Alain Vircondelet, Des choses qui ne font que passer
Ces choses qui ne font que passer sont celles qu’Alain Vircondelet aperçoit derrière la vitre d’un train. Le matin comme le soir. En toutes saisons. Visions fugitives qui rassérènent le poète après « les saisons lourdes / de l’épreuve ». La nature est là pour pouvoir continuer à vivre « Sur les crêtes d’abondance / Où survivent les mots ».
En citant en exergue Shei Shonagon, dame de la cour japonaise du 11e siècle et auteure des célèbres Notes de chevet, Alain Vircondelet se place d’une certaine manière sous le signe de l’impermanence, chère aux philosophies extrême-orientales, qui trouve sa traduction dans le passage des saisons. « Le chant perdu des choses qui passent jamais perdues cependant, reprises au vol, juste avant qu’elles ne s’effacent », note Vircondelet.
Après l’hiver, le printemps. Tout meurt, tout revit. L’appréhension du monde depuis un train ajoute ce grain de fugacité. Et aussi d’instantané. Car il importe de saisir au vol, tel un photographe, la chose entrevue. Ici « les coulis d’or des colzas », plus loin « l’éolienne dans sa blancheur de lait cru » ou « le vert velours des champs » … Le poète l’affirme : c’est « chaque petit matin / cette même célébration ».
Alain Vircondelet vit au diapason des saisons. Il y a le « plain-chant des vergers en fleurs » (printemps), « les chants cloutés de meules » (été), « la clarté dorée des heures quotidiennes » (automne), « l’impatiente ardeur des graines »(hiver). Mais cette capacité renouvelée d’émerveillement ne masque pas une forme de désarroi. « Le poème est salut et consolation », affirme-t-il, « dans l’aplomb incertain de nos vies ». Car il s’agit de faire face à « l’immobile silence du mal », à « la lancinante usure » et de « croire / à l’imprévisible courage des mots ».
Alain Vircondelet, Des choses qui ne font que passer, L’enfance des arbres, 120 pages, 16 euros.