Antonia Pozzi, Un fabuleux silence

Par |2024-09-09T09:04:13+02:00 6 septembre 2024|Catégories : Antonia Pozzi, Critiques|

 Voix majeure de la poésie ital­i­enne, Anto­nia Pozzi (1912–1938) est aujourd’hui pub­liée inté­grale­ment en France grâce à une tra­duc­tion de Thier­ry Gilly­boeuf chez l’éditeur Arfuyen. Voici après La vie rêvée (Arfuyen, 2016), la deux­ième par­tie de son Jour­nal de poésie, pub­liée sous le titre Un fab­uleux silence et cou­vrant la péri­ode 1933–1938.

Si l’on devait résumer en deux mots le con­tenu de l’œuvre poé­tique d’Antonia Pozzi, on dirait « Mon­tagne » et « Amour » (mais un amour dés­espéré). La mon­tagne parce que la poétesse ital­i­enne lui a voué un véri­ta­ble culte. Fidél­ité à l’enfance, elle qui con­nut ses pre­miers émois d’alpiniste à par­tir du vil­lage de Pas­turo, dans la val­lée de Val­sassi­na, non loin du lac de Côme, où sa famille avait une rési­dence. On la décou­vre ain­si, dans ses poèmes, ardente arpen­teuse des Dolomites où elle trou­ve un véri­ta­ble refuge spir­ituel. « Oh ! Les montagnes/ombres de géants, / comme elles oppriment/mon petit cœur ».

La mon­tagne, donc, mais aus­si l’amour (coup de foudre) qu’elle portera très tôt – elle n’avait que 15 ans – à son pro­fesseur de latin et de grec, Anto­nio Cervi, de qua­torze ans son aîné. La liai­son pren­dra fin en 1934 sous les coups de boutoir d’une famille peu dis­posée à accepter ce genre de liai­son. « Tu étais le ciel en moi/le grand soleil qui transforme/en feuilles trans­par­entes les mottes de terre », écrit Anto­nia Pozzi dans un poème du 11 novem­bre 1933. « Je ne ver­rai donc plus jamais tes yeux/purs comme je les vis/le pre­mier soir, blonds/comme des cheveux – et clairs/comme de faibles lampes ».

Ce cha­grin amoureux sera-t-il à l’origine de sa ten­ta­tive de sui­cide par bar­bi­turiques les 2 décem­bre 1938 ? On peut le penser quand on la décou­vrit incon­sciente dans un fos­sé de la ban­lieue de Milan. Elle devait mourir le lende­main et fut enter­rée dans le petit cimetière de Pasturo.

Anto­nia Pozzi, Un fab­uleux silence, Jour­nal de poésie, 1933–1938, édi­tion bilingue, Arfuyen, 275 pages, 22 euros.

En présen­tant ce Jour­nal de poésie d’Antonia Pozzi, Thier­ry Gilli­boeuf fait oppor­tuné­ment le lien entre cet amour con­trar­ié et l’appétit qu’elle avait pour les ver­sants abrupts. « Anto­nia Pozzi, écrit-il, avait fait de la mon­tagne un refuge spir­ituel où il lui était pos­si­ble de s’affranchit d’un monde où la place qu’elle recher­chait lui était tou­jours refusée ».

Des poètes ital­iens, par­mi les plus grands, et notam­ment Vit­to­rio Sereni et Euge­nio Mon­tale ne man­queront pas de soulign­er la force et l’originalité d’une œuvre placée sous le signe de la lim­pid­ité, de la pureté et pro­bité d’esprit.

