Ce lundi 16 avril 2019, la nouvelle de l’incendie qui ravage la cathédrale de Paris ne peut que nous sidérer : outre — avant-même — l’important monument touristique dont parlent les médias, c’est la perte d’un trésor dont nous étions dépositaires qui nous touche ; ce sont tous les anonymes qui y ont travaillé : architectes, maçons, tailleurs de pierre, verriers… dont le travail et l’âme partent en fumée.
Ce qui nous émeut, ce sont les efforts de toutes les générations qui nous ont transmis ce précieux héritage, dont la littérature a chanté la beauté, dont l’histoire témoigne lors des grands événements… toute l’épaisseur du temps, ce tissu qui nous unit au passé, et tisse des liens entre nous.
Certes, on peut réparer (et il faut l’espérer : à Venise, le teatro della Fenice a brûlé deux fois, avant de renaître de ses cendres) — mais on ne peut “reconstruire”. Et l’insoutenable, ce soir, c’est la pensée que notre patrimoine le plus précieux soit si fragile — que l’incurie, la négligence, les restrictions qui affectent la préservation de nos monuments et de nos biens culturels puissent ainsi tuer cette part matérielle de notre mémoire.
Heures Étienne Chevalier”, Tours c. 1452–1460 (NY, The Metropolitan Museum of Art, 1975.1.2490)
©Charles Platiau/Reuters — sur Paris-Match
La flèche de Notre-Dame-de-Paris vient
de tomber notre cœur tombe à genoux
mes mains orantes pleurent des prières d’espoir
Feu arrête ta dévoration
La flèche de Notre-Dame-de-Paris vient
de tomber je m’arc-boute notre cœur s’arrache
de notre torse-cri emprisonné dans le feu de ses grotesques qui nous emporte dans l’avril noir
Ma charpente brûle mon corps est en flammes
Feu avale tes langues Arrête ta dévoration de cette Forêt éternelle Eteins ces hurlements de pierre qui brûlent les arbres de nos veines
Je tape du pied je perds souffle
Des volutes d’emblèmes et de rosaces
m’enserrent et m’étouffent
J’ai ce soir du 15 avril 2019 855 ans et mon cœur de chêne s’effondre sur lui-même
dans la hauteur dévorée de ses 96 mètres de haut
J’ai l’âme fauchée d’une cathédrale dans le froid de mes os
Feu quitte ce parvis
redonne colonne d’air à nos corps
La cathédrale de Notre-Dame-de-Paris de notre Ame
Mille ans de souvenirs sont morceaux incandescents
qui tombent sur nos têtes
La flèche de Notre-Dame-de-Paris est
tombée notre cœur tombe à genoux
en prières dans nos veines sans âge
Pierres de l’espoir luttez pour notre âme meurtrie !
Murielle Compère-Demarcy
Écrit le 15 avril 2019 peu après 19h
dans la sidération d’une action dévorante qui se propageait
Construction du Temple de Jérusalem, miniature de Jean Fouquet, vers 1465