Poète par défaut
« Faiseur d’images », comme il se définit lui-même, Jean-Jacques Tachdjian a élaboré, en profond amoureux de toutes formes d’images et de création, un univers singulier qui en fait un artiste culte pour toute une génération.
Un univers nouveau et déroutant en France, quoique très en vogue aux Etats-Unis avec des artistes qui sont des idoles comme Gary Panter, Joe Coleman, Mark Ryden ou encore Hans Ruedi Giger. La preuve en est quand il expose à Los Angeles à la Galerie Overtone avec Jonathon Rosen et Robert Williams, des artistes qui se rapprochent de la BD, de l’art populaire, du Pop Art et du Surréalisme.
Jean-Jacques Tachdjian façonne son multivers de « Surréalisme Pop », à la croisée d’une dynamique de recherche et d’un espace de jeu, qui convoque toutes formes de création, sans jugement de valeur entre haute et basse culture. Depuis les figures de comics, jusqu’aux références les plus classiques de l’histoire de l’art, en passant par l’imagerie punk, le cinéma, le street art ou encore la typographie, elles sont « dégustées », puis combinées, articulées, remaniées, transformées, interprétées, mixées en un langage unique. Graphiste de formation, il enchâsse naturellement les mots et les lettres avec les images, jouant du dessin de la lettre et cherchant plus profondément une intrication texte-image où résonne le sens subtil des concordances.
Créateur de fanzines cultes, « Sortez la chienne », « Couverture » qui ont vu l’émergence de nombreux artistes tels que Stéphane Blanquet, Pakito Bolino, Pit, Remi Malingrey…, musicien de groupes Punk et de Hard Rock, concepteur de logos, de typographies, d’affiches de concert, sont autant de facettes de sa vie, qu’il conçoit comme une expérimentation de l’acte renouvelé de création.
S’il ne cesse de surprendre, de dérouter, c’est voulu et c’est qu’il mixe dans son travail, avec une curiosité insatiable et une gourmandise flagrante, tout ce qui l’inspire. Il n’en propose pas moins un cheminement et un travail d’une puissante identité visuelle et conceptuelle.
Jean-Jacques Tachdjian affectionne particulièrement les images luxuriantes, baroques, très ouvragées, les images où « c’est un délice de fignoler les détails, de soigner chaque centimètre carré, au risque de se perdre soi‑même, et d’ailleurs avec délectation ». Des images à même d’accroître la perception du sens, mais également de mobiliser les émotions en sorte d’appréhender le monde en son « état poétique » et de partager l’émerveillement avec le regardeur.
Chez lui, l’explosion de couleur, la violence du champ chromatique, l’emprunt de figures populaires s’associent à un message à tendance anarchiste, situationniste qui aime à jouer du pastiche et du détournement. Son travail parle de la société, de la violence, de la sexualité, de la souffrance comme de petits bonheurs et de la grandeur humaine. Ainsi dit-il qu’il « bricole pour réparer le réel ».
Il en résulte la figuration d’un univers propre, d’un système personnel complet. Ce travail n’en découle pas moins d’une forte affirmation de la vie, de la joie, qui lui confère un caractère éminemment chaleureux et jubilatoire. Il invite à jouir d’un « univers dont les humains ne sont qu’une infinitésimale partie mais qui est leur seule maison »…
RENAUD FAROUX, Historien de l’art
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