C’est avec tristesse que nous apprenons du fils de Gas­pard Hons et de son édi­teur  Olivi­er Rougerie,   la dis­pari­tion de ce poète belge, essay­iste et chroniqueur lit­téraire (il a notam­ment col­laboré au Jour­nal des Poètes).

Présen­tant briève­ment son oeu­vre (récip­i­endaire de nom­breux prix) dans Le Car­net et les Instants (n° 194, 2017), Gérald Pur­nelle dit de l’auteur qu’il « passe pro­gres­sive­ment d’un sen­su­al­isme matéri­al­iste et lin­guis­tique proche d’Izoard à une écri­t­ure plus philosophique, avec pour piv­ot le recueil Per­son­ne ne précède, écrit en 1985–1986« .

Auteur venu tard à la poésie, Gas­pard Hons, né à La Calamine (Bel­gique), le 3 novem­bre 1937, quitte tôt le foy­er famil­ial pour vol­er de ses pro­pres ailes à Liège, où il étudie et devient assis­tant social. Durant ses études, il ren­con­tre sa future femme, Elise Ledent, et débute sa vie pro­fes­sion­nelle comme pigiste au jour­nal La Wal­lonie. Il cou­vre notam­ment la grande grève de l’hiver 1960–61 où il est forte­ment impres­sion­né par une grande fig­ure syn­di­cale, André Renard.

 

Sa deux­ième nais­sance, écrit Benoît Hons,  est la lit­téra­ture, plus par­ti­c­ulière­ment la poésie, une poésie qu’il ne veut ni anec­do­tique ni sen­ti­men­tale. Il a pub­lié, depuis 1974, plus d’une quar­an­taine de livres et des cen­taines de cri­tiques lit­téraires. Il a égale­ment col­laboré avec beau­coup de pein­tres et de graveurs dans le cadre de « livres objets ».

 

“Mon père n’était d’aucun clan, d’aucune baron­nie et a tou­jours mené sa route poé­tique libre, « franc du col­lier » disait-il.

Il sera ini­tié Franc-Maçon à la loge lié­geoise Hiram, le 21 jan­vi­er 1979.

Dans sa vie, il a eu la chance de ren­con­tr­er, côte à côte, André Cools et Jean Gol ; deux « immenses » lié­geois. Moments d’échanges priv­ilégiés que je lui envie.

Mon père est décédé fidèle à ses con­vic­tions philosophiques.

Ma mère, Chan­tal et moi remer­cions tous ses amis artistes qui l’ont accom­pa­g­né pen­dant plus de 50 ans. Nous remer­cions ses frères et sœurs maçons pour les moments frater­nels passés en loge. Nous remer­cions ses amis, voisins et gens de pas­sage qui ont égale­ment éclairé son existence.”

 

Toute l’équipe de Recours au poème présente ses con­doléances à la famille de ce frère en poésie, dont nous avions pub­lié en for­mat numérique  “Les Rési­dences secondaires”.

Per­son­ne ne précède (extrait)

 Loué sois-tu, Personne

Paul Celan

 I

Un rien suf­fit. Tel ce flo­con de neige oublié, cette lumière frag­ile. Au plus proche d’avril, une bêche céleste, un pourceau frap­pé d’amnésie. Est-ce la réal­ité d’une riv­ière en crue, ou de quelque cas­cade lai­teuse. Celle d’un éter­nue­ment méta­physique ? Ou sim­ple­ment l’ombre de l’abeille première

 

II

Apprivois­er le mot du sim­ple. Le souf­fle des derniers berg­ers. Des témoins de l’être. – Le loin­tain nous habite : nulle clarté latine, nul poème incendié. Là, dans l’obscurité d’une mai­son de miel, le secret de l’abeille : être ou naître éter­nelle ques­tion. Entends la plainte d’une balle per­due, l’écho des rix­es végé­tales. Dans le défilé des mots, les seuls rêveurs. Surpris

 

III

Out­re les bre­bis : des dieux nomades. Dans ce verg­er per­du, le temps inutile à qui je con­fie mon livre. Les inscrip­tions d’une sai­son brûlée. Le deuil immé­di­at des herbes blanch­es. Reste le seul. Le bruit de la lampe. Les tou­s­sote­ments des buis. Et une part d’éternité, ren­due à la paix de l’arbre. Arbre dénudé de l’arbre. Arbre, arraché à sa fran­chise. À l’antique silence du blé, de l’abeille. Du berg­er aveugle

 

IV Pen­sée du corps. De l’Unique. – Jardin pos­si­ble. À la pointe des chemins. Dans le désor­dre des lieux. Nul tes­ta­ment, des fruits peints, un œuf creux. Ces cro­quis du presque print­emps. – Dans la vérité de l’herbe, de l’obscur gel : une nid­i­fi­ca­tion men­songère, des passereaux de craie. La femme endormie, proche de ma bouche V Frag­ments dis­crets. D’une autre pen­sée. De l’hirondelle ascé­tique, de la faulx inver­sée. – L’aube sur ce cail­lou, en ce grain : dit le saccage des granges, la chance des dieux. Trois coups meurent à l’Orient, au som­met du lieu. La chou­ette célèbre la chou­ette. La mémoire saisit la taupe aveu­gle. Ils dor­ment dit l’ogre

 

 

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Hons, Gas­pard. Per­son­ne ne précède (Lit­téra­ture fran­coph­o­ne) (French Edi­tion) (pp. 5–11). FeniXX réédi­tion numérique. Édi­tion du Kindle.