Abdulrahman Almajedi, 5 poèmes
Le cheval du désir
Dès le premier sourire
tu lâches le mors
laissant des vagues furieuses de sang
dans les artères et ruisseaux
dévaler, remonter
Tes battements augmentent
et tu trembles
à l’idée que dans un duel mortel
tu t’abandonnes entre des mains douces
Ivre
absent
ton rêve évanoui
hypothèque les jours
tandis que la cloche de la séparation bourdonne déjà dans ta tête
Tu reviens soucieux
les rideaux noirs sont tombés sur la scène de ta vie
et près de toi
gît un mors abandonné.
***
Ainsi parlait le ciel
Hier il tombait des chiens
Aujourd’hui il tombe des ânes
Demain, dit la prophétie, il pleuvra des loups
Malheur à moi après-demain
car selon la prophétie, il pleuvra des hommes
Et mon ciel hurlait en regardant la pluie s’abattre sur la terre
***
Aveugle
Tous les arbres de la ville ont fleuri
et au-dessus, dans le ciel, le soleil tel un ballon s’amuse
Pourtant les nuages de mon chagrin campent au-dessus de ma tête
et à chaque fois que je saisis la paume de la joie
elle transpire
m’échappe
puis s’en va loin
se lamenter
poussée par la tourmente printanière
Oh, mon âme triste
pourquoi faut-il qu’à chaque fois que tu fais un vœu
ses pieds se balancent dans la tombe de l’absence ?
Puis le vœu te prévient :
"Laisse-moi, sinon je te tire vers le bas !"
Seul aliéné par la nuit lugubre
égaré sur la route du bonheur
trébuchant sur les délires et l’illusion
alors que personne ne me guide
je suis comme aveugle
mes yeux sont ma canne
le chemin, tortueux et l’horizon lointain
Dis-moi : quand pourrai-je t’atteindre ?
***
Manteau
Ce vieillard affectueux
est l’aïeul de notre père
Notre insouciance lui rappelle sa jeunesse
et lui fait couler des larmes
mais il prétend que ce ne sont que des perles de pluie.
***
Cimetière
Sur la terrasse de notre maison à Bagdad, j’ai trouvé un cimetière
où demeurent
mon père
ma mère
et mes frères
Ils m’ont installé à leur place
puis ils sont partis
Mon père dissimule ses erreurs avec une béquille
Ma mère pleure ses enfants morts
Mes sœurs vérifient leur féminité chaque matin
Mes frères se reproduisent à l’identique
Il ne reste que moi, cette imbécilité avec sa canne
ses larmes sur les morts
une vieille fille recroquevillée
des enfants qui s’enchaînent
et une prophétie en panne.
Traduits de l’arabe (Irak) par Salah Al Hamdani
en collaboration avec Isabelle Lagny.
هكذا تحدثت السماء
البارحة أمطرت كلاباً،
واليوم تمطرٌ حميراً،
وغداً، تقول النبوءات، ستمطرُ ذئاباً.
الويل لي من بعد غد؛
ستمطر، وفق النبوءات، بشراً.
كان ذلك عويلَ السماء الناظرة لمطر الأرض عليها.
\
حصان الرغبة
بأول بسمة
تسلم لجامك،
تاركاً أمواج الدم تحتدم
في سواقي أبهرك
صعوداً ونزولاً،
يزدادُ خفقانك،
فتصابُ بالرعدة،
كأنكَ موشك على نزال فاتك.
ها أنتَ مقادٌ،
متروكٌ بين أيدٍ ناعمةٍ،
سكرانٌ،
غائبٌ،
مغشيٌ على حلمكَ،
رهينُ محبس الأيام.
حين يرنُّ في رأسك
ناقوسُ الفراقِ.
تعودُ،
مهموماً،
مسدلاً على مسرح حياتك
ستائر مدلهمة،
وبجنبك مكوم اللجام.
\
مقبرة
على سطح ِ بيتنا ببغدادَ وجدنا مقبرة؛
سكّانها:
أبي
وأمي
أخوتي
وأنا.
أسكنونا مكانهم
وغادروا؛
أبي يداري أخطاءَه بعكّاز.
أمي تبكي أبناءها الميتين.
أخواتي يتفقدن أنوثتهن كلّ صباح ٍ.
أخواني أبناءٌ مكررون.
وأنا :
حماقة بعكازٍ،
دموعٌ على الميتين ،
عنوسة ٌ رابضة،
أبناءٌ مكررون،
ونبوءة ٌ عاطلة.
\
معطف
عجوزٌ عطوف،
جدّنا لأبينا.
طيشُنا يذكّره بشبابه،
فيبكي،
ثم يدّعي انها حبّاتُ المطر.