Gérard Leyzieux, Je(u) d’avatars

Ce qui frappe d’abord chez Gérard Leyzieux, c’est l’attention qu’il porte à chacun des mots qu’il dresse sur la page. Au point de les désosser parfois, comme on la fait d’une poupée pour voir ce qu’elle contient. Il en va ainsi dès le titre, avec son balancement entre « je » et « jeu » … qui fait qu’on n’est ni ici ni là… Le vocabulaire est donc minutieusement choisi : tout bavardage est exclu !

Ce qui n’exclut pourtant pas un certain lyrisme : un lyrisme de la rareté ?  Le recueil entier balance entre deux postulations. Celle d’un reflux  

Au je si fluet qui s’enrobe
De replis

Soit une dissimulation derrière des semblants, voire l’évanouissement d’une identité, sa mise en question suite à un sévère travail critique qui conduirait à abandonner toute illusion. D’où une thématique de l’indéterminé, du trou, du vide – et donc du repli en soi.

Gérard Leyzieux, Je(u) d’avatars, éd. Tarmac, 2025, 60 pages, 15 €

La seconde postulation tient à la chaleur du désir, de la joie :

Le sourire était en moi
Vertical
Et m’ouvrait à la vie:

Cela tiendrait au hasard, à des avatars (du sanskrit avatāra : descente sur la terre d'une divinité), à « l’indétermination des actions sur les corps », alors

T’émousse l’inattendu
Te boule et te verse
Aux sons inarticulés

À moins d’être envahi par un éternel retour :

Ta voix écoute ses sons insensés
Cohorte du fond de l’âge
Le regard éteint alors le souvenir
Pour t’unir à la couleur du temps

Gérard Leyzieux nous offre ainsi des fragments d’instants, des « étincellements » qui sont autant des illuminations de pensée que des bouffées de sensations :  autant d’épiphanies qui le gagnent. Il s’en fait d’autant plus facilement l’écho qu’une vacuité l’habite, est-ce une sagesse ? On pourrait parler d’une dialectique du vide et du plein.

En synthèse, l’écriture donne à exister. Jouerait-elle un rôle salvateur ?

Un coup de pinceau anéantit l’indécelable
Ton geste donne naissance à l’essence d’un instant
Et chaque être du monde en ressort grandi

Au sein d’une dévastation, ces lumières…

 

Présentation de l’auteur

Gérard Leyzieux

Gérard Leyzieux écrit principalement de la poésie mais il écrit aussi de la prose. Ses textes poétiques ont été publiés dans des revues papier en France ainsi qu’à l’étranger (Canada, Roumanie, Belgique). Il publie également régulièrement ses mots modelés à l’émotion dans diverses revues électroniques.

Bibliographie 

 

  1. Aux éditions Stellamaris :

  • Et langue disparaît, poésie, 2018

  • Gestuaire, poésie, 2019

  • Et l’attente attend, poésie, 2019

  • L’Européelle, roman, 2020

  • Tes mots dits et tu/s, poésie, 2020

  • …À distance, roman, 2021

  • Basile le bienheureux, roman, 2022

  • Décortiqué, poésie, 2022

  • Basile n’est pas heureux, roman, 2023

  1. Aux éditions Tarmac :

  • Impression vide devant, poésie, 2022

  • Passage, poésie, 2023

  • Aux éditions Z4 :

  • Qu’en flue l’incertitude…, poésie, 2023

Autres lectures

Gérard Leyzieux, Tout en tremble

Le livre s’ouvre avec ce premier mot : TOUT. Que j’ai tendance à considérer comme un mot valise pour l’ensemble du poème, lequel nous décrirait une ouverture vers la liberté de s’inventer. [...]

Gérard Leyzieux, Je(u) d’avatars

Ce qui frappe d’abord chez Gérard Leyzieux, c’est l’attention qu’il porte à chacun des mots qu’il dresse sur la page. Au point de les désosser parfois, comme on la fait d’une poupée pour [...]




Catherine Andrieu, À la marge

Écrire, écrire, écrire

Un grand signe apparaît dans le ciel, une femme enveloppée de soleil. La lune sous ses pieds (la nuit est aussi un soleil chez Zarathoustra) et sur sa tête une couronne d’étoiles. Elle l’a dans le ventre, elle crie de douleur en tourment… tourment d’enfanter ? non pas, mais d’écrire son tourment sans repos admissible.

Il en est ainsi dès l’instant où l’expérience révèle, à tel point que la lumière est rayon de ténèbres. C’est confirmé par Denys l’Aréopagite et Georges Bataille. J’oubliais Dante : « Que je ravive, tu veux, cette douleur, qui même si j’en pense me serre le cœur, et de la langue fait nœud. » Enfer, chant XXXIII, traduction Kolja Micévic. Et c’est là l’essentiel chez Catherine Andrieu, la langue funambule fait corde à nœuds tendue entre son corps et sa main crevassée. Cette main qui fait saigner les mots et les murs de l’enfermement. Oui Catherine est entrée en écriture comme en entre en religion. Elle s’est enfermée dans une cage d’os (les siens) et d’histoire (la sienne) tout en attendant à la lisière, À la marge, de retenir les mots par les griffes de ses mains devenues serres.

« Quand j’écris, j’écris en général une note d’un trait mais cela ne suffit pas et je cherche à prolonger l’action de ce que j’ai écrit dans l’atmosphère. » Artaud. Catherine elle aussi cherche à prolonger l’écrit dans l’espace en fracassant l’horizon afin de dévorer l’instant jusqu’à l’os, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à aimer, plus rien à perdre. Et tout à écrire. Écrire comme nue sous le manque des évanouis, glissements et vols ainsi qu’en nuits infinies le vent court dans l’exil long et la main atmosphérique pleine de désespoir muet brûle l’air enfin saturé de lettres/hurlements.

Catherine Andrieu, À la marge, 50 pages, 12 euros, éditions Unicité, 2025.

Pour conclure, en apportant à ce que j’ai écrit plus haut une noire lueur comme un éclairage, voici les premiers mots d’un courrier que Catherine a adressé à quelques-uns de ses lecteurs : « Vous avez, chacun d'entre vous, déjà pris soin de mon œuvre plusieurs fois, toujours avec talent et souvent avec une grande bienveillance, et j'ai conscience de vous avoir un peu « usés » au cours de cette année 2025 où écrire quinze heures par jour a été pour moi la seule solution pour ne pas crever. » Tout est dit !

Présentation de l’auteur

Catherine Andrieu

 Peintre plasticienne et poète, elle est l'auteure  d'une vingtaine de récits et recueils.

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Catherine Andrieu, À la marge

Écrire, écrire, écrire Un grand signe apparaît dans le ciel, une femme enveloppée de soleil. La lune sous ses pieds (la nuit est aussi un soleil chez Zarathoustra) et sur sa tête une [...]




Jacques Roubaud, Peut-être ou La Nuit de dimanche (Brouillon de prose). Autobiographie romanesque, Colin Lemoine, Hélène Cixous, Parlure

Le pacte menteur de l’autobiographie

Roubaud finit par oser une portion d’autobiographie après l'échec premier transformé en autobiographie de cet échec ( raconté dans "Le grand incendie de Londres"). Il s’ouvre sur un quatrain de Galaup de Chasteuil : « Je suis je ne suis plus je changerai mon estre / Cependant je seray sans qu’à jamais je soys / Ce que je fus icy mais non ce que j’estoys /S emblable me pouvant dissemblable cognoistre ».

Comme lui le poète de notre temps invente des choses de sa vie et prouve que le biographe se doit liberté et désinvolture par rapport à la vérité de sa vie (qui dans un tel genre ne cesse de changer). ; Il connaît donc l’écueil d’une forme forcément floue.

La force de la poésie est pour lui de ne pas faire de la biographie : elle a mieux à faire. Se raconter elle-même. Si bien que pour l’auteur le titre de chaque livre est sa seule autobiographie car immédiatement la vérité bouge. Et le texte bascule « dans le faux » en une suite de variations.

Sceptique sur tout et surtout au sujet rêve qui n’existe que dans son récit éveillé, l’auteur tombe dans l’invention jusqu’à aborder par son écriture sinon dans le roman du moins du romanesque en 23 chapitres en cinq modes de police de caractères, de couleurs (qui n’apparaît pas ici) et de type narratif. Tout s’écrit depuis une forme étrange et étrangère même si le poète a toujours tourné autour de plus en plus étranger à lui-même et dans une distance (celle du temps passé) qui le rend plus jeune.

Il rappelle que tout texte littéraire est en quête de son « nom propre », (chapitre 3) mais il reste incertain. Tout reste hypothèse et « opération » aussi mathématique que médicale. Au moment où sa « mémoire n’est plus qu’un souvenir » de plus en plus incertain, l’auteur revendique une « irresponsabilité brouillonne » qui néanmoins permet d’approcher un secret dont la révélation est d’autant plus sûre que lorsqu’elle paraît douteuse. L’« Autobiographe » est donc un roman presque vrai dont la « prose incongrue » prouve simplement que "Ce qui dépend du futur antérieur, c'est par exemple la conviction que l'on a que le soleil se lèvera demain."

Jacques Roubaud, Peut-être ou La Nuit de dimanche (Brouillon de prose). Autobiographie romanesque, Le Seuil, « La Librairie du XXIe siècle », 2018, 192 p., 20 €.

C’est la manière de ne pas aliéner l’écriture par l’existence. Parler la vie revient à affirmer que ce vœu (comme celui de l’amour ?) reste impossible.  Ajoutons toutefois qu’à celui à qui poserait la question Qu’est-ce que le “ sujet ” dans l’œuvre de Roubaud ? Sera répondu que le sujet est l’écriture elle-même, car c'est par elle que tout passe (infuse) et ne passe pas (barre). C'est elle qui pénètre le sujet plus que le sujet la pénètre. Preuve que la dichotomie fond/forme n’est pas aussi fallacieuse qu’on le prétend.

L’« excès » de proses prouve qu’il n’existe pas une vie mais des interprétations. Et que cette mise en forme devient la mise en place d’un auto-commentaire. C’est pourquoi il est toujours intéressant de revenir à  un texte dévoré, dévorant, troué, multiple mais néanmoins « un » qui s'approche de quelque chose d'essentiel en déliant les purs effets de réel de la pensée, de la spiritualité, de la sensualité.

∗∗∗

Voix et voie de Cixous

Dans ce superbe et rare hommage le devoir de la réalité est de rêver. Mais  pas n’importe laquelle. A sa manière « Monsieu songe ». Sa mémoire ici ne se perd pas dans le passé d’Hélène Cixous mais dans sa voix, son écriture, son physique, son érotisme. Colin Lemoine imagine des souvenirs devenant le prédateur physique, métaphysique et ailé ce celle dont la « bouche est un fruit de fraise et de cerise » et ses « ventre et vulve » son havre.

 

Pour lui tout l’enchante et le fascine dans ce qu’Hélène Cixous crée : à savoir de  l’infini sans trêves. Par sa passion pour il avance dans son secret, remonte à sa surface car forcément les mots le noircissent. Existe là un travail de piété, franchise et de presque folie, entre liberté et désinvolture. L’un est l’irresponsable brouillon. L’autre la fée autobiographe.

Telle est donc leur parlure en un vocabulaire parfois tordu chez la poétesse mais dont ses lignes sont droites. A chacun d’ailleurs  leurs cavernes  où universaux et animaux s’épanchent. Après tout sont leurs locuteurs semblables à un tel couple. 

Jamais n’existait jusque-là un texte aussi beau et intense sur une telle auteure. Peut-être lisant de tels mots elle est (parfois)  en colère, mais sa patience et son impatience à dévorer de telles pages l’apaise. Elle comprend et savoure que son laudateur sait que son inconnu l’attire. D’autant que de la propre ignorance de l’auteur,  la créatrice a toujours réglé ses erreurs.

En conséquence, un tel livre libère deux renaissances  Colin Lemoine sait que les recherches de l’auteure trouvent leur place au-delà de l’Histoire. Dans cette « adresse », l’émissaire et la réceptrice sont   enchaînés à une parole qui libère le silence parfois plus bas que le divin.. Mais si l’une et l’autre parfois s’endorment avec des souvenirs de la pensée, tout est fait pour réveiller un rêve oublié contre les cauchemars.

Colin Lemoine, Hélène Cixous, Parlure, Editions des cendres, 2025, 24 p.

Dans cette ode première la parole devient naturelle au risque de connaitre les limites de deux existences. Les mots de Lemoine disent la voix et l’écriture de celle qui voulut  sauver son enfance avec et au besoin des lettres « illisibles ». Par amour le « parleur » les traduit. Et c’est magnifique. Son cœur bat au rythme de Cixous. Son vide danse entre chaque lettre. Pensons alors à seux vers de Galaup de Chasteuil :  « Je suis je ne suis plus je changerai mon estre / Cependant je seray tant que tu soys  icy ». Et ici Cixous comprend ce que de tels mots de Colin Lemoine font et fondent.

