Le des­tin des îles, affirme Juan Car­los de San­cho en pro­logue de Poet­as de Islas Canarias, est d’être « unies par ce qui les sépare »[1] : la mer. En rédi­geant cette antholo­gie de poésie canari­enne du 20ème siè­cle, il fait œuvre d’engagement en faveur d’une pen­sée archipélique qui tran­scen­derait les seules îles Canaries.

L’objectif de cette antholo­gie Poet­as de Islas Canarias est de con­fér­er à la poésie canari­enne une vis­i­bil­ité. Et cette recon­nais­sance pour laque­lle milite Juan Car­los de San­cho revêt un dou­ble enjeu.

Tout d’abord celui de la mémoire, parce que les poètes canariens sont restés pra­tique­ment ignorés pen­dant 150 ans. Ce qui ne serait pas tant, à son avis, le résul­tat d’une sit­u­a­tion périphérique au regard de la métro­pole ibérique, que d’un manque de recon­nais­sance au sein même de l’archipel, « cette dis­tance avec laque­lle on les a traités ici dans l’île, comme s’ils n’existaient pas »[2]. Et ce, alors même que ces auteurs ont joué un rôle essen­tiel dans le proces­sus ontologique et éti­ologique d’émergence d’une iden­tité canarienne.

Ges­ta­tion poé­tique de l’archipel

Les poètes canariens ont dû « inven­ter leur île ». Dans un archipel où la coloni­sa­tion a éradiqué les traces du peu­ple­ment aborigène et où « l’effort cacique a con­sisté à repro­duire les mod­èles économiques, soci­aux et urbains du con­ti­nent »[3], cette ges­ta­tion poé­tique de l’archipel a pris des siè­cles. Il a fal­lu atten­dre le 20ème siè­cle pour que se réalise pleine­ment cette « fon­da­tion du monde insu­laire ». La recherche d’identité s’est réal­isée con­tre l’emprise colo­niale, par des artistes qui ont dû « se charg­er de con­stru­ire l’imaginaire insu­laire en par­tant de zéro »[4]. Juan Car­los de San­cho observe que dans la poésie canari­enne se des­sine « le réc­it pro­fond d’une île immatérielle » et c’est ain­si que se super­pose, à l’île physique, une île poé­tique ou « île de papi­er ».

Le deux­ième enjeu essen­tiel de cette mise en vis­i­bil­ité de l’histoire de la pro­duc­tion poé­tique canari­enne réside dans le fait que les îles sont le creuset d’un mode de pen­sée par­ti­c­ulière. « Etre insu­laire, c’est une façon d’être entouré par tout et d’être éloigné de tout ». Fondée sur le para­doxe, la pen­sée archipélique selon le canarien Juan Car­los de San­cho intè­gre les extrêmes et les con­traires, et en cela elle illus­tre ce que nous avions appelé en d’autres temps et lieux, le « rôle de l’identité en tant que ges­tion de la con­tra­dic­tion »[5].

Vis­i­bil­ité et indivisibilité

L’archipel, ce « para­doxe du des­tin »[6], induit « une per­plex­ité [qui] façonne le car­ac­tère, attire les mirages et les idées insta­bles ». La mer omniprésente, qui sépare et enveloppe, donne aux îles leur « iden­tité indi­vis­i­ble »[7]. De sorte qu’en étant poète dans une île, une île à l’intérieur de l’île, on prend con­science qu’on est entouré, et qu’il n’y a qu’une alter­na­tive : « ou tu te mélanges, ou tu te caches ».

L’archipel de papi­er que Juan Car­los de San­cho réu­nit dans cette antholo­gie témoigne du fait que les îles sont « une struc­ture par­ti­c­ulière de l’idée matrice  ». Car, entourée d’eau, l’île est « comme le pla­cen­ta, ou l’embryon de ce qui va naître : tout y est proche et con­cen­tré, dans une énergie vol­canique et imprévis­i­ble »[8].

