traduction et présentation de Marilyne Bertoncini
Réduite à deux lignes, accompagnant sa photo, sur le site des éditons Tapirulan qui publient le poète, la biographie de ce dernier annonce :
Né n’importe où en 1962, Alberto Manzoli vit et travaille à Parme. Méfiant et Scorpion, il préfère lire lui-même ses vers en public. En ce moment, il vous regarde avec méfiance. »
Sa poésie, primée à diverses reprises, est publiée en revue et dans des anthologies, il participe au jury d’un concours littéraire, il est aussi l’auteur de préfaces, d’essais (sur le Futurisme en particulier, de monologues et textes dramatiques, et d’adaptations d’auteurs anglophones (Philip Larkin, Sam Shepard, Derek Walcott).
Mais lui ne livrera pas plus que les deux lignes de sa biographie officielle : c’est une personne secrète, présente mais discrète – car contrairement à bien des poètes aspirant à la notoriété, notamment à travers les réseaux sociaux, Alberto Manzoni est réticent à se montrer, conscient que l’œuvre est ce qui importe. Il l’a fait pourtant auprès de Lucia de Ioana, sur La Repubblica (je lui dois les citations d’Alberto Manzoli), où il parle à cœur ouvert de son travail d’écriture, de l’importance dans sa vie de la poésie découverte dans l’enfance, devenue essentielle avec son premier achat, Les Fleurs du Mal : « Baudelaire a été pour moi, comme je crois qu’il l’a été pour beaucoup, mon guide vers la poésie. Dès lors, les choses ont simplement commencé à se produire ». Baudelaire, un modèle « dont il faut vite s’éloigner, dit-il – lui préférant « Dante, la poésie épique nordique et les Gilgamesh, les modernes : Sandro Penna, pour sa grâce foudroyante, Anna Achmatova, pour le don de la tragédie, Fernando Pessoa, pour le don de l’agitation, le calme roi des labyrinthes, Jorge Luis Borges, et l’imagiste Pound. Si je crois que peut-être, pour se limiter au 20e siècle, le poète parfait est Federico Garcia Lorca, qui a réussi à combiner le maximum de popularité avec le maximum de magistère poétique. » .
C’est tardivement qu’Alberto Manzoli, grand lecteur de poésie « entre en écriture « parce que « la poésie est le seul moyen que je connaisse pour lever la tête de la mangeoire. Regarder par-dessus le bord de l’assiette, voir ce qu’il y a au-delà la haie. Ou du moins, s’imaginer qu’il y a quelque chose ».
S’il publie, c’est de façon sélective – et lente – d’où une production rare – soutenue par la présence d’un vieux téléphone sur la table de chevet, en guise de carnet sur lequel il note les pensées des franges du sommeil – des « illuminations » suivies de beaucoup de travail : « J’envie les génies qui écrivent un chef-d’œuvre en cinq minutes. Je ne suis pas un génie, et je dois travailler dur ». Quand j’écris, confie-t-il à Lucia de Ioanna, « toute l’œuvre, toute la fabrication, pour reprendre une expression du Caravage, toute la valeur réside dans la traduction de la prise de vue photographique, du regard, de la vue en une vision centrifuge, d’éloignement de le sujet, pas différent de celui de Paul Gauguin. Le poème part d’un point connu et défini (“toujours me fut chère cette colline solitaire” écrit Giacomo Leopardi) (sempre caro mi fu quest’ermo colle et aborde à un rivage totalement inconnu, à l’océan qu’on découvre en écrivant”.
De cette traversée de la Mare Incognita de l’écriture surgisse des textes surprenants de modernité et de classicisme dont témoignent les 6 poèmes inédits qu’il nous a confiés, choisissant de les inscrire sous l’égide de L’homme de Lisbonne, pour nous emmener dans un voyage à travers temps et mythe, aux origines de la poésie, dans la Mésopotamie de l’épopée de Gilgamesh, qu’il rend infiniment présente, qu’il fait vibrer comme des instants de vie quotidienne transcendés par la mémoire.
