Carolyne Cannella, poète, récitante, traductrice, concertiste – luth renaissance et guitare classique- et professeur d’enseignement artistique, a collaboré à plusieurs revues et anthologies poétiques. Dans son art poétique, la mélodie des mots — telles les notes d’une partition — relève selon elle d’un travail d’élévation et d’harmonisation pour atteindre à cette qualité lyrique de la langue. A l’aune de sa passion — la musique, expression sensuelle de ce qu’elle considère comme un sentiment mystique – son écriture l’amène, avec peu de mots, à voyager immobile dans les territoires profonds de l’être, là où les silences prennent une dimension expressive.
Elle s’exprime sous des formes de poèmes, prose, fragments et aphorismes, avec une prédilection pour les formes brèves.
Carolyne Cannella comète apparue dans le ciel toujours imprévisible de la poésie incarne la parole de Saint John Perse : « Poète, celui-là (Celle) qui rompt pour nous l’accoutumance ».
Evangile de la brève lumière, bréviaire de la foudre et de l’éclair, sa poésie est don d’amour pour des temps difficiles, un viatique de lumière pour subsumer en pure beauté des heures tragiques Elle est présence vigile et , signe de haute poésie, sismographe du tremblement de l’être, des choses et du monde. Concision, fulgurance et irradiance, sont trois sommets d’où émanent son sens de l’ellipse, l’éclat de sa vision, la puissance et la profondeur harmonique de son phrasé. Carolyne Cannella est de naissance musicienne et porte en elle réminiscence de cette « essence de ciel « dont son âme est imprégnée. Sa lyre chante et se souvient des temps où musique et poésie furent unies sur l’autel de la parole originelle ; elle donne à voir le mystère des sons et rend audible la vibration de la lumière au-delà de la nuit des sens. Son œuvre est ainsi marquée du sceau orphique et le diamant de son verbe brille sur son versant mystique. De là son affinité avec Novalis ; elle sait que « le chemin va vers l’intérieur » et le révèle dans son poème : « le Royaume en Toi » dédiée à sa « Fontaine d’élèves » ( extrait de son œuvre « Immuable Surgi » aux éditions Galerie Racine.
Son œuvre intitulée INSTANTS – : Tercets — Hommage au Japon publiée en octobre 2018 chez l’Harmattan, dit la quintessence alchimique saisie à travers la modernité de sa parole et ces fulgurances dignes du pur esprit du haïku. Elle révèle le mystère de l’âme éternelle au cœur de l’instant et élève au dessus du néant le chant d’un lyrisme fulgurant : Jaillir/et habiter l’éclair/au cœur de l’instant-lumière. En hommage aux morts de Fukushima elle écrit : « Le chant de l’oiseau jaillit/ flamboyant/dans l’espace affranchi » — « La vie tressaille encore/et joue avec la mort un tournoi de lumière ». Carolyne Cannella est la fervente d’un Absolu réverbéré jusque dans les fibres les plus secrètes de son être … Passion du supra-sensible révélé dans ce saut dans l’inconnu : « Et la porte de se refermer/pour que nous puissions entrer/dans cet ailleurs. »
Notre poète désaltère sa soif d’absolu aux sources de l’altérité radicale. Sa parole jaillit des gorges nouménales où elle se meut avec l’aisance et la grâce des grands visionnaires. Au-delà des mirages du Nada, elle entrevoit la présence de naïades talismaniques qui, dans les eaux-vives de son poème, présagent le renouveau de l’immémorial chant orphique.
« Caresse veloutée /elle nous enlace et nous délie/la Grâce ». Carolyne Canella l’affirme :
Reste l’empreinte de l’amour/indélébile à jamais.
Īle secrète
elle s’empourpre
à l’heure vespérale
sa voix à celle du feuillage suspendue
île secrète
aux imprévisibles orages
elle repose en son alcôve humide
ses yeux d’outre-ciel
sous le parfum des amandiers
*
Abyssale lumière
Elle attend
que s’ouvre enfin la voie
Elle recueille les heures dilatées
la nuit sans fin, la vaine attente
et puis
l’aurore vacillante
Elle perçoit
en gouttes givrées
les prémisses de la source radiante
derrière l’âpreté d’un désert de brumes
Elle sait
tous les chemins, les interstices
déserts de son errance
vers le sentier unique au but incandescent
Elle plonge
dans l’antre même des ténèbres
et accueille
l’abyssale lumière
*
Écho
Sans autre soucis que d’aller
je vais
chavirée de silence
de faim
d’absence
Ma soif suspend tous les instants
Je cherche encore la source
sous les sables mouvants
énigme en plein midi
d’une terre non brûlée
dont l’écho me prolonge
J’existe l’instant d’une illusion
L’écho passe et se perd
dilué
dans la nuit qui se perd
engloutie
par toutes les autres nuits
*
Libre
Ciel limpide
L’enfant tourbillonne
Dans l’air immobile
De ses bras frêles
Il soulève le monde
Il tourne
Il titube
Enivré de son dialogue avec le vent
Les nuages au ciel s’amoncellent
Et chevauchent l’horizon
Le rêve de l’enfant demeure
Joyeux
Il voit une lumière nouvelle
Aspiré par un nouveau ciel
Où il entre
Sous la caresse de la brise
*
Oublier toutes choses
Jusqu’à son propre corps
Et contempler le vide
Pour tuer le vide
Grâce au vide
Alors.…
Dans le vide de l’esprit
Apparaissent les choses
Dans leur évidente clarté
Extrait du recueil « Immuable surgi »
*
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