Présentation de l’auteur

Jacques Roubaud

Jacques Roubaud, né le à Caluire-et-Cuire (Rhône) et mort le à Paris, est un poète, écrivain et mathématicien français.

Membre de l'Oulipo, il développe une œuvre abondante, qui comprend des ouvrages de prose, de poésie, des écrits autobiographiques et des essais. Il s'intéresse également à l'utilisation des mathématiques et de l'informatique pour l'écriture à contraintes oulipienne.

Jacques Roubaud reçoit plusieurs prix littéraires couronnant l'ensemble de son œuvre, notamment le grand prix national de la poésie (1990) et le grand prix de littérature Paul-Morand de l'Académie française (2008).

© Crédits photos Babelio

Bibliographie 

Poésie

  • , Gallimard, Paris, 1967
  • Trente et un au cube, Gallimard, Paris, 1973
  • Mezura, Éditions d'Atelier, Paris, 1975
  • Dors, précédé de Dire la poésie, Gallimard, Paris, 1981
  • Les Animaux de tout le monde, Paris, Ramsay, 1983 ; réédité en 1990 par Seghers.
  • Les Animaux de personne, Paris, Seghers, 1991
  • La pluralité des mondes de Lewis, Gallimard, Paris, 1991
  • La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains. Cent cinquante poèmes (1991-1998), Gallimard, Paris, 1999
  • Churchill 40 et autres sonnets de voyage, Gallimard, Paris, 2004
  • Quelque chose noir, recueil de poèmes, Gallimard, Paris, 1986 Ce recueil a été inscrit au programme d'admission de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud en 2007-2008 et au programme de la session 2026 des agrégations externes de lettres classiques, de lettres modernes et de grammaire.
  • Poésie, etcetera, ménage, Stock, Paris, 1995
  • La Fenêtre veuve. Prose orale, Théâtre Typographique, Courbevoie, 1996
  • Kyrielle, NOUS, Caen, 2003
  • Ode à la ligne 29 des autobus parisiens, Attila, 2012 (ISBN 978-2-917084-58-8)
  • Octogone. Livre de poésie, quelquefois prose, Gallimard, Paris, 2014
  • C et autre poésie (1962-2012), NOUS, Caen, 2015 (ISBN 978-2-370840-21-9)
  • Je suis un crabe ponctuel. Anthologie personnelle (1967-2014), Gallimard, Paris, 2016 (ISBN 978-2-910227-95-1).
  • Tridents, NOUS, Caen, 2019 (ISBN 978-2-370840-72-1)
  • Strophes reverdie, L'Usage, Paris, 2019 (ISBN 978-2-9566481-0-9)
  • Chutes, rebonds et autres poèmes simples, Paris, Gallimard, 2021[34],[35]
  • Cent sept plantes, L'Usage, Paris, 2023 (ISBN 978-2-9566481-7-8)

Prose

  • Trilogie d'Hortense (3 volumes publiés sur 6 prévus) :
    • La Belle Hortense, Ramsay, Paris, 1985 (rééd. Seuil, coll. « Points »)
    • L'Enlèvement d'Hortense, Ramsay, Paris, 1987 (rééd. Seuil, coll. « Points »)
    • L'Exil d'Hortense, Seghers (coll. « Mots »), Paris, 1990 (rééd. Seuil, coll. « Points »)
  • Le Grand Incendie de Londres
    • Le grand incendie de Londres : récit, avec incises et bifurcations : 1985-1987, Paris, Seuil, coll. « Fiction & Cie », no 117, 1989, 411 p. (ISBN 2-02-010472-5)
    • La Boucle, Paris, Seuil, coll. « Fiction & Cie », 1993, 579 p. (ISBN 2-02-019119-9)
    • Mathématique :, Paris, Seuil, coll. « Fiction & Cie », 1997, 279 p. (ISBN 2-02-030683-2)
    • Poésie :, Paris, Seuil, coll. « Fiction & Cie », 2000, 538 p. (ISBN 2-02-038176-1)
    • La Bibliothèque de Warburg : version mixte, Paris, Seuil, coll. « Fiction & Cie », 2002, 313 p. (ISBN 2-02-053461-4)
    • Impératif catégorique : récit, Paris, Seuil, coll. « Fiction & Cie », 2008, 255 p. (ISBN 978-2-02-091242-6)
      Ce volume constitue la deuxième partie de la troisième branche
    • La Dissolution, Caen, Nous, 2008, 532 p. (ISBN 978-2-913549-27-2)
  • L'Abominable Tisonnier de John McTaggart Ellis McTaggart, et autres vies plus ou moins brèves, Seuil, Paris, 1997
  • Ma vie avec le docteur Lacan, L'Attente, 2004
  • Nous, les moins-que-rien, fils aînés de personne. 12 (+1) autobiographies, Fayard, Paris, 2006

Essais

  • La Fleur inverse : essai sur l'art formel des troubadours, Ramsay, Paris, 1986
  • Quel avenir pour la mémoire ?, avec Maurice Bernard, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Littératures » (no 349), Paris, 1998
  • La Vieillesse d'Alexandre : essai sur quelques états récents du vers français, F. Maspero, Paris, 1978 (rééd. éditions Ivrea, 2000)
  • L'Invention du fils de Leoprépès, Circé, Saulxures, 1993
  • La Ballade et le chant royal, Les Belles Lettres, coll. « Architecture du verbe» , Paris, 1997
  • Sous le Soleil : vanité des vanités, Bayard, Paris, 2004
  • Lire, écrire ou comment je suis devenu collectionneur de bibliothèques, Presses de l'Enssib, 2012 (ISBN 978-2-910227-95-1)
  • Description du projet, NOUS, Caen, 2014
  • Poétique. Remarques. Poésie, mémoire, nombre, temps, rythme, contrainte, forme, etc., Seuil, coll. « La Librairie du xxie siècle », Paris, 2016 (ISBN 978-2-02-129549-8)
  • Co Va Ru - Vol. I Mètres, Rimes, formes, Martine Aboucaya & Yvon Lambert, Paris, 2021 (ISBN 978-2-9540208-1-5)
  • Co Va Ru - Vol. II Expositions, Célébrations, Fabrications, Martine Aboucaya & Yvon Lambert, Paris, 2021 (ISBN 978-2-9540208-2-2)

Conte

  • La Princesse Hoppy ou le Conte du Labrador, Hatier (coll. « Fées et gestes »), Paris, 1990 (rééd. Absalon, Nancy, 2008)

Écrits autobiographiques

  • Autobiographie, chapitre dix. Poèmes avec des moments de repos en prose, Gallimard, Paris, 1977
  • Ciel et terre et ciel et terre, et ciel, Flohic, Charenton, 1997
  • Peut-être ou la Nuit de dimanche (Brouillon de prose), Seuil, coll. « La Librairie du xxie siècle », Paris, 2018 (ISBN 978-2-02-138823-7)

Bibliothèque oulipienne

  • 22 fascicules de La Bibliothèque oulipienne (dont 2 sous le pseudonyme de La Reine Haugure)

Préface

  • Entretiens d'Étretat, avec Michel Chaillou, Canoë, 2020 (ISBN 978-2-490251-14-8)

Anthologies

  • Les troubadours : anthologie bilingue, Seghers, Paris, 1971
  • Soleil du soleil : anthologie du sonnet français de Marot à Malherbe, Gallimard, Paris, 1990
  • Quasi-Cristaux, Martine Aboucaya & Yvon Lambert, Paris, 2013 ; également disponible en ligne 
  • Esprit de résistance, dir. Jean-Yves Reuzeau pour la série L'Année poétique : 118 poètes d'aujourd'hui, Seghers, Paris, 2025 (ISBN 9782232148095)

Traductions

  • Mono no aware. Le Sentiment des choses. Cent quarante-trois poèmes empruntés au japonais, Paris, Gallimard, 1970.
  • Lewis Carroll, La Chasse au Snark, Paris, Garance, 1981 (réédition : Paris, Ramsay, 1986).
  • Charles Reznikoff, Testimony : the United States, 1885-1890 / Témoignage : les États-Unis, 1885-1890 : récitatif, Paris, hachette, 1981.
  • Traduire, journal, Paris, éditions NOUS, 2000 (ISBN 2-913549-03-9).
  • « Yhwh convoque » et « Dans le désert » (avec Marie Borel et Jean l'Hour), « Livre de Joël » (avec Jean l'Hour), « Paroles de Qohélet » et « Esther (grec) » (avec Marie Borel et Jean l'Hour), dans La Bible, Paris, Bayard, 2001.

En collaboration

  • avec Pierre Lusson et Georges Perec :
    • Petit traité invitant à la découverte de l'art subtil du go, Paris, Bourgois, 1969.
  • avec Octavio Paz, Edoardo Sanguineti & Charles Tomlinson
    • Renga (écriture poétique collective), Paris, Gallimard, 1971.
  • avec Florence Delay :
    • Graal théâtre : Gauvain et le chevalier vert, Lancelot du Lac, Perceval le Gallois, L'enlèvement de Guenièvre, Paris, Gallimard, 1977 De ce futur cycle de dix pièces, ils publient celles qui seront les III, IV, V et VI de la décalogie.
    • Graal théâtre : Joseph d'Arimathie, Merlin l'enchanteur, Paris, Gallimard, 1981 (pièces I et II de la décalogie)
    • Graal théâtre : Joseph d'Arimathie, Merlin l'enchanteur, Gauvain et le Chevalier vert, Perceval le Gallois, Lancelot du Lac, L'enlèvement de la reine, Morgane contre Guenièvre, Fin des temps aventureux, Galaad ou la Quête, La tragédie du roi Arthur, Paris, Gallimard, 2005.
  • avec Michel Chaillou, Michel Deguy, Florence Delay, Natacha Michel et Denis Roche :
    • L'Hexaméron, Paris, Le Seuil, coll. « Fiction & Cie », 1990.
  • avec Michelle Grangaud et Jacques Jouet :
    • La Bibliothèque de Poitiers, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999.
  • avec Anne F. Garréta :
    • Éros mélancolique, Paris, Grasset, 2009.
  • avec Jean-Paul Marcheschi :
    • Les Fastes, Montreuil-sous-Bois, Lienart, 2009 (ISBN 978-2-35906-009-6)
  • avec Jacques Jouet :
    • À Lorient, Rennes, éditions Apogée, 2010.

Thèses

  • Morphismes rationnels et algébriques dans les types d'A-algèbres discrètes à une dimension, thèse de doctorat, université de Rennes, 1967, Publications de l'Institut de statistique de l'université de Paris, vol. XVII, no 4, 1968, p. 1-77.
  • La Forme du sonnet français de Marot à Malherbe : recherche de seconde rhétorique, thèse de doctorat d'État, université Paris IV, 1990.

Prix et distinctions

Prix

  • 1986 : Prix France Culture, pour Quelque chose noir
  • 1990 : Grand prix national de la poésie du ministère de la Culture, pour l'ensemble de son œuvre
  • 1996 : Prix Théophile-Gautier pour Poésie, et cetera : Ménage
  • 2008 : Grand prix de littérature Paul-Morand de l'Académie française, pour l'ensemble de son œuvre
  • 2021 : Prix Goncourt de la poésie, pour l'ensemble de son œuvre
  • 2023 : Grand prix de poésie de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre poétique

Décoration

  •  Commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres (2014)

Poèmes choisis

Autres lectures




Éric Brogniet, Le nuage et la rivière

 Glissés entre des pages de neige, le nuage et la rivière d’Éric Brogniet

Le nuage et la rivière, deux éléments du monde, avec pour cadre le silence dans ce bord à bord avec l’infini comme un surcroît de présence : « Il n’est de livre sans blessure / Neige l’hiver, neige la vie ». Dans l’œuvre d’Éric Brogniet, le maximum d’appropriation est constitué par le maximum de dépropriation : « Il faudra donc se dénuder à l’os ». Le texte, « Le poème aux lèvres/ Nues » prend totalement sens lorsqu’on comprend, en un seul mouvement, les termes de réversion comme un « inaudible cri » dans l’échange des qualités opposées : « la brûlure et la glace ».

« La détresse et la clarté » évoquent paradoxalement une harmonie dans une tenue réciproque des contraires entre dehors et dedans : « Le paysage est à l’intérieur / De qui le regarde ». La montée en puissance ne se fait plus linéairement mais dans la courbe qu’implique l’équilibre des forces en tension : « Et la lucidité de ses décombres », intersectant deux mouvements recourbés contraires d’une logique dichotomique reprenant la phrase nervalienne : « La nuit est blanche et noire ». La force du poème rend possible l’échange, le vertige : « Un silence est-il aveu ou désaveu / Ou peut-être un simple vacillement / entre l’un et l’autre ? ». Cette démarche s’impose alors dans l’évidence immédiate d’une seule tenue, d’un même souffle : « Parce qu’il n’est nulle issue / Où l’on puisse dire / C’est ceci ou cela ».