En out­re, « les îles sig­na­lent l’horizon invis­i­ble », cet hori­zon qui suiv­ant la con­cep­tion de Michel Col­lot artic­ule dans une même dynamique struc­turante l’espace intérieur de la con­science du sujet, le monde et l’e­space du texte[9]. Pour Juan Car­los de San­cho, l’île étant tout à la fois « prox­im­ité loin­taine » et « éloigne­ment proche », une forme ambigüe d’approcher la réal­ité, donne à l’insulaire une « struc­ture men­tale par­ti­c­ulière » dans son mode d’accès aux idées[10].

Selon Michel Col­lot, l’horizon organ­ise — métaphorique­ment et physique­ment — le paysage en un ensem­ble cohérent, le ren­dant en même temps disponible à une infinité d’autres organ­i­sa­tions pos­si­bles. Et si l’on suit la pen­sée de Juan Car­los de San­cho, les îles devi­en­nent des mar­queurs sur cet hori­zon tout autant méta­physique que métaphorique. Pré­cisé­ment, l’horizon vu depuis l’île est cir­cu­laire, fait remar­quer Juan Car­los de San­cho, et pour pou­voir s’en assur­er, il est néces­saire de s’élever. Cette élé­va­tion – tant physique que sym­bol­ique – néces­saire pour observ­er l’horizon per­met aus­si de réalis­er que de tous les points de ce cer­cle imag­i­naire peu­vent arriv­er les navires ou les influ­ences por­teuses : « Nous sommes des cul­tures vis­itées à tra­vers ce cer­cle »[11].

Cette con­cep­tion de la pen­sée insu­laire revendique une par­en­té avec la créolité, quand l’auteur affirme que « les îles Canaries, comme les autres archipels, sont des ter­ri­toires de créolité, récep­tifs aux courants esthé­tiques qui arrivent de l’extérieur ». Il s’inscrit dans la lignée du cubain Ale­jo Car­pen­tier qui définis­sait la créolité comme force sym­bi­o­tique, à la fois « attrib­ut et des­tin ». Pour Juan Car­los de San­cho, la créolité opère comme « une pos­si­bil­ité de change­ment et de trans­for­ma­tion de nos réal­ités sur la base du fait que nos dif­férences, en con­vergeant, devi­en­nent une source de créa­tiv­ité immense ».

L’île en sa car­togra­phie poétique

La méthodolo­gie de Juan Car­los de San­cho pour éla­bor­er cette antholo­gie a con­sisté à repér­er le « temps fon­da­teur » de chaque poète, ce moment où il a com­mencé à se forg­er son style pro­pre et à inter­venir dans le monde en accord avec sa con­science, en brisant les arché­types. Il réper­to­rie vingt poètes qu’il estime représen­tat­ifs du 20ème siè­cle canarien et qu’il classe en 7 grandes péri­odes : le mod­ernisme, les avant-gardes, la guerre civile, les poètes du milieu du siè­cle, les post-con­tem­po­rains, la récupéra­tion des avant-gardes et la nou­velle fusion.

Dans les années 1920, qui inau­gurent le mod­ernisme canarien, le mou­ve­ment des bateaux et le com­merce avec l’extérieur ouvrent les îles au cos­mopolitisme. Les poètes hantent les quais, qui hantent à leur tour leurs poèmes. En même temps que débar­quent les pro­duits d’échange com­mer­ci­aux, arrivent les nou­veaux gen­res lit­téraires. L’isolement se con­fronte au cos­mopolitisme et de là naît tout un imag­i­naire. « Moi je me retrou­ve au milieu de ce cli­mat local­iste avec une irrémé­di­a­ble tem­péra­ture uni­verselle »[12], écrit en 1920 Alon­so Que­sa­da, con­sid­éré comme le Fer­nan­do Pes­soa canarien.

Le lien s’établit prin­ci­pale­ment avec les auteurs de la pénin­sule ibérique, mais aus­si français. L’archipel décou­vre le sur­réal­isme français et reste fasciné. En 1935 André Bre­ton vis­ite Tener­ife où est organ­isée la pre­mière expo­si­tion sur­réal­iste. L’apport de ce mou­ve­ment lit­téraire per­met aux poètes canariens – les « sur­réal­istes furi­bonds » – de sub­ver­tir et de recréer le lan­gage, de laiss­er sur­gir l’inconscient et les élé­ments oniriques dans l’écriture : « Les îles pou­vaient désor­mais être n’importe quelle inven­tion de l’imaginaire ».

