Bernard Perroy et Nathalie Fréour, Un rendez-vous avec la neige
Les poètes aiment la neige. Elle abolit tout, elle restaure le silence, elle nous offre un autre regard sur le monde. Et nous invite au dépassement. Bernard Perroy nous le dit en une vingtaine de poèmes, accompagnés par onze pastels de l’artiste Nathalie Fréour.
« Il a neigé tant de silence ». Bernard Perroy, poète né à Nantes mais vivant aujourd’hui en Sologne, cite en exergue de son livre le titre d’un recueil de Gilles Baudry (Il a neigé tant de silence, éditions Rougerie, 1985). Chez celui-ci, moine-poète de l’abbaye bénédictine de Landévennec comme chez Bernard Perroy, frère consacré à la communauté catholique des Béatitudes, il y a la même approche du silence. « En nous hiberne le silence, il nous allège », écrit Gilles Baudry. « Royaume du silence,// tu nous éveilles, tu nous interpelles », souligne Bernard Perroy qui, dans son recueil, fait de la neige le vecteur exclusif de ce silence. Une neige, qui au-delà du silence, nous renvoie à la « pureté » et à une « immobile clarté ».
Un rendez-vous avec la neige, poèmes de Bernard Perroy,
pastels de Nathalie Fréour, éditions L’enfance des arbres (2,
place vieille ville, 56 Hennebont), 50 pages, 13 euros. Bernard
Perroy publie par ailleurs Paroles d’aube dans la nuit
(éditions La Porte).
Car les pouvoirs de la neige, sous sa plume, sont immenses. Ceux « d’effacer », « d’abolir », de « voiler ». La neige, dit encore Bernard Perroy, nous « sacre », nous apprend la patience, « éponge notre solitude », « nous met au large ». Propos métaphoriques sur les pouvoirs (insoupçonnés) d’un phénomène météorologique. Car il s’agit bien, dans ces poèmes, de signifier ce que la neige nous dit d’une forme de transfiguration voire de résurrection.
Empêtrés dans « les peaux mortes de nos âmes », dans « nos aspérités et nos lèpres », « nos cendres et nos scories »,nous sommes invités par le poète à « dépasser nos peurs », à surmonter « les tumultes du cœur » et « notre solitude ». Il y a au bout du compte, dans la neige de Bernard Perroy, quelque chose qui relève de cette manne céleste, immaculée, seule à même de rassasier nos « cœurs mendiants ».
Pour accompagner cet appel, les pastels de Natalie Fréour apportent ce qu’il faut de douceur et de légèreté même si les silhouettes d’arbres morts, dans un paysage de neige, sont là pour mieux souligner toutes ces « peaux mortes » appelées à sécher pour laisser place à de nouvelles floraisons.
Préfaçant un précédent ouvrage de Bernard Perroy (Petit livre d’impatience, éditions Le Petit pavé, 2011), le poète Pierre Dhainaut écrivait : « Bernard Perroy nous donne à lire ces empreintes à peine marquées qui nous disent qu’un enfant est passé dans la neige ». Ce sont ces empreintes-là que le poète a laissées sur les pages immaculées de son nouveau recueil.
Pastel de Nathalie Fréour.