Dans cet art poétique où le poète parlant « avec des lèvres de verre / Avec les mains du givre », doit pourtant laisser une trace et écrire « sur la neige le récit de [sa] vie », paraît la facilité parfaite de l’esprit poétique au plus haut du difficile, tout proche et difficile à saisir. « Mystère » que met également en exergue Éric Brogniet : « A chacun son énigme », son mystère, sa part d’ombre, et « sa part claire » qui constitue aussi « la réponse » : « Être […] / Et ne pas être n’est pas une option ». Le poème d’Éric Brogniet dans ce va-et-vient oxymorique manifeste une présence énigmatique, écliptique, comme un clin ou un battement, présence qui déroute toujours de nouveau le sens, la situation, la substance. 

Éric Brogniet, Le nuage et la rivière, La Taillis Pré, 2025.

Telle est l’exigence nécessaire, propre à cette poésie. Elle ne se donne qu’à côté d’elle-même, soudain et toujours de nouveau. Le poème est arrachement mais aussi rencontre, par un double mouvement, un rythme tout à la fois de séparation et de réconciliation, la poésie n’étant possible que dans la déchirure même et la nostalgie qu’elle induit comme un contrepoint nécessaire à la création d’un cristal de rythme : « Ni le cœur la clarté d’un cristal ». La poésie, c’est la vie, la question forant la question, la rencontre avec une couleur, des instants de merveille : « La rose est dans la rose ».

Quelque chose passe entre les bords du poème, des événements éclatent, des phénomènes fulgurent, la splendide apparition est constituée d’un air plus léger : « Ce qui vous traverse / Vous élève/ Vous allège ». Le soleil et un « bleu silence » créent la sublimité : « Ce qui en l’homme / Indique le sublime et la hauteur ». Malgré le petit univers souffrant de l’homme « son aptitude à se pourrir la vie », il reste, la surprise, la création, la soudaineté absolue : « La danse éblouie de l’univers », l’être étant l’unique événement où les événements communiquent. Comment ne pas reconnaître ce monde qui se donne à voir comblant comme une offrande le champ du regard : « Le saule sous la neige / Calligraphie / Du silence ». Voici la pulsation désirante l’être : « Ce fut sous le signe du soleil / Dans un jardin aux multiples charmes / Vertu des plus lointaines magies ». Ici, s’ouvre la possibilité d’une révolution poétique, venue sur des pattes de colombe. Et ce sont lignes nécessaires que ces retours aux événements fondateurs et aux origines du monde, là où se bâtissaient les montagnes et se dessinait la course des fleuves. Là où, portés par la poésie, nous rencontrerons la belle image du ciel et du fleuve « engendreurs de nuages ».

Le poète doit lier, transmettre l’éclair, restaurer le nuage de consonance, rapprocher l’infini et les hommes, devenir l’accord qui comme Empédocle défait et renouvelle le monde, « épargner », au sens de Rilke, de l’humain et du divin. La neige, la transparence, la lumière, le cristal. Chute de neige, chute de signes. « Rose noire » posée sur la neige.  Poudre sur le paysage. Gaze de givre sur les branches. Dans le poème, on écoute tomber la neige qui ne fait aucun bruit, on sourit au silence qui s’épaissit, au ciel qui se vide de sa nuit, à la terre qui redevient blanche. La blancheur du papier évoque la neige, l’encre est elle aussi comme une nuit blanche qui vous attend. Il s’agit alors de créer la neige, de faire neiger sur le papier « laisse vierge la page », de tenter de saisir par des signes l’insaisissable de la neige, et de la page.  Pourtant si la neige est bien de ce monde ci, elle est aussi autre chose, elle reste l’énigme, elle demeure le nom d’autre chose comme l’ouverture d’une dimension autre.

La neige constitue cet art poétique du retrait : « Ne rien écrire sur la neige », suggérant l’inscription d’une absence. L’écriture insaisissable de la neige reste de l’ordre de la retenue, du dessaisissement et d’une langue qui se dérobe constituée par des traces et des effacements. Le geste de l’écrivain est geste de distanciation, de dessaisissement, de retrait. Désormais la nudité est dénuement comme vœu de pauvreté « Sans craindre la neige ajoutée à la neige », comme voie de pauvreté.  La poésie, elle, se décline dans un dessaisir de brasier blanc et de neige. Le monde est tiré vers le blanc confondant la fin et le commencement. La poétique d’Éric Brogniet, est celle du fragile, de l’intouché qui forment une image de l’infini. La profusion du blanc, vite devenue l’idée d’une fuite ou d’un envol, enjoint de saisir avant que tout n’échappe, se contrastant de l’impression d’un noli tangere de neige. Le désir, l’impossibilité, de toucher la merveille laissent chance à la fragilité car le poète « a eu le temps d’imprimer leur filigrane sur la page ».

Présentation de l’auteur




Philippe Leuckx, Petites notes

Avec Petites notes, Philippe Leuckx nous livre ses sentiments de l’instant, entre maison et jardin, les rues de sa ville comme celles de Rome. Avec pudeur et sincérité, il ouvre les portes de l’intériorité, en toute intimité.

La sensibilité de l’auteur transperce les textes pour nous toucher en plein cœur. « on marche par défaut / sinon inadvertance / vers la vie / là au bord des grilles ».

De ces poèmes semés devant nos yeux émanent le silence et la solitude, la tristesse de l’absence et on devine, à connaître la vie de l’auteur, la disparition qui sous-tend chaque mot de ce beau recueil fait d’ombre et de lumière.

Une douce solitude plombe
le ciel
on regarde sans voir
comme si le jour
se défaisait déjà
dans l’ombre du silence (page 19)

Philippe Leuckx, Petites notes, Les Lieux-Dits, 2025, 32 pages, 7 euros.

L’enfance est là, salvatrice et porteuse d’espérance, « qui tient en main/un brin de ciel /  cette poudre de temps / qui efface chagrin et douleur ».

Car même si « Du bonheur / on ne sait presque rien », l’auteur nous confie « parfois un rien de regard / sauve du néant ».

On accompagne volontiers l’auteur dans sa quête de faire « cause commune/avec le silence ».

Présentation de l’auteur

Philippe Leuckx

Philippe Leuckx est écrivain et critique. Après des études de lettres et de philosophie, il consacre son mémoire de licence à Marcel Proust avant d'enseigner au Collège Saint-Vincent à Soignies.

Poète, critique, il collabore à de nombreuses revues littéraires francophones (Belgique, France, Suisse, Luxembourg) et italiennes.

Bibliographie

Poésie

a) livres, plaquettes

  • Une ombreuse solitude, 1994, L'arbre à paroles.
  • Poèmes d'entre-nuits, 1995, Le Milieu du jour (F).
  • Comme une épaule d'ombres, 1996, L'arbre à paroles.
  • Le fraudeur de poèmes, 1996, Tétras Lyre.
  • Et déjà mon regard remue la cendre, 1996, Clapàs. Préface de Philippe Mathy(F).
  • Une sangle froide au cœur, 1997, L'arbre à paroles.
  • Une espèce de tourment ?, 1998, L'arbre à paroles.
  • Nous aurons, 1998, Clapàs. Préface de Marcel Hennart (F).
  • Puisque Lisbonne s'écrit en mots de sang, 1998, Encres Vives (F).
  • Un obscur remuement, 1999, La Bartavelle (F).
  • Un bref séjour à Nad Privozem, 2000, Encres Vives (F).
  • La main compte ses larmes, 2000, Clapàs. Préface de Frédéric Kiesel (F).
  • Le fleuve et le chagrin, 2000, Tétras Lyre.
  • Poèmes de la quiétude et du désœuvrement, 2000, L'arbre à paroles.
  • La ville enfouie, 2001, Encres Vives (F).
  • Celui qui souffre, 2001, Clapàs. Préface de Georges Cathalo (F).
  • Poèmes pour, 2001, La Porte (F).
  • Touché cœur, 2002, L'arbre à paroles.
  • Sans l'armure des larmes, 2003, Tétras Lyre.
  • Faubourg d'herbes flottantes, 2003, La Porte (F).
  • Te voilà revenu, 2004, Les Pierres. Préface de Pierre Dailly.
  • Rome cœur continu, 2004, La Porte (F).
  • Errances dans un Bruxelles étrange, 2004, Encres Vives (F).
  • La rue pavée, 2006, Le Coudrier. Présentation de Jean-Michel Aubevert.
  • En écoutant Paolo Schettini, 2006, Encres Vives (F).
  • Résonances (en collaboration), 2006, Memor.
  • Photomancies (en collaboration), 2006, Le Coudrier.
  • L'aile du matin, 2007, La Porte (F).
  • Un dé de fatigue, 2007, Tétras Lyre.
  • Étymologie du cœur, 2008, Encres Vives (F).
  • Rome rumeurs nomades, 2008, Le Coudrier. Postface de Walter Geerts.
  • Résistances aux guerres (en collaboration), 2008, CGAL.
  • Périphéries, 2008, Encres Vives (F).
  • Terre commune (en collaboration), 2009, L'arbre à paroles.
  • Le cœur se hausse jusqu'au fruit, suivi de Intérieurs, 2010, Les Déjeuners sur l'herbe.
  • Le beau livre des visages, 2010, Bookleg no 67, Maelström.
  • Selon le fleuve et la lumière, 2010, Le Coudrier.
  • Passages,(en collaboration), 2010, L'arbre à paroles.
  • Piqués des vers, 2010, Espace Nord no 300.
  • Rome à la place de ton nom, 2011, Bleu d'encre.
  • De l'autre côté, (en collaboration), 2011, L'arbre à paroles.
  • Dans la maison wien, 2011, Encre Vives (F).
  • D'enfances, 2012, Le Coudrier.
  • Métissage, (en collaboration), 2012, L'arbre à paroles.
  • Un piéton à Barcelone, 2012, Encres Vives (F).
  • Au plus près, 2012, Ed. du Cygne (F).
  • Déambulations romaines,(en collaboration), 2012, Ed. Didier Devillez.
  • Quelques mains de poèmes, 2012, L'arbre à paroles.
  • Dix fragments de terre commune, 2013, La Porte (F).
  • Momento nudo, (en collaboration), 2013, L'arbre à paroles.
  • D'où le poème surgit, 2014, La Porte (F).
  • Lumière nomade, 2014, Ed. M.E.O.
  • Carnets de Ranggen , 2015, Le Coudrier.
  • L'imparfait nous mène, 2015, Bleu d'encre.
  • Etranger, ose contempler, 2015, Encres Vives, coll. Lieu (F).
  • Les ruelles montent vers la nuit, 2016, Ed. Henry, coll. La main aux poètes (F).
  • D'obscures rumeurs, 2017, Ed. Petra, coll. Pierres écrites/ L'oiseau des runes (F).
  • Ce long sillage du coeur, 2018, Ed. la tête à l'envers (F).
  • Une chèvre ligure à Ischia, 2018, Encres Vives, coll. Lieu (F).
  • Maisons habitées, 2018, Bleu d'encre.
  • Le mendiant sans tain, 2019, Le Coudrier.
  • Doigts tachés d'ombre, 2020, Editions du Cygne (F).
  • Poèmes du chagrin, 2020, Le Coudrier.
  • Solitude d'une sente, 2020, Les Chants de Jane n°24.
  • Nuit close , 2021, Bleu d'encre.
  • Prendre mot, 2021, Dancot-Pinchart
  • Rien n'est perdu Tout est perdu, 2021, Les Lieux Dits (F).
  • Le rouge-gorge, 2021, Ed. Henry, coll. La main aux poètes (F).
  • Frères de mots, 2022, Le Coudrier, en collaboration avec Philippe Colmant.

b) en revues

  • Paume tournée vers le temps, , Arpa n°56 (F).
  • Heure de fronde lente, 1997, Estuaires n°31 (L).
  • Heure de fronde lente, printemps 1998, Ecriture n°51 (S).
  • Heure de fronde lente, été 1998, Courant d'ombres n°5 (F).
  • Le ramasseur d'ombres, 1998, Multiples n°55 (F).
  • Quelques grelots de fête, , Sources n°22.
  • Une paix trop friable, 2001, Pollen d'azur n°13.
  • Dans l'ampleur heureuse, 2002, Pollen d'azur n°17.
  • Une ombreuse solitude, frammenti, nov-déc. 2002, Issimo n°34 (Palermo), traduction en italien par Bruno Rombi.
  • Nos demeures et nos mains, 2003, Pollen d'azur n°21.
  • Poèmes, été 2004, Le Fram n°11.
  • Les 16 élégies de ruine, 2004, Multiples n°64 (F).
  • La ville enfouie, frammenti, mars-, Issimo no 42, traduction en italien par Bruno Rombi.
  • Elégie du nomade, 2006, Bleu d'encre n°16.
  • Heure proche, 2007, Bleu d'encre n°17.
  • Rome nuit close, automne 2007, Traversées no 48.
  • Un cœur nomade, extraits, , Autre Sud no 46.
  • Piéton de Rome, frammenti, , Issimo no 67, traduction en italien par Bruno Rombi.

