Christine Guinard, Vous étiez un monde

Du monde du réel à celui de la poésie, il y a le tremplin de la mémoire et cet imparfait qui, dès le titre, noue au poème les images d'un passé qui vibre encore - images d'eau, de lavoir, de toutes ces femmes qui plongent le linge, ce monde qui était, n'est plus et que le poème s'engage à retrouver, coûte que coûte.

La poète, en peu de textes, dit très fort cet attachement à ce "magma" de sensations qui s'imposent à elle ; la poésie s'écoule telle l'eau, charriant formes et plis, "ombres glissées", forme de vie qui "vienne" réparer ce qui manque, ce qui est perdu.

Dans une langue lyrique, qui ne déborde jamais, la voix de la poète arrive à nous émouvoir, par son grain, la douleur perçue et la volonté d'inscrire dans le flux poétique, ce peu qui nous rassemble, le vrai du cœur.

Christine GUINARD, Vous étiez un monde, Gallimard, 2023, 64 p., 14 euros.

Présentation de l’auteur

Christine Guinard

Christine Guinard est professeure de lettres, traductrice (Journal d’un Réfugié catalan, Roc d’Almenara, Mare Nostrum, 2012), musicienne, vidéaste et poétesse.

Oscillant entre la musique, l’image et l’écriture, elle publie ses poèmes dans diverses revues littéraires, La Femelle du requin, Thauma, Tapages, Contre-Jour, Poésie première, Recours au poème, Triages…

Son travail a évolué en résonance avec la photographie ; le projet « Chambre avec vue », transformé en installation vidéo lors d’une résidence au 104 à Paris, a été exposé au Brass, à Bruxelles, en 2015.

Christine Guinard

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Christine Guinard, Vous étiez un monde

Du monde du réel à celui de la poésie, il y a le tremplin de la mémoire et cet imparfait qui, dès le titre, noue au poème les images d'un passé qui vibre [...]




Sabine Péglion, L’espérance d’un bleu

Quel est ce bleu qui étire son fil tout au long du nouveau recueil de Sabine Péglion ? Il est celui du titre, L’espérance d’un bleu, une couleur récurrente dans les poèmes mais aussi dans les peintures de la poète, celles qui accompagnent superbement le livre.

Entre brumes et étoffes, elle évoque la fragilité de silhouettes éphémères. Ombres portées, elles se déplacent comme happées par ces « Voiles bleues / aux marges du silence » Les mots ainsi que le trait de couleur les situent à la limite de l’estompe. Tant dans les poèmes que les peintures, elles sont chargées du mystère de notre présence humaine, à nous-mêmes, aux autres et au monde.

« bateaux ancrés      nul sillage / pour s’évader      mots en naufrage » Être, exister est une douleur et il faut faire face à « Ce bleu ouvert de la blessure ». Le ciel est à la fois miroir où lire la faille et souffle blessé qui se suspend. Où trouver l’espérance sinon dans l’infime trace de ce qui fut et qui continue rappeler la lumière ? Si fugitive soit-elle, elle a été et en tant que telle, elle devient réconfort. Ces oiseaux, « Serait-ce vers toi qu’ils tracent un filet d’azur / où le regard se perd ». « Force d’un accord », la couleur porte en elle une parenté possible avec le poème, par ce que la poète nomme comme « le bleu d’un poème ». Pourrait-on parler ici du bleu que l’on espère et de son envers blessé comme un bleu de l’âme ? La poète ainsi que les figures de ses poèmes se meuvent avec grâce d’une lisière à une autre, enveloppées de brumes où s’engloutissent les voix de la mémoire. Écorchures, entailles et épines restent sous « la lumière mauve ». Envers ou endroit, le bleu ne serait-il qu’un rêve dont seule l’étincelle survit en nous ? « C’est tout / voici le bout    de la jetée / vraiment      c’est tout » Face à l’amère brièveté du chemin, la poète exhorte néanmoins à l’acceptation, une acceptation féconde, salvatrice, qui exalte les lueurs glanées ici et là. 

Sabine Péglion, L’espérance d’un bleu, éditions La tête à l’envers, 2024, 66 pages, 19 euros.

Accepter comme l’arbre « dépouillé de tout feu », « de déployer vers le ciel / cet obscur labyrinthe ». Sabine Péglion invite à recueillir ce qui est malgré tout « pluie d’étoiles ». Un très beau recueil où la concision de l’écriture est à la mesure de son incandescence. Les peintures de la poète s’insèrent entre les poèmes, formant un contrepoint lumineux où mots, traits et couleurs entrent en dialogue, pour tenter d’élucider la secrète calligraphie du monde où nous sommes de furtifs passants.

Présentation de l’auteur

Sabine Péglion

Née à Monaco, Sabine Péglion a étudié les lettres à Nice, soutenu un doctorat sur l’œuvre de Philippe Jaccottet à la Sorbonne, enseigné en région parisienne. A présent, parallèlement à l’écriture, elle intervient dans différents établissements scolaires comme poète, autour d’ateliers de poésie, permettant ainsi, à un public scolaire ou non scolaire, non seulement de découvrir le genre, mais également de s’exercer à l’écriture de poèmes, et de partager son expérience de poète. Par ailleurs elle a créé une association, Métaphores, dont le but est de promouvoir la poésie et de faire découvrir la poésie contemporaine. Depuis 10 ans, elle organise et  anime  des cafés-poésie. Le goût de la transmission et de la découverte de l’Autre, s’associent pour elle, souvent à l’occasion de voyages. Elle a pu ainsi mener des ateliers, faire des cours en Australie, en Grèce, au Maroc, en Algérie. En décembre 2016, elle a reçu à Milan le prix international de poésie « sur les traces de Léopold Sedar Senghor » et, en mars 2017, elle a été nommée ambassadrice de ce prix. En 2019 elle a été nommée Chevalier des Arts et des Lettres.

Bibliographie

Recueils

Sur les rives du lac Khövsgöl, Editions de La Margeride, gravures Robert Lobet, 2024
L’espérance d’un bleu, Editions La Tête à l’Envers, 2024, encres de l’auteur
Cet au-delà de l’ombre, Editions L’Ail des Ours, Decembre 2023, encres de l’auteur
 Australie, le temps d’un rêve, Editions V. Rougier, Août 2022, encres de l’auteur
 Dans le vent de l’archipel, Editions L’Ail des Ours, 2021, encres de l’auteur
Sillages de Lumière, Editions Bourdaric, 10 exemplaires numérotés, Œuvres originales de Bang Hai Ja, 2019
Rumeurs du monde, Editions Sous La Lime, 2019
Ces mots si clairsemés, Editions La Tête à l’Envers, 2019, encres de l’auteur
Elle m’avait demandé, Editions entre Terre et ciel, mars 2017, encres de l’auteur
Paroles de granit, Editions de la Margeride, gravures Robert Lobet, 2017
Faire un trou à la Nuit, Editions La Tête à l’Envers, 2016, encres de l’auteur
Connivence 3 Le mur Editions de la Margeride, gravures Robert Lobet, 2016
Un éclair de silence, Editions la Margeride, gravures Robert Lobet, 2015
Le nid, Editions La Tête à l’Envers, 2015, encres de l’auteur
Prière Minérale, Editions de la Margeride, gravures Robert Lobet ,2015
Ecrire à Yaoundé, Editions V. Rougier, 2015, encres de l’auteur
Des mots Des formes Une rencontre, sculptures M. Salavize, livre d’auteurs, 2014
Traversée Nomade, Editions Sous La Lime, 2013
Derrière la vitre, Editions V. Rougier, 2012
Australie, notes croisées, dessins de J. Bret, livre d’auteurs, 2011
Danse, deux regards poétiques sur des croquis de danse, en collaboration avec B. Moreau et J. Bret, livre d’auteurs, 2008
Métamorphoses, Editions Hélices Poésie, 2005

Revues

Poésie Terrestre (17,19)
Voix d’encre n° 33
Interventions à Haute Voix (n° 32, 36,38, 39,40), Encres vagabondes
Les Lettres Françaises, in L’Humanité, 07/07/07
Etoiles d’encre (n° 35-36 ; n°39-40, n°41-42,43-44, 45-46)
Etoiles d’encre, Recueil « Les étoiles d’Imoudal » in n°69-70
Etoiles d’encre, Artiste invitée du n° 75-76, « Epier le rêve »
Esprits poétiques (1,3)
Le 100 ème numéro de Ficelle, Editions de Vincent Rougier, a accueilli sa « dictée ».
Les carnets d’Eucharis mai-juin 11, fév. 2009, fev. 2013, fev. 2014, fev. 2015, (Comité de rédaction des numéros papier).
Virgules et Pollen
Terres de femmes, 1er juillet 2010
Francopolis mars, avril, mai 2012
Arpa, n°122, fev 2018
Décharges, 183, septembre 2019: Encres en couverture et dans la revue

Anthologies

Le courage, Editions Bruno Doucey, 2020, Anthologie de référence du Printemps des Poètes
La beauté, Ephéméride poétique Editions Bruno Doucey, 2019, Anthologie de référence du Printemps des Poètes
Du feu que nous sommes, Editions Abordo ,2019
Mai 1968, Editions des Cahiers de l’Asphalte, 2018
L’eau entre nos doigts, Editions Henry, 2018
Le rêve, Editions Unicité, 2018
Eloge et défense de la langue française, Editions Unicité, 2016
Quand on n’a que l’amour, Editions Bruno Doucey, 2015, Anthologie établie par Sabine Péglion et Bruno Doucey
Pas d’ici, Pas d’ailleurs, Éditions Voix d’Encre, 2012, Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines
Les voix du poème, Editions Bruno Doucey, 2013, Anthologie de référence du Printemps des Poètes
Instants de vertige, Éditions Point de fuite, 2013
Enfantaisie, Editions-sous-Lime, Mars 2012, Anthologie sonore, CD+ Livrets
Côté femmes, D'un poème l'autre, Anthologie voyageus , Éditions Espace Libre, Paris/Alger, 2010
Poètes pour Haïti, L’harmattan, 2011

Poèmes choisis

Autres lectures

Le Lieu-dit L’Ail des ours

Les éditions L'Ail des ours est un Lieu-dit. Ce qui suppose qu'il s'y déploie de multiples dimensions. Une profondeur. Une amplitude. Tout ceci naît de la rencontre, des rencontres de la poésie et [...]