Propul­sés par « l’incertitude provo­quée par l’afflux de tant de nou­veauté », les auteurs s’attachent alors à réin­ven­ter l’île et cette réin­ven­tion passe par la révéla­tion d’un mythe insu­laire. Augustín Espinosa en 1928 dans son Lancelot 28°. cherche à créer une « mytholo­gie con­duc­trice » pour le paysage de Lan­zarote, pour une île nou­velle. Il écrit : « Mon inten­tion était de créer un Lan­zarote nou­veau. Un Lan­zarote inven­té par moi… Je sub­stitue l’abstrait au con­cret… je con­stru­is la géo­gra­phie inté­grale de Lan­zarote »[13].

Ces démarch­es ontologiques seront grave­ment com­pro­mis­es par la dic­tature fran­quiste qui s’installe en Espagne en 1939 après trois années d’une guerre civile qui n’a pas épargné les Canaries. La dic­tature « fait retourn­er à l’invisibilité toutes les con­quêtes antérieures » qui avaient été réal­isées par les écrivains. Cet efface­ment se con­cré­tise d’ailleurs par l’élimination physique des poètes dis­si­dents. Le sur­réal­iste Domin­go López Tor­res est l’un des pre­miers à tomber. Arrêté puis fusil­lé en 1937, son corps est jeté à la mer dans un sac. Depuis la prison de Tener­ife où il fut incar­céré il écriv­it dans l’un de ses derniers poèmes :

Parce que j’ai voulu me met­tre debout
Et le vent ne me lais­sait pas.
Il me pous­sait sans pitié.
Mais j’ai voulu me met­tre debout.
Ensuite, trans­par­ent de tout,
Moi, sur une mer sans cristal,
Sans où, sans quand, sans rien.
(Les cieux déshabités
Et les mers sans fenêtres.)
 

Ils me clouèrent sans pitié :
les filles par le chapeau
Et les garçons par le revers de la veste,
Avec des épin­gles en acier.
La carte de mes insomnies
— sans nord, sans sud — découpée
par les franges vertes du sommeil.
 

Porque yo quise pararme
y el vien­to no me dejaba.
Me empu­ja­ba sin piedad.
Pero yo quise pararme.
Luego, trans­par­ente de todo,
yo, por un mar sin cristales,
sin dónde, ni cuán­do, nada.
(Los cie­los deshabitados
Y los mares sin ventanas.)
 

Me clavaron sin piedad:
las chi­cas en el sombrero,
los chicos en la solapa,
con alfil­eres de acero.
El mapa de mis desvelos
-sin norte, sin sur- cortado
por fran­jas verdes de sueño.
 

(Extrait du « Poème de la lan­gouste », Domin­go López Tor­res, Lo impre­vis­to, 1936 – notre traduction).

 

Sous la dic­tature fran­quiste, les écrivains sont per­sé­cutés, l’édition est sus­pendue. Les poètes réa­giront, mal­gré le fait de se retrou­ver assiégés et isolés, en cher­chant à récupér­er l’impulsion uni­verselle. Leur résis­tance éthique donne lieu à une poésie sociale, qui tente de restau­r­er une dig­nité insu­laire per­due et qui part à la recherche de la sig­ni­fi­ca­tion pro­fonde d’une « île occultée ».

Dans la péri­ode post-dic­tature des années 50, s’effectue le sauve­tage de la tra­di­tion sym­bol­iste, « dans une nav­i­ga­tion extrater­ri­to­ri­ale mais sans per­dre de vue l’île ». L’intime et le social, l’avant-gardisme et le sur­réal­isme, l’indigène et le con­ceptuel sur­gis­sent ou ressur­gis­sent comme la lave des vol­cans, sor­tis indemnes de la per­sé­cu­tion et de l’indifférence, s’incorporant au paysage cul­turel. Pour Manuel Padorno (1933–2002), « la poésie est une illu­mi­na­tion pro­fane et le poète est le nomade qui va à la ren­con­tre de ce que la lumière révèle à la recherche de l’architecture invis­i­ble de l’être »[14].

