Alain Dantinne n’en finit pas de voyager. Il s’aventure dans ce nouveau recueil en des contrées toujours plus intérieures, à la recherche du silence et de la solitude. Et c’est la poésie qui le conduit sur ces chemins, bordés des effrayants abîmes de ce siècle, qui ne sont pas sans rappeler ceux du sulfureux Heidegger, lesquels, on le sait, ne menaient nulle part. L’époque a des relents de fin de règne.
La civilisation est un jeu de dupes, une montagne qui, au final, a accouché d’une souris. Les idéaux humanistes ont fait long feu et les étendards du désenchantement flottent sur les décombres d’un monde peut-être perdu pour lui-même. Beaucoup de remous font tanguer les être et les choses. L’inspiration du poète, aussi, dans une démarche volontiers ontologique, dont la feuille de route se propose de toucher au mystère / de l’être même / sa déchirure. L’agitation de l’époque, les ravages du temps qui emporte tout, les amours déçues, éphémères, les amitiés fauchées par la mort, tout cela donne du sens à la démarche poétique d’Alain Dantinne, laquelle tend de plus en plus vers une vérité primordiale, essentielle, définitive, d’où tout émane et tout retourne, dans le mouvement irrépressible de la vie. Et oui, sans doute, là est toute l’errance du poème. Un nomadisme intérieur et perpétuel, qui ne dépend de rien ni de personne. Un souffle qui nous précède et nous suit, sur quoi il convient d’accorder son verbe. Le poème est langage, il reformule et recrée, tout en n’étant dupe de rien. Il est un véhicule pour atteindre l’ineffable et cibler le cœur de la vérité : la langue, oui / comme parole / comme présence à soi. Trouver le lieu et la formule, en quelque sorte, et accomplir la prophétie de L’Homme aux semelles de vent. D’autres voix s’unissent pour jeter quelque clarté dans la pénombre de la poésie : celles de Mathieu Riboulet, Volker Braun, Johannes Kühn, Reiner Kunze et même Léonard Cohen.
Alain Dantinne, Chemins de nulle part, peintures de Jean Morette, éditions L’Herbe qui tremble, 2023, 124p, 17€.
Toutes participent à leur endroit à la construction de l’édifice en assurant les fondations d’une écriture vouée depuis des décennies à la liberté intérieure. Alain Dantinne signe ici une étape fondamentale de son périple personnel dont l’empathie pour l’Homme et son destin tourmenté n’est plus à démontrer. Écoutons donc sa parole monter du crépuscule, où se fondent toutes les nuances sensibles de la vie telle qu’elle est, avec ce qu’il faut de nostalgie assumée et d’inquiétude consciente d’elle-même. Vers la lumière. Plus près, toujours plus près, escortée des œuvres richement dépouillées d’un Jean Morette au sommet de son art.
Présentation de l’auteur
- Alain Dantinne, Chemins de nulle part - 6 décembre 2023
- Philippe Mathy, Derrière les maisons - 29 octobre 2023
- Alain Dantinne, Chemins de nulle part - 5 octobre 2023
- Max Alhau, Entretenir le feu - 5 septembre 2023
- Max Alhau, Entretenir le feu - 20 avril 2023
- Gilles Lades, Ouvrière durée - 29 décembre 2022
- Richard Rognet, Le Porteur de nuages - 21 décembre 2022
- Jean Pierre Vidal, Le vent la couleur - 6 octobre 2022
- Alain Dantinne, Amour quelque part le nom d’un fleuve - 21 septembre 2022
- Alain Dantinne, Amour quelque part le nom d’un fleuve - 20 mai 2022
- Jean Pierre Vidal, Le vent la couleur - 3 mai 2022
- Marie Alloy, Ciel de pierre - 20 avril 2022
- Olivier Vossot, L’écart qui existe - 5 avril 2022
- Isabelle Lévesque, En découdre - 31 octobre 2021
- Claude Albarède, Buissonnières - 21 septembre 2021
- Claude Albarède, Buissonnières - 21 juin 2021
- Béatrice Marchal, Élargir le présent suivi de Rue de La Source - 5 avril 2021
- Jean Pierre Vidal, Passage des embellies suivi de Thanks - 6 décembre 2020
- Gérard Bocholier, Une brûlante usure - 6 octobre 2020