Sabine Péglion, Dans le vent de l’archipel

Petit livre tout de vent, d'écume, de sillage. Partir-revenir : le double voeu de ces poèmes simples, qui tracent l'errance à coup d'infinitifs du désir : « appareiller », « déposer », « découvrir ». La leçon [...]

Sabine Péglion, L’espérance d’un bleu

Quel est ce bleu qui étire son fil tout au long du nouveau recueil de Sabine Péglion ? Il est celui du titre, L’espérance d’un bleu, une couleur récurrente dans les poèmes mais [...]




Estelle Fenzi, Le goût des merveilles

Le recueil commence par un appel à l’enfance, vue à travers les contes et une étonnante définition : « Je suis une impossible biche / un désenchantement ». Vite le poème suivant donne la clef : l’enfance est ce temps où l’adulte, ici maman est observé avec ses « épaules rentrées regard baissé », où « le sommeil enfile des gants noirs / pour étouffer les révoltes de la veille ». L’homme fort de cet âge, c’est l’enfant et non l’adulte. Rendu à ce point de lecture, j’interroge distraitement la mienne, qui me confirme cette vérité.

Vient peu après deux vers terribles qui précisent comment finit l’enfance : « Perdre l’éternité / voilà les derniers mots de l’enfance ». Fin du premier poème. Ils sont quatre inscrits dans la table des matières du recueil : Agapes de l’ombre, Nos territoires d’orphelinat, Le goût des merveilles, Petite sœur (Le miroir de glace). Le deuxième m’entraîne écouter les enfants oubliés des contes, les frères et sœur d’Alice ou du petit Poucet. Ils me confient qu’ils n’avaient pas imaginé leur enfance telle des « bouts de verre », qu’ils furent marqués par des blessures qui leur font « confondre la vie / et l’oubli », et ou « ce qu’on entend rugir (…) / c’est la cohorte de nos peurs ». Puis vient à la fin de ce poème où un des enfants nous confie : « Nous avons / sous le préau du crâne / des cris d’hirondelles et des plumes tombées ». Le troisième poème, avec son titre, fait espérer toucher un peu de la merveille qui circule dans l’enfance. Elle logerait dans le récit, dans ce pouvoir singulier de l’enfant de rassembler « la barque du temps / et la rivière tranquille ». Ou encore de faire entendre « une humanité / de mots murmurés // (les plus beaux à entendre). Ou de témoigner de « L’hommage des sources / et des vents souterrains ». Un ton sombre se maintient pourtant dans ces vers, peut-être car malgré cette pierre de touche qu’est le merveilleux, l’enfant garde la prescience du naufrage à venir, même si on peut lui demander ce tour de magie : « Enfance magicienne / compte un deux trois // soleil ».

Estelle Fenzy, Le Goût des merveilles, Editions De Corlevour, 2024, 96 pages, 16 €.

Cette prescience viendrait que malgré ses jeux, ses défis, l’enfant n’ignore rien de la fragilité qu’il porte non pour lui mais pour le monde : « Splendeur et danger / nous sommes / le fragile du monde // et ce frôlement / de la mort dans la vie ». Vient déjà le dernier poème avec ce vers couperet : « Et tout à coup – la nuit ». Le dernier poème s’ouvre dans une forêt immense. L’enfant s’y rassure car « c’est dans le noir les plus belles rencontres. Puisque tout est fragile ». Mais le lecteur que je suis tremble après chaque vers. L’enfant s’enfonce car il « faut marcher longtemps pour trouver ta tanière ». Plus loin, la rivière, l’eau du lac avec ses grands bras prêts pour la noyade. Mais l’enfant survit, « bâton de présent dans le temps qui recule ». Une voix vient à elle, l’invite à se garder simple, à entendre « l’oiseau blotti dans la bouche du monde ». Maintenant viennent les vers qui vont conclure ce hors du temps qu’est l’enfance : « Écorchée tu choisis ta peau de femme ». La voix du poème (est-ce celle de la mère ou celle qui porte en elle l’enfance qu’elle fut ?) lui demande de rester « accrochée à ton âme. En échange, elle n'aura pour elle « que mes naufrages à offrir mais // ce sera méditer ta voix nue ». Me frappe ce rapport au temps si propre à l’enfance. Il me rappelle une notation de Tolstoï dans son journal et retranscrite par Simon Leys dans son merveilleux livre, Le bonheur des petits poissons : « seuls les enfants et les vieillards vivent la vraie vie : les premiers ne sont pas encore soumis à l’illusion du temps, et les seconds s’en dégagent enfin. » En attendant d’être ce parfait vieillard, le recueil d’Estelle Fenzi m’a incité à réinterroger ma propre enfance, ce pays perdu qui forme désormais l’horizon. Je me suis dit qu’elle fut aussi celle-là.

Présentation de l’auteur

Estelle Fenzy

 Estelle Fenzy est née en 1969. Après avoir vécu près de Lille puis à Brest, elle habite Arles où elle enseigne. Elle écrit depuis 2013, des poèmes et des textes courts.

Publications en revues : Europe, Secousse, Remue.net, Ce qui Reste, Écrits du Nord (éditions Henry), Microbe, Les Carnets d’Eucharis, Terre à Ciel, Recours au Poème, Décharge, Possibles, FPM, Revu, Teste.

Publications

  • CHUT (le monstre dort) aux éditions La Part Commune (2015)
  • SANS aux éditions La Porte (2015)
  • ROUGE VIVE aux éditions Al Manar (2016)
  • JUSTE APRÈS aux éditions La Porte (2016)
  • L’ENTAILLE et LA COUTURE aux éditions Henry (2016)
  • PAPILLON aux éditions Le Petit Flou (2017)
  • MÈRE aux éditions La Boucherie Littéraire (2017)
© photo Isabelle Poinloup

Anthologies

  • SAXIFRAGE, dans Terre à Ciel, initiée par Sabine Huynh
  • MARLÈNE TISSOT & CO, éditions mgv2>publishing
  • DEHORS, éditions Janus (juin 2016)
  • LESSIVES ÉTENDUES, dans Terre à Ciel, initiée par Roselyne Sibille

Livre d’artiste

  • PETITE MANHATTAN, dans Le Monde des Villes, Brest 2, avec André Jolivet, éditions Voltije

Revue d’artiste

  • CONNIVENCES 6, éditions de La Margeride, avec aussi des poèmes d’Alain Freixe, des photographies de Rémy Fenzy et des peintures de Robert Lobet

Autres lectures

 

Feuilletons : Ecritures Féminines (1)

  Y a-t-un genre à l'écriture du poème ? Question sans doute aussi vaine que les polémiques passées autour du sexe des anges ! Il y a évidemment des thèmes, des points de vue qui ne peuvent [...]

Estelle Fenzy, La Minute bleue de l’aube

J’aime les premiers émois de l’aurore : les trèfles se tournent vers la lumière, les feuilles déploient un subtil verso ombré, les pétales des pâquerettes s’entrouvrent avec discrétion,  le rossignol lance une première trille glorieuse. L’aurore appartient [...]

Estelle Fenzy, La minute bleue de l’aube

Pensées, aphorismes, fragments, poèmes courts : il y a de tout cela dans la poésie d’Estelle Fenzy. Elle a l’art de capter à l’aube des instants minuscules pour en tirer des leçons de vie. [...]

Estelle Fenzy, Gueule noire

Gueule noire nous tient sous le charme du conte. On connaît l’attirance et la proximité de l’écriture d’Estelle Fenzy pour ce genre si proche où la poésie éclate dans le fantastique et s’en nourrit. [...]

Estelle Fenzy, Coda (Ostinato)

Le titre dit assez la composition musicale de cet ensemble de 45 courts poèmes, où tout est reprise, mouvement entre deux mots qui ouvrent et ferment chaque fragment : « fin » et « monde », répétés obstinément, rythmiquement. [...]

Estelle Fenzy, Le Chant de la femme source

Il manquait une hirondelle pour écrire notre histoire   C'était ça donc ! Grisé j'étais, sur le dos de l'hirondelle depuis le début de ma lecture ! J'avais bien senti le vent [...]

Estelle Fenzy, Boîtes noires

Les lecteurs d’Estelle Fenzy, qui ont l’habitude d’être surpris, le sont dès les premiers mots du recueil et plus qu’avant : « Mesdames et messieurs, attachez vos ceintures » ! S’agit-il d’un véritable vol ou [...]

Estelle Fenzy, Une saison fragile

Quel beau titre ! Inspiré, inspirant et suggérant d’emblée le sens de la nuance, de la vulnérabilité, de tout ce qui risque de défaillir. Avant même d’ouvrir le recueil, on sent une délicatesse à la japonaise à [...]




