L’écrivaine Annie Ernaux, fig­ure incon­tourn­able de la lit­téra­ture française, est lau­réate du prix Nobel de lit­téra­ture, attribué jeu­di 6 octo­bre. Son œuvre romanesque, large­ment auto­bi­ographiques, à la fron­tière de la soci­olo­gie, est unique et remarquable.

Pre­mière femme française à obtenir cette pres­tigieuse récom­pense, le jury salue ““le courage et l’acuité clin­ique avec laque­lle elle décou­vre les racines, les éloigne­ments et les con­traintes col­lec­tives de la mémoire personnelle”.

A 82 ans, Annie Duch­esne est née le 1er sep­tem­bre 1940 à Lille­bonne  en Seine-Mar­itime. Elle a gran­di à Yve­tot, en Nor­mandie, dans un milieu social mod­este. Ses par­ents, ouvri­ers, sont devenus com­merçants après avoir acheté le café-épicerie du vil­lage. Après des études de let­tres à l’u­ni­ver­sité de Rouen puis de Bor­deaux, elle obtient une agré­ga­tion et enseigne à Annecy notamment.

La roman­cière a puisé dans sa pro­pre vie la matière de ses livres, con­stru­isant pierre par pierre une œuvre lit­téraire en même temps qu’elle témoignait de sa classe d’o­rig­ine, des hontes qui s’y attachent, de son désir d’ex­trac­tion, et de tous les sen­ti­ments ce désir qui accom­pa­g­nent l’as­cen­sion sociale.

Elle explore égale­ment la ques­tion de la con­di­tion fémi­nine, à tra­vers des romans qui met­tent en scène des élé­ments auto­bi­ographiques que le tra­vail d’écri­t­ure, dans une œuvre située entre fic­tion et auto­bi­ogra­phie, per­met de restituer dans une langue unique et forte qui tran­scende l’anec­do­tique pour con­fér­er au réc­it une portée uni­verselle. Elle a racon­té l’en­fance, l’ado­les­cence, la jeunesse dans Les Armoires vides (1974), ou dans Ce qu’ils dis­ent ou rien (1977) ; elle a racon­té sa famille, ses par­ents et son éman­ci­pa­tion sociale dans La Place (1983), ou La Honte (1997). Faisant ain­si œuvre de soci­olo­gie, Annie Ernaux des­sine les paysages intérieurs d’une femme autant que ceux, plus larges, de toutes les femmes, et au-delà, elle nous livre un puis­sant témoignage de la société française depuis l’après-guerre. 

Le prix Nobel de lit­téra­ture récom­pense annuelle­ment, depuis 1901, un écrivain ayant ren­du de grands ser­vices à l’hu­man­ité grâce à une œuvre lit­téraire qui, selon le tes­ta­ment du chimiste sué­dois Alfred Nobel, « a fait la preuve d’un puis­sant idéal ». 

En remet­tant son prix à Annie Ernaux, c’est « une écri­t­ure d’une rare puis­sance », celle d’une « anthro­po­logue d’elle-même » que les jurés du Nobel de lit­téra­ture ont hon­oré. Troisième femme sacrée par le céna­cle sué­dois, Annie Ernaux suc­cède à Louise Glück et la Polon­aise Olga Tokarczuk.

Con­férence de presse d’An­nie Ernaux au siège de son édi­teur Gal­li­mard après l’at­tri­bu­tion du prix Nobel.

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