Critique

  • Jacques Vandenschrick,1998, Service du Livre Luxembourgeois.
  • Mimy Kinet, 2000, Service du Livre Luxembourgeois.
  • Michel Lambiotte, 2001, Service du Livre Luxembourgeois.
  • Claude Donnay, 2002, Service du Livre Luxembourgeois.
  • Sallenave : une mémorialiste des vies ordinaires, , Francophonie Vivante n°4.
  • André Romus, 2003, Service du Livre Luxembourgeois.
  • Paul Roland, 2003, Service du Livre Luxembourgeois.
  • Retour à Léautaud?, extraits de Journal de dilection, , Francophonie Vivante n°3.
  • Anne Bonhomme, 2004, Service du Livre Luxembourgeois.
  • Frédéric Kiesel : La recherche du mot juste, , La Revue Générale n°6-7.
  • Ecrire est égal au sang qui manque in Dominique Grandmont, , Autre Sud n°30 (F).
  • Echelle I de Dominique Grandmont, , Francophonie Vivante n°1.
  • Relire Curvers : Tempo di Roma, , Francophonie Vivante n°2.
  • Philippe Besson chez nous, , Francophonie Vivante n°3.
  • Hubert Mingarelli ou le traité de tendresse, , Francophonie Vivante n°1.
  • Bertrand Visage et l'atmosphère du Sud, mars-, Reflets Wallonie-Bruxelles.
  • Rose-Marie François et ses Carnets de voyage, , Francophonie Vivante n°3.
  • Annie Ernaux. Les Années", , La Revue générale n°10.
  • Petit abécédaire. De Belamri à Zrika : huit auteurs entre langue et filiation. Assia Djebar, Tahar Ben Jelloun, Mohamed Choukri, Abdellah Taia, Wassyla Tamzali, Rabah Belamri, Rachid Mimouni, Abdallah Zrika, , Francophonie Vivante n°4.
  • Pavese ou le métier de lire le monde-poème, , Rumeurs n°4.
  • Le cœur même des victimes, étude sur Simenon, Cahiers Simenon n°31, , pp.50-56.
  • Les entrelus de Philippe Leuckx, Aux hautes marges, Le Coudrier, 2021.

Narration

  • Célina D, 1er trimestre 2004, Le Spantole no 335.
  • Proses romaines, 2005, Pollen d'azur n°25.
  • Variations oulipiennes sur les trois glorieuses, 2007, Français 2000.
  • Rendez-vous en Sardaigne, hiver 2007, Bleu d'encre n°18.
  • Difficile de quitter Rome, 2e trimestre 2008, Le Spantole n°352.

Prix et bourses

  •  Bourse d'écriture 1994 de la Communauté française
  • Prix Pyramide 2000 de la Province de Liège
  • Bourse de résidence d'écrivain à l'Academia Belgica de Rome en 2003, 2005, 2007
  • Prix Emma-Martin 2011 de poésie pour Selon le fleuve et la lumière, décerné par l'Association des écrivains belges de langue française.
  • Prix Gros Sel 2012 - Prix du jury pour Au plus près.
  • Prix Robert Goffin 2014 pour Lumière nomade (Ed. M.E.O).
  • Prix Maurice et Gisèle Gauchez-Philippot 2015 pour Lumière nomade (Ed. M.E.O).
  • Prix Charles Plisnier 2018 pour L'imparfait nous mène (Ed. Bleu d'encre).

Autres lectures

Philippe Leuckx, Lumière nomade

« Rome, me disait un ami érudit, est un grand estomac qui peut tout digérer, parce que son suc profond est baroque. » Philippe Leuckx aussi, à sa manière, est un érudit. Lecteur prolifique, cinéphile, [...]

Philippe Leuckx, Prendre mot

Quelque chose se finit. Le soir est là. C’est le moment de Philippe Leuckx. Celui qui rythme musicalement nombre des poèmes de ce recueil. Un cœur endeuillé déplore « l’absence », [...]

Philippe Leuckx, Matière des soirs

 Lorsque j'eus refermé ce livre après ma première lecture, ma pensée fut tout entière condensée par cette impression : c'est le livre du chagrin. Elle fut certes influencée par le mot, employé maintes fois [...]

Philippe Leuckx, Petites notes

Avec Petites notes, Philippe Leuckx nous livre ses sentiments de l’instant, entre maison et jardin, les rues de sa ville comme celles de Rome. Avec pudeur et sincérité, il ouvre les portes de [...]




Pierre Bergounioux /Joël Leick, Déplier le monde, Marie-Françoise Ghesquier, Comme de royales abeilles

Le bal des ardents : Bergounioux et Leick

La peinture ne recouvre pas, elle dégrade, fragilise les peaux. Mais avec Joël Leick elle fait plus car elle devient moirée et transparente : on voit à travers. D’où le piège où tombent les écrivains.

. Ils croient trouver là le moyen de faire passer le texte au miroir grossissant. Mais leurs mots ne sont plus que des restes, des passés de et sous silence sans que leurs auteurs ne comprennent vraiment la mort sans sépulture que le peintre leur propose.

Cette transparence en effet laisse voir les mots comme jamais : ils deviennent des victimes dégagées de la terre et exposés dans une châsse qui ne pardonne rien. Ils doivent expier ainsi l’injure faite à chaque corps humain qui s’est mêlé d’en faire des étapes de leur vie - et parfois de leur souffrance. C’est donc une épreuve impossible sauf à ceux chez qui la littérature entre en résistance contre la mort que l'on se donne ou qui nous est donné : avec Bergounioux en premier.

Il mène avec Leick un bal des ardents. L’auteur y déploie un regard lucide sur notre civilisation, percutée par l’ère industrielle, son expansion urbaine et sa chute. Cette accélération de l’histoire a précipité le monde dans un déclin perpétuel. Capharnaüm visuel et sonore, notre société transforme les paysages et menace jusqu’à l’équilibre même de la planète : partout, les vestiges du passé – et déjà du présent :

Pierre Bergounioux/Joël Leick, Déplier le monde, Fata Morgana Fontfroide le Haut, 2025, 80 p., 18 €.

Tout a changé, les thèmes, les moyens mis en œuvre, la durée de l’effet. Une chose demeure, qui est l’aptitude intacte à saisir la beauté exilée, comme nos croyances et notre espoir, dans les décombres de la modernité,  écrit un tel poète.

Leick ouvre des interstices à Bergounioux pour lui permettre de développer une parole proche de ses désirs fondamentaux même lorsqu’ils ne peuvent en dire plus a priori sur ce point. Se retrouve une donnée sinon fondamentale du moins première de leur démarche foncière, naturelle. Leick “ sent ” d’ailleurs son “ interlocuteur ” et sait comment engager le dialogue avec lui tout en poussant un peu plus loin sa recherche active et actée

Le peintre casse la propre langue de l’auteur de manière de l’engager dans l’espace. Ainsi en offrant au poète cette manière de travailler il  tente de faire sauter les verrous de divers mystères. De la sorte, toute une masse subsiste, épaisse qui signale une présence.  On comprend qu'à ce point la peinture ne cherche pas à parfaire par d'adjonction de la langue quelque chose de léché, mais, qu'à l'inverse il tente de défaire ce qui est trop construit et maîtrisé autant dans le domaine du monde tout en mettant en branle le fonctionnement direct de cette charnière peinture/écritture.

Espace de l'imaginaire plus qu'espace de l'image le travail de l’artiste se veut donc totalisateur jusque dans sa fragmentation, ses éclats et ses coupes sombres.  Car ce qui compte ce n'est pas de trouver ces "impossibles invariants" dont parlait Foucauld mais de toucher à quelque chose qui, dans la poésie, ne bougerait pas sans l’intervention proposée par Leick. Sa manière d’  “ entrer en matière ” à travers les coulées de Bergounioux devient une façon d'entrer en dissidence ou si l’on préfère de créer des subversions. Mais leur double Le travail n’est donc pas une néantisation, pour reprendre un terme sartrien, mais de dénuement.

Une telle entreprise devient une opération (à tous les sens du terme) nécessaire. Se créent des transferts non par impression mais par l'ouverture dans la cagvité. Et par ce biais existe une liberté qu’initie l’artiste :  elle n'est pas un laisser-aller mais un laisser (se) faire.   Se créent des glissements aussi nécessaires qu'intempestifs capables de nous permettre de lire autrement, de voir autrement c'est-à-dire mieux.

Soudain, ce qui demeure dans la langue l’auteur ce ne sont plus les phrases trop bien faites mais leurs lacunes. Il ne s’agit pas pour autant de passer au silence mais de montrer ce qui passait ou était passé sous silence. Grâce à Joël Leick la parole (offerte, invitée) ne peut plus ignorer de doute.  La voix du poète n’est pas seulement crue elle est cuisante. Elle ne lustre plus dans le sens du poil. Elle démange, et l’artiste propose par ses interventions d’ajouter chaque fois un peu plus de poils à gratter. C’est ainsi que mots et clichés basculent : noués-dénoués ils provoquent des éboulements dans lesquels se tord le réel, pour donner autre chose qu’une apparence de réalité.   

∗∗∗

Marie-Françoise Ghesquier : ode et défense de l’existence

Pour Marie-françoise Ghesquier l’exploration de l’intimité si souvent sa complaisante chez les poètes ne joue ici ni  un rôle primordial, ni une dérive de fabrication de fantasmes. Sans que son moi – tant s’en faut – soit haïssable, l’auteure s’abandonne aux racines de la vie végétale, animale, géologique.

La poète transforme sa mutation : sortie de l’eau, la terre et le ciel s’en mêlent. Certes nous rêvons d’épouser son pouvoir comme celui de royales abeilles venant d’essaimer. Mais là où le titre devient à dessein un chausse-trappe, notre empire se délite même si des saumons lèvent l’onde « pour bleuir le ciel » pimenté de cris d’oiseau.

Toutefois une vision bienveillante capitule même si certains engagements seraient probants. De la légende première et de cette résurgence émerge une telle poésie de l’existence, image notre destin mais pas celui attendu. Certes une beauté du style puissant, lucide, coruscant côtoie le drame humain (et ses cendres).

Au pied de sa propre falaise notre éboulement nous appartient. Il devient notre cosmos jusqu’à sa « lumière matricielle qui allonge nos ombres » Pour preuve nous passons sous son ciel cou coupé  et sa terre de  décombres où se dissipe ce qui faisait jusque-là l’existence.

La vision de Marie-Françoise Ghesquier est vibrante mais tragique. Même si un espoir reste de manière interrogative. Bref rien n’est donné de probant là où le commencement de la ruine devient sa répétition entre lenteur et douleur des jours.

Marie-Françoise Ghesquier, Comme de royales abeilles, coll. Poésie, Cardère Editions, 68 p., 15 €

Le chaos nous jouxte et l’auteure n’est pas dupe : « Je suis comme lumière criblée de blanc lézardée d’inquiétude et cinglée d’un retour en rafale de mes fragments ». Si bien que, si l’amibie porte son lot de lumière, rien n’est gagnée.  Et si la créatrice rêve de reines des abeilles, les voici sapées par le vent. Ne reste que le squelette de la terre et son anéantissement, nos aveuglements et nos terreurs parfaites.

Pas question ici d’en faire un des ravissements masochistes. Mais le plus grand art de la poésie. Il nourrit la seule pensée : celui d’un testament cruel. Se crée aussi un autre rapport à l’environnement mais aussi une exploration du sens de l’existence. Une telle recherche passe ainsi la voie de la tige des plantes, des salamandres « en spirale infinie et leurs yeux clos de jade » et  « l’Amibe aux écailles de poisson et à bec d'oiseau pour sortir de l'oubli ».

Dans ces voies mais aussi celle des schiste Marie-françoise Ghesquier contourne la poudre de l’ombre  de nuits blanches et de marges de clairs obscurs. Les corps écoutent ce qui glissent entre leurs doigts : le sable d’une grève et parfois nos futures cendres alimentent notre repère là où la vie une lisière indécise.

Ici les évocations restent pudiques et prudentes entre notre future absence mais ce qui la précède : l’état d’éveil et de rêve. Une telle femme réchauffe l’âme en un tel bilan qui se veut bref et corrosif. Tout demeure pourtant impénétrable. Ici l’absence n’est pas expansive mais devient la délectable contraction du temps.

Tout reste sensuel mais subtilement décalée. Tout est troublant. L’auteure allie moins l’ascèse du tigre et l’exubérance de l’escargot à celles de l’amibie ou de l’abeille pour entamer des prises qui sculptent les corps là où la sensualité prend des formes paradoxales.

Après le temps très ancien du Japon classique et celui du Covid récent, ce livre rassemble ces feuillets de notre corps - même s’il devient au fil des ans délétère mais encore inspiré. Si bien qu’en une telle spéculation poétique, exilée de son propre exil, l’auteure voudrait oser de mieux en mieux, de plus en plus. Mais ici elle se fait gorgone et mélusine. Mais pour éviter le rôle des annonces apocalyptiques., elle avale le temps. Plus que Dieu, une telle poésie nous sauve.

