fait franchir les seuils, nous accueille dans sa maison avec vue sur l’infiniment petit et l’infiniment grand, nous conseille d’ajouter plutôt que diviser, nous rappelle que la vie sait aussi soustraire, nous propose de faire parfois un pas de côté pour avoir une vue différente du paysage, elle qui nous rassure car nous ne sommes pas seuls, distille en nous la richesse d’une humanité rare. Nous n’avons plus qu’à suivre, ouvrir les yeux, les oreilles, ouvrir le cœur, la mémoire et à sa suite se laisser emporter par la magie du poème. Car s’il paraît utopique de penser comme elle que la poésie est capable de transformer le monde, why don’t we try? Pourquoi ne pas essayer ?
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Notes :
1 In ‘Mathematics’, “Given Sugar, Given Salt”
2 Tous les poèmes présentés sont co-traduits par Delia Morris et Geneviève Liautard, traductrices de l’œuvre de Jane Hirshfield, inédite en français. Les revues Nunc, Phoenix et Les Carnets d’Eucharis ont accueilli une sélection de poèmes en 2015 et 2016
3 : Essais
Nine Gates: Entering the Mind of Poetry, 1997
Hiddenness, Uncertainty, Surprise — Three Generative Energies of Poetry, 2008 The Heart of Haiku, 2011
Ten Windows: How Great Poems Transform the World », 2015
4 In “The Lives of the Heart”
5 In “Given Sugar, Given Salt”
Même maintenant,
des décennies plus tard,
je lave mon visage à l’eau froide.
Non par discipline,
ni pour la mémoire,
ni pour la gifle glaciale vivifiante,
mais pour m’habituer
à choisir
de rendre l’indésirable désirable.
6 In “The Lives of the Heart”
7 In “Given Sugar, Given Salt”
8 : Recueils de poèmes
1982 : Alaya. Quarterly Review of Literature.
1988 : Of Gravity & Angels (HarperCollins), winner of the California Book Award in Poetry
1994 : The October Palace (HarperCollins), winner of the Poetry Center Book Award
1997 : The Lives of the Heart (HarperCollins), winner of the Bay Area Book Reviewers Award
2001 : Given Sugar, Given Salt (HarperCollins), finalist for the National Book Critics Circle Award
2004 : Pebbles & Assays (Brooding Heron Press)
2005 : Each Happiness Ringed by Lions (Anthologie — Bloodaxe Books UK)
2006 : After (HarperCollins)
2011 : Come, Thief (Alfred A. Knopf)
2015 : The Beauty: Poems (Alfred A. Knopf)
9 In “The October Palace”
Le royaume
Parfois
le cœur
se retire
et observe le corps,
observe l’esprit,
comme un lion
observe paisiblement
le pas-vraiment lui-même,
pas-vraiment un autre,
se déplacer entre les ombres et l’herbe.
Prudent, mais avec intérêt
il contemple son royaume.
Puis voyant
tout ce qui sera,
cœur entre une nouvelle fois –
pénètre la colère, pénètre le chagrin,
pénètre enfin perdant tout.
Pour connaître, au moins,
ce qu’il a une fois possédé.
-
Ibid.
-
In “Given Sugar, Given Salt “
-
In “The Beauty”
-
Ibid.
-
“Given Sugar, Given Salt”
-
Ibid.
-
In “After”
-
Ibid.
-
In “The Lives of the Heart”
Sources :
The Well – Topic 266: Jane Hirshfield, “After”
Poetry Foundation: Kitchen Ants and Everyday Epiphanies by Cynthia Haven
NPR’s Arun Rath: Jane Hirshfield, “Ten Windows”, Mars 2015
Jane Hirshfield and the Mind of Poetry – An interview by Katherine Mary Mills Jane Hirshfield on the Mystery of Existence – An interview by Kim Rosen Of Amplitude There Is No Scraping Bottom – An interview by Rebecca Olson
- Layli Long Soldier, Where as/Attendu que, traduit par Béatrice Machet - 19 mars 2021
- Béatrice Machet, Tirage(s) de Tête(s) - 6 décembre 2019
- Geneviève Bertrand, À bouche décousue - 3 décembre 2018
- 7 clés pour entrer dans l’oeuvre de Jane Hirshfield - 2 septembre 2017
- Le jardin des vertiges de Claudine Bertrand - 23 décembre 2013