Le per­son­nage insu­laire n’est pas une coutume
Son regard con­tient une foule
quelque chose brille par-dessus, la lueur
de l’édifice du feu.
 

Il tra­vaille là-haut avec la lumière, toiture
du ciel, le pois­son bleu, fortunée
patrie solaire, vol­cans où s’allume
Phos­pho­res­cente la trans­parence ailée.
 

Par où passe l’homme est le sentiment.
L’eau une crique blanche, l’eau une plage
clarté céleste, île de foi.
 

Je plac­erai la pierre dans le dire
Une pierre sur la mer où se forge
Du fonde­ment : ce qui ne se voit pas.
 

El per­son­aje insu­lar no es una costumbre
siem­pre con­tiene cien­tos la mirada;
algo relam­paguea enci­ma, la lumbre
del edi­fi­cio de la llamarada.
 

Tra­ba­ja arri­ba con la luz, techumbre
del mar, el pez azul, afortunada
patria solar, vol­canes donde alumbre
fos­fores­cente trans­paren­cia alada.
 

Por donde pasa el hom­bre es el sentir.
cale­ta blan­ca el agua, playa el agua
celeste clar­i­dad, isla de fe.
 

Colo­caré la piedra, en un decir,
Una piedra en el mar donde se fragua
Del fun­da­men­to: lo que no se ve.
 

(Manuel Padorno, « El per­son­aje insu­lar », Efigie canaria, 1958–1993 – notre traduction).

 

Les années 70 mar­quent l’ouverture à la démoc­ra­tie, avant l’autonomie acquise en 1982 et alors « la poésie com­mence à récupér­er son île intérieure, le poème, à l’abri de l’immédiateté et de la norme », et ce à grand ren­fort d’inventions, d’hétérodoxies et de paris indi­vidu­els. Le poète Rafael Arozare­na interroge :

« A l’intérieur de qui prions-nous ?
Depuis cet intérieur je perçois les qua­tre hori­zons en ruine
Où les nou­veaux apôtres sus­pendent des enfants d’argile avec des ailes d’argent.
Et con­stante est la douleur de la musique
du mutisme, la nuit et le secret du temps »
 

« ¿Den­tro de quién oramos ?
De este inte­ri­or perci­bo los cua­tro hor­i­zontes en ruinas
donde los nuevos após­toles cuel­gan niños de bar­ro con alas de plata.
Y duele con­stante la música
de la mudez, la noche y el sig­i­lo del tiempo »
 

(Extrait de « La cat­e­dral 69 », Rafael Arozare­na, El ómnibus pin­ta­do con cerezas, 1971 – Notre traduction)

Dans une fin de 20ème siè­cle dés­abusée où le libéral­isme financier a rem­placé l’idéal du pro­grès social et où le livre se débat entre les nou­velles pistes dig­i­tales et la pos­si­ble dis­pari­tion du papi­er, Fed­eri­co J. Sil­va inau­gure une nou­velle « ligne de nav­i­ga­tion » :

Les fab­ri­cants d’oasis
ont fab­riqué d’abord le désert
ce ne sont pas des îles
c’est l’océan
c’est-à-dire qu’il n’y a
pas d’autre choix que nager
ou
nager
con­tre à l’encontre
du courant
en haute mer nous saurons
trouver
notre pro­pre chemin
ici nous sommes des étrangers

 

los fab­ri­cantes del oasis
fab­ri­caron antes el desierto
que no son islas que
es océano
o sea no hay
más que nadar
o
que nadar
con­tra en con­tra de
la cor­ri­ente
en la mar alta sabremos
encon­trar
nue­stro pro­pio camino
aquí somos extranjeros
 

(Extrait de « A quí somos extran­jeros », Fed­eri­co J. Sil­va, Sea de quien la mar no teme aira­da, 1995 – notre traduction)

Au tour­nant du 21ème siè­cle, dans un « monde de réseaux redis­tribués », même si beau­coup con­tin­u­ent de croire à l’isolement du poète insu­laire, « l’île n’existe plus », le poète canarien peut être présent, sans bouger des Canaries, dans les débats et réc­its du monde entier et les auteurs insu­laires « ouvrent leur éven­tail à de nou­veaux imag­i­naires ».