Présentation de l’auteur

Pierre Bergounioux

Pierre Bergounioux est né en 1949 à Brive. Ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé de lettres modernes, il a exercé comme professeur, critique littéraire, sculpteur et écrivain : son premier roman Catherine, paraît chez Gallimard en 1984. Une carrière prolifique s’ensuit jalonnée de récompenses : le Prix Alain-Fournier 1986 qui salue sa plume naissante, le Prix France Culture 1995 pour Miette (Gallimard), le Grand Prix de littérature de la SGDL, le Prix Virgile 2002 et le Prix Roger-Caillois 2009.

Ces trois derniers, tout comme le Prix de la langue française, saluent l’ensemble d’une oeuvre abondante, d’inspiration autobiographique, qui se lit comme un seul livre centré sur l’identité et le passage du temps, avec la Corrèze en toile de fond.

Bibliographie

Récits

  • Catherine, Gallimard, , 176 p.
  • Ce pas et le suivant, Gallimard, , 191 p. 
  • La Bête faramineuse, Gallimard, , 240 p.
  • La Maison rose, Gallimard, , 165 p. 
  • L'Arbre sur la rivière, Gallimard, , 192 p.
  • C'était nous, Gallimard, , 149 p.
  • La Mue, Gallimard, , 131 p.
  • L'Orphelin, Gallimard, , 196 p. ; rééd. coll. « L'imaginaire », 2009
  • Le Matin des origines, Verdier, , 48 p.
  • Le Grand Sylvain, Verdier, , 66 p. 
  • La Toussaint, Gallimard, , 144 p. 
  • La Casse, Fata Morgana, , 54 p.
  • Points cardinaux, Fata Morgana,
  • Miette, Gallimard, , 160 p. ; rééd. Folio, 1996 — prix France Culture
  • La Mort de Brune, Gallimard, , 144 p. ; rééd. Folio, 1997
  • Le Bois du chapitre, éditions Théodore Balmoral, , 60 p.
  • Le Chevron, Verdier, , 56 p.
  • Kpélié, Flohic éditeur, , 89 p. 
  • La Ligne, Verdier, , 74 p.
  • L'Empreinte, éditions François Janaud, , 57 p. ; rééd. Fata Morgana, 2007 ; rééd., 2021.
  • La Demeure des ombres, éditions Art & arts, , 42 p. ; réimpression, 2017
  • Le Premier Mot, Gallimard, , 94 p.
  • Simples, magistraux et autres antidotes, Verdier, , 73 p. 
  • Un peu de bleu dans le paysage, Verdier, , 104 p.
  • Les Forges de Syam, éditions de l'Imprimeur,  ; rééd. Verdier poche, 2007
  • B-17 G, Flohic, , 83 p. ; rééd. éditions Argol, 2006 ; rééd. éditions Fata Morgana, 2023
  • Back in the sixties, Verdier, , 52 p.
  • Le Fleuve des âges (dessins de Philippe Ségéral), Saint-Clément-de-Rivière, Fata Morgana,  
  • La Fin du monde en avançant, Fata Morgana, , 58 p. ; rééd., 2011
  • L'Invention du présent, Fata Morgana, , 113 p.
  • Couleurs, Fata Morgana, , 36 p. 
  • Le Baiser de sorcière, Argol,
  • Trois années, Fata Morgana,
  • Trente mots, Fata Morgana, , 152 p.
  • Univers préférables (dessins de Philippe Ségéral), Fata Morgana,  
  • Un abrégé du monde, Fata Morgana, , 41 p.
  • Signes extérieurs (dessins de Philippe Cognée), Fata Morgana, , 40 p.
  • Une chambre en Hollande, Verdier, , 56 p.
  • Chasseur à la manque (dessins de Philippe Ségéral), Gallimard, coll. « Le cabinet des lettrés », , 46 p
  • Hôtel du Brésil, Gallimard, coll. « Connaissance de l'inconscient », , 68 p. 
  • François, Fario, coll. « Théodore Balmoral »,
  • Métamorphoses (dessins de Philippe Comar), Fata Morgana, , 40 p. 
  • Russe, Fario, coll. « Théodore Balmoral », , 48 p.
  • La Gorge (ill. Vincent Bioulès), Fata Morgana, , 48 p.
  • Les Oiseaux, Paris, Belopolie, coll. « Penser, décider, agir », , 32 p. 
  • Steraspis speciosa/Voir l'abeille, le trèfle (avec la photographe Anaïs Tondeur), Épousées par l'écorce, , 42 p. 
  • Le Bois du Chapitre, Verdun, 14-18, Fario, coll. « Théodore Balmoral »,  
  • Ne se perd ni ne meurt (avec un herbier de Marinette Cueco), Saint-Benoît-du-Sault, Tarabuste,

Carnets de notes

  • Carnet de notes. 1980-1990, Verdier (2006)
  • Carnet de notes. 1991-2000, Verdier (2007)
  • Carnet de notes. 2001-2010, Verdier (2011)
  • Carnet de notes. 2011-2015, Verdier (2016)
  • Carnet de notes. 2016-2020, Verdier (2021)

Essais

  • La Cécité d'Homère : cinq leçons de poétique rédigées pour être lues à la Villa Gillet durant l'automne 1994, éditions Circé, , 115 p. 
  • Haute Tension, éditions William Blake & Co. (1996)
  • La Puissance du souvenir dans l'écriture : L'effet Zeigarnik, éditions Pleins Feux, , 39 p. 
  • Aimer la grammaire, Nathan, , 63 p.
  • Jusqu'à Faulkner, Gallimard, , 160 p. 
  • Agir, écrire, Fata Morgana, , 99 p.
  • Bréviaire de littérature à l'usage des vivants, Bréal, , 379 p. 
  • École : mission accomplie, éditions les Prairies ordinaires, , 202 p.
  • Années folles, Circa 1924 (2008)
  • Deux querelles (Une cadette épineuse suivi de L'Humanité divisée), éditions Cécile Défaut (2009)
  • Deux écrivains français, éditions Fario (2009)
  • Lettre de réclamation à la régie du temps, lavis de Jean-Baptiste Sécheret, Circa 1924, 2012
  • Géologies, Récit Galilée, , 46 p.
  • Le Style comme expérience, L’Olivier, , 80 p.
  • Une passion française, William Blake and Co (2014)
  • Exister par deux fois, Fayard, , 300 p.
  • Cousus ensemble, Galilée (2016)
  • Esthétique du machinisme agricole, avec un texte de Pierre Michon, Le Cadran ligné (2016)
  • La Notice, William Blake and Co (2016)
  • Raconter, William Blake and Co (2016)
  • Rendre la parole - Les larrons de William Faulkner, Le Bord de l'eau (2017)
  • En vitesse, avec les dessins de Philippe Hélénon, Fata Morgana (2018)
  • Lundi, Galilée (2019)
  • Faute d'égalité, Gallimard, coll. « Tracts », , 32 p.
  • Enfantillages, L'Herne (2019)
  • Globalisation, Gallimard, coll. « Tracts de crise », , 8 p. 
  • Une femme à l’œuvre, Le Rosier grimpant, coll. « Aiguillons », , 28 p.

Récompenses

Prix littéraires

  • 1986 : prix Alain-Fournier
  • 1995 : prix France Culture pour Miette
  • 2002 : grand prix de littérature de la SGDL pour l’ensemble de l’œuvre ; prix Virgile
  • 2009 : prix Roger-Caillois pour l'ensemble de son œuvre
  • 2021 : prix de la langue française

Distinction

  • 2010 : officier de l'ordre des Arts et des Lettres

Expositions (sélection)

  • Musée Labenche, Brive-la-Gaillarde, 2014
  • Église Saint-Pierre, Tulle, 2013
  • Librairie-galerie Les extraits, Rueil-Malmaison, 2011
  • Médiathèque municipale, Tulle

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Marie-Françoise Ghesquier

Née en 1966, Marie-Françoise Ghesquier a étudié les Langues étrangères appliquées à l’université Lumière Lyon II. Elle vit actuellement en Saône-et-Loire, près de Chalon-sur-Saône.

© Crédits photos Babelio

Bibliographie

Aux confins du printemps, Encres Vives
À hauteur d’ombre (Cardère, 2014)
La parole comme un cristal de sel (Cardère, 2016)
De tout bois si (Éditions Henry – Collection La main aux poètes, 2017)
Danse en résistance (Éditions Jacques Flament, 2021)
Le pont suspendu (Éditions Rafael de Surtis, 2022).

Poèmes choisis

Autres lectures

Marie-Françoise Ghesquier, De tout bois si

Traductrice de formation, Marie-Françoise Ghesquier (qui a aussi signé Di Fraja) vit près de Chalon-sur-Saône. Elle écrit dans des revues (Décharge, Comme en Poésie,Traction Brabant, Nouveaux délits), et a publié trois recueils : Aux [...]

Marie-Françoise Ghesquier, De tout bois si

Traductrice de formation, Marie-Françoise Ghesquier (qui a aussi signé Di Fraja) vit près de Chalon-sur-Saône. Elle écrit dans des revues (Décharge, Comme en Poésie, Traction Brabant, Nouveaux délits), et a publié trois recueils : Aux [...]




Yves Colley, Signature infinie précédé de Peuples

Les peuples dont il est question dans la première partie du livre tirent réalité d'une vision assez mythologique, relatée à l'imparfait, close définitivement, avec les secousses de l'histoire, et que le narrateur rameute en apostrophes guerrières.

Ces poèmes en prose, assez étranges, font appel à toute une errance dans des villages incertains, qui sonnent à coups de "seaux", de "cordes", de présences qui "coulent".

Effets de langue, les personnages ont "des caves éventrées sur la langue", dans "des villages qui s'effacent".

Assez proches de la mythologie d'un Henri Michaux, les poèmes déroulent des vérités, et chacun "mange ses clefs", dissocie ses mains, joue au "dé", les temps sont d'étranges morceaux de ciel couvert.

Le poète, dans ce troisième opus, emprunte les allées d'un certain hermétisme auquel il allie les sursauts fantasques d'une enfance pleine de "bêches", d'abreuvoirs.

La langue, souvent citée comme en méta-poésie, épèle parfois la réalité à renfort d'aphorismes : "Langage et animalité : de l'un à l'autre je cherche un visage".

Que le lecteur ne cherche pas trop de sens ni de voie à cette poésie quelquefois altière (on pense à du Bouchet ou à Bonnefoy), qu'il lui suffise de dénombrer les images somptueuses sur un fond impénétrable d'où surgissent des noms à la Tolkien.

Yves Colley, Signature infinie précédé de Peuples, Le taillis pré, 2025, 114 p.; 18 euros.

Présentation de l’auteur

Yves Colley

Yves Colley est né le 13 février 1968 à Bourgeois, en Belgique.

Il est licencié en philologie romane et en psychologie.

© Crédits photos https://spes.be/laureat?cat=2&id=142

Bibliographie 

Le nom dépossédé, Les Éperonniers (1999)

Poèmes choisis

Autres lectures

Yves Colley, Signature infinie précédé de Peuples

Les peuples dont il est question dans la première partie du livre tirent réalité d'une vision assez mythologique, relatée à l'imparfait, close définitivement, avec les secousses de l'histoire, et que le narrateur rameute [...]




Poétique d’un désastre annoncé par un collectif d’auteurs de la revue la page blanche, d’après les discours de Greta Thunberg

Les éditeurs annoncent que « l’objectif du recueil est double : d’abord, traduire et publier les discours de Greta Thunberg pour les rendre immédiatement accessibles au public français. Mais aussi, extraire et révéler leur contenu poétique en les mettant en parallèle avec des textes – poèmes en vers ou en prose – d’auteurs de la revue de poésie La Page blanche. Un discours / un poème. L’un délivre le message, l’autre l’intègre et le reformule à travers la sensibilité du poète » ; et de conclure : « La poésie est la mieux placée pour atteindre le nœud du problème écologique : la transmission sensible d'un vivant à un autre vivant, d'un cœur à un autre, du caractère poétique et tragique du désastre qui s’annonce. »

Cet objectif est-il atteint ? Pour ce qui est de la traduction des discours, c’est certain. L’accompagnement en écho des neuf poètes de Lpb vient ponctuer cette publication. Mais personnellement je n’ai pas saisi, ni goûté, l’intérêt poétique, politique et écologique de cette entreprise. Entendons-nous, ce n’est ni l’engagement de Greta ni les poèmes publiés qui sont en cause, mais le mariage des deux. 

Expliquons-nous et d’abord levons un scrupule moral : demander à « Recours au poème » la réception d’un livre pour le chroniquer sur la simple foi d’une couverture et d’un titre, est à la foi un pari et un engagement. Un pari (à moins de connaître déjà l’auteur on ignore tout du contenu), un engagement moral à chroniquer l’ouvrage reçu, et cela va de soi de manière plutôt bienveillante, le monde de la poésie est forcément pluriel.

Je dois confesser ici ma gêne, mon embarras, mon désarroi à la découverte de l’ouvrage. Sur la foi d’un titre percutant, à la fois poétique et politique, je m’attendais à tout autre chose : de quoi est fait l’ouvrage ?