L’uomo di Lisbona
(a Mário de Sá-Carneiro)
Severo è il sogno, la realtà mediocre,
coltivo l’arte di dimenticare.
Il mondo esterno era inutile e strano,
così ho fatto di me un intero mondo,
e ora senza occhi contemplo le strade e
i passanti, tempo privo di suono,
statua di un falso dio erosa al vento.
Sono qualcosa tra me stesso e il nulla,
un mare basso bugiardo di schiuma,
un sogno immenso risvegliato in nebbia,
e nel mio labirinto mi son perso,
e poco importa se oggi o da sempre,
tutto si spegne in silenzi di piume.
Severo è il sogno, e la realtà si spezza:
ricordo, credo, una famiglia a pranzo
nell’oro di domeniche dissolte,
pallida pace assorta, e la finestra
che passa l’aria tenera di giugno.
Da casa a volte si sentiva il treno.
L’homme de Lisbonne
(à Mario de Sá-Carneiro)
Exigeant est le rêve, médiocre la réalité,
Je cultive l’art d’oublier.
Le monde extérieur était bizarre et inutile,
alors je me suis fait tout un monde de moi-même,
et maintenant sans yeux je contemple les rues et
les passants, temps dépourvu de son,
statue d’un faux dieu érodée par le vent.
Je suis quelque chose entre moi et le rien,
une mer basse à l’écume menteuse,
un rêve immense réveillé dans le brouillard,
et je me suis perdu dedans mon labyrinthe,
et peu importe si ce jour ou depuis toujours,
tout s’éteint dans des silences de plumes.
Exigeant est le rêve, et la réalité se brise :
Je me souviens, je crois, d’une famille au déjeuner
dans l’or de dimanches dissous,
pâle paix absorbée, et la fenêtre
qui offre l’air tendre de juin.
Parfois, de la maison, on entendait le train.
Australopithecus sapiens sapiens
Mi muovo qui, in assenza di tempo,
scostando i rami per cogliere i frutti,
e uova e nidi e poi di tanto in tanto
scimmie minori, quando ci riusciamo,
da spartire con le femmine a terra.
Non prendo mai più di quanto mi serve.
Ogni tanto, poi, mi fermo su un ramo,
e il mio sguardo sereno si distende
sopra l’immensa cupola smeraldo
fresca e pulita di recente pioggia,
e al richiamo gioioso degli uccelli,
a questo soffio gentile di dentro,
io mi domando se esiste davvero,
se ciò che alcuni chiamano la morte
non abbia regno che sull’apparenza,
e non sia solo un mutare di forme,
dal minerale al vegetale e oltre
poi, tutto daccapo, e tutto di nuovo,
col cuore in gola, affannato e felice,
questo scendere e salire dal ramo
che non si spezza e che non avvizzisce,
la mammella sempre verde di latte
che non distingue tra figli e figliastri.
Ignoro tutto, a parte la foresta.
Così mi pare di sapere tutto
quello che esiste da sapere al mondo,
soltanto gli alberi, i ruscelli, i sassi,
tutta la vita che ci nuota dentro,
che vola, striscia o canta nel mattino,
e che non chiede null’altro che vita.
Questo io so che è la cosa giusta
Se esiste un altro mondo, è sbagliato.
Australopithèque sapiens sapiens
Je me déplace ici, en absence de temps,
écartant les branches pour récolter les fruits,
et des œufs et des nids, et puis de temps en temps
de plus petits singes, quand on y parvient,
à partager avec les femelles au sol.
Je ne prends jamais plus que ce dont j’ai besoin.
De temps en temps, je m’arrête sur une branche,
et mon regard serein s’éloigne
par-delà l’immense dôme d’émeraude
frais et propre de la pluie récente,
et au chant joyeux des oiseaux,
à ce doux souffle de l’intérieur,
Je me demande si tout cela existe vraiment,
si ce que certains appellent la mort
ne règne que sur l’apparence,
et ne soit rien de plus qu’un changement de formes,
du minéral au végétal et au-delà
encore, de nouveau tout et toujours,
le cœur dans la gorge, à bout de souffle, heureux,
ce descendre et monter de la branche
qui ne se brise pas et qui ne se dessèche,
le sein toujours vert de lait
qui ne distingue pas entre fils et bâtards.
