À la Une d’oulipo.net : site officiel de l’Ouvroir de Littérature Potentielle
« OULIPO ? Qu’est ceci ? Qu’est cela ? Qu’est-ce que OU ? Qu’est-ce que LI ? Qu’est-ce que PO ? OU c’est OUVROIR, un atelier. Pour fabriquer quoi ? De la LI. LI c’est la littérature, ce qu’on lit et ce qu’on rature. Quelle sorte de LI ? La LIPO.
PO signifie potentiel. De la littérature en quantité illimitée, potentiellement productible jusqu’à la fin des temps, en quantités énormes, infinies pour toutes fins pratiques. » : ainsi le texte liminaire par les éminents Marcel Bénabou et Jacques Roubaud présente-t-il leur site oulipo.net entièrement dévoué à la diffusion, à la publication, au partage des activités de ce groupe, de ce mouvement littéraire qui traverse le temps pour faire grandir les potentialités de la littérature par la pratique d’exercices sous contraintes, rappelant donc que ce « faire » qui a déjà engendré des œuvres remarquables, parmi lesquelles celles de Marcel Duchamp, Raymond Queneau, Georges Perec, renoue ainsi avec l’étymologie grecque du mot « poésie » : « poiein », « faire », « créer » !
Présentant de multiples textes en ligne, dans cet espace fraternel des oulipiens, depuis la récapitulation au fil des saisons des Jeudis de l’Oulipo, la diffusion des publications de ses auteurs actifs, le partage des faits et dits de chacun, la confidence de multiples contraintes créatrices, récréatives, inspirantes, jusqu’à la note biobibliographique de ses personnalités marquantes d’un collectif qui, non seulement à travers ses membres fondateurs mais encore à travers ses figures contemporaines les plus innovantes, est devenu le diapason d’œuvres aussi majeures qu’intrigantes, depuis La Disparition de Georges Perec jusqu’à Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau, en passant par le récent Goncourt de la poésie 2021 revenu à Jacques Roubaud pour l’ensemble de ses recherches, à la croisée du jeu, de la poésie et des mathématiques, dont peut-être l’un des écrits les plus intimes, Quelque chose noir, 1986, fait jaillir la lumière de la plus obscure des épreuves, la perte de l’être aimé…
Ce site riche tant de son histoire passée prestigieuse que de ses découvertes présentes novatrices, offre un visage divers, pluriel, multiple, à un groupe de recherche dont la somme dépasse les individualités et dont la quête commune essentielle fait également ressortir la singularité de chacun de ses instigateurs. Dans un souci que l’on pourrait qualifier de pédagogique, l’exploration des chefs d’œuvre de ce mouvement sans cesse renaissant, pour ne pas devenir stricte bibliothèque au sens « muséographique » mais au contraire encore s’avérer un labyrinthe vivant et résolument créatif, se double d’une invitation à s’approprier les possibilités des consignes d’écriture, des trouvailles et autres inventions, telles celles proposées dans sa rubrique fondatrice : Contraintes…
C’est peut-être cette puissance éminemment poétique de l’écriture, vectrice par les jeux de langage d’une poésie toujours à réinventer, d’un agrandissement des possibles, « Ouvrant » la « Littérature » cachée dans les ratures de chacun à la « Potentialité » des trésors de la langue, des langues, à trouver entre les lignes de l’OuLiPo, confirmations sous-jacentes d’un grand mouvement international, cosmopolite, universel, à travers lequel chacun peut reprendre le flambeau et devenir, dans cet espace, un de ses multiples « potentiels », tous fils et filles de cette grande aventure, de cette mystérieuse épopée, de cet énigmatique récit, à la conquête des pouvoirs mêmes les plus insoupçonnés d’une poésie jamais définitive, toujours ouverte…
A lire : un entretien avec l'oulipien Ian Monk, oulipien sur Recours au poème => Ian Monk, oulipien dans la forme