Eric Dubois, Nul ne sait l’ampleur

« Entre désir et désillusion, entre raison et espoir fou » (extrait de la préface de Pierre Kobel)

Un opus de 27 poèmes, le premier, un quatrain ouvre le recueil comme « un coup de poignard »  pour dire la violence  de la vie quand les mots ne suffisent plus, quand tout semble perdu, quand la vulnérabilité  prend toute la place, quand l’ombre prend le pas sur  la lumière.

Des images coup de poing pour exprimer un état de désespérance : «  Ma tête est un reposoir. Un écho pris de vertige. Une flamme noire qui  calcifie les oiseaux du paradis ». En ce recueil, une tonalité nervalienne et plane  « le soleil noir de la mélancolie » ; une mélancolie que le poète nomme pudiquement nostalgie : « Nostalgie noces de la lumière / et de l’ombre qui agit comme/ une algue envahissante… »  Alors, la tentation de l’alcool comme refuge quand il n’y a  «  Nul mots à l’endroit/ où saignent les larmes… » et que tout devient désert : «  Je ne sais rien de la nuit/que les ombres furtives/ le long des rues désertes… ». La nuit est un  thème central du recueil, elle abrite le silence, les silences « coupants / comme des couteaux ». La nuit est métaphore de cette mélancolie, une mélancolie qui rend perméable à la souffrance des autres, la souffrance dont «  Nul ne sait l’ampleur ».

La vie, une vie qui oscille entre l’obscur et le soleil car jamais ne cesse la quête de la lumière ; par-delà la nuit, par- delà les volets clos : « dans un rai / d’éternité absolue », passent et la lumière et l’amour alors, la nuit n’aura pas le dernier mot, l’espoir vaincra le désespoir ; les mots et la poésie pour consoler le dépossédé pour éclairer la nuit du Desdichado.

 (Ce recueil a été finaliste en 2024 pour la quatrième édition du prix de poésie Léon Paul Fargue )

Éric Dubois, Nul ne sait l’ampleur, éditions unicité, 2024, 45p 12€.

Extrait (p.27-28)

 

Ce sera une nuit

comme une autre

mais ce sera la dernière

les yeux remplis d’étoiles

 

Ce sera une nuit

comme une autre

mais ce sera la seule l’unique

solde de tout compte

 

Ce sera une nuit

comme une autre

dans les draps blessés

dans le sang glacé

 

Ce sera une nuit

comme une autre

plus belle encore

et plus jolie

 

Ce sera une nuit

comme une autre

comme une dernière

colère une ultime prière

 

Ce sera une nuit

comme une autre

mais que l’on n’oubliera pas

dans le bruit des pas

 

 

Par-delà soi

par les autres qui se souviendront

de vous traçant ainsi la nuit

avec des fils de soie

Présentation de l’auteur

Eric Dubois

Eric Dubois est né en 1966 à Paris. Auteur, lecteur-récitant et performeur avec l’association Hélices et le Club-Poésie de Champigny sur Marne. Auteur de plusieurs recueils dont « L’âme du peintre » ( publié en 2004) , « Catastrophe Intime » (2005), « Laboureurs » (2006), « Poussières de plaintes »(2007) , « Robe de jour au bout du pavé »(2008), « Allée de la voûte »(2008), « Les mains de la lune » »(2009), « Ce que dit un naufrage »(2012) aux éditions Encres Vives, « Estuaires »(2006) aux éditions Hélices ( réédité aux éditions Encres Vives en 2009), « C'est encore l'hiver » (2009), « Radiographie », « Mais qui lira le dernier poème ? »  (2011) aux éditions Publie.net, « Mais qui lira le dernier poème ?  »  (2012) aux éditions Publie.papier, "Entre gouffre et lumière " (2010) aux éditions L'Harmattan , « Le canal », « Récurrences » (2004) , « Acrylic blues »(2002) aux éditions Le Manuscrit, entre autres.    

Textes inédits dans les anthologies  Et si le rouge n 'existait pas ( Editions Le Temps des Cerises, 2010) et Nous, la multitude ( Editions Le Temps des Cerises, 2011), Pour Haĩti ( Editions Desnel, 2010) , Poètes pour Haĩti (L'Harmattan, 2011) Les 807, saison 2 ( Publie.net, 2012), Dans le ventre des femmes ( Bsc Publishing, 2012) … Participations à des revues : « Les Cahiers de la Poésie », « Comme en poésie », « Résurrection », « Libelle », «Décharge », « Poésie/première », « Les Cahiers du sens », « Les Cahiers de poésie », « Mouvances.ca », « Des rails », « Courrier International de la Francophilie »... Responsable de la revue de poésie « Le Capital des Mots ».

http://le-capital-des-mots.fr

http://ericdubois.jimdosite.com

http://ericdubois.net

Poésiemag.fr

Crédit Photo : © Frédéric Vignale.

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Eric Dubois, un chemin de vie plus qu’un parcours

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Eric Dubois, L’Homme qui entendait des voix

Quand un poète devient romancier, il écrit L’Homme qui entendait des voix. A plusieurs égards, ce récit, autobiographie inclassable est remarquable. Le sujet abordé témoigne d’un grand courage, d’une [...]

Le poète face à l’Histoire

Un ami revuiste, me le disait il y a peu : beaucoup de poètes ont d’assez sérieux troubles psychiatriques et peuvent se confier facilement (et en masse) à un de leurs interlocuteurs même et [...]

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Pornographie : le cri de Cédric Demangeot

Drôle de titre à première vue, tout en sachant qu’il va s’agir de poésie et non d’un essai philosophique, encore moins de littérature « porno », même si l’obscène sera présent, y compris au sens le plus directement sexuel. Obscène donc parfois mais jamais pervers (au sens du roman de Gombrowicz, par exemple).

Ce recueil – en réalité la réédition à titre posthume de recueils parus entre 2006 et 2011 – est un manifeste d’une rare violence qui paraîtrait outrée si l’on doutait un instant de la sincérité de son auteur. Mais, comme Jérôme Thélot l’a justement souligné, si Demangeot délivre bien un message – clair ô combien – la politique est ici « interne au poétique, immanente, strictement inhérente à l’élaboration du poème »1, à la différence des postures politiciennes qui peuvent être soutenues explicitement par des auteurs.

Les textes rassemblés ici, remaniés par Demangeot avant sa disparition en 2021 à l’âge de quarante-sept ans, furent écrits dans le contexte de l’affaire Brice Petit, un professeur de lettres et poète, interpellé et inculpé pour s’être opposé à des violences policières. De fait, la police est omniprésente dans l’ouvrage, pas seulement dans le poème « Matraque » où l’auteur s’imagine d’abord plaqué / contre le / pavé [...] la matraque en // foncée dans la bouche je / ne sais plus très bien par où / respirer je / bande – puis méchamment passé à tabac, quelques-unes // de mes dents se brisent / et se dispersent au sol // comme une poignée / de minuscules & blancs // dés à jouer / sa vie pour un rien [...] Ma / traqué – tête // rentée dans le thorax – jam / bes mauves fémur // en miettes, et finit en proie à des visions hallucinées : tout / tourne // autour de / ma tête éblouie / deux rondes deux / cercles concentriques // – le cercle intérieur / composé de danseuses // voilées de bleu qui me font / bander et pleurer du sang // l’autre cercle, autour / du premier, de fantômes // en arrêt – je / fais ma joie de ces visions.

Cédric Demangeot, Pornographie, L'Atelier Contemporain, 2023, 336 pages, 25 €.

Reproduire comme on vient de le faire la poésie de Demangeot (/ pour changer de ligne ; // pour sauter une ligne) ne lui rend pas suffisamment justice. La disposition des vers sur la page est chez lui capitale, plus encore que chez de nombreux pratiquants du vers libre. Parfois, comme dans le poème « Litanies de Caïn » qui ouvre le recueil, divisé en versets de neuf ou dix vers, l’auteur ne se contente pas de sauter une ligne, il coupe carrément la page en deux, avec un premier verset en haut et le suivant en bas de la page. Ainsi, après le meurtre d’Abel, le premier verset qui se termine par On m’a / blanchi. On m’a / dit que j’étais un homme, un / de ces hommes dont le monde / a besoin. Pour s’interrompt brutalement sur la préposition « pour » et la suite n’arrive qu’après un énorme enjambement : fuir, on m’a donné / de faux papiers. Calligraphiés / d’une main sûre. Enluminés / avec élégance. Avec ça en poche je / vais, comme je suis, comme / je me tiens : corps / écrit : j’ignore / au nord / de quoi. On remarque quatre octosyllabes dans ces versets, comme pour donner une cadence, d’ailleurs vite interrompue, outre que de ces vers, un seul (de ces hommes dont le monde) se lit d’une traite2. Simple coïncidence ? Sans doute, car la présentation de deux versets par page séparés au maximum est bien ce qui rend remarquable le poème sur Caïn. Elle oblige le lecteur à reprendre son souffle entre deux versets successifs, le temps d’une pause pour assimiler ce qu’il vient de lire.

Le livre est divisé en deux parties, Pornographie et Ravachol3. La première – sous-titrée Ébauche d’un livre du mal – compte dix-sept poèmes. Si tous dégagent une atmosphère crépusculaire, de fin du monde, d’arbitraire et de violence contre laquelle le poète tente (en vain) de se révolter, l’humour vient souvent au secours pour rendre le tableau plus supportable. On a pu s’en rendre compte par les extraits ci-dessus et la manière qu’à l’auteur de couper les phrases – voire les mots, ici ou là4 – y contribue fortement. Il lui arrive aussi de souligner un mot en le mettant en italiques.