J’ignore tout, sauf la forêt.
Ainsi j’ai l’impression de tout savoir
De ce qu’il y a à savoir dans le monde,
juste les arbres, les ruisseaux, les pierres,
toute la vie qui nage en nous,
qui vole, rampe ou chante le matin,
et ne demande rien de plus que la vie.
Je sais que c’est la chose juste.
S’il existe un autre monde, il est faux.
La dea bianca
L’arancia è un frutto d’acqua, e nell’arancia
ogni spicchio trova la sua ragione,
il posto esatto del suo stare al mondo,
sotto il materno velo che lo nutre.
Così è la melagrana, il fico verde
di cui mi adorno e che di me ragiona,
ed ogni mite frutto di stagione
racconta la pienezza senza sfregio
del mio silenzio, del mio dire chiaro,
la neve che non si converte in acqua,
quando sui colli scivola il disgelo.
Sono misura che sorpassa il segno,
e in me non c’è mai stata la frattura,
mai l’esplosione verso il mondo esterno;
intatta io racchiudo l’universo,
e custodisco il mondo e a te lo dono,
a te che innocente mi hai raggiunto.
Nelle tue mani calde, goffe e buone
affido l’uovo che non si è mai schiuso.
Come spiegarti, caro, come dirti
che dal mio grembo deserto di figli
nascono insieme i giorni e le comete,
e boschi e laghi su cui passa il vento,
e prati di rugiada, e in fondo al piano
città che si risvegliano al mattino,
col primo carro che esce nella nebbia.
Tu dormi e non sai nulla, il tuo dormire
ha il soffio dell’agnello che ha lattato.
Riposa ancora, caro, non ti tocco.
Sono pronta, sono nuda, e ti aspetto.
La déesse blanche
L’orange est un fruit d’eau, et dans l’orange
chaque quartier trouve sa justification,
la place exacte de son être au monde,
sous le voile maternel qui le nourrit.
Ainsi est la grenade, la figue verte
dont je me pare et qui parle de moi,
et tous les doux fruits de saison
racontent la plénitude sans cicatrices
de mon silence, de mes paroles claires,
la neige qui ne devient pas eau,
quand le dégel glisse sur les collines.
Je suis la mesure qui dépasse le signe,
et en moi jamais il n’y eut de fracture,
jamais l’explosion vers le monde extérieur ;
intacte c’est moi qui contiens l’univers,
et je garde le monde et à toi je le donne,
à toi qui innocent m’a rejointe.
Entre tes mains chaudes, maladroites et bonnes
Je confie l’œuf qui n’a jamais éclos.
Comment t’expliquer, mon cher, comment te dire
que de mon ventre aride d’enfants
naissent en même temps les jours et les comètes,
et des bois et des lacs sur lesquels le vent passe,
et des prairies de rosée, et au fond de la plaine
des villes qui le matin s’éveillent,
avec le premier char qui sort dans le brouillard.
Tu dors et ne sais rien, ton sommeil
a l’haleine de l’agneau qui vient d’allaiter.
Repose-toi, mon cher, je ne te touche pas.
Je suis prête, je suis nue et je t’attends.
Monologo di Tammuz il pastore
Quanto è distante il cielo dalla terra?
Non molto forse, se io qui, supino,
disteso in mezzo all’erba appena nata,
la testa volta indietro alla collina,
guardo le greggi pendere dal prato,
nette contro l’azzurro che si stampa,
come le nubi quando cambia il tempo.
E in questo volo basso e rovesciato
sta forse tutto il trucco delle cose,
che sembrano banali, e sono sacre:
il letto, le scodelle, l’acqua, il fuoco,
l’erba e l’agnello che consuma l’erba,
e il ferro che alla fine chiude entrambi.
E tutti quei silenzi e spazi vuoti
in cui mi formo come la giuncata
che metto ad asciugare nei cestini
e sgoccia a notte, lenta, sulla paglia,
e la fatica ancora, e il pane duro
che riconforta la mia quiete all’ombra,
quando il Leone infuria e insieme al gregge
mastico adagio, gli occhi fissi al mare.
