Abdelmajid Benjelloun, Seuls comptent pour moi les êtres qui font preuve d’intempérance avec le ciel
L’aphorisme pour échapper au pessimisme, poétiser pour fuir une forme de mélancolie et interpeller le ciel et son silence comme le dit le titre de cet ouvrage .
Les mots sont pour le poète liberté dans le langage, d’un mot à l’autre rebondit sa pensée.
Dans le premier recueil Êtres et choses, le même silence, l’avant-propos donne le ton, un certain pessimisme habite les mots, voire une certaine forme de nihilisme, car tout angoisse, l’éternité tout autant que le mort.
Le secrétariat d’État à la mort donne naissance à un poème où les mots rappellent certains tableaux de Jérôme Bosch, certaines scènes du Jugement dernier.
Entre le ciel et l’homme pointe cependant l’espoir toujours dans « le souffle d’une femme ».
Abdelmajid Benjelloun, Seuls comptent pour
moi les êtres qui font preuve d’intempérance
avec le ciel, Maison de la poésie et du Ministère
de la culture (parue en mars 2018).
Dans un monde de violence, de désespérance, le poète interroge sur la question du mal et le silence de Dieu.
Toujours pour le poète, la femme est là pour éclairer, pour guider ; comme Béatrice éclaire l’univers de Dante, même si la mort omniprésente accapare tout. Pour la conjurer, les mots qu’on adresse à la femme.
La succession de textes brefs que sont les aphorismes poétiques, sont pour Abdelmajid Benjelloun : « des petits textes qui sont à la poésie ce que serait la nouvelle au roman ». On oscille entre interrogation et certitude, entre doute et confiance, quand toute respiration est souffle de Dieu.
Le poète interroge, s’interroge sur la place des mots et leur rôle dans la vie pour rompre le silence, pour essayer de le comprendre, pour dire l’indicible, pour écrire la poésie.
Et toujours la femme, femme-nymphe, femme- fée, femme rêvée, imaginée, plus que femme réelle qui conduit les mots, qui guide vers l’éternité, une éternité qu’elle habite.
En cet exercice fragmentaire qu’est l’aphorisme dans lequel excelle Abdelmajid Benjelloun, en cet exercice de l’esprit , difficile d’isoler quelques aphorismes des autres, il faut se laisser bercer par l’ensemble et se laisser emporter par ce souffle, cette respiration qui rythme chaque recueil.
La création ne cesse de rebondir d’un mot à l’autre, d’une pensée à l’autre pour donner naissance à une poétique philosophique teintée d’une tonalité métaphysique et sensuelle.
La richesse de ce genre est de ne pas être dans la certitude, aucune vérité, on s’interroge, on questionne.
Si beaucoup d’auteurs d’aphorismes sont des philosophes, Abdelmajid Benjelloun s’inscrit dans la filiation des poètes qui ont adopté cet exercice comme Paul Valéry, Emile Cioran ou la surréaliste Giovanna.