Quelques textes apparaissent plus légers que d’autres en dépit de leur sujet. Ainsi « Concentrationnaire » où le poète dénonce plutôt gentiment les vacanciers enrégimentés. On repère même quelques préciosités : l’intégrisme critique / et l’éclatante condescendance / et le barreau blanc bleu violent de la / voûte hypercielleuse de l’ / été.

Pour Demangeot, le monde est foncièrement obscène, ce qu’il définit en tête du livre comme ce qui offense ostensiblement le sens moral. Ex. : l’obscénité du capitalisme. Encore une fois, son discours n’est pas un discours, mais un cri. Il ne se demande nulle part quel système serait préférable au capitalisme ; il accuse et, reconnaissons-le, il n’est pas nécessaire de chercher bien longtemps pour découvrir les tares de notre système. Rapports de classes, rapports de genres aussi bien.

 

l‘oiseau, l’ / oiseau de la / Nuit mon a / mant m’a / menti maman, on / m’a fait mal on / m’a mal / mariée Ah / mon amie, tu / es là, toujours nue toi, près de / moi, moi vêtue de ce / sale vêtement bl / ancommunmort, (« Une triste histoire »). 

 

Demangeot ne fait pas mouche à tous les coups. On peut penser qu’il stigmatise ici des mœurs rétrogrades, des mœurs que la police qu’il honnit pourtant s’efforce de combattre et qu’il devrait bien choisir entre une police appliquant imparfaitement notre conception des droits de l’homme et le relativisme du « toutes les cultures se valent ». Là n’est pas le propos. Le poète a un droit (un devoir ?) général d’insurrection (même si celle-ci ne saurait mener bien loin, mais c’est un autre sujet soulevé ici de surcroît par un pessimiste par nature). 

Quand Demangeot dénonce l’obscénité et la violence, il y va carrément : Chérie – oh / tu m’écoutes quand je parle j’ai dit / regarde Salope / ou je te dévisse la tête à coups de poing (« Sale temps ») ; la / Mort m’a mise à genoux m’a / forcée – for / cée à sucer / un Propriétaire, le / curé mon mari / bandait de me voir à genoux […] ce fut la grande Kermesse / de la Terreur, le grand défilé / des hommes importants / dans ma bouche & / dans mon cul (« Une triste histoire »).

On notera dans le dernier exemple l’intéressant usage des majuscules pour désigner l’ennemi : le Proprétaire (le capitalisme), la Kermesse (la religion – ou le marché?), la Terreur (le pouvoir). Demangeot anticlérical ? Pas sûr. Dans la citation précédent, « curé » n’a pas droit à la majuscule. Par ailleurs, le poème « La soif » commence par un tercet : Vite bordel / il faut que j’avale / une éponge, où les deux derniers vers sont en italiques sur l’original, comme pour souligner la citation des Évangiles relatant le calvaire du Christ.

Il y a chez Demangeot une certaine « décontraction » (en paroles) à l’égard du sexe féminin qui risque de choquer les bien pensants. Il n’est pas sûr que ces derniers soient prêts à accepter une dénonciation de la misère et de l’injustice sociale exprimée comme dans le poème « Sale temps ».

 

regarde / tout de même ils / auraient pu envoyer un / pauvre, au ramassage de / ces monticules de cadavres laissés pourrissant / sur le trottoir, qu’en penses-tu / Chérie, touche / comme c’est mou, sens / comme ça pue, vois / comme c’est laid, comme / ça vous gâche un paysage parfait – allez, / ma petite pute – je veux de toi / que tu me dises combien / c’est innommable – alors nous / la nommerons ensemble & / sentirons le frisson vrai / refroidir notre double dos –

 

Un couple en train de faire l’amour (le « double dos ») qui s’indigne parce que la misère – qui n’éveille en lui qu’un frisson (fût-il « vrai ») – s’expose au grand jour, un homme qui traite sa « Chérie » de « petite pute » : se moquer de la misère, rabaisser sa femme, tout cela est fort incorrect et dévoile par ailleurs un aspect de Demangeot que l’on ne voit pas nécessairement chez lui. Sincère, oui, scandalisé, oui par l’injustice, les violences policières (en particulier dans ce recueil), mais lorsqu’il dénonce ainsi l’indifférence, dans quelle mesure s’en exclue-t-il ? Suffit-il de crier ? Le fait qu’il emploie ici la première personne du pluriel pourrait inciter à  penser qu’il ne veut pas être dupe de lui-même. Est ainsi posée l’éternelle question de la vérité du poète, y compris  lorsque sa sincérité n’est pas en doute.

 

Et poète est celui
qui s’obstine à fouiller une terre
battue de bottes pour le sens
battu du mot d’homme qui ne s’y trouve pas

Cette définition, tirée du poème « Fenêtre sur le bleu » n’est somme toute pas si différente de celle de Paul Celan dans Le Méridien5. La poésie, Mesdames et Messieurs : cette parole d’infini, parole de la mort vaine et du seul Rien6.

Notes

(1) Jérôme Thélot, « Politique du poétique : le travail de Cédric Demangeot », L’Esprit créateur, vol. 55, n° 1, 2015, p. 69-77.

(2) Compte tenu du changement de ligne entre « dont le monde » et « a besoin », il semblerait judicieux de ne pas faire la liaison et de compter la deuxième syllabe de « monde » comme un pied, ce qui ferait bien de ce vers un octosyllabe.

(3) Cette deuxième partie, plus courte, sous-titrée « petit roman en vers suivi d’un poème », consacrée à une évocation de l’anarchiste Ravachol (1859-1892) commence par la retranscription de son journal et se poursuit par diverses « gloses » (à ce sujet, la postface de Victor Martinez, p. 383-384).

(4) Exemple : Ceci / est ton frère. Le morceau / reçoit le don du nom / bizarre d’A / bel.

(5) Der Meridian, discours prononcé à l’occasion de la remise du prix Georg Büchner (1960).

(6) Dans l’original : Die Dichtung, meine Damen und Herren – : diese Unendlichsprechung von lauter Sterblichkeit und Unsonst ! Ici dans la traduction de Maurice Blanchot (in Philippe Lacoue-Labarthe, La Poésie comme expérience, Paris, Christian Bourgois, 1986, p. 146).

Présentation de l’auteur

Cédric Demangeot

Cédric Demangeot nous a quittés le 28 janvier 2021.

"Né en 1974, apprenti nomade depuis peu, Cédric Demangeot s'obstine sans trop savoir pourquoi, dans un monde qui n'en demande pas tant, à publier des livres de poésie : Désert natal (Fata Morgana), Figures du refus (id.), D’un puits (id.), Nourrir querelle (Obsidiane), Obstaculaire (Atelier la Feugraie), & Cargaisons (Grèges), Malusine (Grèges), Eléplégie (Atelier la Feugraie), Ravachol (Barre parallèle), Philoctète (Barre parallèle), & ferrailleurs (Grèges), Sale temps (Atelier la Feugraie), Une inquiétude (Flammarion).

Il est également l'auteur d'un récit, (Pour personne, in L’Atelier contemporain n° 3, 2001), d'un essai sur Roger Gilbert-Lecomte (“Votre peau n’a pas toujours été votre limite”, J.-M. Place), de divers articles critiques et de nouvelles inédites."

Les éditions Fissile 

Poésie

  • Autrement contredit, Montpellier, Fata Morgana, (1998)-2014.
  • Falaises, illustré par Joël Leick, éditions A la bibliothèque du lion, 2000.
  • & cargaisons, Montpellier, Grèges, 2004.
  • Obstaculaire, Atelier La Feugraie, 2004.
  • Onze moritures bons qu'à rien, co-écrit et co-peint avec Lambert Barthélémy, Olivier Cabière, Billy Dranty, Philippe Guitton, Hugo Hengl, Frédéric Limagne, Rodrigue Marques de Souza, Olivier Matuszewski, Brice Petit et Guy Viarre, Fissile, 2004.
  • Malusine, Montpellier, Grèges, 2006.
  • Cinq moritures, co-écrit avec Brice Petit, Fissile, 2006.
  • Retour à rature, avec des dessins de Philippe Guitton, Fissile, 2006.
  • D'encombrements, avec deux peintures de Rodrigue Marques de Souza, Fissile, 2006.
  • Ravachol, Montpellier, Barre parallèle, 2007.
  • Eléplégie, Atelier La Feugraie, 2007.
  • Une érosion, avec une peinture de Thomas Pesle, Fissile, 2007.
  • & ferrailleurs, Montpellier, Grèges, 2008.
  • Philoctète, Montpellier, Barre parallèle, 2008.
  • Bartlebricepety, Tardigrade, 2008.
  • Érosions suivi de Degré noir, avec un dessin de Thomas Pesle, coll. " L'oracle manuel", éd. S'Ayme à bruire, 2009.
  • Bartleby vote, La Porte, 2009.
  • Lessive, Tardigrade, 2009.
  • Sans mots, 70 dessins d'Ena Lindenbaur, accompagnés d'un poème de Cédric Demangeot et de sa traduction allemande par Hugo Hengl, Fissile, 2010.
  • Il paraît qu'antimatière, poème et lavis, L'arachnoïde, 2011.
  • Ferraille, Aldébaran, 2011.
  • Sale temps, Atelier La Feugraie, 2011.
  • Petit horoscope illustré, avec des illustrations d'Eric Demelis, Fissile, 2012.
  • Une inquiétude, Paris, Flammarion, 2013.
  • Un ciel de latrines, illustré par Antonio Segui, Cadastre8zéro, 2013.
  • Psilocybe, Montpellier, Éditions Grèges, 2013.
  • Le miroir de l'idiot, illustré par Delphine Cadoré, Fissile, 2013.
  • Éléphant 1 & 2, sous le pseudonyme de Bric&dric, en collaboration avec Brice Petit, Fissile, 20148.
  • En haut de bas, peintures de Stéphanie Ferrat, Matière noire, 2014.
  • Skrz smrt, précédé de Moi, la louve, je murmure à cedrik, Ursule Sureau, 2014.
  • Un enfer, Paris, Flammarion, 2017.
  • Rappel à l'émeute, pariah, 2018.
  • Pour personne, Paris, L'Atelier contemporain, 2019.
  • Chantier de tête, livre d'artiste à tirage limité, accompagné de gravures sur bois de Jean-Paul Héraud, Trames, 2020.
  • Le Poudroiement des conclusions, dessins d'Ena Lindenbaur, Paris, L'Atelier contemporain, 2020.
  • La golem bégaie, livre d'artiste à tirage limité, accompagné d'œuvres originales d'Ena Lindenbaur, Trames, 2021.
  • Promenade et guerre, Paris, Flammarion, 2021.
  • Éléments de sabotage passif, Marseille, Éric Pesty éditeur, 2021.