È il mio mondo, evidente e segreto,
vasto quanto la ronda del mio abbraccio.
Lo tengo insieme con sangue e sudore e
nessun filosofo, nessun poeta
è il benvenuto qui. Basta la vita,
la sola vita è già preghiera e canto.
E il canto si fa più dolce e disteso
quando alla sera, assieme ai pochi amici
ci raccontiamo la nostra giornata,
beviamo in pace un bicchiere di vino,
e in pace ognuno torna alla sua casa.
Qui il rito si ripete: a mani giunte
sorreggo la scodella con la zuppa,
poi vado al lavatoio e spengo il lume.
E un po’ più tardi, dopo il primo sonno,
la rapazzola sotto la finestra
si schiara al primo raggio della luna
che va sorgendo quieta tra i cipressi.
In breve la mia attesa avrà il suo scopo,
il gatto si spaventa e fa la gobba,
sotto la tela sento le tue forme
lievitare come soffice pane.
Domani devi dare l’acqua ai porri,
zappare le patate e dargli il verde.
So che sai questo, e molto altro ancora,
di cose che non potrò mai capire,
e non mi dirai mai, e non mi offendo;
e so che non ti offendi, se un pastore
a notte alta dorme ancora un poco.
Monologue de Tammuz le berger
Combien y a‑t-il du ciel à la terre ?
pas grand-chose peut-être si, allongé ici,
le dos au milieu de l’herbe à peine née,
la tête tournée vers la colline là derrière,
Je regarde les troupeaux suspendus dans le pré,
précis contre l’azur qui s’imprime,
comme les nuages lorsque change le temps.
Et dans ce vol bas et inversé
Se trouve peut-être toute la magie des choses,
qui semblent anodines, et sont sacrées :
le lit, les bols, l’eau, le feu,
l’herbe et l’agneau qui mange l’herbe,
et le fer à la fin qui interrompt les deux.
Et tous ces silences et ces espaces vides
dans lequel je me forme comme la jonchée
que je mets à sécher dans les paniers
et qui s’égoutte lentement sur la paille la nuit,
et la fatigue encore, et le pain dur
qui réconforte mon calme à l’ombre,
quand le Lion fait rage et qu’avec le troupeau
Je mâche lentement, les yeux fixés sur la mer.
C’est mon monde, évident et secret,
vaste comme l’ étreinte de mon bras.
Je le maintiens avec sang et sueur et
aucun philosophe, aucun poète
n’est bienvenu ici. La vie suffit,
la vie seule est déjà prière et chant.
Et le chant devient plus doux et détendu
quand le soir, avec quelques amis
on se raconte notre journée,
buvons un verre de vin en paix,
et en paix chacun rentre chez soi.
Ici le rituel se répète : mains jointes
Je tiens le bol avec la soupe,
puis je vais au lavoir et j’éteins la lumière.
Et un peu plus tard, après le premier sommeil,
la paillasse sous la fenêtre
s’éclaircit au premier rayon de lune
qui s’élève tranquillement parmi les cyprès.
Sous peu mon attente atteindra son but,
le chat a peur et arque l’échine,
sous la toile je sens tes formes
lever comme un pain moelleux.
Demain il faut arroser les poireaux,
biner les pommes de terre et leur donner du vert.
Je sais que tu sais cela, et plus encore,
des choses que jamais je ne comprendrai,
et jamais tu ne me les diras, et je ne m’offense pas;
et je sais que tu n’es pas offensée, si un berger
au cœur de la nuit dort encore un peu.
Lamento di Enkidu
Gilgamesh ordinò al cacciatore:
“Va’, e porta la prostituta Shamhat con te.
Quando gli animali selvaggi si recheranno all’abbeverata,
falla spogliare, fa’ che mostri il suo sesso.
Enkidu la vedrà, le si avvicinerà,
e allora i suoi stessi animali, quelli con cui è cresciuto,
non lo riconosceranno più.”.
La lepre. Il toro. L’ape e il leone:
le grandi anime sono capaci
di grandi silenzi e grandi segreti.
