A L’Index, n°24

La belle revue A L'Index, sous titrée espaces d'écrits, et emmenée par le poète Jean-Claude Tardif, nous livre sa vingt-quatrième livraison. Après un mot d'accueil de Tardif relevant que la poésie se porte "moins mal qu'il n'y paraît", et évoquant la vitalité de trois revues en ligne -Recours au Poème, Paysages d'Ecrits et La Gelée Rouge - comme l'image d'un phœnix que sait prendre la poésie pour continuer à être , à être "devant nous" et "en avance sur le monde", la revue s'ouvre alors sur une alternance de poèmes et de nouvelles.

Les nouvelles sont signées Michel Baglin, Jean-Claude Tardif, Didier Le Nagard, Françoise Delahaye, Jean-Albert Guénégan et la présence du vent de Roscoff, et Fabrice Marzuolo. Nous allons ici nous intéresser exclusivement aux poèmes, non pas que la création de la nouvelle ne puisse contenir du poétique, mais enfin le lieu d'élection de la poésie étant le poème, et Recours au Poème s'y consacrant exclusivement, nous laisserons aux amateurs de ces histoires courtes le plaisir de les découvrir par eux-mêmes.

Ce vingt-quatrième numéro d'A L'Index est riche, et plutôt que d'en faire une note exhaustive, nous soulignerons arbitrairement les poètes et les extraits qui nous ont davantage parlé.

Tout d'abord le poète Jean-Claude Chenut qui, à travers son beau poème Le jardin aux rives des lèvres, égrène des vers épris de mystère :

 

 

C'est une griffe de rubis,
son orient est brûlant
comme larme en mémoire.

 

Entame de poème, invite à lire cette parole liant l'écrit et le désir.

Autre registre avec Christian Leray, qui nous sert deux très beaux haïkai. Nous en reproduisons un :

 

 

Rose du matin
Au cœur de Brocéliande
Une fleur vient de prendre vie.
 

 

 

Jean-Pierre Chérès, avec i comme..., associe la verticalité à Icare, en un poème lui-même vertical de plusieurs pages :

 

Mettre sur la verticale
le point
pour i
celui final
de l'infini
le i
du rire
des fins
le cri
lapis-lazuli
l'ire
ultime
de la vie
poing dans l'azur
le ivre
sublime
de la cime
pied dans l'abîme
 

 

 

Changement de décor avec la parole de Hafsa Saifi, qui murmure presque sereinement :

 

Sur les rives du lac
La silhouette d'une femme
Qui écoute
L'eau lui dire qui elle est
L'effrayant reflet
De ses lèvres
Couvertes d'orge

 

Nous terminerons cette petite présentation en évoquant le superbe poème final, signé Marc Le Gros, Sic Transit, un poème d'un équilibre subtil entre la sémantique du dit et du non-dit, le raffinement des images muées en métaphores, la beauté de la langue tentant de dire et disant réellement l'éphémère du passage de la vie et la présence du rien. En voici le début :

 

 

Rien
 

Pas même l'os
Où fleurirait la lèpre,
Ni l'âme du feu en l'exil de
Ses cendres
 

Quelle urne jetée à la mer
Pourrait encore prendre le temps de
Mourir, quel
Abandon
 

Et quelle ivresse, surtout,
Nourrirait le soleil
 

 

Un numéro riche et l'on peut saluer l'esprit d'éclectisme de Jean-Claude Tardif qui permet à ces voix différentes de trouver lieu d'ancrage en même temps que d'appareillage. Car la poésie, en cette modernité cultivant la superficialité comme un mythe divin, relève de la haute navigation en même temps que de l'amer permettant à nos fors intérieurs d'éviter les écueils nocturnes et les naufrages sans fonds.

A L'Index, n°24, septembre 2013, 15 euros.