Bernard Grasset , Fontaine de Clairvent
Une lampe éclaire le destin
Des matins et des soirs marcher »
(Vendredi 5 mai 2023 Causses du Quercy)
De 2021 à 2022, au fil des jours, au fil des saisons, Bernard Grasset a rédigé soixante-quatorze quatrains, une forme brève qui concentre la force de l’écriture, la force d’une inspiration méditative au plus près du silence et une écriture au plus près de la nature quand l’homme devient marcheur et que le poète regarde et écrit
Chaque quatrain s’inscrit dans un espace-temps et cette invitation au voyage commencée le dimanche 14 mars 2021 à la Chaume Paracou, s’achève le mercredi 7 juin 2023 à l’Ile-d’Yeu.
Ce journal poétique est aussi un pèlerinage intime, une incitation à regarder, à sentir et ressentir, à poser ses pas sur le sable, le sable… celui aussi du sablier qui égrène le temps car « tout s’efface, tout s’oublie » , mais pour ne pas oublier, les mots des quatrains pour saisir l’instant, tous ces instants vécus dans le secret qui murmurent « le chant des vagues » et au commencement du jour, mettre « nos pas dans le matin » pour retrouver le vent et « les monts au bord du ciel » pour que naissent aussi les mots au bord du ciel .
Cheminer du silence à la lumière, marcher et méditer pour entrer au plus intime de son être et parfois rejoindre l’enfance, marcher et s’ouvrir à l’infini.
Un élément l’eau et une couleur le bleu sont deux occurrences constantes, l’eau de mer, l’eau des fleuves et surtout celle de la Loire, l’eau des fontaines celle du mont Beuvray ou celle de Lorèze. Des fontaines qui ne sont pas sans rappeler la fontaine bretonne de Brocéliande.
Bernard Grasset, Fontaine de Clairvent, éditions Au Salvart, 2023, 50 pages, 12 €.
Des fontaines de jouvence qui ouvrent à l’ailleurs ; le bleu celui de l’eau et celui du ciel pour entendre le « chant bleu d’oiseau » franchir « la porte bleue » et en cueillir « l’instant bleu ». Le bleu, la couleur dominante des illustrations qui accompagnent les mots de Bernard Grasset, le bleu des aquarelles et encres monotypes de l’artiste Isaure. Le bleu, ce « calme muet » qu’évoque Vassily Kandisnsky.
Les quatrains pour l’essentiel sont souvent rédigés en phrases nominales avec verbe à l’infinitif, et souvent aussi dans un rythme binaire pour se calquer sur le rythme des pas. « de silence/et d’espérance » « tout commence/ tout s’achève », des mots qui donnent l’impression d’être nés pendant la marche, au plus près des sensations éprouvées.
La nature est poème, les mots pour en capter le mystère. La poésie est offerte, partagée, elle ouvre sur le mystère, sur la lumière comme « l’aube au creux des mains ».
Parcourir une contrée, c’est aussi entrer en « pays de mémoire » parfois sur les pas d’un Autre qui a su aller à la rencontre des plus petits, des enfants, qui a su désaltérer la Samaritaine venue au puits , qui a su partager le pain, un pain de Vie :
Voix d’enfants, puits, Cène
Revenir au pays de mémoire
Le poète dit l’invisible, il marche vers l’au-delà du visible, par sa marche il incarne sa parole et sait « Etre homme de Clairvent ».
Extraits
Terre blanche, silence,
Chalet, tant de lumière,
Celui qui atteint les cimes oublie,
Echo de pas, bleu éclat.
(dimanche 6 mars 2022 Lac des confins)
L’eau reflète les feuillages
Harpe de l’heure immobile
Grue rouge, bateau blanc, un banc
Le ciel abrite les passants.
(jeudi 2 février 2023 Nantes, canal Saint-Félix)