Sarà per questo forse che al ricordo
dei giorni andati, quando ero divino,
quando scorreva senza distinzione
la vita tra me e ciò che non ero,
il cuore mi si stringe come un pugno;
e allora grido, e il grido cade in nulla,
la mandria fugge ancora e mi abbandona.
Io, Enkidu, ero uno di loro:
e nei tramonti e nei mattini immensi
ero silenzio e sogno e alba certa,
avevo i loro occhi e la visione,
e in dono un mondo di pascoli e rivi.
Adesso non sono più nulla: gemo,
ridotto a forma umana senza scampo,
ad un pensiero conforme e banale;
e al passo di un inverno che si guasta
contemplo l’acqua pura del disgelo,
e il folto dei comignoli sul tetto
a sfidare la luce che si allunga
verso frontiere franche, mentre insieme
quieti alla nostra fine scivoliamo.
E in questo scarto tra rumore e suono,
seduto sul gradino presso all’uscio,
mondando le insalate per la cena,
ricordo il fuoco della mia potenza,
quando correvo assieme al vento caldo
piegando a terra le erbe con l’amore
più crudo e nel mio corpo trionfante
era la mia certezza e il mio destino.
Poi, nel bagliore di un giorno assetato,
senza che avessi sospetto o sentore,
venne la bella. Sapeva di rose.
Complainte d’Enkidou
Gilgamesh ordonna au chasseur :
“Va, et emmène la prostituée Shamhat avec toi.
Quand les animaux sauvages viendront à l’abreuvoir,
fais-la se déshabiller, laisse-la montrer son sexe.
Enkidu la verra, il s’approchera d’elle,
alors ses propres animaux, ceux avec qui il a grandi,
ne le reconnaîtront plus. ».
Le lièvre. Le taureau. L’abeille et le lion :
les grandes âmes sont capables
de grands silences et de grands secrets.
C’est peut-être pour cela que la mémoire
des jours passés, quand j’étais divin,
quand coulait sans distinction
la vie entre moi et ce que je n’étais pas,
mon cœur se serre comme un poing ;
alors je pleure, et le cri tombe dans le néant,
le troupeau à nouveau s’enfuit à et m’abandonne.
Moi, Enkidu, j’étais l’un d’entre eux :
et dans les couchants et les matins immenses
J’étais silence et rêve et aube certaine,
J’avais leurs yeux et leur vision,
et le don d’un monde de pâtures et de rivières.
Maintenant je ne suis plus rien : je gémis,
réduit à une forme humaine sans issue,
à une pensée conformiste et banale ;
et au passage d’un hiver qui se gâte
Je contemple l’eau pure du dégel,
et la forêt de cheminées sur le toit
défiant la lumière qui s’étire
vers des frontières ouvertes, tandis qu’ensemble
calmes vers notre fin nous sombrons.
Et dans cet écart entre le bruit et le son,
assis sur le pas de la porte,
nettoyant les salades pour le repas du soir,
Je me souviens du feu de ma puissance,
quand je courais avec le vent chaud
pliant les herbes au sol de l’amour
le plus cru et que dans mon corps triomphant
étaient ma certitude et mon destin.
Puis, dans la lueur d’un jour assoiffé,
sans que je m’en doute ou que je m’en aperçoive,
vint la belle. Et un parfum de rose.
Lamento di Gilgamesh
Di colui che vide ogni cosa voglio narrare al mondo;
di colui che apprese e che fu esperto in tutte le cose. (…).
Vide ciò che era segreto, scoprì ciò che era celato,
e riportò indietro storie di prima del diluvio.
Percorse vie lontane finché, stremato, trovò la pace.
Sin–leqe–unninni, prologo del Racconto di Gilgamesh
Non c’è partenza che non mi assomigli,
nel vuoto delle stanze abbandonate.
Ho visto l’alba sopra le montagne
nelle foreste odorose di cedri,
e poi il giorno diventare vecchio,
e non rispondere alla mia domanda.
Conosco l’arte occulta del serpente,
ma come lui non so cambiare pelle,
quando a ponente si affaccia il mattino.