Les 9 discours de Greta de mars à septembre 2019 sont intégralement reproduits, chacun accompagné d’un poème émanant de 9 poètes différents or les deux tiers du livre (56p) sont occupés par les discours, les poètes occupent seulement 19p et une postface de 12p.

Entendons-nous ici aussi : les discours de Greta non rien de poétique ni de littéraire ; La jeune fille (16 ans en 2019) est avant tout un phénome médiatique, sympathique certes (quand d’autres le sont beaucoup moins), comme notre société sait en créer tant et les renouveler régulièrement ou les faire tourner….

Parution de Poétique d’un désastre annoncé, Les éditions Lpb, 132 pages – 15 €.

Bref, ce n’est ni le lieu ni le propos de faire une énième polémique autour de Greta, mais j’avoue ne pas saisir, comprendre, ni être sensible au contenu « poétique » de discours d’une adolescente certes sincère mais pleine d’une naïveté désarmante : « le climat et la crise écologique sont au-delà des partis politiques. », « unissons-nous derrière la science p78 [science sans conscience… [politique] n’est…], sans éviter les habituels poncifs oxymores comme « créer une croissance économique durable (p47) » ou le mythe éculé sur JF Kennedy (p90).

Évoquons aussi toutes les redites : s’il est normal de se répéter dans des discours oraux prononcés pour des publics divers aux quatre coins de la planère, le lecteur d’une publication écrite, est ennuyé d’y trouver redites et répétitions (à l’identique un paragraphe entier p74 & p 88)

Bref, malgré mes bonnes intentions et la séduction opérée par un titre magnifique, je reste très critique… à moins que l’on arrive à me convaincre du contraire… où se trouve la poésie dans la prose de GT ? À titre d’exemple, la prose des zapatistes est, elle, à la fois réellement poétique (parsemée de contes et paraboles… bref de réalisme magique?) et politique.

Heureusement, il reste le deuxième objectif du recueil : faire ressentir que « La poésie est la mieux placée pour atteindre le nœud du problème écologique : la transmission sensible d'un vivant à un autre vivant, d'un cœur à un autre, du caractère poétique et tragique du désastre qui s’annonce. ». J’ignore si la poésie est la mieux placée, mais en tout cas c’est l’un des moyens -restons modeste- pour évoquer et transmettre le « caractère tragique du désastre qui s’annonce ».

Malheureusement ces paroles poétiques sont noyées quantitativement dans ce qui est mentionné plus haut, et il manque même une table pour aller repérer directement poètes et poèmes… Dommage, que les voix poétiques soient finalement si peu présentes, nous aurions aimé entendre plus cette musique-là, comme :

Pour aller au-delà « des chiffres à ouvrir, à étaler au grand jour comme on étale une peinture » (Matthieu Lorin)

Pour « Dire le sursis planétaire et la douleur/ la douleur planétaire […] comme si les capitalistes avaient des figuiers mûrs dans leur jardin » (Anne Barbusse)

« Faut-il des ailes à nos poèmes/pour échapper/à l’aveuglement/de nos brouillards urbains /à toute la pesanteur/lancinante/de ce monde […] Les océans débordent/d’indifférence » (Christophe Candello)

Pour nous faire ressentir le désastre en cours par « les oiseaux tentant de percer de leur vol/l’abcès de chaleur » (Jean-Michel Maubert) … ou encore entendre qu’un « soleil se meurt/une rumeur d’homme à la bouche/le chaos viendra balayer la scène » (Abdellatif Laâbi).

Une parole qui nous rappelle, en poésie, « il est temps/il est temps de dire/il est temps de se dire/la vérité en face » (Patrick Podolo)

Belle initiative, mais à quand un vrai recueil collectif, uniquement ou essentiellement  poétique, fait de nombreuses variations sur la « Poétique d’un désastre annoncé » ?




Roisin Tierney, Tiger Moth

Dans les digitales qui déclinent, là où reposent Blake et Banyan
ta queue dressée : point d’exclamation !

La poésie de Roisin Tierney est une poésie du scalpel, de la pince, de l’épingle, de la loupe : un outil d’entomologiste, de lépidoptériste, de médecin légiste, voire de chiropracteur (« gommant délicatement une ecchymose ») voire d’écologiste.

On ne s’étonnera guère que son deuxième recueil s’intitule Tiger Moth, L’Écaille martre – alias, la ci-devant chenille « bourrue » ou « hérissonne ». Deux qualificatifs que l’on pourrait appliquer à la prosodie de la poète irlandaise. « Incisive » en serait un troisième : par simple association et juxtaposition soit concordantes soit antithétiques. Une greffe (médicale ou végétale), une entaille dont naissent la vie et ses beautés.

De l’encornet à un père défunt, d’un bocal de bébés taupes baignant dans le chloroforme à une sœur malade, d’une araignée crabe à un paysage orageux ou léthargique, la voix chirurgicale de ce recueil a l’art du détail dérangeant qui relie l’humain à l’animal, l’os de l’un aux mandibules de l’autre, liés par un sort commun, souvent la mort.

 

the Thuck, Thuck of a machine gun’s staccato,
lewd wolf-whistles, sarcastic in their tone,
in their exaggerated rise and fall :
Phwwwwwhhht-Phwooooooh !
An invisible local lothario
Suddenly lounging around every corner.

Le tfhuck, tfhuck du staccato d’une mitrailleuse,
sifflements salaces, intonations sarcastiques
aux modulations excessives :
Phwwwwwhhht-Phwooooooh !
Invisible Don Juan du cru
brusquement embusqué dans tous les coins

Roisin Tierney, Tiger moth, Turas Press, Dublin, 2022.

Les vers de Tierney me ramènent à une autre forme de harcèlement : aux tapotements de ma spécialiste du sommeil, dont les faux ongles tapent furieusement sur les touches de son clavier lorsqu’elle enregistre froidement le total de mes insomnies depuis notre dernier rendez-vous.

La poète devient à la fois un double de ma médecin du sommeil et, siffleuse moqueuse, du perroquet jacot (ci-dessus) de son poème Nemesis, beau parleur insupportable car miroir des humains. Friande de mots bien choisis et subtilement agencés, Tierney me touche au vif, m’applique le respirateur sur le nez, me force à la fois à plonger dans un coma nocturne et à m’éveiller à la pleine conscience de mon corps en danger.  Double contrainte insistant sur le lien ténu que le corps tisse entre nous, la vie et le règne animal, sur lequel nous jetons volontiers une couverture comme sur la cage d’un gris du Gabon pour lui rabaisser le caquet.

L’espace et le temps flottent au fil des cinquante poèmes réunis avec minutie, rythme et symétrie dans le recueil Tiger Moth : entre un jardin [londonien] avec poulailler, le cosmos avec ses dieux, des ambiances méditerranéennes et une Irlande devenue pays du souvenir et de l’enfance.

La poète ex-petite rejetonne humaine de Low Babies, est tel un oisillon, est un oisillon :

 

Our arms held out so we could flap along
and be the little birdies as we sang ;

Bras écartés afin de battre des ailes
Et être pour de vrai des cuicuis en chantant 

 

L’institutrice dublinoise de jadis exhibe une jacinthe en pot :

 

I see that blueness still -
and how she said that we were just like that,
waiting to come fully into bloom ;

Je vois encore ce bleu
et l’entends dire que nous étions de même
dans l’attente d’éclore ;

Toutefois, éclose, la poète est moins fleur qu’insecte – un insecte iridescent, il va sans dire :

 

Insect Reverie

If I am not entirely glad to contemplate
his gown embellished with wing-casings
of the iridescent jewel beetle –
thousands of tiny body parts sewn on
to the delicate cream muslin
of a Victorian evening dress –
their nacreous lustre and opaline sheen
setting the whole ensemble a-shimmer
in the carefully lit display case
at the museum – so many deaths ! –
neither can I say I never hanker
after my own insect-gown, or beetle dress,
to put to shame the rufous, dull, sere
attire of my rivals as I enter a room,
sundry candles lit up in the green glimmer,
a chitinous bristle and crunch as I dance,
the whiskery feel of my antennae
tenderly stroking your face,
mandibles firmly holding your chin,
carapace pressing in
against your soft underbelly,
our elegant waltz and eventual
clackety beetle-fuck,
our leavings (may I say our ?)
a glister of eggs on the rug,
my exit swift, through an open window,
a dark scarab aiming
for the moon.

Rêvasserie entomique

Si d’un côté il ne me plaît guère de contempler
le fourreau tout orné d’élytres
de l’adamantin bupestre iridescent–
myriades d’organes infimes cousus sur
la subtile mousseline ivoire
d’une robe de soirée victorienne –
sa nitescence nacrée et son vernis opalin
insufflant un chatoiement de moire
à la vitrine du musée éclairée
avec art – tant de morts ! – ,
de l’autre, je ne dirais pas que je ne songe jamais
que ma robe entomique atomique
puisse à mon entrée dans une pièce
éclipser les ternes tenues marron, parchemineuses de mes rivales
à la lueur verdâtre de bougies,
frisson crissant chitineux quand je danse,
antennes bacchantes
caressant avec tendresse ton visage,
mandibules agrippant avec poigne ton menton,
carapace écrasant
ton mol bas-ventre,
notre valse classe, et ultérieure
baise hannetone ânonnante,
notre lie (osé-je « notre » ?)
brillance d’oeufs sur le tapis,
et mon envol précipité, par une fenêtre ouverte,
scarabée sombre visant
la lune.

 

La voix de ce recueil, quoique sans emphase militante – elle se permet même des pointes d’humour – est du côté des broutilles, vétilles, béatilles de celleux que notre civilisation naturicide animalicide écrase du talon sans s’en soucier, voire même s’en apercevoir.

Tierney scrute assez ces délaissés, ces restes, ces choses insignifiantes pour écrire comme on épingle des coléoptères ou enfile les perles d’un collier, qui, en fin de compte, forment collection, compilation de poésie empathique (Death of a Hen sur feue une poule qui aimait à prendre des bains de soleil) ou cruelle, selon (Jar of Brown Moles – sur des taupes de laboratoire en saumure).

Tiger Moth est le titre du superbe poème tout en distiques qui donne son nom au recueil. En toute homogénéité celui-ci présente un univers composé à la fois des petits riens dont sont faits les moments de rien qui forment la vie, et de la mort, moment du tout. Plus un brin d’étrangeté qui concourt à sa saveur, red gold in flight, or rouge en vol, a tigerish zigzag of cream and brown stripes when at rest, zigzag tigré crème et brun au repos. With that tendency to meddle in the dark arts. Avec un penchant pour se mêler d’arts occultes. Am I a woman dreaming of a moth, or rather… Suis-je une femme qui rêve d’une phalène ou bien…

Autre rêvasserie réalité kaléidoscopique :  

 

Special Egg Jelly Sky

It has been hot today and we, seeking shade,
creep along the edges of a Spanish city
under the orange trees, the false plantains,
keeping mostly to their dappled cover,
or diving into the damp oases of the bars.
We fan ourselves, secret most profusely,
knock back the cooling beers, the icy finos. 
 
As we crawl we watch it follow us :
a zingy little smidgeon of a fly,
through streets and bars, into restaurants,
our midget familiar, minute memento mori,
(on Mother’s life I swear it’s always the same fly).

If it weren’t so hot we’d make metaphor of it-
tiny harbinger of sickness, death –
or even a wise allusion to the great Machado
(his poetic fly rubbing its filthy paws…)…/…

Lard à l’œuf du Ciel spécial

La journée a été chaude, cherchant l’ombre,
nous rasons les marges d’une ville espagnole
sous les orangers, les faux platanes,
cantonnés à leur asile pommelé,
ou plongeons dans les oasis moites des bars.
Nous nous éventons, secrétons à foison,
sifflons des bières fraîches, des finos glacés. 


Clopinant, nous l’observons qui nous suit:
cette vive et menue lichette de mouche,
de rue en bar, de bar en cantine,
notre naine familière et infime memento mori
(sur la tête de ma mère, je jure que c’est toujours la même).

Si ce n’était la torpeur, nous la ferions métaphore
insignifiant héraut de maux et de mort –
voire allusion au grand Machado
(sa mosca poétique qui frotte ses sales pattes…)

 

Evocation, en passant, de la mort à travers la mouche, lors d’une simple promenade quoique alourdie par un soleil de plomb  – et à Machado [Antonio, 1875-1939, poète rêveur et terrien, traducteur, professeur de français, républicain, mort et enterré à Collioure].

Ailleurs, allusion au père de la littérature anglaise, Chaucer dans un poème plutôt dévolu, en dépit de sa chute, à Sylvia Plath et même plus exactement aux vaches que dessinait à une époque la poète battue, égérie suicidaire du féminisme.

 

When I think of Sylvia Plath
declaiming Chaucer to the cows,
how they crowded round her, rapt
their blue-black eyes reflecting sky and field
and her pale figure straddling a gate

Lorsque je songe à Sylvia Plath
déclamant Chaucer pour les vaches,
qui venaient l’entourer, captivées,
yeux noir bleuté reflétant ciel et prés,
sa pâle silhouette enfourchant un portail…/…)

Ailleurs, les figures de référence sont l’astronome Kepler ou Maria Sklodowska, alias Marie Curie l’irradiée.