Théâtre

    • Salomé, éditions du geste, 2019.
    • Le dernier jour de Pouchkine à Boldino, Paris, Éditions du Canoë, 2021.

    Bande Dessinée

      • Le méchant petit Poucet, texte de Cédric Demangeot, dessin de Vincent Vanoli, Montréal, La pastèque éditeur, 2012.

      Autres textes

        • Préface de Monsieur Morphée empoisonneur public, dans Roger Gilbert-Lecomte, Montpellier, Fata morgana, 1998.
        • Poésie noire poésie blanche, in Poésie 99 no 78, 1999.
        • Lecture de José Angel Valente, in Scherzo n° 6, 1999.
        • Descente dans la langue-mort des Mères, in Strates : cahier Jacques Dupin, Tours, Farrago, 2000.
        • Le veau vomit le poète, in L’Atelier Contemporain no 1, été 2000.
        • Jacques Dupin : descente dans la langue-mort des Mères, in Strates, Cahier Jacques Dupin, Fourbis/Farrago, 2000.
        • Pour personne, récit, in L’atelier contemporain no 3, 2001.
        • Roger Gilbert-Lecomte. Votre peau n'a pas toujours été votre limite, Paris, Jean-Michel Place, coll. « Poésie », 2001.
        • Stanislas Rodanski ou le prisme noir, in Stanislas Rodanski ou le prisme noir, Postscriptum no 2 à l’initiative des Amis du Soleil noir, 2002.
        • À nous rien, de dire…, préface à Tautologie une, de Guy Viarre, Paris, Flammarion, 2007.
        • Traversées... sur les traces de Claude Tarnaud, préface à The Whiteclad Gambler de Claude Tarnaud, Le Vigan, L’Arachnoïde, 2011.
        • Page un, dans Sonnets de la mort, de Bernard Noël, Les Cabannes, Fissile, 2012.
        • Petit horoscope illustré (dessins d’Eric Demelis), Les Cabannes, Fissile, 2012.
        • Le petit livre du bonheur, in Lignes, 2013/3, p.186-191 [1] [archive].
        • Ceci je l'ai trouvé dans le fumier..., préface à Bonne nouvelle du désastre, de Leopoldo María Panero, Les Cabannes, Fissile, 2013.
        • Une nuit qui se souvient, lecture de Contre l'épisode d'Esther Tellermann, Europe, n° 1026, octobre 2014.
        • Éléments de sabotage passif, in Conséquence no 2, 2017.
        • Erratum, suivi de Promenade & guerre, in Conséquence no 3, 2019.

        Traductions

          • Les démons de la langue, de Alberto Ruy-Sánchez, traduit de l’espagnol (Mexique) en coll. avec Anthony Bellanger, Fata Morgana, 1999.
          • Le nu de la fin du jour, de Lokenath Bhattacharya, poèmes traduits du bengali en collaboration avec l’auteur, Montpellier, Fata Morgana, 2000.
          • Corps effleuré de l'aimée, de Lokenath Bhattacharya, traduit du bengali par l'auteur et Cédric Demangeot, Montpellier, Fata Morgana, 2001.
          • Fleur de cendre, de Lokenath Bhattacharya, poèmes traduits du bengali par Cédric Demangeot en collaboration avec France Bhattacharya. Tirage limité, illustré de peintures originales de Pierre Alechinsky, Montpellier, Fata Morgana, 2002.
          • Neuf sonnets, de William Shakespeare, in moriturus no 3/4, avril 2004.
          • Larry se pend, de Bryan Delaney, traduits de l'anglais (Irlande) par Cédric Demangeot avec relecture de l’auteur, Les Cabannes, Fissile, 2009.
          • Bonne nouvelle du désastre et autres poèmes, de Leopoldo María Panero, traduit de l’espagnol par Victor Martinez et Cédric Demangeot, Les Cabannes, Éditions Fissile, 2013.
          • Aux chênes de Glencree, de John Millington Synge, traduit de l'anglais par Cédric Demangeot, Les Cabannes, Éditions Fissile, 2014.
          • Alcools, de Leopoldo María Panero, traduit de l'espagnol par Cédric Demangeot, Éditions Fissile, 2014.
          • Conjurations contre la vie, de Leopoldo María Panero, traduit de l'espagnol par Cédric Demangeot, Rafael Garido et Victor Martinez, Editions Fissile, 2016.
          • J'avais du temps vorace l'inquiétude, de William Shakespeare, traduit de l'anglais par Cédric Demangeot, Éditions Fissile, 2016.
          • Casse-tête, de Nicanor Parra, traduit de l'espagnol par Cédric Demangeot, Éditions Fissile, 2016.
          • Une cour en hiver, de Bohdan Chlíbec, traduit du tchèque par Petr Zavadil et Cédric Demangeot, Éditions Fissile, 2016.
          • Des choses détruites, de Leopoldo María Panero, traduit de l'espagnol par Cédric Demangeot, Rafael Garido et Victor Martinez, Éditions Fissile, 2017.
          • Poèmes de l'asile de Mondragón, de Leopoldo María Panero, traduit de l'espagnol par Cédric Demangeot et Victor Martinez, Éditions Fissile, 2017.
          • Peter Punk, de Leopoldo María Panero, traduit de l'espagnol par Cédric Demangeot, Éditions Fissile, 2017.
          • Cendres sous la neige, de Bohdan Chlíbec, traduit du tchèque par Petr Zavadil et Cédric Demangeot, pariah, 2019.
          • Je maigris et la mort m'arrondit, de Miroslav Salava, traduit du tchèque par Petr Zavadil et Cédric Demangeot, Éditions Fissile, 2019.
          • Le dernier homme, de Leopoldo María Panero, traduit de l'espagnol par Rafael Garido, Victor Martinez et Cédric Demangeot, Éditions Fissile, 2020.
          • Le mur des souvenirs, de Jan Zábrana, traduit du tchèque par Petr Zavadil & Cédric Demangeot, Éditions Fissile, 2020.
          • Tanière d’un animal qui n’existe pas (poésie 1998-2000), de Leopoldo María Panero, traduit de l'espagnol par Cédric Demangeot, Rafael Garido et Victor Martinez, Toulouse, Éditions Fissile, 2020.
          • Le sang de la bourse, de Bohdan Chlíbec, traduit du tchèque par Petr Zavadil et Cédric Demangeot, Éditions Fissile, 2020.
          • Schizophréniques. Poèmes 2001-2004, de Leopoldo María Panero, traduction de Rafael Garido, Cédric Demangeot et Victor Martinez, co-éditions Fissile/Zoème, 2021.

          Poèmes choisis

          Autres lectures

          Cédric Demangeot, Éléments de sabotage passif

          Poète, traducteur et éditeur, notamment de Leopoldo María Panero avec les éditions Fissile, Cédric Demangeot nous a quittés récemment et prématurément en nous laissant un impressionnant catalogue éditorial, plus d’une quarantaine de recueils [...]

          Pornographie : le cri de Cédric Demangeot

          Drôle de titre à première vue, tout en sachant qu’il va s’agir de poésie et non d’un essai philosophique, encore moins de littérature « porno », même si l’obscène sera présent, y compris au sens [...]




          Loïc Reverdy, Là Haut

          La revue Littérales vient d’attribuer son prix de poésie 2024 à Loïc Reverdy.

          Loïc Reverdy, né en 1973, a fait (presque) tous les métiers, ce qui ne le rend pas indigne de l’appel rimbaldien vers l’âpre liberté. Le poète est aussi un randonneur. Dans une écriture ciselée, sans effet superflu, qui épouse les aspérités du chemin, il nous emmène dans une ascension rugueuse. Vers où ? Là, Haut.

          Là-haut, nous n’aurons pas droit à une vision du sublime digne de Caspar Freidrich, nous ne contemplerons pas une mer de nuages. Sa montagne n'a ni « couronne » ni « orgueil ».

          Chaque pas rapproche de rien
          Sinon
          De se sentir égaré

          Il se pourrait bien que le point d’arrivée soit aussi le point de départ.

