Bruno Marguerite, après Rilke, Cocteau et Wim Wenders, renoue avec le thème magique de l’ange. Dès les premières pages, l’enchantement commence pour le lecteur suspendu à sa lecture.
En effet l’auteur a eu lui-même l’occasion de dire, expliquant ainsi son objectif, que l’on vit avec un être qu’on ne connaît pas et qu’il a souhaité mettre en place le thème empathique de la tolérance dans les couples. Ainsi le mari amoureux, non seulement va accepter les différences qui les opposent sa femme et lui, mais va espérer, « sans doute secrètement », qu’elle soit un ange, elle qui apparemment ressemble à toutes les autres.
L’incipit nous en avertit tout de suite puis l’histoire, véritablement poétique tant par l’écriture que par le sens, commence. « Comment pourra finir un livre comme je n’en ai jamais lu », se demande déjà le lecteur ? Pour pallier son impatience, un style, à la fois fluide et soutenu, retient, dans l’instant, son attention.
Le voici transporté en Italie, qui est, dit encore l’auteur « le pays des miracles », dans la ville de N. faisant, de concert avec le narrateur, une enquête ou plus exactement une quête :
Bruno Marguerite, Les Epaules de ma femme, éditions unicité, 2023, 124 pages, 14 €.
Au cours de nos vacances, Elysa, ma femme, s’est quelque fois absentée sans rien me dire. A la troisième absence je la suivais comme n’importe quel mari l’aurait fait à ma place, et je l’ai espionnée… les premiers instants, fort d’une suspicion dont je ne pouvais maîtriser les causes, je m’étais mis en tête qu’elle aurait pu aller à la rencontre d’un amant, par exemple.
Citons, il le faut, les mots percutants d’une lectrice : « Je me suis promenée dans les ruelles d’Italie, j’ai cherché les anges mais au delà de ça j’ai retrouvé la douceur, la poésie, la sensibilité et l’amour inconditionnel d’un homme pour sa femme. »
Ce livre est en effet d’une sensibilité extrême et révélateur du féminin sacré, une notion qui justement renvoie à une croyance ésotérique selon laquelle les femmes posséderaient un pouvoir surnaturel particulier.
Nous choisissons, après ces considérations, de ne pas en dire plus pour que le lecteur éprouve, la comparaison est des plus méritée, ce « ravissement » dont parlait Robert Walser quand il est entré en poésie.
Une idée pour conclure peut amener, en la creusant, à rêver, si l’on se réfère à l’expression « avoir des ailes ». Celle que, si Elysa « a des ailes », n’est-ce pas parce qu’elle heureuse du fait que son mari l’aime — ne dit-on pas de l’aimée qu’elle est un ange ? — et n’est-ce pas parce que, dans la réciprocité, être amoureux donne également des ailes et décuple l’énergie. Ainsi l’Italie qui est « le pays des miracles » est bel et bien également celui l’amour. Il reste à s’y promener, le cœur battant, pendant 120 pages uniques en leur genre, entre illusion et réalité.
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