Dès son titre (oxy­morique), Onto­genèse des bris — qui fait l’é­conomie de l’article et ain­si se relie d’entrée aux textes ini­ti­a­tiques soule­vant depuis les lames de fond les « vagues vipérines » du Vivre en sa com­plex­ité, du Lan­gage en ses son­des de sourci­er ‑fait enten­dre une voix singulière.

Syn­taxe inno­vante en son alliage de clas­si­cisme et de moder­nité, voca­ble à la « tex­ture escarpée », sec­ouss­es sis­miques au pro­fond tel­lurique des strates du lan­gage, rythme tour­nant autour du nœud névral­gique du Verbe acharné à se dire et se retourn­er en tous sens piétés « vers le comble d’errance », déchirures avivées au sein du monde intime extéri­or­isé : livré à la parole poé­tique —une voix remar­quable s’énonce dans le laps de rup­ture entre ce qui s’engendre de l’être et se développe par effrac­tions dans le naufrage du temps. Le “vif-ardent” mou­ve­ment du Verbe « arpente dedans la pen­sée(du) corps » de l’auteure, Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian rap­pelant les vocif­éra­tions de fer­ventes dévorations/dévotions d’Antonin Artaud, sa quête inces­sante vers le feu qui dévore et ani­me notre gésir d’exister pour ten­ter de « résou(dre) la chute » en proférant l’espace indi­ci­ble tout en le taisant sous ses cen­dres cou­vées dans le ven­tre des maux/mots. 

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian, Onto­genèse
des bris
, PhB édi­tions, 2019.

Artaud écriv­it L’Ombilic des limbes (avec l’article défi­ni et un « O » majus­cule ini­tial parangon de l’Origine(l)) pour désign­er «l’ entraille » uni­verselle d’où le Dire et le Vivre se déchirent et sur­gis­sent ; Car­cil­lo Mes­ro­bian écrit l’Onto­genèse des bris d’où le Ci-gît se redresse, s’auto-régénère de ses débris : sous une sur­face des con­tin­gences ana­logue, glace la brûlure du vol­can, brû­lent les glac­i­ers de sidération

 

Il est le temps comme un hiver
Par­tir vivre comme on va mourir
Dans le bat­te­ment super­fluité expiatoire
De la vitesse au rouge dans les phares
L’asphalte l’amertume
 

 

L’« onto­genèse » s’incarne : « un sub­strat dans l’humus enracine ton corps / à la peau des bam­bous », écrit la poétesse. La pen­sée retrou­ve sève dans les radi­celles fer­tiles de « l’aura sauvage » portée par la « meute de (s)es rêves », et c’est « l’osmose » éprou­vée de la douleur et du gueu­loir « expi­a­toire », grat­tant par « le cray­on (des) os » l’écorce des mots, les imper­cep­ti­bles trans­for­ma­tions à l’œuvre dans l’œuf de l’ « ombre nue » créa­trice de l’expulsion ontogénique de la pen­sée, de son ravissement

 

Le cray­on de tes os griffe
Ton sang gris
Par l’osmose striée des abysses et de l’or
D’une douleur crue
Car­nage d’ombre nue et totem retors
Tu crèves le ter­reau pour creuser sous la mort
 

 

« Plaies de totems », cat­a­plasmes de la langue hurlée sur le bout torve des lèvres ou « au clos des paupières » brûlantes sur leurs torch­es brûlantes, l’Onto­genèse des bris expulse « l’acidulé » dans « l’absorption (et) la rup­ture de tout » (Antonin Artaud, Le Pèse-Nerfs) ; extirpe la pulpe, la chair, « le filet du couteau (de la langue) vis­sé entre (les) mains », « scalpe les grains du sabli­er » et refor­mule à l’encre psalmod­iée le tracé des « oiseaux pétris de glaise (lorsqu’ils) sui(vent) la tra­jec­toire épurée ». Dérac­inée, Onto­genèse des bris nous plonge dans l’abîme tor­turé d’une femme par­ti­c­ulière (saisie au vif vio­lent laps de perdi­tion « où la chute anam­nèse »), de l’Être en tous ses ren­verse­ments d’éclaircie où l’augure noir appelle un piac­u­lum, mais, l’élan tri­om­phant de l’inertie, « les rav­ages d’hier (nous) enchaî­nent aux points-vir­gule ».

