Carole Carcillo Mesrobian, De nihilo nihil
Confinement Covid la vie à l'arrêt. Le rien envahit nos vies au risque de nous rendre fous. Mais quels sont cette "immatérialité théâtrale" et ce "vide scriptural" qui ouvrent ce nouvel ouvrage de Carole Carcillo Mesrobian, intitulé De Nihilo Nihil et publié aux Éditions Tarmac ?
Le vide. Le rien. Un théâtre sans spectateurs. Le confinement a provoqué ce désert dans les salles de spectacles. Carole Carcillo Mesrobian a peut-être arpenté cet espace désertique pendant ce délai d'arrêt forcé. L'imagination ne s'arrête pas sur décret d'état d'urgence, et l'autrice de creuser ce vide, cette immobilité, ce mutisme. Y chercher un motif de réflexion.
Rien ne peut être produit à partir de rien. Certes, mais avec l'esprit rien n'est impossible. Le poème se crée à partir de rien, juste quelques neurones et synapses en bouillonnement.
Quel est ce théâtre masqué qui voit évoluer des personnages faisant "l'expérience de leur vacuité formelle" avec des répliques devenues un simple "empilement de lettres" ? Des répliques imprononcées qui font mouche chez le lecteur, à défaut de spectateurs.
De nihilo nihil se décline dans un style direct fait d'une juxtaposition de phrases, formes de citations, sans ces adverbes et petites conjonctions qui font le lien entre elles. Sans doute justement pour marquer l'anéantissement des liens provoqué par cette pandémie. Ce rythme dans l'enchaînement des phrases me fait penser à Philippe Jaffeux, avec un langage comme asséché par le froid de l'époque. Si le climat se réchauffe, les rapports humains se refroidissent.
Carole Carcillo Mesrobian, De nihilo nihil, Tarmac éditions, 2022, 51 pages, 12€.
Carole Carcillo Mesrobian évoquait dans son précédent ouvrage nihIL « L’architecture d’un langage hermétique (qui) délimite le périmètre de nos enfermements ». Plus que de l’hermétisme il y a comme une audace des méandres dans la poésie de cette autrice déjà publiée maintes fois.
Cette notion de repli est encore très présente dans ce nouveau volet. "Nos personnages ressemblent à l'arrière de leur absence".
Mais ce théâtre immatériel d'un enfermement dans l'immobilité, ne peut se contenter d'un espace clos avec rideau et sièges rouges. C'est le monde dans son immensité qui a de plus en plus tendance à nous enfermer dans nos certitudes. Carole Carcillo Mesrobian en spectatrice avisée nous offre une écriture qui se refuse de caresser dans le sens du vent. Ici rien du poème ne doit être velours.