Au coeur de la Roya
C'est au sein d'un couvent franciscain déserté, situé dans l'ancien comté de Nice, que Françoise Siri a composé un opus de quelques poèmes donnant vie, grâce aux éditions Henry, Au cœur de la Roya. Courts poèmes contemplatifs accordés à l'esprit du lieu et au chiffre du paysage, poèmes gravés comme dans la roche italienne qui soulève le relief ascétique.
L'Eglise et le cloître sont gais comme des enfants
Partout des mains
Des mains offertes des mains ouvertes
Sculptées en chêne et en noyer
Peintes sur les fresques délavées
Qui reçoivent les stigmates de François
Et notre peau au creux des mains fourmille
Devant ces stigmates que l'on voit
Et ceux qu'on ne voit pas
Dans l'anonymat des villes
Une parole qui, sous la discipline de l'observation quiète, interroge le silence d'où surgit la conjuration de l'absence :
Puits, source de vie en terre sainte,
Ici, sous ta coupole de lauzes,
Absorbes-tu tous nos errements ?
Parole doucement interrogative des perceptions intérieures, celle reliées à notre histoire d'âmes européennes où les images anciennes nous parlent, mémoire indélébile enregistrée par notre sang :
Le visage du Christ surnage
Dans les lambeaux des fresques
Les visages se déchirent
Sous les gerçures de pierre
La peinture délavée creuse
Le miroir étamé
Sous nos regards de pierre
Qui ne transpercent plus
Discrète poésie qui coud un rapport entre les paysages observés et notre état d'individus modernes. "Nous sommes semblables aux lambeaux de fresque/En l'absence de la main qui rassemble".
Et cette main qui rassemble et tisse les pans troués de la trame du monde, n'est-ce pas, ici, le poème ?