 

Cet opus atteste la portée incom­press­ible, même à l’acmé des envers, du désir qui peut « efface® la terre là (s’)api­toy­er » ; du désir où la femme empris­on­née « dans la mai­son de limbes » d’un amour néfaste et nuis­i­ble « tisse des guir­lan­des », désor­mais, « de son nom d’évadée » ; du désir qui « achève le fardeau », libère « l’enclos », « résout la chute » : « l’apothéose est pour demain »…

 

Présentation de l’auteur

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Murielle Compère-Demarcy

‣Je marche— poème marché/compté à lire à voix haute et dédié à Jacques DARRAS, éd. Encres Vives, 2014 ‣L’Eau-Vive des falais­es, éd. Encres Vives, 2014 ‣Coupure d’élec­tric­ité, éd. du Port d’At­tache, 2015 ‣La Falaise effritée du Dire, éd. du Petit Véhicule, Cahi­er d’art et de lit­téra­tures n°78 Chien­dents, 2015 ‣Trash fragilité (faux soleils & drones d’ex­is­tence), éd. du Cit­ron Gare, 2015 ‣Un cri dans le ciel, éd. La Porte, 2015 ‣Je Tu mon AlterÉ­goïste, éd. de l’Ecole Poly­tech­nique, Paris, 5e, 2016 ‣Sig­naux d’ex­is­tence suivi de La Petite Fille et la Pluie, éd. du Petit Véhicule, coll. de La Galerie de l’Or du Temps ; 2016 ‣Co-écri­t­ure du Chien­dents n°109 Il n’y a pas d’écri­t­ure heureuse, avec le poète-essay­iste Alain MARC, éd. du Petit Véhicule ; 2016 ‣Le Poème en marche suivi par Le Poème en résis­tance, éd. du Port d’Attache ; 2016 ‣Dans la course, hors cir­cuit, éd. Tar­mac, coll. Car­nets de Route ; 2017 ; réédi­tion aug­men­tée en 2018 ‣ Poème-Passe­port pour l’Exil, avec le poète et pho­tographe (“Poé­togra­phie”) Khaled YOUSSEF éd. Corps Puce, coll. Lib­erté sur Parole ; mai 2017 ‣ Nantes-Napoli, français-ital­iano tra­duc­tions de Nun­zia Amoroso, éd. du Petit Véhicule, Cahi­er d’art et de lit­téra­tures n°121, vol.2, Chien­dents, 2017 ‣ … dans la danse de Hurle-Lyre & de Hurlevent…, éd. Encres Vives, coll. Encres Blanch­es n°718, mai 2018 ‣ L’Oiseau invis­i­ble du Temps, éd. Hen­ry, coll. La Main aux poètes ; octo­bre 2018 ‣ Ate­lier Cau­da, clap ! et Illus­tra­tions in Pein­dre de Jacques Cau­da, éd. Tar­mac ; novem­bre 2018 [Trilo­gie Jacques Cau­da : LA TE LI ER et LES BERTHES, Z4 Edi­tions + PEINDRE, éd. Tar­mac] ‣ Alchimiste du soleil pul­vérisé, poème à Antonin Artaud, Z4 édi­teur, coll. « La diag­o­nale de l’écrivain » ; jan­vi­er 2019 ‣ Fenêtre ouverte sur la poésie de Luc Vidal, éd. du Petit Véhicule, coll « La Galerie de l’Or du Temps » ; 2019 ‣ Dans les Lan­des de Hurle-lyre, Z4 Edi­tions ; 2019 ‣ L’écorce rouge suivi de Prière pour Notre-Dame de Paris et de Hurlement, Z4 Edi­tions, coll. « Les 4 saisons » ; févri­er 2020 ‣ Voy­age Grand-Tour­nesol, Murielle Com­père-Demar­cy (MCDem.) / Khaled Youssef, avec la