Andrei Dósa, Poèmes
Ici l’arbre de vie c’est le cotonnier
(sur le chemin de la maison)
ici tous les jours on rectifie
afin que tout en toi te semble parfait
ici on ajuste le ton de ta voix
les coordonnées de ton prochain pas
ici tu chantes che sara sara
tu danses comme Le troupe de diaghilev
tu te chouchoutes
comme tu respires
ici c’est la réflexologie par centre commercial
ici l’argent et la lâcheté sont mis en balance
c’est ton ombre qui t’entraîne et non l’inverse
ici c’est avant qu’il n’y ait le verbe
ici la sensation et l’assurance de ta peau
dame mort est amnésique
les catastrophes se nient avec véhémence
le mal est une onde plaisante
ici on sécrète la salive
ici tu te dis ce que tu devrais faire
ici tu ne te prends pas la tête
ici tu ne te prends pas la tête
ici l’attente est directement proportionnelle au
chaos
tu te perds et personne ne vient à ta recherche
lá-bas très loin
en toi-même
mon égal
toutes ces choses
multipliées et mixées à l’ínfini
ta voix tes gestes nés d’une crispation métallique
hey buddy u need a ride ?
no I prefer to walk alone thru the desert
the coyote’s howl in my ears
un bon bang comme chez soi
une bouteille de coca le col tordu du papier alu
une épingle nourrice un briquet
du sour diesel ou du purple haze
écoute les bons serveurs vont au ciel
les anges s’assoient à leur table
et il y a une règle mon pote le pourboire c’est 150 mini
t’imagines le gars qui dépense rien
aux states pas un dollar tape les autres
paie pas son loyer va au supermarché
tous les matins mettre du déodorant
jamais deux fois le même
il rentre en roumanie se paie une dacia logan
eh docha ton nom comment ça se prononce
dósa tu vois je prononce mieux que ton père
ton père a dû dire ça un million de fois
il le connaît mieux que yes
TROISIEME JOUR, TROISIEME NUIT
et le jour qui ne vient pas
les bacs de verres et d’assiettes arrivent sur le convoyeur
avant j’aimais ce cliquetis ça m’aiguisait les sens
et l’appétit
je passe de l’autre côté du convoyeur
je reçois une goutte d’eau de vaisselle sur la lèvre
je la touche du bout de la langue un réflexe
sans cracher sans essuyer sans me rincer la bouche
les mains qui dégoulinent de sauce de graisse de suie
mélangées d’eau
les serveuses déchargent les plateaux d’assiettes sales
elles font tout de travers une histoire de neurotransmetteurs
sank you véri motch sank you véri motch salauds de français
j’ai eu que cinq dollars de pourboire
t’as vu la femme qui donnait le sein à table puuuutain
si seulement lyman était là chaque fois qu’on disait quelque chose
il sortait une vanne
qu’il avait piquée dans un dessin animé le pauvre
on aurait dit un personnage de dessin animé à la retraite
c’est tellement con
un lave-vaisselle seulement pour le service d’après-midi
la révolte gronde mais de plus en plus faiblement
derrière moi les flammes lèchent la hotte
les cuistots vont me balancer des casseroles par dizaines
riz spécial oncle ben´s
les spaghettis collés au fond des casseroles
le poisson à la poêle tous les trucs gluants
que tu peux imaginer restes fossilisés je creuse
toutes ces couches de friture géologique
j’ai peur des casseroles
je sors les bacs de verres propres
excuse me excuse me mon anglais approximatif
ils dégagent comme pour laisser passer un camion poubelle
je passe entre eux on m’a demandé six fois
ma taille aujourd’hui je redoute une nouvelle vague de clients
j’ai envie de semer cinq cents grammes de clous à l’entrée du parking
je trie les couverts je ne fais pas la différence
entre les petites cuillères à soupe et les cuillères à dessert
les lames des couteaux coincées entre les pointes des fourchettes
les pointes des fourchettes emmêlées entre elles
je redoute une nouvelle vague de clients
japonais européens américains
les mâchoires serrées sous les visages détendus
les yeux imprégnés de la lueur sépia des bougies
et ça mastique et ça mastique et ça avale
et ça mastique et ça mastique et ça avale
les dents toutes les mêmes les ventres japonais européens américains
je vois un type qui entrechoque deux pierres
et j’aurais aimé qu’il reste comme ça au lieu d’évoluer
au lieu d’inventer la société de consommation
de construire des bagnoles d’extraire du pétrole
pourquoi est-ce que c’est moi qui retourne à l’état primitif
à entrechoquer des pierres à tailler un truc informe de plus en plus informe
et n’oublie pas les lavettes les torchons et les serviettes me crie quelqu’un
rayures bleues rayures blanches rayures rouges
rayures jaunes à plier
textures fourchettes assiettes substances graisseuses
je trébuche plateaux assiettes
flammes hottes étagères fracas métallique vapeur
la radio gronde comme une mini centrale électrique
les trucs pour le dîner avec les trucs pour le dîner
les bols à déjeuner avec les bols les couleurs avec les couleurs
les blancs avec les blancs les assiettes creuses avec les assiettes creuses
les plates avec les plates blanches rouges noires
rondes carrées froides blanches tièdes froides chaudes
au début on l’entend à peine
coudes voix noires sors-moi d’ici s’il te plaît
on se barre c’est pas pour l’argent
c’est parce que j’aurais trop honte de laisser tomber maintenant
que tout le monde me voie laisser tomber maintenant
balais mouillés brosses les soies qui blessent les talons nus
sors-moi d’ici s’il te plaît je suis un ver
dans une pomme en fer que je voudrais dévorer mais je peux pas
au bout de deux mois et trois jours (bonus 2)
j’essaie de capter son regard
entre les étagères en inox
j’en ai la tête qui tourne
je suis crevé pas rasé
heather t’aurais pas quelque chose de bon pour moi ?
tu veux que je te serre dans mes bras ?
je sais pas
tu sais pas ce que ça veut dire serrer dans les bras ?
elle le fait à l’autre gâte-sauce pour me montrer
je fais le tour de la cuisine un bond
de quelques mètres et je suis à son côté
elle me serre bien fort
contre sa poitrine j’ai les os qui craquent
je sens que tout se remet en place
.
.
.
.
dupã douã luni şi trei zile (bonus 2)
încerc sã-i prind privirea
printre rafturile de inox
ameţesc şi de la atât
sunt rupt nebãrbierit
heather vreau ceva bun
vrei o îmbrãţişare?
nu ştiu
nu ştii ce e aia o îmbrãţişare?
se îmbrãţişeazã cu cealaltã bucãtãreasã sã îmi arate
înconjor staţia mã arunc spre ea
de la câţiva metri
mã ţine strâns
la piept
simt cã îmi pune oasele la loc