Baptiste Pizzinat, Ce grand théâtre de fous
CE GRAND THÉÂTRE DE FOUS
Jacob, mon ami
où te caches-tu ?
aurais-tu donc perdu la foi ?
toi qui sers de prête-nom au pays déchiré
de cache misère sur la bande de Gaza
combien de tes frères palestiniens condamnés à l’exil ?
combien d’amants privés d’eau et de soleil
entre les murs de Bethléem
sur cette terre promise
où plus rien ne pousse
que la violence et la haine
nos cœurs seraient-ils condamnés à n’être que des cimetières ?
Jacob, mon ami
dis-moi
où es-tu ?
nous sommes fatigués
fatigués de prier Dieu dans la poussière et l’humiliation
fatigués de vieillir dans les ruines de l’histoire
fatigués de ces murs
qui nous écrasent
comme des insectes
nous regardent
comme du bétail
fatigués des lamentations
mais tu sais, nous ne voulons pas baisser les bras
il y a encore de l’espoir ici
derrière nos visages
même écrasés par trop de chagrin
même humiliés par l’ignorance de nos frères
nous ouvrirons nos maisons
ou ce qu’il en reste
et nos enfants courront vers toi
les poches pleines d’étoiles ramassées dans le ciel
pour te demander pardon
pardon pour tous ces anges
des jours ordinaires
laissés pour morts sans sépulture
pardon pour le sang versé
sur la mémoire de nos ancêtres
pardon pour cette tragédie
ce grand théâtre de fous
ainsi nommé
comme au premier jour
Israël.