E tutta questa scienza a che mi serve?
L’innocenza è lontana e mi deride,
così come lontana è la pienezza
che mi credevo di acciuffare in corsa,
come la lepre il cane. Insomma, niente,
c’è più verità in un mazzo di fiori
che in tutti i libri di filosofia,
il mondo parla semplice e pulito,
e noi non lo ascoltiamo, questo è il punto.
In un paese al di là del vento
riposa l’ombra della mia speranza,
e tra noi due sta, tenera e paziente,
la quotidiana anomalia dei giorni.
Così mi siedo e aspetto, sulla torre
il fiato soffocante del deserto
mi porta a tratti il richiamo di un cane,
mi dice quanto è solido il silenzio,
quanto profondo il buio sulle case.
Io sono il re di un regno che ho lasciato,
non resta che il mio corpo solamente e
non c’è viandante, non c’è mietitore
che non invidi perché non è me.
Ad uno ad uno vedo nel vallone
spegnersi i fuochi nei campi e sulle aie.
Anche stanotte, placida e serena,
sui mari quieti, sopra le pianure,
la luna aggira il mondo e voi dormite.
Complainte de Gilgamesh
De celui qui a tout vu, je veux parler au monde ;
de celui qui apprit et fut expert en toute chose.(…).
Il vit ce qui était secret, trouva ce qui était caché,
et ramena des histoires d’avant le déluge.
Il parcourut des routes lointaines jusqu’à ce que, épuisé, il trouve enfin la paix.
Sin – leqe – unninni, prologue du Conte de Gilgamesh
Il n’y a départ qui ne me ressemble,
dans le vide des chambres abandonnées.
J’ai vu l’aube sur les montagnes
dans les odorantes forêts de cèdres,
et puis j’ai vu vieillir le jour,
sans réponse à ma question.
Je connais l’art occulte du serpent,
mais je ne sais comme lui changer de peau,
quand au ponent se montre le matin.
Et toute cette science à quoi me sert-elle ?
L’innocence est loin et se moque de moi,
De même que la plénitude
que je croyais saisir dans ma course
comme le lièvre le chien. Bref, rien,
il y a plus de vérité dans un bouquet de fleurs
que dans tous les livres de philosophie,
le monde parle simple et net,
et nous ne l’écoutons pas, c’est le problème.
Dans un pays d’au-delà du vent
repose l’ombre de mon espoir,
et entre nous deux se tient, tendre et patiente,
l’anomalie quotidienne des jours.
Ainsi je m’assois et j’attends, sur la tour
le souffle étouffant du désert
m’apporte parfois l’appel d’un chien,
me dit à quel point le silence est solide,
combien profonde la nuit sur les maisons.
Je suis le roi d’un royaume que j’ai quitté,
Il ne me reste rien que mon corps et
il n’y a voyageur, il n’y a moissonneur
que tu n’envies car il n’est pas moi.
Un par un je vois dans la vallée
S’éteindre les feux des champs et sur les aires de battage.
Même ce soir, placide et sereine,
sur les mers tranquilles, sur les plaines,
la lune fait le tour du monde et vous dormez.