          Le poète est un marcheur, avant tout. Son mouvement pourrait être, comme chez Rimbaud, celui de la fuite. Ou bien de la recherche de « l’épuisement du corps » afin de « savourer le vide qu’il laisse derrière lui »

          Avant tout, la marche, c’est un souffle, une respiration, pour répondre à cet appel dont parle si bien Jean Siméon dans son Petit éloge de la poésie : « Je crois que la poésie nomme cette autre respiration, qui requiert l’arrêt du temps et la vacuité, grâce à quoi nous reprenons souffle ».

          Suivons donc la marche que Loïc Reverdy accomplit vers les hauts espaces. Point d’ésotérisme, ni de mont Analogue qui doit livrer ses secrets. L’âpreté suffit, elle est le sceau de l’authenticité poétique.

          C’est là la seule musique que nous fait entendre le vers de Loïc Reverdy. Hegel disait que la poésie était le premier de tous les arts, parce qu’elle se modèle avant tout sur la parole. Loïc Reverdy ose le mot « communion », mais c’est aussitôt pour rappeler que


          Haut
          Pas de dieu

          Loïc Reverdy use peu de la métaphore. Le sublime n’est pas dans la vision, mais dans l’expérience de la marche ascendante. Les abîmes sont là, sur l’arête des mots, « à flanc / à bord de plateau », dans le détail qu’ils opèrent sur le monde. Écoutons plutôt :

          Les rochers au bord de l’abîme
          Se découpent dans la lumière du soir
          Ils montent la garde

          Sentinelles de mica
          Phares de granit

          Le prix de l’ascension n’est que la « maigreur du corps » et la « peau tannée ». Au bout du périple, pas de trophée olympique. À la poursuite de la fatigue ou de l’eau du torrent, en chemin, Loïc Reverdy re-sculpte le corps pensant du poète avec le ciseau de la marche.

          Présentation de l’auteur

          Loick Reverdy

          Loïc Reverdy est né en 1973 et vit à Toulouse.  Il a été (dans le désordre) téléconseiller, comédien amateur, ouvrier d’imprimerie, commis de cuisine, inspecteur du travail, militant altermondialiste, journaliste.

          En 2017, il reprend les études dans le cadre du Master de Création littéraire de l’Université Jean-Jaurès de Toulouse.

          Bibliographie

          Lauréat du prix Patrice-Fath, son recueil Là Haut sera publié aux éditions Littérales fin 2023.

          Poèmes choisis

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          Loïc Reverdy, Là Haut

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          Daniel Kay, Vies héroïques Portraits, sentences et anecdotes

           Il y a une poétique du fragment et le livre de Daniel Kay l’illustre à merveille, lui qui cultive l’art des miscellanées. Ces mélanges littéraires de portraits, sentences et anecdotes.

          Dans ce nouveau livre du poète, l’on peut commencer par la dernière page. Celle où l’on voit Francis Bacon, dans son atelier, s’inspirant de Vélasquez pour peindre Innocent X poussant son cri extravagant et tragique. Au vrai, le peintre, écrit Daniel Kay, n’avait jamais réussi à peindre le sourire, se mit donc à peindre le cri. « Ce qui fit de cet artiste un des plus grands tragiques par défaut ». Ce « par défaut » de l’existence peut s’appliquer à « l’héroïsme minimaliste, cet éternel combat contre le quotidien, corps-à-corps avec ce gouffre dans lequel se débattent femmes et hommes depuis leur naissance », évoqué par Daniel Kay dans le court avant-propos.

          Dans ce monde de peu de lumière qui est le nôtre, il ne s’agit pas de masquer le négatif de la vie mais de l’affronter. Le fantôme de Nietzsche est passé par là. Regarder le négatif sans grandiloquence, à la manière des anonymes ou des figures célèbres qui traversent ces pages. Ainsi, le bibliothécaire « qui aimait les livres sans en avoir jamais lu aucun ». Figure à la Bouvard et Pécuchet qui trouvait que la classification de Dewey était le plus beau des poèmes. Ne pas tenter de canaliser la négativité, l’assumer au contraire, c’est peut-être là qu’est le vrai héroïsme humain trop humain. Ainsi au début du livre, deux fragments se font face en un percutant vis-à-vis : d’un côté, Dalida, l’ancienne reine d’Egypte descendant pleine de vie les marches de Montmartre, ignorante pour l’heure des tourments à venir et, en page de droite, Empédocle, sur l’Etna, déposant méticuleusement ses sandales au bord du volcan en feu, pensant une toute dernière fois aux quatre éléments mais décidé à accomplir son geste de suicide. Bel exemple d’association qu’affectionne Daniel Kay entre la culture populaire et l’érudition, jamais pesante pourtant.

          Daniel Kay, Vies héroïques. Portraits, sentences et anecdotes, Gallimard, Collection Blanche, 2024, 120 pages, 15€50.

          Car tout se déploie chez lui dans la plus subtile ironie. Ainsi, de Balzac : « Il écrivit plus d’une centaine de romans et but des milliers de tasses de café, alliance héroïque de la plume et de la cafetière ». Où se niche malicieusement l’héroïsme au quotidien ? Le jeu, l’écart, la dissonance s’entremêlent pour la grande joie du lecteur. Des fragments de la première partie entrent en résonance avec des variations qui se font écho dans la seconde. Ou avec d’autres livres, tel Le Perroquet de Blaise Pascal. Tout comme ces bribes de la vie mécaniquement réglée d’Alfonso de Almeda à Lisbonne, clin d’œil amusé qui fait penser à un pastiche de Pessoa.

           L’on sent clairement chez Daniel Kay une attention au petit détail signifiant qui rappelle que le poète est un grand contemplatif des choses. C’est le ballon d’or de Diego Maradona ou les pleurs de Nietzsche à Turin devant le cheval malmené par le cocher et sombrant dans la folie. Daniel Kay sait retrouver l’acuité de Proust souvent empreinte de drôlerie, celle des peintres, Baugin et son dessert des gaufrettes, Rembrandt âgé et son énigmatique sourire qui ont inspiré d’autres de ses livres.

          Bel éloge du « divers ». Avec la boiterie du père Gaston ou l’œillet emblématique d’un poète portugais opposant à Salazar, le nez de Cléopâtre inspirant Pascal, s’exprime l’audacieuse liberté du fragment chez Daniel Kay. Pascal, Cioran, Valéry, les présocratiques, les maîtres en cet art sont ici convoqués. Tout comme le poète alsacien Jean-Paul de Dadelsen et Bach. En fin de compte Daniel Kay s’adresse à notre fragilité, celle qui, entre l’intranquillité qui anime sa sensibilité et un certain apaisement, lui permet d’offrir, sous les mots, une dialectique généreuse, jubilatoire parfois, pour le bonheur du lecteur.

          Présentation de l’auteur

          Daniel Kay

          Daniel Kay est un poète français né à Morlaix en 1959. 

          Après des études secondaires à Morlaix, Daniel Kay est  agrégé de lettres modernes, discipline qu'il enseigne.

          Il a publié des poèmes dans des revues et publie plusieurs recueils. Il écrit également sur la peinture et peint lui-même.

          Poèmes choisis

          Autres lectures

          Daniel Kay, Vies silencieuses

          Les « vies silencieuses »du breton Daniel Kay sont celles que donnent à voir les plus grandes œuvres picturales. Vies silencieuses des hommes, des bêtes, des plantes, des fleurs… tous visités par le pinceau du [...]




          Laurent Pépin, Clapotille

          L ’incandescente enfance de l’art

          Clapotille est arrivée chez moi comme par enchantement via d’invisibles atomes crochus, mais « Je suis mort encore et encore, cette-nuit-là ». C’est dire si le conte – car c’en est un, le troisième d’un fameux triptyque qui a commencé avec Monstrueuse féérie (2022) et s’est poursuivi avec L’angélus des ogres (2023) – fraie dès son orée avec l’obsession, la répétition de l’effroi et surtout la permanence d’une conscience au sein même de la mort.  

          C’est la magie du verbe ou de toute forme ou folie poétique que d’avaler ses monstres, de les loger dans sa poche, ses entrailles, sa mémoire pour les recracher tout humides d’une salive salutaire, éminemment capable de métamorphose. Et celle de Laurent Pépin est particulièrement saisissante, apte à s’emparer d’un drame familial par tous les mécanismes de ses bars à rêves, à jouer tous les rôles, à donner voix, comme un Ulysse au seuil des Enfers, au père, à la mère, à la fille, à Lucy, au petit Antonin… tous créatures entre deux mondes qui ne cessent de se confondre. C’est qu’il faut parvenir, par ce choral, à juguler la puissance dévastatrice de l’ogre paternel et planter sur sa dépouille des fleurs sauvages protectrices.

          On songe à ce rare court-métrage d’animation norvégien, tout aussi exceptionnel dans sa poésie anxiofuge, qu’est Sinna Man (L’homme en colère) d’Anita Killi sorti en 2010 et dans lequel le père enfle et traverse des crises de violence monstrueuses ; mais grâce au roi, il sera soigné dans un paradis asilaire. L’enfançon terrorisé, tout autant que la mère, ouvre au sein de ce cauchemar des bulles de rêve d’une délicatesse bouleversante. Et comme la littérature, onirique en l’occurrence, est un carrefour d’univers qui se subliment les uns les autres, on songe aussi au conte Bonhomme de neige Bonhomme de neige de Janet Frame, paru en 1963 dans lequel l’angoisse métaphysique de la disparition ou de l’engloutissement taraude l’écriture.

