Alain Brissiaud, La Parole solide

Par |2019-03-12T14:48:55+01:00 3 mars 2019|Catégories : Alain Brissiaud, Poèmes|

Lui mon­trant la val­lée der­rière la colline
invisible
il con­nut l’irruption de la douleur
se souvenait-il
mais com­ment oublier

ce qu’il était venu chercher
pourquoi
être allé si loin
reje­tant le passé

il dit encore quelque chose
qu’il est épuisé
qu’il veut rester dans la lumière
 et ne peut se poser

dire sa marche
et au-delà

aus­si
par­tir vivre comme on va mourir

 

∗∗∗∗∗∗

 

Nous dormions séparés par la glace
depuis ce jour d’autrefois
au pre­mier temps
de vous

déjà oublieuse de ma présence

allant  selon votre mémoire
indistinctement
sans rien écouter du remous des blés
der­rière la maison
et voir
la main ten­due des vents

ni soupir

ô
votre belle indifférence
je la vois maintenant
si nette et
si présente

dans l’altérité du matin finissant

 

∗∗∗∗∗∗

 

Une autre fois il pleuvait
si fort
tu t’es t’allongée  près de moi
dans le silence
ta peau reflé­tait une lumière crue
il n’y avait plus de dehors

et cette pluie plus forte plus puis­sante à mesure
son­nait dans le ciel
don­nait tout d’elle
elle était notre toit de fortune
nous ne pou­vions comprendre
tes yeux
immenses vibraient de la folie

devant le miroir
nous avons déje­uné de pain
doucement
à se dévisager

étions-nous ces amants si pâles

dis-moi
es-tu celle qui n’est pas

 

∗∗∗∗∗∗

 

Tu ne sais pas où met­tre tes pensées
ronces que cela
étourderies
descen­dant le chemin tu songes
à ces choses
qui sur­gis­sent venues
et t’obligent à dire
parler
pour com­pren­dre avec eux
tous

qui sont-ils tu songes
à leurs regards
avec eux recou­verts de feu de terre
d’or diront-ils
non
pas cela
ceux qui passent ont plus que de l’or
juste le vis­age d’homme
et toi
tu veux tenir tout au bout de ta main
leurs beaux regards bariolés

étour­die ne pas lâcher
la fraiche blessure
qu’ils t’apportent tenir bon

tu sais
ce n’est pas pour rien le maintien
leur belle allure
der­rière la haie cortège de flammèches
tu songes à met­tre en ordre tes pensées
ronces que cela
per­son­ne ne t’attend ils passent

juste

 

∗∗∗∗∗∗

 

Et si pro­fonde dit-elle de ne s’user
qu’en ta présence
c’est écrit dans tes mains tu sais ces mots parlés
dits et ressas­sés sans cesse
usés 
à force d’être là
si près
col­lés à toi qu’ils se ren­dent détestables
qui dis­ent quelque chose d’une langue
qui ne se par­le pas
vont te broy­er te faire disparaitre
déjà tu chavires tu te perds
tu t’absentes

où sont tes mains Jeanne

l’arbre de la cour n’arrête pas le vent
tu le dis dans l’herbe
quand tu cours les mots à nus
tant
ça fait trop mal de ne pas exister

c’est dom­mage

elle épie
présence ôtée

 

 

 

Présentation de l’auteur

Alain Brissiaud

Né à Paris en 1949. Librairie et édi­teur depuis 1973. Vit entre le Vau­cluse et Paris. Le temps qui lui est aujourd’hui don­né est partagé entre l’écriture et la vie.

 

 

 

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