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- Traduire Lake Writing de Judith Rodriguez - 6 juillet 2019
- Ping-Pong : Visages de l’Australie, Carole JENKINS, entretien - 6 juillet 2019
- Du côté des traductions : Acep Zamzam NOOR, Federico Garcia LORCA - 6 juillet 2019
- La Part féminine des arbres (extraits) - 7 juin 2019
- Daniel Van de Velde : portrait en creux de l’artiste - 4 juin 2019
- Ivano Mugnaini, extraits de La Creta indocile - 4 juin 2019
- Tristan Cabral : hommage à un poète libertaire - 4 mai 2019
- Alma Saporito : Poèmes du Juke-box, extraits - 4 mai 2019
- Derviche tourneur, revue pauvre et artistique - 4 mai 2019
- Enesa Mahmic, poète bosniaque - 4 mai 2019
- Sara Sand /Stina Aronson, poète et féministe suédoise - 31 mars 2019
- Artaud, poète martyr au soleil noir pulvérisé - 3 mars 2019
- Le Retour de Mot à Maux - 3 mars 2019
- Beatritz : le Dolce stile Novo revisité de Mauro de Maria - 3 mars 2019
- Poésie-première 72 : l’intuitisme - 3 mars 2019
- Angèle Paoli & Stephan Causse Rendez-vous à l’arbre bruyère, Stefanu Cesari, Bartolomeo in Cristu - 3 février 2019
- Judith Rodriguez, Extases /Ecstasies (extrait) - 3 février 2019
- Didier Arnaudet & Bruno Lasnier, Laurent Grison, Adam Katzmann - 4 janvier 2019
- “Poésie vêtue de livre” : Elisa Pellacani et le livre d’artiste - 4 janvier 2019
- Georges de Rivas : La Beauté Eurydice (extraits inédits) - 4 janvier 2019
- Elisa Pellacani : Book Secret, Book Seeds & autres trésors - 4 janvier 2019
- Un petit sachet de terre, aux éditions La Porte - 5 décembre 2018
- Wilfrid Owen : Et chaque lent crépuscule - 5 décembre 2018
- “Dissonances” numéro 35 : La Honte - 3 décembre 2018
- Luca Ariano : extraits de Contratto a termine - 3 décembre 2018
- Wilfrid Owen : Et chaque lent crépuscule (extraits) - 3 décembre 2018
- REVU, La revue de poésie snob et élitiste - 16 novembre 2018
- Apollinaire, Le Flâneur des deux rives - 5 novembre 2018
- Un Album de jeunesse, et Tout terriblement : centenaire Apollinaire aux éditions Gallimard - 5 novembre 2018
- “Apo” et “Le Paris d’Apollinaire” par Franck Ballandier - 5 novembre 2018
- Giancarlo Baroni : I Merli del giardino di San Paolo / Les Merles du Jardin de San Paolo (extraits) - 5 novembre 2018
- Sophie Brassart : Combe - 5 octobre 2018
- Michele Miccia — Il Ciclo dell’acqua / Le Cycle de l’eau (extrait) - 5 octobre 2018
- Alain Fabre-Catalan et Eva-Maria Berg : “Le Voyage immobile, Die Regungslose Reise” - 5 octobre 2018
- Revue “Reflets” numéro 28 — dossier spécial “Poésie” - 5 octobre 2018
- Florence Saint-Roch : Parcelle 101 - 5 octobre 2018
- Les Cahiers du Loup Bleu - 4 septembre 2018
- Sanda Voïca : Trajectoire déroutée - 4 septembre 2018
- Les Revues “pauvres” (1) : “Nouveaux Délits” et “Comme en poésie” - 4 septembre 2018
- Résonance Générale - 4 septembre 2018
- Pascale Monnin : la matière de la poésie - 6 juillet 2018
- D’Île en Elle : Murièle Modély, de “Penser maillée” à “Tu écris des poèmes” - 5 juillet 2018
- Créolités et création poétique - 5 juillet 2018
- La Revue Ornata 5 et 5bis, et “Lac de Garance” - 3 juin 2018
- Journal des Poètes, 4/2017 - 5 mai 2018
- “En remontant l’histoire” du Journal des Poètes - 5 mai 2018
- Patrick Williamson, Une poignée de sable et autres poèmes - 6 avril 2018
- Revue Traversées - 6 avril 2018
- Daniele Beghè, Manuel de l’abandon (extraits) - 6 avril 2018
- Jean-Charles Vegliante, Où nul ne veut se tenir - 2 mars 2018
- La revue Cairns - 1 mars 2018