 

…/… But it is too hot for that, too late.
The creature swivels, brattles its tiny wings,
settles on the laminated menu
beside the flyspecks and a bad translation
of a locally renowed dessert.

They wheel it out, proudly set it down :
a heap of custardy clabber, all glop
and tremble, slithering on its plate. Thanks,
we say. We’ll have some of that.

Mais il fait bien trop chaud, et il est trop tard.
La bestiole pivote, frictionne ses ailes miniatures
et atterrit sur le menu plastifié
près de chiures de congénères et de la mauvaise traduction
d’un dessert renommé dans les parages.

Apporté sur le chariot, posé avec fierté sur la table :
flanc moelleux au lait caillé
tremblotant, glissant sur son assiette. Merci,
acquiesçons-nous. Nous en prendrons, oui.

 

Exit la mouche, entre le tocino de cielo.

Le ciel, justement. Le firmament. Le cosmos. The Planets, Wind instruments in a windy city, instruments à vent dans une cité venteuse. De l’infiniment petit à l’infiniment grand en passant par des lieux mi-figue mi-raisin talés par l’incurie des âpres-au-gain, des lieux méditerranéens auxquels Tierney parvient via un glissement Irlande-Espagne, In Galway in Spain, ou un arc-en-ciel Arco Iris.

Fiesta, Jovencitos, l’Espagne imprègne tant la poésie de l’Irlandaise que l’antépénultième poème de son recueil est un Adios Padre en honneur au père défunt, vêtu de son meilleur tweed. « Et puis il y eut la grêle,/ et puis il y eut le grésil,/ et puis tu ne fus plus.» 

Ces planètes que le père a rejointes n’apparaissent qu’à la fin du poème The Planets comme la chute d’une blague (elle est comme un leitmotiv chez Tierney, la chute révélatrice in extremis). Tout le poème aura longtemps tenu le lecteur en haleine, en compagnie de l’amiral Blas de Lezo à la jambe de bois, dont la rapière pointe vers les étoiles contre tous ceux qui menacent les ports espagnols, de Francisco Bernier qui interprète un soir à Cadix Songs of the Americas, et d’une ribambelle de bustes de généraux et diplomates conquérants ou indépendantistes, le regard rivé sur la ligne bleue du Chili, l’Argentine, Cuba, Puerto Rico et l’Equateur…

 

                                                                    Out there in space,
The gods are in their stations. Venus, Mars…

                                                                       Là-bas dans l’éther,
Les dieux sont à leur poste. Vénus, Mars…

 

Mais peut-être la véritable figure tutélaire de ce recueil, la double de la poète, sa  porte-parole est-elle

 

Aphaia, Invisible Goddess
Queen of the elegant vanishing trick
you did it first time in prehistory
and have been doing it ever since :
one moment hotly pursued by that dick
Minos, the next – paff! – you disappear
into the Aegean Sea,
nothing where you had been before
only a spew of foam on the waves…
Lugged back up in a fisherman’s net
onto the island of Aegina,
and what do you do ? Reveal yourself briefly
to the bedazzled islanders –
so bedazzled they build you a beauty,
a temple to rival the Parthenon,
then – poum  ! – once more your sulky shroud
of invisibility descends.
Thereafter, you are glimpsed only fleetingly,
disappearing around bends,
a footprint or two left in the sands.
Though sometimes your body is discerned
in the shape of the mountains, when the light is right :
a woman reclining, head, breast, knees…
Your temple is empty now, your altar bare.
No straggle of bloody feathers or fur,
no votive offerings honor you there.
Aphaia, you are a tease. We joke about you,
over our retsina, our tasty souvlaki :
your elusive nature, both there and not there,
your voice on the breeze, on the air.

Aphaïa, déesse invisible
Reine de l’élégant tour de passe-passe,
une première fois à la préhistoire et
tu n’as jamais cessé depuis :
un instant effrontément baratinée par cette enflure
de Minos, le suivant – paff ! tu disparais
dans la mer Egée,
plus rien là où tu étais
qu’une mousse d’écume sur l’onde…
Remontée dans le filet d’un pêcheur
sur l’île d’Egine,
que fais-tu ? Tu t’exposes brièvement aux yeux
des îliens éblouis –
au point qu’ils érigent une splendeur,
un temple pour rivaliser avec le Parthénon,
et puis  poum !- une fois encore tombe
ton chatouilleux voile d’invisibilité.
Après quoi, on ne t’entraperçoit plus
que fugitivement, entre deux portes,
une ou deux empreintes dans le sable.
Bien que, de temps à autre, on aperçoive ta silhouette
sous la forme de monts, quand la lumière s’y prête,
femme au repos, tête, poitrine, genoux…
Désormais, ton temple est désert, ton autel nu.
Nulle touffe de plumes ou fourrure maculée de sang,
nulle offrande votive ne t’honore plus.
Aphaïa, quelle allumeuse ! Nous plaisantons à ton sujet,
autour d’un verre de retsina, d’un goûteux souvlaki :
ta nature fuyante, à la fois là et pas là,
ta voix portée par la brise, sur les ondes.

 

Tierney a beau de même être insaisissable, elle n’en est pas moins rhétoricienne et termine son recueil en toute sûreté avec Safest [Au plus sûr], encadré par un Right now (à l’instant présent), et un Quiet now (au calme maintenant), tels des serre-livres sentinelles, question de finir en belle symétrie.

Comme elle avait commencé, avec un poème bien cadré, au rythme assuré et serein, basé sur rien que des distiques, avec un ou deux vers isolés. Dont, dernier distique du premier poème du recueil, Wren [Le troglodyte],

 

How short is a wren’s life. Barely two years.

Qu’elle est brève, la vie d’un troglodyte. A peine deux ans.

 

Alors que le dernier vers du dernier poème du recueil, Safest [Au plus sûr] est donc quiet now, au calme maintenant.                                                    

 

So here you have my question, mythmaker:
Have you any news of my father?

 … Et voici ma question, faiseuse de mythes :
Tu as des nouvelles de mon père ?

 

Retour au père défunt. CQFD.

De Roisin Tierney on pourra lire quatre poèmes publiés précédemment sur ce même site, à l’entrée « Róisín Tierney, The Finding et autres poèmes » [Pitchblende, Ataxia, The X‑Ray Reporting Room] – tous quatre figurent désormais dans le recueil Tiger Moth – qu’on vient d’évoquer.

Présentation de l’auteur

Róisín Tierney

Je suis née à Dublin en 1963 et j'ai étudié la Psychologie et la Philosophie au University College de Dublin. Je me suis déplacée à Londres en 1985, où j'ai travaillé dans de nombreux domaines, du maquillage théâtral à l'administration du musée. J'ai assisté au merveilleux atelier de poésie de Michael Donaghy à City University, Londres, de 1998 à 2002. Après plusieurs années d'enseignement en Espagne (Valladolid et Grenade) et en Irlande (Dublin), je suis maintenant installée à Londres.

    Poèmes choisis

    © photo Isabelle Poinloup

    © photo Isabelle Poinloup




    Regard sur la poésie Native American : Louis Oliver Little Coon, ou la preuve qu’il n’est jamais trop tard pour commencer

    Texte et traductions de Béatrice Machet

    Louis Oliver, écrivain et poète amérindien, membre de la nation Creek, est né le 9 avril 1904 à Coweta près de Tulsa, sur ce qui était alors territoire indien, c’est-à-dire le lieu de déportation des nations Indiennes trouvées gênantes par le gouvernement et les colons. Aujourd’hui ce territoire divisé en de nombreuses réserves, est devenu l’état d’Oklahoma.

    La mère de Louis Oliver, Hattie Sarty Oliver, était une Creek « full blood » et, par son intermédiaire, il descendait du clan Raccoon. Son père, Frank Oliver, dont le nom Creek est Ho-dul-gul-ni, était du clan Wind. Orphelin très tôt, il a grandi à Okfuskee, dans l'Oklahoma, près de sa rivière bien-aimée Deep Fork River, avec la famille de sa mère, tantôt élevé par une tante et un oncle, tantôt pas ses grands-parents. Le nom de Louis Oliver lui a été donné au hasard par un agent ivre du gouvernement fédéral lorsque sa mère s'est opposée à la répartition de ses terres en parcelles. Ce procédé voulu par le gouvernement aboutissait au dépeçage d’une seule grande réserve en des petits lots privés que des blancs pouvaient racheter, ou dont ils pouvaient hériter en se mariant avec des femmes Indiennes, qui si elles se mariaient avec un blanc, renonçaient à leurs droits et à leur identité indienne.  Or la notion de propriété privée n’existait pas dans les cultures amérindiennes, le territoire était pour tout le monde y compris animaux et plantes, rivières et collines… on ne pouvait pas posséder la terre, c’était inconcevable pour l’esprit Indien. La mère de Louis Oliver a choisi de cacher le nom de son fils, mais Little Coon (« Wotkoce », petit raton laveur) est le nom Creek de Louis Oliver.

     

    Plus grand, il a fréquenté le pensionnat d'Euchee jusqu'à la cinquième année. Il termina seul ses études secondaires et obtint son diplôme du Bacone College de Muskogee en 1926. Il déclara qu'au lycée, il a développé une certaine fascination pour les écrivains anglais et américains, dont le poète Muskogee Creek Alexander Posey, et qu’il avait commencé à écrire de la poésie, ce qu’il continuera de faire mais sans penser à publier. Après avoir obtenu son diplôme, il mit cependant de côté toute idée d'écriture sérieuse pendant les cinquante années suivantes et s'y consacra simplement comme passe-temps. Bien que ses parents l’aient encouragé à poursuivre des études, certains membres de sa communauté considéraient qu’aller à l’école des blancs constituait une trahison. On dispose de peu d'informations sur sa vie d'adulte, mais ses écrits ultérieurs laissent entendre qu'il s'est marié, a eu des enfants et a passé quelque temps en Californie et dans le Sud-Ouest pendant la Grande Dépression. La vie d'Oliver a changé au début des années 1980, lorsqu'il a participé à un atelier pour écrivains amérindiens à Tahlequah, en l'Oklahoma. Bien qu'il ne se sente pas à sa place parmi les jeunes-gens, et dans cette assemblée se trouvaient des auteurs émergents qui deviendront importants, comme Joy Harjo (Muscogee), Barney Bush (Shawnee-Cayuga) et Joseph Bruchac (Abenaki), il sentait qu’écrire était important, il voulait se donner une chance de devenir un écrivain sérieux. Au contact des jeunes écrivains amérindiens sus-cités, il a pu mettre en forme des écrits inspirés des histoires des cultures autochtones, ainsi que découvrir et explorer les innovations formelles, pour aller au-delà des formes poétiques occidentales traditionnelles dans lesquelles il avait écrit auparavant et se construire son univers, se faire une voix. Oliver a été présenté dans l’anthologie du groupe, intitulée Echoes of Our Being.

    Le poète et éditeur Joseph Bruchac a reconnu le talent d’Oliver et a commencé à défendre son travail, en le partageant avec d’autres éditeurs. Le recueil bilingue d’Oliver, The Horned Snake, a été publié par Cross-Cultural Communications en 1982, et Caught in a Willow Net l’année suivante par Greenfield Review Press. Les livres suivants furent Estiyut Omayat: Creek Writings, publié en édition limitée par Indian University Press en 1985, et Chasers of the Sun: Creek Indian Thoughts (Greenfield Review Press, 1990). Les écrits d’Oliver ont également été publiés dans des revues et magazines, notamment Beloit Poetry Journal, Greenfield Review, Tamaqua, Vintage, Northeast Indian Quarterly et Wooster Review, ainsi que dans plusieurs anthologies. En 1987, une semaine avant son 83e anniversaire, Oliver a reçu le premier prix littéraire Alexander Posey, décerné par le Mvskoke Arts Council. Il a été en même temps impressionné par la quantité d'écrits exposés et a contacté certains des participants. Ses écrits sont parus dans de nombreuses publications telles que la Greenfield Review, Vintage, le Beloit Poetry Journal, le Northeast Indian Quarterly, Mildred, la Wooster Review et d'autres encore. En même temps, deux recueils de ses œuvres, The Horned Snake (1982) et Caught in a Willow Net (1983), que Bruchac a publiés par l'intermédiaire de sa Greenfield Review Press, sont également parus. Un troisième ouvrage, Estiyut Omayat: Creek Writings, a été imprimé en édition limitée en 1985. Son dernier recueil, Chasers of the Sun: Creek Indian Thoughts, contient certains de ses matériaux précédents avec quelques nouveaux textes et a également été publié par Greenfield Review Press en 1990. La poésie d'Oliver a fait l'objet de nombreuses anthologies et a également été traduite en néerlandais. Louis Oliver a reçu le premier Alexander Posey Literary Award en 1987 du Este Mvskoke Arts Council, et la même année a été poète d'honneur à l'Oklahoma Poets Day à l'Université d'Oklahoma. 