Cather­ine Boudet

Qua­tre-Bornes (île Mau­rice), 07 mai 2013

 

 

 


[1] Juan Car­los de San­cho, Poet­as de Islas Canarias du XXe siè­cle, 2011, Pro­logue, p. 7. Dans la suite de l’article, nous nous con­tenterons de garder entre guillemets les cita­tions du texte sans rap­pel­er cette référence. Nous con­sid­érons dans la suite de l’article que les cita­tions sans référence ren­voient à ce texte.

[2] Juan Car­los de San­cho, « La isla inven­ta­da », arti­cle pub­lié dans la revue en ligne La Maquina el tiem­po, 2007, http://www.lamaquinadeltiempo.com/algode/canarias.htm.

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] Cather­ine Boudet, « La con­struc­tion poli­tique d’une iden­tité fran­co-maurici­enne (1810–1968) : le dis­cours iden­ti­taire comme ges­tion de la con­tra­dic­tion », Kabaro/Revue Inter­na­tionale des Sci­ences de l’Homme et des Sociétés vol. III (3–4), 2005.

[6] Pro­logue, Op. Cit., p. 7.

[7] Juan Car­los de San­cho, « La isla inven­ta­da », Op. Cit.

[8] Con­ver­sa­tion élec­tron­ique avec l’auteur.

[9] Michel Col­lot, La poésie mod­erne et la struc­ture d’hori­zon, PUF, 1989, nou­velle édi­tion 2005.

[10] Con­ver­sa­tion élec­tron­ique avec l’auteur.

[11] Con­ver­sa­tion élec­tron­ique avec l’auteur.

[12] Notre tra­duc­tion. « Yo estoy en medio de este cli­ma local­ista con una irre­me­di­a­ble tem­per­atu­ra uni­ver­sal. »

[13] Notre tra­duc­tion. « Lo que yo he bus­ca­do realizar, sobre todo ha sido esto: un mun­do poéti­co; una mitología con­duc­to­ra. Mi inten­to es el de crear un Lan­zarote nue­vo. Un Lan­zarote inven­ta­do por mí… Susti­tuyo lo con­cre­to por lo abstrac­to… con­struyo la geografía inte­gral de Lan­zarote. »

[14] Notre tra­duc­tion. « La poesía es una ilu­mi­nación pro­fana y el poeta el nóma­da que va al encuen­tro de lo que la luz rev­ela, en bus­ca de la invis­i­ble arqui­tec­tura del ser. »

 

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Catherine Boudet

Jour­nal­iste, chercheur en Sci­ence poli­tique et poète, Cather­ine Boudet est née à l’île de La Réu­nion et réside à l’île Mau­rice depuis une dizaine d’années, où elle est con­nue pour ses analy­ses de l’actualité poli­tique et son engage­ment en faveur des droits humains et civiques. Elle a con­sacré toute sa car­rière à la recherche en Sci­ence poli­tique sur la démoc­ra­tie maurici­enne. Grand Prix de poésie Joseph Del­teil 2012 pour Les laves bleues [Cal­ligra­phie des silences] et Prix Fetkann de poésie 2013 pour Bour­bon Holo­gramme, elle est l’auteur d’une dizaine de recueils poé­tiques et fig­ure dans plusieurs antholo­gies de l’océan Indi­en et d’Afrique. A tra­vers ses écrits jour­nal­is­tiques, poli­tiques et lit­téraires, Cather­ine Boudet s’attache à pro­mou­voir des « archi­tec­tures men­tales alter­na­tives ». Il s’agit là non seule­ment de pro­pos­er un con­tre­poids aux dis­cours dom­i­nants ou une décon­struc­tion de ces derniers, mais aus­si de pro­duire de nou­veaux modes d’approche du monde insu­laire et de favoris­er l’émergence d’une pen­sée endogène. De ce fait, l’écriture de Cather­ine Boudet entend se démar­quer des thèmes désor­mais clichés du métis­sage, de la créolité et de l’interculturel, pour aller vers de nou­velles descrip­tions poé­tiques du vivre-ensem­ble insu­laire, notam­ment celle de l’incommensurabilité des expéri­ences en con­texte multiculturel.