Présentation de l’auteur

Antonia Pozzi

Anto­nia Pozzi est une poétesse ital­i­enne  morte pré­maturé­ment à l’âge de 26 ans. Elle a lais­sé une oeu­vre con­sid­érable dont la pub­li­ca­tion posthume a été saluée par  Vit­to­rio Sereni, Euge­nio Mon­tale, T. S. Eliot… 

Bibliographie 

  • Parole. Liriche, avv. Rober­to Pozzi, Mon­dadori, Milan, 1939.
  • Flaubert. La for­mazione let­ter­aria (1830–1856), Garzan­ti, Milan, 1940.
  • Parole. Diario di poe­sia 1930–1938, Mon­dadori, Milan, 1943.
  • Parole. Diario di poe­sia, pré­face Euge­nio Mon­tale, Mon­dadori, Milan, 1948.
  • La vita sog­na­ta e altre poe­sie inedite, Schei­willer, Milan, 1986.
  • Diari, Schei­willer, Milan, 1988.
  • Parole, Garzan­ti, Milan, 1989.
  • La giovinez­za che non tro­va scam­po: poe­sie e let­tere degli anni trenta (Anto­nia Pozzi – Vit­to­rio Sereni), Schei­willer, Milan, 1995.
  • L’età delle parole è fini­ta: let­tere 1923–1938, Arch­in­to, Milan, 2002.
  • Poe­sia, mi con­fes­so con te: ultime poe­sie inedite (1929–1933), Vien­nepierre, Milan, 2004.
  • Epis­to­lario (1933–1938) (Anto­nia Pozzi – Tul­lio Gadenz), Vien­nepierre, Milan, 2008.
  • Flaubert negli anni del­la sua for­mazione let­ter­aria (1830–1856), a cura di Mat­teo M. Vec­chio, bib­li­ografia ragion­a­ta a cura di Chiara Paset­ti, Tori­no, Ananke, 2013.
  • Ti scri­vo dal mio vec­chio tavo­lo : let­tere 1919–1938, Ànco­ra, Milan, 2014.
  • Nel pra­to azzur­ro del cielo, a cura di Tere­sa Por­cel­la, illus­trazioni di Gioia Marchegiani, Firen­ze, Mot­ta Junior, 2015.
  • Parole. Tutte le poe­sie, a cura di Gra­ziel­la Bern­abò e Ono­ri­na Dino, Milano, Ànco­ra, 2015.
  • Le mimose di Anto­nia, Milano, Ànco­ra, 2016.
  • Nei sog­ni bisogna cred­er­ci, Napoli, Pao­lo Lof­fre­do, 2016.
  • Mia vita cara. Cen­to poe­sie d’amore e silen­zio, a cura di Elisa Ruo­to­lo, Latiano (BR), Inter­no Poe­sia, 2019.

Traductions en langue française

  • La Route du mourir, trad. et pré­face de Patrick Reumaux, Librairie Élis­a­beth Brunet, Rouen, 2009 (édi­tion bilingue)4.
  • « Mots » d’Antonia Pozzi, édi­teur Lau­ra Oli­va, tra­duc­tion et notes par Ettore Lab­bate. L. E. I. A, vol. 16, Peter Lang SA, Bern, 2010.
  • Anto­nia Pozzi, La Vie rêvée, Jour­nal de poésie 1929–1933, traduit de l’italien et présen­té par Thier­ry Gilly­bœuf, Édi­tions Arfuyen, coll. “Neige”, Paris-Orbey, 2016.
  • Anto­nia Pozzi, Une vie irrémé­di­a­ble, Intro­duc­tion et notes de Mat­teo Mario Vec­chio, tra­duc­tion de Camil­la Maria Ced­er­na, Édi­tions Labor­in­tus, Lille, 2018.

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Pierre Tanguy

Pierre Tan­guy est orig­i­naire de Lesn­even dans le Nord-Fin­istère. Ecrivain et jour­nal­iste, il partage sa vie entre Quim­per et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire. Ses recueils ont, pour la plu­part, été pub­liés aux édi­tions ren­nais­es La Part com­mune. Citons notam­ment “Haïku du chemin en Bre­tagne intérieure” (2002, réédi­tion 2008), “Let­tre à une moni­ale” (2005), “Que la terre te soit légère” (2008), “Fou de Marie” (2009). Dernière paru­tion : “Les heures lentes” (2012), Silence hôpi­tal, Edi­tions La Part com­mune (2017). Ter­res natales (La Part Com­mune, 2022) Voir la fiche d’auteur

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