    Voici un poème de Louis Oliver en langue Creek, exposé à Leiden, ville universitaire néerlandaise située dans le nord de la province de Hollande méridionale, entre Amstersam et La Haye.  

    Creek Fable

         The little ones said: Tornados

               are caused by evil spirits

                      yanking the tail off

                           the water turtle

                                and it spins    

     down and

                                   round and

                                         round

                                         swiftly

                                    to the

                                    ear-

                                     th

                                          t

                                           e

                                          r

                                       r

                                         i

                                            f

                                                i

                                                  e

                                                       d.

                         Légende Creek

         Les petits disaient : les tornades

                         sont dues aux mauvais esprits  

                                       qui arrachent la queue  

                                             de la tortue d’eau   

                                                   et la font tourner    

                                                         sur elle-même

                                                              rapidement    

                                                            tourner    

                                                                 et encore   

                                                           tourner

                                                       jusqu’à  

                                                    la ter-    

                                                re             

                                              t

                                           e

                                           r

                                             r

                                               i

                                                 f

                                                    i

                                                      é

                                                          e.

     

    By Tubantia - Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4778113

    Voici un poème de Louis Oliver que la poète Jennifer Foester, elle aussi Muskogee Creek, a enregistré et qui accompagne un petit film diffusé lors d’un événement intitulé « Songs at the Confluence , Indigenous  Poets On Place » (Chants  à la confluence, les poètes autochtones  au sujet du lieu : https://www.brinkerhoffpoetry.org/poems/the-sharp-breasted-snake). Comme souvent chez les auteurs amérindiens, comme c’est la règle dans ces cultures, la présence du mythe accompagne la vie des membres des communautés Indiennes, comme il éclaire et donne sens aux expériences vécues. Le mythe est aussi voie d’accès à la poésie. C’est une dimension que nos sociétés occidentales ont perdu il y a des siècles, en empruntant la voie du matérialisme. 

     (Hо̄kpē Fuskē)

    The Muskogee’s hokpi—
                    fuski (Loch Ness
                       Monster)
                           Travelled here
                               by the Camp of
                                  The Sac and Fox;
                                      Thru the alluvial
                                         Gombo soil, flailing
                                            Thrashing-up rooting
                                         Giant trees;
                                      Ploughed deep
                                   With its sharp breast.
                                Come to rest by
                             Tuskeegi Town, buried 
                          its self in a lake of
                       mud to rest. The
                    warriors of Tustanuggi    
                 were ordered to shoot
               it with a silver tipped
            arrow. With a great
          roar and upheaval The
        Snake moved on;
      winding by Okmulgee
     To enter (Okta hutchee)
    South Canadian River.
     Thus his ploughed
      journey, The Creeks
       called (Hutchee
        Sofkee) Deepfork
         River.
           One, Cholaka,
              observed The Snake
                had hypnotic Power.
                  Could draw a person
                    into a swirling
                      whirlpool. It
                        made a sound
                           Like a
                               Tinkling
                                   silver
                                       Bell.
                                           O
                                               k
                                                   i
                                                      s
                                                   c
                                               e.

    Le serpent à la poitrine pointue

    Le hokpi de Muscogee—

                 fuski (Monstre du
                       Loch Ness)
                           est arrivé ici
                              par le Campement des
                                    Sauk et Fox;
                                      à travers le sol alluvial
                                         de Gombo, fouettant
                                            arrachant des racines
                                         d’arbres géants;
                                      a labouré profond
                                   de sa poitrine pointue.
                                Venu se reposer à
                             Tuskeegi Town, s’est enterré 
                          dans un lac de
                       boue pour récupérer. Les
                    guerriers de Tustanuggi    
                 ont reçu l’ordre de tirer
               sur lui avec une flèche à
           pointe d’argent. Rugissant
          et se soulevant Le
        Serpent continua ;
      ondulant par Okmulgee
     pour entrer dans (Okta hutchee)
    la South Canadian River*.
     D’où son voyage
     labouré, que les Creeks
       appelèrent (Hutchee
        Sofkee) Deepfork
         River1.
           L’un, Cholaka,
              observa que le Serpent
                avait des pouvoirs hypnotiques.
                  Pouvait attirer une personne
                    dans un vortex
                      tourbillonnant. Il
                        sonnait
                           comme une
                              cloche
                                 en argent
                                    teinte.
                                           O
                                               k
                                                   i
                                                      s
                                                   c
                                               e.

    Feu le poète Mohawk Maurice Kenny avait écrit cet article pour rendre hommage à la mémoire de Louis Little Coon Oliver, et il avait commencé en le citant : « Je ne gaspille pas ce qui est sauvage ».  Puis il poursuivait ainsi : « À moins qu'il ne s'agisse d'une investiture présidentielle américaine, le New York Times publie rarement un poème original. Il y a des années, c'était un excellent moyen de gagner une poignée de dollars rapidement. La page Op Edpubliait en permanence des poèmes, de poètes tels que Frances Frost et Louis Ginsberg ; souvent d'actualité, parfois lyriques, la plupart du temps brefs. Une joie supplémentaire pour combattre les nouvelles déprimantes du jour. Ces poèmes et ces poètes désormais manquent aux lecteurs du Times.

    Le 21 juin 1991, le Times a publié cinq poètes célébrant l'arrivée de l'été. Les poètes publiés étaient Lucie Brock-Broido, Edward Hirsch, Mona Van Duyn, Charles Simic . . . tous deux lauréats du prix Pulitzer . . . et un poème de la poétesse indienne Creek Joy Harjo intitulé "Fishing". Son poème en prose traite de la mort d'un homme âgé, membre de la nation Creek qui était poète et conteur, Louis (Little Coon) Oliver, né et élevé dans l'Oklahoma, territoire indien. Oliver, né en 1904, est décédé au printemps 1991.

    Mme Harjo est une poète extraordinaire, d'une puissance lyrique et passionnée. Elle apporte la puissance de la chanson et le sentiment de perte dans son hommage lyrique, doux mais direct, à Little Coon dont la narration humoristique fascinante et convaincante véhicule une poésie sérieuse... Parfois, ses histoires confinent à l'érotisme mais sont toujours traditionnelles, toujours sages mais en forme de clin d'œil. Il est dommage que le poème de Mme Harjo ne puisse pas être réimprimé ici ; ce journal pourrait bien être mis en faillite par des poursuites judiciaires de l'éditeur d'origine.

    Louis a vécu ses nombreuses années dans l'Oklahoma et est arrivé tard à la publication et à tout type de reconnaissance, même par ses pairs littéraires amérindiens. Si je me souviens bien, il se pourrait bien que ce soit Joseph et Carol Bruchac de la Greenfield Review qui aient été les premiers à publier le poète. Pour autant que je me souvienne, le Times n'a jamais publié de critique d'aucun de ses livres dans le supplément du livre... à sa honte... Il a fallu sa mort pour trouver son nom dans les pages du journal, et il a fallu un poète bien connu et assez établi pour le commémorer dans la presse. Un commentaire déprimant sur la culture contemporaine. Les entreprises ont refusé au plus grand nombre de lecteurs la créativité vraiment spéciale de cet homme délicieusement doué.

    Nous devons cependant remercier Joy Harjo d'avoir rappelé à la société dans laquelle nous vivons et travaillons tous, plaisir et labeur, cet être doux qui a traversé notre lumière si discrètement. Nous devrions nous joindre à Mme Harjo pour le célébrer, pour le rire de Louis Oliver, sa sagesse, ses merveilles de narration - ses poèmes émouvants. Nous devons aussi remercier Mme Harjo de nous rappeler une fois de plus les nombreux poètes américains qui ne reçoivent jamais de prix ni ne figurent sur la liste des best-sellers du New York Times. Que le soleil brille sur ses paroles, sur sa chanson qui pourrait bien être la « première chanson » de l'histoire, et sur la beauté et la créativité de Louis Oliver. Puissions-nous tous nous retrouver au « trou de pêche » dans le monde spirituel, comme le suggère Mme Harjo. Little Coon nous attendra pour nous accueillir à ce trou de pêche de l'Oklahoma « sous le soleil implacable de la rivière Illinois. Adowe. »

    Pour conclure cet article, je citerai à mon tour Joy Harjo, qui dit bien mieux que ce que je pourrais le faire, l’essentiel de ce que vit un amérindien quand il s’agit de poésie : « Nous commençons par la terre. Nous émergeons de la terre de notre mère et nos corps seront rendus à la terre. Nous sommes la terre. Nous ne pouvons pas la posséder, quelle que soit la proclamation de l’État sur papier. Nous sommes littéralement la terre, une planète. Nos esprits habitent cet endroit. Nous ne sommes pas les seuls. Nous sommes les créateurs de cet endroit les uns avec les autres. Nous marquons notre existence par nos créations. C’est la poésie qui contient les chants du devenir, du changement, du rêve, et c’est vers elle que nous nous tournons lorsque nous voyageons dans ces lieux de transformation, comme la naissance, le passage à l’âge adulte, le mariage, les accomplissements et la mort. Nous chantons nos enfants, nos petits-enfants, nos arrière-petits-enfants : notre expérience humaine dans le temps, dans et à travers l’existence. » Le sens de la poésie est un rapport avec la terre et le vivant, la poésie est part intégrante du quotidien amérindien, elle accompagne et ponctue les moments important d’une vie et c’est exactement ainsi que la vivait Louis Little Coon Oliver.

    Note

     

    1. La Canadian River, également connue sous le nom de South Canadian River, est une voie navigable majeure de l'état d’Oklahoma. Elle coule du Nouveau-Mexique au Texas. La Deep Fork River prend sa source près de Oklahoma City, elle a une longueur totale de 370 kilomètres et possède un bassin de drainage long et étroit d'une largeur moyenne de 40 kilomètres. À noter que la Deep Fork traverse une région de collines de grès rouge et de sols rouges, donnant à la rivière cette même couleur. N.d.T.

    Image de Une Giving of Life and Spirit (800x576)

    Le poème « The Sharp-Breasted Snake » (Le serpent à poitrine pointue) de Louis Little Coon Oliver, lu par Jennifer Skeets. Extrait de la série de films poétiques Read By de la Fondation Adrian Brinkerhoff pour la poésie.

    Présentation de l’auteur

    Louis Little Coon Oliver

    Le poète Louis Oliver, également connu sous les noms de Little Coon et Wotkoce Okisce, est né en 1904 à Coweta, dans l'Oklahoma, qui faisait alors partie du territoire indien. Membre inscrit de la nation Mvskoke Creek, il était également un Euchee du clan Golden Raccoon, dont le foyer d'origine se trouvait près de la rivière Chattahoochee, en Alabama. Oliver est devenu orphelin dès son plus jeune âge et a été élevé par sa tante, son oncle et ses grands-parents maternels dans le comté voisin d'Okfuskee. Il a fréquenté l'internat Euchee pendant cinq ans avant d'obtenir son diplôme d'études secondaires au Bacone College en 1926. Bien que sa famille l'ait encouragé à poursuivre ses études, d'autres membres de sa communauté considéraient son diplôme comme un reniement de son héritage, un conflit qu'Oliver abordera dans ses écrits.

    Oliver a écrit quelques poèmes au lycée, influencé notamment par Alexander Posey, poète influent de la tribu Mvskoke Creek, et a continué à s'y adonner au cours des décennies suivantes. Cependant, ce n'est que dans les années 1980, alors qu'il vivait dans la communauté cherokee de Tahlequah, en Oklahoma, qu'il a commencé à se considérer comme un écrivain sérieux. Alors âgé de plus de 70 ans, Oliver a rejoint un groupe d'écriture qui comprenait de jeunes écrivains de renom tels que Joy Harjo, Barney Bush et Joseph Bruchac. Leurs écrits, inspirés des histoires et de la culture autochtones, ainsi que leur utilisation d'innovations formelles, l'ont incité à dépasser les formes poétiques occidentales traditionnelles dans lesquelles il écrivait auparavant. Oliver a été présenté dans l'anthologie du groupe, Echoes of Our Being.

    Bibliographie 

    Le recueil bilingue d'Oliver, The Horned Snake, a été publié par Cross-Cultural Communications en 1982, suivi l'année suivante par Caught in a Willow Net, publié par Greenfield Review Press, la maison d'édition de Bruchac. Les livres suivants furent Estiyut Omayat: Creek Writings, publié en édition limitée par Indian University Press en 1985, et Chasers of the Sun: Creek Indian Thoughts (Greenfield Review Press, 1990). Les écrits d'Oliver ont également été publiés dans des revues et magazines tels que Beloit Poetry Journal, Greenfield Review, Tamaqua, Vintage, Northeast Indian Quarterly et Wooster Review, ainsi que dans plusieurs anthologies. En 1987, une semaine avant son 83e anniversaire, Oliver a reçu le premier prix littéraire Alexander Posey, décerné par le Mvskoke Arts Council.

     

    Poèmes choisis

    Autres lectures