          Laurent PÉPIN, Clapotille, Ed. Fables fertiles, 127 pages., 17,50 €.

          De façon plus lointaine, la lumière noire de la folie n’est pas sans nous rappeler Tous les chiens sont bleus du Brésilien Rodrigo de Souza Leão où le chaos de la schizophrénie repense cet autre chaos permanent qu’est le monde. C’est bien cela, la poésie, en tout cas celle de Laurent Pépin, un maelstrom cérébral qui vous attire vers des gouffres d’où seule la langue peut vous sortir.

          Dans Clapotille, qui n’a peut-être pas conscience de ces trois références, la folie, le rêve et l’angoisse sont portées par une langue incandescente qui se ressource continuellement auprès d’un imaginaire de survie. Les images affluent pour garder la tête hors de l’eau et juguler toute menace imminente par une sorcellerie blanche. Il s’agit de fabriquer du rêve pour réparer les souvenirs, de s’immerger dans une enfance secouée pour lui faire vomir sa viande mal digérée et en faire des merveilles, de détenir la clef de Barbe Bleue pour une reconnaissance des lieux de torture :

          « Et devant le bar-à-rêves clandestin, maquillé en commerce de charme afin de tromper la vigilance des autorités, il y a un gardien des clés, officiellement chargé de surveiller les femmes nues dans les vitrines, lorsqu’elles accueillent leurs voyageurs. Quand vous vous présentez à lui, le gardien des clés vous scrute longuement : il attend de vous que vous recouriez à un signe de reconnaissance, chaque Rêveur, même brisé, ayant le pouvoir de troubler le sens formel des mots et de l’illustrer dans les expressions du visage. […] Je m’efforçais de voyager dans le corps de mes femmes disparues, espérant que leur souvenir dissiperait les créatures qui m’observaient dans l’ombre. » Hanté par des voix toxiques, c’est ici le père qui parle.

          Il y a dans l’écriture de notre auteur un singulier mélange de simplicité syntaxique, héritière des contes pour enfants comme du parler enfantin, et de densité d’états psychiques qui passent par des images fortes, assénées avec un naturel désarmant - justement. On songe à Hans Christian Andersen, bien sûr. Il s’agit de remonter la pente du souvenir, un pas après l’autre, une voix après l’autre, un fantôme après l’autre, d’épuiser l’angoisse :

          c’était épuisant de guetter tout ce qui s’insinuait de sale et d’inquiétant dans les entrées et les sorties du corps. 

          Et quand on parvient à l’épuiser, un tendre éblouissement nous est offert :

          « Souvent, je fais le tour de mes rustines et les décolle légèrement pour voir où ça en est. Derrière, il y a toujours un petit embryon d’astre, pas encore assez mûr pour éclore, mais j’ai mon arrosoir avec moi, qu’il suffit de remplir en traversant un nuage inoffensif à toutes berzingues. »

          Heureusement qu’il est encore possible, adulte, de pratiquer l’animisme de l’enfance et d’être capable de jouer à qui serait qui ou quoi. On passe ainsi d’une écriture en italiques à celle en caractères droits, d’un état penché aux prises avec les courants violents à un état droit qui maîtrise sa matière.

          Voici bien une œuvre surprenante qui renouvelle notre vision du conte, nous plonge non pas dans l’enfance des enfants mais dans celle des adultes, avec cette puissance nerveuse d’une réflexion poétique sur les ruines de l’enfance, la disparition du réel, la schizophrénie ou la psychose. Psychologue clinicien par ailleurs, Laurent Pépin sait de quoi il parle.

          Présentation de l’auteur

          Laurent Pépin

          Laurent Pépin est psychologue clinicien de profession et écrivain.

          Diplômé de l'Université Rennes 2, il est devenu psychologue à l'âge de 30 ans après avoir exercé plusieurs emplois, dont celui d'aide-soignant en EHPAD.

          © Crédits photos Zone Critique

          Bibliographie

          Monstrueuse Féérie, 2022, Éditions Fables Fertiles.
          L'angélus des ogres, 2023, Éditions Fables Fertiles.
          Clapotille. 2024 Éditions Fables Fertiles.

          Poèmes choisis

          Autres lectures

          Laurent Pépin, Clapotille

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          Luigi Carotenuto, Deviens une fleur

          « La poésie peut advenir dans la simple écoute du murmure des choses, c’est un exercice d’attention qui s’apparente à la méditation, au-delà du vacarme de l’actualité » dit Luigi Carotenuto lors d’une interview1. Dans ce nouveau livre, le poète s’éloigne du style ironique et désenchanté de ses premières publications.

          À travers une poésie suspendue entre ciel et terre, entre obscurité et clarté, où les contraires ne s’opposent plus mais participent de l’Unité, Luigi Carotenuto exprime la spiritualité qui l’habite. Mais la poésie n’est-elle pas elle-même un chemin vers la spiritualité ? Le lecteur entre donc dans une boucle, mais une boucle laissée entrouverte, comme l’enso auquel il est fait allusion dans l’un des textes :

          j’ai tracé le contour de tes yeux
          et de ton nombril
          pour parvenir au centre
          de toi
          je laisse une ouverture à peine de l’épaisseur d’un cheveu
          comme dans l’enso zen

          Ainsi, « l’Ouvert devient le nom poético-philosophique de l’Eden, celui de l’écoulement et du fleurissement du temps infini et muet2. »

           

          Luigi Carotenuto écrit le silence, un silence parcouru de fulgurances, de visions, où le blanc de la page instaure le temps nécessaire à la méditation. Cette poésie, apaisée, ouvre un chemin de lumière, « Cette lumière de silence qui se tient en chaque chose, le poème tente d’en inventer en quelque sorte une équivalence : son propre silence, creusant la page, peut quelquefois rayonner aussi3. »

          Deviens une fleur est un livre qui rayonne : Le soleil est dans chaque flamme, écrit l’auteur. Dans un style dépouillé et solaire, où chaque vers s’ouvre comme autant de pétales le long d’un chemin initiatique, il nous invite à entrevoir l’éternel à partir de l’impermanence des choses, nous rappelant ainsi que tout principe de vie ne trouve un équilibre que dans la complémentarité des contraires. De même que la lumière naît de l’ombre : dans le noir, veiller sur l’ombre/qui sert de berceau au blanc, on assiste à un renversement de la perception de la mort et de la vie :

          la mort nous libère tous
          dit un proverbe populaire
          comme si tout était fini
          quand on s’apprête à commencer

           

          Luigi Carotenuto, Deviens une fleur, éditions du Cygne, avril 2024, 50 pages, 12€ - Traduction Irène Dubœuf à partir de Farsi fiori, Gattomerlino, juin 2023, 86 pages, 10€.

          La plupart des vers de Deviens une fleur s’adressent à un interlocuteur. Il s’agit souvent d’un enfant – peut-être inspiré de ceux que côtoie l’auteur dans son milieu professionnel – et qui devient ici symbole de pureté et d’avenir, peut-être aussi de l’enfant épris de lumière qu’a été le poète4, cet enfant qui se révèle dans l’écriture et qui, sans le savoir, détient la sagesse d’un maître intérieur.

          Enfant,
          tu n’as pas idée
          de tout le bien qui nous attend,
          – dans le soleil il n’y a pas d’incertitude
          les ruines sont des coquillages
          ouverts
          des fleurs écloses
          des mains offertes
          pour recevoir la lumière.

          Au fil des pages, on comprend que l’emploi du « tu », qui désigne autant l’autre (y compris le lecteur) que le poète lui-même, est la manifestation de la mise à distance nécessaire à l’épanouissement de l’être intérieur.

          se détacher de soi
          pour
          devenir des fleurs

          Dans la sérénité du recueillement et la grâce du détachement, Luigi Carotenuto distille ses vers avec sobriété, simplicité et délicatesse, et si les aphorismes et l’emploi de l’impératif sont évocateurs de préceptes, Deviens une fleursemble davantage une confidence formulée à mi-voix, un « bruissement d’ailes5 » – qui n’est pas sans rappeler l’effet papillon de la théorie du Chaos – la transmission d’une conscientisation qui, exprimée par la poésie, devient une communion d’âme à âme dans laquelle se révèle l’énergie créatrice de la parole.

           Dire éternel est déjà un bruissement d’ailes

          Car ce livre est un livre à penser. Ce n’est qu’ensuite qu’on peut le lire, qu’on peut saisir la quintessence de cette poésie intemporelle d’une concision extrême dont les mots soigneusement choisis dans le champ lexical de la fleur suggèrent autant la beauté éphémère que la métamorphose, l’épanouissement et l’éveil (le Sahasrâra, lotus au mille pétales6). D’autres symboles jalonnent le texte : le carré, le cercle, les couleurs… tous pouvant être interprétés de diverses manières car c’est à chacun de trouver son propre cheminement. Si la numérologie n’est pas indispensable à la compréhension des textes, elle n’en éclaire pas moins les trois parties dont le nombre respectif de poèmes symbolise successivement la dualisme, l’unité et l’union. À noter que le chiffre 3, symbole d’accomplissement, peut être perçu comme dépassement de l’illusion par l’amour7, menant à la paix intérieure.

          Ce recueil est à l’image de la méditation : un détachement apparent que l’on se gardera d’assimiler à une absence d’émotion : celle-ci, maîtrisée, prend ici le nom d’émerveillement. La douceur lumineuse et la discrète sensualité qui en émanent induisent un calme et une gratitude qui donnent envie d’adresser à l’auteur ces mots d’Arthur Rimbaud : « Le monde a soif d’amour, tu viendras l’apaiser8. »

           

          Notes

          [1] Extrait de l’Interview de Grazia Calanna parue sur le site de la revue culturelle l’EstroVerso le 5 février 2024.

