Bestiaire minuscule de Jean-Claude Tardif
Il faudra écrire un jour l'histoire des Bestiaires. Sans remonter aux ptérodactyles (les hommes préhistoriques n'écrivaient pas de poèmes !), on peut citer le Physiologos, un bestiaire antique des premiers siècles de notre ère, les bestiaires médiévaux, Le Bestiaire ou cortège d'Orphée de Guillaume Apollinaire (illustré à l'origine par Raoul Dufy), les Bestiaires de Maurice Genevoix…
Jean-Claude Tardif s'inscrit à sa façon dans cette tradition et dans celle de la poésie : on peut en effet aborder son Bestiaire minuscule en pensant au célèbre poème de l'abbé de L'Attaignant, Le Mot et la Chose, tout en oubliant ses sous-entendus ! Jean-Claude Tardif, s'il part d'animaux, se sert de mots et fait, dans chacun de ses poèmes, le portrait imaginaire d'un animal et c'est alors l'occasion pour lui de jouer avec les mots. Quelques exemples : un vieux cochon interrogé sur son avenir répond "on verra, on verrat"…, ce poème intitulé Le Gypaète qu'on peut citer dans sa totalité : "Ici gypaète ! / Qu'il repose en paix / avait ajouté à la plume / un poète sans inspiration" (humour à tiroirs !). Mais Jean-Claude Tardif ne dédaigne pas le calembour : voir son "eau tarie", ses propos prêtés au sanglier, "je n'ai qu'hure"… Mais il n'y a pas que l'humour qui compte car Jean-Calude Tardif fait, à l'occasion, la leçon aux hommes : ainsi le loup demande à ces derniers qui, parfois, portent des loups : "De nous deux qui donc fait la bête ?". Il rejoint ainsi les anciens auteurs de bestiaires qui se servaient des portraits d'animaux pour tirer une moralité à destination des humains… Et, à l'occasion comme avec le Rhésus pour lequel il se fait un sang d'encre, il se transforme en écolo !
On pardonnera donc à Jean-Claude Tardif son jeu de mots (dans le poème Le Pic noir) assez lourd ou laborieux sur Fourmi, (qui s'orthographie en fait Fourmies) à qui il donne une apparence de ville minière en la faisant voisiner avec Montceau-les-Mines : Fourmies ne connut jamais d'exploitation charbonnière ! Au XIXème siècle et jusqu'à la fin des années 1940, cette ville de la Thiérache fut un centre textile spécialisé dans la laine peignée.