Quand tu me tends un rein de désastre
comme si cela pouvait composer
notre vie
de rien
ou si petite
que j’en oublie le mensonge vrai
celui d’une autre rive jamais atteinte
en ce lieu
où nous marchions alors
alors oui
une troupe d’amour nous encercle
et nous allons ainsi courbés
rassurés
*
Ta poitrine vogue
légère
au-delà du toit
où soupirent tes amants de braise
ta main fait le signe de l’ombre
pour que tous s’écartent
écoute leurs chants d’écume
leurs pitreries
tu secoues tes yeux comme si
tous ces fantômes
venaient dormir sur la couture de tes lèvres
mais vite tu te lasses
épuisée
par trop de querelles
*
Toi perdue sur le chemin d’eau
toi
des brasses s’amoncellent
tu n’es déjà plus ce flot courant
bras et jambes tendus
tu joues une autre musique
que la tienne
perdue d’étouffements secs
viens
le souffle te guidera
vers moi
sois désireuse ô ma protégée
*
Tes bras que je baisais à l’heure de minuit
alors que nous allions
vêtus d’indifférence
tenue pour vérité
que je baisais
protégé du grand vent
durant la nuit d’ici
c’étaient eux seulement
c’était toi
ivre de mer aux lèvres de soupir
d’une tendresse renouvelée
et nous tombions
déshabillés de nos colères
pour autant
démunis
*
Cette chanson chapardée
à ta lèvre
tu ne la donnes plus d’autres
l’ont détournée
ils ont chaussé jusqu’à tes bruits
tes frissons
embarqué ton ombre
amie
tiens-tu comme hier ce journal de démence
ouvre-le à la page restée blanche
ce qu’il te faut
écrire
t’appartient peut-être
encore
*
Il y avait aussi la lumière de tes yeux
dans le rire de l’homme
sur le ponton
j’aurai tant voulu m’y éblouir
m’y noyer
je te vois t’éloigner
comme un sage dépouillé de sa vie
sans visage
habillée par l’ombre
de ceux qui passent dans le silence
seule cette lumière demeure de ce temps
où tout est confondu
l’aile du ciel frôle encore ton visage
je le sais
pour l’avoir rêvé
et m’y être englouti
*
Il fait froid dans la maison
comme un empêchement
d’autres
ont-ils survécu
à l’abîme des nuits
ont-ils posé le front sur le muret
derrière la maison
pas de signe
le ciel est sans parfum
ô rester vivant
fumer l’ombre du corps et se donner
le temps venu
las
crispations engourdies
au matin
pour un réveil
sombre
*
Le vagabond entre dans la lumière
ses pas tracent une ligne
intime
ignorant du chemin
il songe à ces choses
lui pour qui
le passé a cessé d’exister
il va
seul au monde
de vallées en collines
avec sa foi pour tout bagage
feuillages derrière et devant
bruissent dans sa conscience
il mange l’heure de sa vie
nu dans son royaume
ce soir
une ombre silencieuse vêt celui
qui demeure