par­tic­i­pa­tion de Basia Miller, Pré­face de Chiara De Luca, éd. Z4 édi­tions ; sep­tem­bre 2020 Pub­li­ca­tions en revues : Nunc, Les Cahiers de Tin­bad, Cahiers inter­na­tionaux lit­téraires Phoenix, FPM-Fes­ti­val Per­ma­nent des Mots, Poésie/première, Ver­so, Décharge, Tra­ver­sées, Trac­tion-Bra­bant, La Passe, Mille et Un poètes (avec « Lignes d’écriture » des édi­tions Corps Puce), Nou­veaux Dél­its, Microbes, Comme en poésie, Poésie/Seine, Cabaret, Revue Con­cer­to pour marées et silence, Revue Méninge, … ; sur espaces numériques Pos­si­bles revue men­su­elle de poésie en ligne dirigée par Pierre Per­rin (n°36, n°44, n°47), Recours au poème, Terre à ciel, lelitteraire.com, Sitaudis.fr, Lev­ure lit­téraire, Le Cap­i­tal des Mots, Poésie en lib­erté, Ce qui reste, poe­siemusik, … Antholo­gies : “Sans abri”, éd. Janus, 2016 ; “Au Fes­ti­val de Con­cèze”, éd. Comme en Poésie, 2017 ; Poésie en lib­erté (antholo­gie numérique pro­gres­sive) en 2017 et 2018 ; “Tis­serands du monde”, Mai­son de la Poésie du Velay-Forez, 2018 ; citée dans Poésie et chan­son, stop aux a pri­ori ! de Matthias Vin­cenot, aux édi­tions For­tu­na (2017), … Rédac­trice à La Cause Lit­téraire, écrit des notes de lec­ture pour La Revue Lit­téraire (éd. Léo Scheer), Les Cahiers de Tin­bad, Tra­ver­sées, les Cahiers inter­na­tionaux de créa­tion lit­téraire Phoenix, Revues en ligne Poez­ibao, Recours au Poème en tant que con­tributrice régulière, Ter­res de femmes, Terre à ciel, Sitaudis.fr, Tex­ture, Zone Cri­tique, Lev­ure Lit­téraire, … Lec­tures publiques : Mai­son de la Poésie à Amiens ; Marché de la Poésie, Paris,6e ; Salon de la Revue (Hall des Blancs-Man­teaux dans le Marais, Paris 4e) ; dans le cadre des Mardis lit­téraires de Jean-Lou Guérin, Place Saint-Sulpice (Paris, 6e) ; Fes­ti­val 0 + 0 de la Butte-aux-Cailles, Paris 4e ; #Melt­ing Poètes à la Galerie de l’Entrepôt (Paris, 14e) ; auteure invitée aux Fes­ti­val de Mont­meyan (Haut-Var) [août 2016 + août 2018] ; au Fes­ti­val Le Mitan du Chemin à Camp-la-Source en avril 2017 /[Région PACA] ; au Fes­ti­val DécOU­VRIR-Con­cèze (Cor­rèze) en août 2018 ; poète invitée à L’Agora, Paris 14e pour une Lec­ture musi­cale & poé­tique – Soirée André Prod­homme (poète) & Alain Chapelain (musi­cien-poète), … Invitée du “Mer­cre­di du poète” ani­mé par Bernard Fournier, le 28 févri­er 2018, au François Cop­pée — 1, Bd de Mont­par­nasse, Paris 6e- présen­tée par Jacques Dar­ras. Lue par le comé­di­en Jacques Bon­naf­fé le 24.01.2017 sur France Cul­ture : https://www.franceculture.fr/emissions/jacques-bonnaffe-lit-la-poesie/courriers-papillons-24-jour-deux-poemes-de-front Son blog “Poésie en relec­tures” est ici : http://www.mcdem.simplesite.com