Arnaud Vendès, Le pays muet et autres poèmes
Quand tu t'éloignes
La foule tire des bords en trompe l’œil
Sous l'ombre allongée des feuilles de nuage
Présage immobile
Tu es le reflet de cuivre et d'or
Des oiseaux tristes
Les ailes brûlées de vérité
Partis chevaucher l'arc-en-ciel
Mille traces se perdent dans le blé en herbe
L'oubli te désigne du doigt
Ma mémoire glisse sur les mots
Sans avenir
Je chante dans le noir
Aveugle comme une pierre
Éteint de ta lumière
Mais ton absence ne peut rien guérir
Le verrou tiré sur ton visage
Je force la nuit, le jour s'évade
Ta couleur n'existe pas
Je cherche le dernier mot
Un enfant dort sous ta peau
Cri du feu
Mon ombre ment elle est infidèle
Canicule du sang le feu s'approche
Aride, tes mains nues
Lissent mes cheveux crin de loup
L'étincelle mendiée au soleil
Accueille ma nuit en contrebas
J'ai froid
Imposture de la flamme
Les veines ouvertes sur le ciel s'épanchent
Laisse-moi !
Entends les mots de notre « nous »
Fruits mûrs de ton cœur
Plier la vie terrestre
Mes forces s'épuisent
Elles rassemblent tes larmes
En un écrin jade rose
Chaleur de nos corps fondus
De main ferme
Vulcain du cœur
Amour, souffle le fer en or
Je n'ai rien fait
Les tambours de guerre
Saignent des rivières de larmes
Éventrent la terre
Plaie ouverte des années vides
L'eau ruisselle sur la paroi
Couverte de petits visages
En larme de tombeau
La neige noire tapis funèbre
Efface la trace molle
De la chair éteinte
À main nue
Je disperse aux terres arables
La souffrance
La ville se vide des vies inutiles
Vies noires, vies justes
Toutes les morts se valent
Je laisse filer les nuages
En sang et miel
Je n'ai rien fait de ma vie
Les lumières de Babel
Le ciel se renverse sur les ruines du mensonge
Langue étrangère
Chemin aux ornières d'orages
Loin de la ferveur des multitudes
L'air coule dans le désert et la nuit
La terre frissonne
Je sens le souffle d'une femme
Agenouillée, le corps dénudé
Elle se lève et marche vers le crépuscule
Sa joie, mon ombre aux plis de sa bouche
Tissus cent fois reprisé,
Le manteau de son cœur est bien trop léger
Je lui parle comme en plein vent
Les yeux secs
Je déplie une à une les branches d'étoile dans la lumière des siècles
Je ne pense plus, je vois.