Voici, me levant ce matin, ce que je vois quand je regarde la mer :
le cortège de tous ceux qui savent
qu’on s’en va plus vite qu’il n’est temps de le remarquer
la foule immense de tous ceux qui ne voulaient pas
mourir de travailler
puisqu’on a bien assez à faire
de vivre pour mourir
la grande marée des indifférents
calfeutrés dans leur cabane
en attendant que passe
le temps des maudits
le déferlement des coléreux
qui n’en pouvant plus
de se faire taper dessus
se levèrent à leur tour
et sans taper
sur ceux qui tapaient
s’en allèrent crier
« ça suffit »
voilà tout
je vois encore la masse des planqués
qui se disent la mort nous oubliera
qui triment et qui trament des lâchetés
à l’ombre de leur masque
et se disent
l’argent nous sauvera
mais les sauvés ne seront pas
ceux qu’ils croient
je vois la multitude
qui se lève en sifflotant
sur un air de printemps
qui se dit : tiens, je n’irai pas ce matin
je n’irai pas
l’école est buissonnière
le rail est plein de fleurs
l’amour n’attend pas
ni la mort
c’est la grève.