La jeunesse, les mouvements, l’exil, les voyages, la voix, les métamorphoses, la liberté, les rythmes : la vie. C’est bien une ode à la vie à laquelle nous convie Andrée Chédid, où l’horizon s’écarte en saisissant le temps à bras le corps.
Pourquoi parler quand on peut chanter, ce pourrait être le mot d’ordre de sa poésie, elle qui fut toujours au plus proche de l’hymne vital.
Andrée Chedid, Rythmes, Gallimard, Poésie, décembre 2017.
Ici le cri et la tendresse ne sont plus contradictoires mais complémentaires, naviguant dans « l’estuaire des mots », même si nos rêves s’agrippent encore aux vieilles pierres, même si la vie sur Terre est aussi fragile qu’une herbe, même si nos mains ne savent plus retenir.
Notre cœur bat toujours au centre du soleil.
Cette réédition est augmentée de la préface de Jean-Pierre Siméon qui nous donne à voir, à sentir, à toucher plus qu’à analyser, exposant les nombreuses dimensions de l’œuvre d’Andrée Chédid, en rappelant « je suis multiple » qui, plus qu’une formule, pourrait être sa signature, faisant écho à la diversité humaine qui forme un kaléidoscope parfois magique, que notre époque simplificatrice a un peu trop oublié, nous éloignant ainsi de notre vérité profonde où la poésie, rivière souterraine, en est une des sources essentielles.
Le souffle d’Andrée Chédid est encore si doux et si puissant qu’il nous emporte sans que l’on puisse y résister, si loin et si près que c’est un voyage initiatique de toute une vie que nous parcourons, où la vieillesse est un ciel généreux qui côtoie la jeunesse.
Les fragments d’éternité que nous sommes nous poussent parfois au-delà du portail de notre finitude, nous faisant prendre conscience, par un retour au présent, de la beauté de ce qui nous entoure. Ainsi l’ultime partie est celle de l’émerveillement, où le ruisseau du regard extérieur coule au milieu de l’envoûtement des astres, braises d’un feu primordial, quand les mots sont impuissants à capter la sensualité, la force et les rêves infinis, quand la lumière est matière et le silence le langage du temps. Être au présent pour voir l’aube qui éventre l’obscurité, se laisser éblouir par la vie et ses formes démultipliées, transgresser sans jamais dénaturer et caresser la grâce de l’eau, goûter la pulpe de l’innocence, ouvrir les sens et l’instinct aux sentiments les plus enfouis, en abandonnant les algorithmes mécaniques des grandes villes.
D’eau et d’étoiles, de terre et d’espace, au présent et à l’infini, fluide ou minéral, « à force de renaître, auréolé de rêve », c’est l’amour qui a le dernier mot.
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