Arnaud Beaujeu, Fleur d’encre

Garçon-fleur

Il a une fleur de mauve entre
les incisives des boutons d’or
dans les cheveux un glaïeul sauvage
posé sur son oreille
un lilas dans le cou
entre le pouce et
l’annulaire il tient un coquelicot une rose est
sur son cœur il a des myosotis
à chacun des orteils

Fleur d’encre

Les doigts tachés d’indigo bleu en pressant l’encre
du muscari la vie qui se décale un peu le temps passe
et sourit
Unies dans un verre à alcool les clochettes du muscari
une ou deux pâquerettes une fleur de
pissenlit
Taches d’encre dans les fossés sur les talus
et par les prés
d’encre violette encore tachés

Le manteau

Un jour j’ai dessiné
un grand manteau de mots
Les manches étaient de vers les épaules d’argot
Les pans phrases-guenilles descendaient jusqu’au sol
pour partir en lambeaux de syllabes
de lettres
et de non-dits idiots

Et ce besoin d’écrire pour
laisser une histoire
à ceux qui reviendront
Ecrire écrire écrire
en désespoir de trace
pour lancer une histoire
à travers nos questions

 

 

 

 

Les déchirures du ciel

Les déchirures du ciel ouvrent
sur d’autres vies
disparaître dans l’inconnu marcher
vers d’autres vues
où la mer étendue permet d’écrire
le jour la nuit
auprès d’un feu de cheminée

Nager des heures entières peut-être
jusqu’à se noyer revenir
en arrière une table sur la mer
au bouquet déposé

Puis des fragments de lumière
un sourire dans l’été
un lit quelques hivers s’enfuir
dans d’autres nuits

Je ne sais plus ces choses-là désormais
ne m’en souviens plus
je courais jusque dans l’envers
désormais ne m’en souviens plus

Une table

Tu as une table et tu écris
Tu t’assieds sur le bord
de la mer tu cherches un horizon
la mer est ton mystère tu recherches
son nom

Il y a un lit une maison la nuit qui veille
les murs de chaux
et la vie s’ensommeille

Quand on ouvre les volets il n’y a plus
que l’horizon sur le bord
de la mer des falaises en eau profonde
Au sommet une maison

Nocturne

Il faisait nuit je ne dormais pas
et les ombres entouraient la maison
La vigne vierge entrait par la fenêtre
sur le dallage se découpaient
les reflets d’ombres du feuillage
éclairé par la lune

J’étais comme dans un rêve
je marchais dans l’allée par la lune éclairée
mais la brise passait les nuages passaient
sur le ciel

Présentation de l’auteur

Arnaud Beaujeu

Agrégé de lettres modernes, docteur en langue et littérature françaises, rattaché au CTEL, Arnaud Beaujeu a publié en 2010 et 2011 deux ouvrages :

  • Matière et lumière dans le théâtre de Samuel Beckett, Peter Lang ;
  • Samuel Beckett : trivial et spirituel, Rodopi.

Membre du comité de rédaction de la revue Nu(e), il a publié plusieurs suites de poèmes dans cette même revue :

  • « D’un regard blanc », n°36 (« Michel Steiner ») ;
  • « La lumière et les mots », n°42 (« Anthologie ») ;
  • « L’été », n°45 (« Pierre Dhainaut ») ;
  • « Bleu ciel », n°48 (« Jean-Michel Maulpoix ») ;
  • « De pierre et d’eau », n°49 (« Bernard Noël ») ;
  • « Autre enfance », n° 52 (« Jokari »))

Et principalement dans les revues Arpa : « Le pays des en-allés », n°102, « la tonnelle », prochainement) ;  Thαumα : « Frères d’amour », n°5 consacré aux oiseaux ; « Autodafé », n°6 consacré au feu ; « En patience » n°10 consacré à la patience ; « même au-delà du raisonnable », (prochainement) et Serta  : « Les mots blancs ».

Il a également publié des articles et entretiens sur et avec les poètes contemporains Bernard Vargaftig, Jean-Pierre Lemaire, Pierre Dhainaut, Marie-Claire Bancquart, Charles Juliet, François Cheng, Béatrice Bonhomme-Villani, etc.

Arnaud Beaujeu