          [2] Entretien avec Pascal Boulanger, par Carole Mesrobian, Recours au poème, janvier 2024.

          [3] Gérard Bocholier, Le poème, exercice spirituel, Ad Solem, 2014.

          [4] « Depuis que je suis petit/je défie le soleil/en le regardant droit dans les yeux ». Traduction d’un inédit extrait de Ra patti ro suli (Du côté du soleil) de Luigi Carotenuto, recueil écrit en sicilien accompagné d’une traduction italienne de l’auteur.

          [5] Titre de la troisième et dernière partie du recueil.

          [6] Centre cérébral supérieur au-delà des six chakras dans le tantrisme hindou.

          [7] Dictionnaire des symboles, Jean Chevalier - Alain Gheerbrant, Bouquins éditions/ Jupiter, réédition de 2012.

          [8] Arthur Rimbaud, Soleil et Chair, poème écrit en 1870 et publié pour la première fois dans Reliquaire, poésies, L. Genonceaux, 1891.

          Présentation de l’auteur

          Luigi Carotenuto

          Luigi Carotenuto, poète italien né en 1981 à Giarre (Sicile), vit à Castell’Arquato.

          Il a publié quatre recueils de poèmes. Les deux derniers, Krankenhaus (Gattomerlino 2020) et Farsi fiori (Gattomerlino 2023) ont été traduits en français par Irène Dubœuf et publiés, sous les titres Krankenhaus suivi de Carnet hollandais et autres inédits (éditions du Cygne, Paris 2021) et Deviens une fleur (éditions du Cygne, Paris 2024). Le poète a collaboré au Dizionario critico della poesia italiana 1945-2020 (Dictionnaire critique de la poésie italienne 1945-2020) de Mario Fresa (Società Editrice Fiorentina, Florence 2021) par des articles sur Jolanda Insana et Giovanni Testori. Il figure dans l’anthologie des poètes siciliens traduits en langue anglaise Contemporary Sicilian Poetry de Ana Ilievska et Pietro Russo, Italica press, États unis, 2023. Ses textes sont publiés dans diverses revues italiennes et étrangères, traduits en français, anglais, espagnol, serbe. Depuis 2010 il collabore avec la revuel’EstroVerso, de Grazia Calanna. Compositeur, il a écrit des pièces instrumentales, des chansons pop, des chansons pour les enfants, en grande partie inédits.  Il dirige la rubrique « Particelle sonore » de la revue en ligne Niederngasse de Paola Silvia Dolci dans laquelle il tente de revêtir de sons les textes et voix des auteurs choisis.

          © Photo August Columbo.

          Poèmes choisis

          Autres lectures

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          Pascal Boulanger, L’amour malgré

          J’ai la bible de l’océan/ l’abîme et le gué

          Après la publication de l’anthologie Trame, 1991-2018 (Tinbad) le poète Pascal Boulanger pensait, en quittant Paris pour un village de Bretagne, ne plus écrire. Or une habitation de l’espace et du temps, sensiblement différente, l’a aussitôt absorbé dans le retrait et aimanté vers une proximité lumineuse avec Hölderlin. De ce compagnonnage, paraît L’intime dense en 2020 et Si la poésie doit tout dire en 2022 (Ed. du Cygne), ainsi que le troisième volume de ses carnets : En bleu adorable (Tinbad).  

          Aujourd'hui encore, l’écriture, loin de se tarir, se propage dans L’amour malgré, semblable à un vaste ressassement, à l’instar de la mer, inépuisable à épuiser les possibles. La langue dans un continuum prosodique devient un théâtre combinatoire condensant une suite de temporalités étrangement concomitantes. Le temps n’est plus chronologique mais métaphysique créant densité et cycle, variations et métamorphoses dans un jeu d’échos sonores et de fréquentes antinomies où amour comme poète tourne en rond dans le clair-obscur du paradoxe. Les paranomases fleurissent : Le ciel est un miel aussi… Tout autour ma voix se noie / dans l’air bleu & bleu. Et les opposés s’épousent : Sans être à toi / tout est à toi… Si la poésie est mode de vie / tout est proche & proche / se fait lointain.

          La langue néanmoins ne se perd jamais et mène sans faille l’avancée, inventoriant toutes les possibilités du réel comme pour les sonder.  Elle précède, excède le poète, expérimentant la profondeur du temps et sa spirale à travers questions et doutes. Dans le poème (Kairos) le poète s’interroge : Existe-t-il un cercle du temps ? / & sur le cercle / un point de départ, un centre, un point final ? De ce temps traversé où la tragédie et les ruines du temps se profilent, seule la lumière, connaissance immédiate du sensible, reste force d’affirmation de la beauté entrevue.  Le poète reste un veilleur car Tout s’arrache à la servitude du temps / quand chaque seconde ouvre la porte / aux épiphanies.

          Pascal Boulanger : L’amour malgré, avec 13 peintures de Nora Boulanger-Hirsch, Voixd’encre, 19 euros.

           

          Qu’importe la désolation d’un progrès doublé par la catastrophe (la troisième partie du recueil, En chiffonnier du sens, s’écrit avec Walter Benjamin), c’est une parole d’eau/ souterraine qui témoigne de la valeur de la poésie comme seule possibilité de la pensée, source de vérité et de lumière questionnantes.

          Le titre L’amour malgré et aussi les peintures d’une des filles du poète, peuvent alors prendre tout leur sens et sensations, ils tiennent ensemble choses vivantes et chant de l’affirmation comme l’océan :

                                                             L’océan ne se fixe jamais
                                                            sur la puissance du négatif
                                                             il fait confiance à son enfance
                                                            qui fait retour indéfiniment
                                                            sur le chemin du temps.

                                                             Son énergie ruisselle
                                                            Là où le vide s’insinue
                                                            en bel abîme tout coloré
                                                           du ciel ses couleurs

           

          Présentation de l’auteur

          Pascal Boulanger

          Pascal Boulanger, poète et critique littéraire né en 1957, père de deux filles, vit près de Combourg, en Ile et Vilaine depuis son départ à la retraite. Il a été bibliothécaire en banlieue parisienne, d’abord à Bezons (Val d’Oise) puis à Montreuil (Seine Saint Denis). Il a mené des ateliers d’écriture et a été à l’initiative de nombreuses actions culturelles dans le cadre de ses fonctions professionnelles. Il a publié des articles et des chroniques dans des revues, parmi lesquelles « Action poétique », « artpress », « Europe »,  « Triages », « Poésibao », « Sitaudis », « Recours au poème »…

          Depuis 1991, date de la parution de son premier livre « Septembre, déjà » (Europe-Poésie), il a publié des recueils poétiques (chez Flammarion, Tarabuste, Corlevour…) des anthologies critiques et des carnets. En 2018, Guillaume Basquin des éditions Tinbad, publie une copieuse anthologie de ses poèmes, sous le titre : « Trame : anthologie 1991-2018, suivie de L’amour là ». En 2020 et 2022, les éditons du Cygne publient ses recueils « L’intime dense » et « Si la poésie doit tout dire… ». Il est l’auteur, avec Solveig Conrad-Boucher, d’une étude sur Chateaubriand (Editions Arfuyen). En 2023, les éditons Tinbad publient le troisième volume de ses carnets : « En bleu adorable ».

          Bibliographie 

          • Septembre, déjà, éd. Messidor, 1991
          • Martingale, éd. Flammarion, 1995.
          • Une action poétiquede 1950 à aujourd’hui, éd. Flammarion, 1998.
          • Le bel aujourd’hui, éd. Tarabuste, 1999.
          • Tacite, éd. Flammarion, 2001
          • Le corps certain, éd. Comp'Act, 2001.
          • L’émotion l’émeute, éd. Tarabuste, 2003Jongleur, éd. Comp'Act, 2005.
          • Jongleur, éd. Comp’act, 2005
          • Suspendu au récit... la question du nihilisme, éd. Comp'Act, 2006.
          • Fusées et paperolesL'Act Mem, 2008.
          • Jamais ne dorsle corridor bleu, 2008.
          • Cherchant ce que je sais déjàÉditions de l’Amandier], 2009.
          • L’échappée belle, Wigwam, 2009.
          • Un ciel ouvert en toute saisonLe corridor bleu, 2010.
          • Le lierre la foudre, éd. de Corlevour, 2011.
          • Faire la vie : entretien avec Jacques Henric, éd. de Corlevour, 2013.
          • Au commencement des douleurs, éd. de Corlevour, 2013.
          • Dans les fleurs du souci, éd. du Petit Flou, 2014
          • Essai, éd. Tituli, mars 2015
          • Guerre perdue, éd. Passage d'encre, coll. "Trait court", 2015.
          • Mourir ne me suffit pas, préface de Jean-Pierre Lemaire, éd. de Corlevour,  2016.
          • Trame : anthologie, 1991-2018, suivi de L'amour là, Tinbad, 2018.
          • Jusqu'à présent, je suis en chemin - Carnets : 2016-2018, éd. Tituli, 2019
          • L’intime dense, éd. du Cygne, 2021
          • Si la poésie doit tout dire, éd. du Cygne, 2022
          • Ainsi parlait Chateaubriand, avec Solveig Conrad Boucher (Arfuyen), 2023
          • En bleu adorable, Tinbad, 2023

          Autres lectures

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