- Denise Desautels : La Dame en noir de la poésie québecoise - 26 janvier 2018
- La Passerelle des Arts et des Chansons de Nicolas Carré - 21 novembre 2017
- Revue Alsacienne de Littérature, Elsässische Literaturzeitchrift, “Le Temps” - 20 novembre 2017
- Jacques Sicard, La Géode & l’Eclipse - 14 novembre 2017
- Nouvelles de la poésie au Québec : Claudine Bertrand - 16 octobre 2017
- Martin Harrison - 2 octobre 2017
- visages de l’Australie, Carole Jenkins - 2 octobre 2017
- Feuilletons : Ecritures Féminines (1) - 2 octobre 2017
- Beverley Bie Brahic - 1 octobre 2017
- Entretien Hélène Cixous et Wanda Mihuleac - 15 septembre 2017
- Laurent Grison, L’Homme élémentaire et L’œil arpente l’infini - 15 septembre 2017
- John Ashbery : Le Serment du Jeu de Paume - 1 juillet 2017
- Patricia Spears Jones - 30 juin 2017
- Les Débuts de Cornelia Street Café, scène mythique de la vie littéraire new-yorkaise - 16 juin 2017
- Au Café Rue Cornelia, Village de l’Ouest, New York : Une Conversation - 15 juin 2017
- Voix féminines dans la poésie des Rroms : Journal des Poètes 4, 2016 et 1, 2017 - 19 avril 2017
- “Mahnmal Waldkirch” et quatre traductions - 18 avril 2017
- Eva-Maria Berg, poème pour le Mémorial de Waldkirch - 18 avril 2017
- “La Mémoire des branchies” et “Debout”, deux recueils d’Eva-Maria BERG. - 21 mars 2017
- Judith Rodriguez : l’aluminium de la poésie - 3 février 2017
- choix de poèmes de Carole JENKINS traduits par Marilyne Bertoncini - 31 janvier 2017
- Feuilletons… Rome DEGUERGUE, Marie-Ange SEBASTI, Chantal RAVEL Christophe SANCHEZ, Gérard BOCHOLIER - 21 janvier 2017
- GUENANE et Chantal PELLETIER, aux éditions de La Sirène étoilée - 9 décembre 2016
- Muriel STUCKEL, Du ciel sur la paume. - 9 décembre 2016
- PING-PONG : Gili Haimovich - 25 novembre 2016
- Aux éditions Henry — Valérie CANAT de CHIZY, Laurent GRISON - 16 novembre 2016
- Le Journal des Poètes, Phoenix et Le Festival Permanent des Mots - 8 novembre 2016
- Ping-Pong : Deux poèmes et un entretien avec Kent Mac Carter - 31 octobre 2016
- Poèmes de Jan Owen traduits par Marilyne Bertoncini - 20 octobre 2016
- James Byrne, Une poèsie qui vous explose - 30 septembre 2016
- Fil de lecture de Marilyne Bertoncini : autour de Dominique CHIPOT - 17 septembre 2016
- Trois recueils illustrés — John TAYLOR, Sabine HUYNH, Anna JOUY - 10 juillet 2016
- Fil de Lecture de Marilyne BERTONCINI : Eloge du silence et de la légèreté, Eric DUBOIS, Cédric LANDRY - 10 juillet 2016
- Ara Alexandre Shishmanian, Fenêtre avec esseulement - 30 juin 2016
- Denis EMORINE : Bouria, Des mots dans la tourmente - 25 juin 2016
- Cahiers Littéraires Internationaux Phoenix n°20, Hiver 2016 - 20 avril 2016
- Xavier Bordes, La Pierre Amour - 19 mars 2016
- Entretien avec Shuhrid Shahidullah - 24 février 2016
- Pierre Perrin : Une Mère, le cri retenu - 21 février 2016
- Fil de Lecture de Marilyne Bertoncini : Nouveautés des 2Rives - 22 décembre 2015
- Angèle Paoli : Tramonti - 1 décembre 2015
- BARRY WALLENSTEIN - 29 septembre 2015
- Eric Dubois, Le Cahier, Le Chant Sémantique - 13 septembre 2015
- La poésie de Jan Owen - 5 décembre 2014
- Un regard sur la poésie anglaise actuelle (3) - 30 septembre 2014
- Martin Harrison vient de nous quitter - 9 septembre 2014
- Un regard sur la poésie anglaise actuelle (2). Géraldine Monk présentée par Steven J. Fowler et traduite par Marilyne Bertoncini - 16 juin 2014
- Un regard sur la poésie anglaise actuelle (1) - 9 mai 2014