Alain Snyers, Galerie des mensonges faits main et autres poèmes

Version voix unique pour lecture

Je mens …
Je mens, tu mens, nous mentons …
Tu mens, ils mentent, … je mens …
Vous mentez, elle ment,
Mens-tu ? Ment-il ? Mentez-vous ?
Mentons-nous ?
Vous mentez …
Vous me mentez,
Ils mentent, mentent-elles ?
Je te mens, tu me mens, il vous ment …
Vous nous mentez, mentirez-vous ?
Mentons-nous ? Il ment, elle ment,
Mentirait‘il ?
Je nous mens, je vous mens,
Il vous ment,
Elle leur ment,
Vous leur mentez …
Vous êtes menteur …
Tu es menteur …
Tu es menteuse …
Mensonge,
Menteur, menteuse …
Tu mens, tu me mens,
Mensonge,
Je te mens, je vous mens,
Mensonges,
Mensonges
d’ici et de là
mensonges
tout est mensonge !

Mensonge insensé,
Mensonge affirmé,  affamé,
Mensonge frelaté, édulcoré,
Mensonge frelaté, falsifié,
Mensonge falsifié,
Mensonge mastiqué, buriné,  burlesque,
Mensonge burlesque,
Mensonge carabiné, carabistouille, karaoké,
Mensonge capricieux,
Mensonge pernicieux, litigieux, épineux,
Mensonge gommeux, gominé,
Mensonge erroné, goudronné, assaisonné,
Mensonge astiqué,
Mensonge cravaté,
Mensonge gratté, gratiné,
Mensonge gratiné à souhait,
Mensonge raffiné à l’extrême,
Mensonge tartiné à l’excès,
Mensonge piraté à perdre haleine,
Mensonge tordu, dodu, dissolu, obtus, cocu,
Mensonge dissolu, mordu, bossu, tondu,
Mensonge absolu,
Mensonge nu,
Mensonge vendu, vendu, vendu,
Mensonge vent debout, ventriloque, ventilateur,
Mensonge vente à crédit, vente à l’emporte - pièce, pièce du boucher,
Mensonge bouché,
Mensonge débauché, débranché, débonnaire,
Mensonge vulgaire, vulgaire,
Mensonge vulnérable,
Mensonge véritable, vénérable,
Mensonge intolérable, invraisemblable, impitoyable,
Mensonge immuable, imperméable et implacable,
Mensonge impardonnable,
Mensonge important, imposant et méprisant,
Mensonge sans intérêt, sans vergogne, sans gêne
Mensonge sans gloriole, sans gaudriole ni cabriole
Mensonge agricole, chignole, branquignol, roubignole et farandole,
Mensonge carmagnole d’un rossignol guignol pot de colle,
Mensonge d’école,
Mensonge dés à coudre,
Mensonge débraillé,
Mensonge délicieusement vicieux, vicieux,
Mensonge délicieusement pouilleux, pouilleux,
Mensonge délicieusement globuleux, globuleux,
Mensonge délicieusement crapuleux, crapuleux,
Mensonge poussiéreux,
Mensonge terreux, ténébreux, tellurique,
Mensonge panoramique, panoptique, stroboscopique,
Mensonge maléfique, hypnotique, phobique, diabolique,
Mensonge cathodique à ferveur simulée,
Mensonge chaotique à filament chauffé,
Mensonge pneumatique à forte valeur ajoutée,
Mensonge lubrique à tempérament glacé,
Mensonge glacé d’un embarras gaufré,
Mensonge gaufré d’une angoisse délabrée,
Mensonge délabré d’une chasse pipée,
Mensonge pipé d’une classe givrée,
Mensonge givré d’une carcasse aspirée,
Mensonge aspiré d’une aspiration vidée,
Mensonge vidé d’une pression frelatée,
Mensonge frelaté,   relaté,
Mensonge falsifié, faisandé,
Mensonge fagoté,
Mensonge frit … frit, frit …
Mensonge fricassé,
Mensonge cassé !

MENSONGE !
TOUT EST MENSONGE !

Mensonge fait main,
Mensonge à portée de main,
Mensonge à portée de main pour faisander sans façon un mensonge pompeusement assaisonné d’une frivolité ostentatoire aux schémas dérogatoires d’un giratoire mensonger suprêmement superfétatoire.
Mensonge chronique de pure tradition falsificatrice issu de l’authentique mensonge boulimique de la véritable supercherie emphatique de l’unique mensonge véritablement ironique.
Mensonge subtilement perfide d’une fourbe manœuvre trompeuse guidée par la sournoise expression de l’insidieuse équivoque mensongeuse.
Mensonge de menteurs bonimenteurs dignes d’escamoteurs falsificateurs à toute heure d’un dire imposteur pleinement mensongé.
Mensonges à tous les étages ….

Ils ont menti, ils mentent, ils mentent tous …
J’ai menti, je vous ai menti

TOUT EST MENSONGE !

Je mens ….

∗∗∗

L’ENVERS DU VERT

Une couleur retournée

VERT-NID

VERT-OLÉ

VERT-SOT

VERT-TUE

VERT- RUE

VERT-SOIR

VERT-LENT

VERT-TIGE

VERT-MINE

VERT-GLAS

VERT-SŒUR

VERT-ROUX

VERT-ROND

VERT -SANG

VERT-BALLE

VERT-MI-SEL

VERT-BALISE

VERT-GLACÉ

VERT-MOULU

VERT-ROUILLÉ

VERS-LA-SORTIE

∗∗∗

LE JARDINIER AVENTURIER

Unique phrase XXL de 901 mots

(dépassant le record de Marcel Proust -858 mots).

      Désirant trouver l’authentique pierre philosophale pour ses nouveaux semis printaniers, le chef-jardinier carnivore officiellement en charge du parterre du paradoxe fleuri et de l’ineptie pertinente, abandonna temporairement sa brouette herbivore à l’orée du bois doré réputé pour ses incroyables mystères aussi attractifs que pernicieux pour oser y pénétrer dans la plus grande discrétion à la quête d’un jardin secret détenteur de vénérables cachotteries de jardinerie et d’alchimie illusionniste aptes à résoudre dans la lumière finement filtrée d’un sous-bois funeste l’énigme de secrets de polichinelle qu’une courageuse expédition clandestine pouvait permettre de découvrir le long d’un risqué cheminement pédestre au cœur des filaments filandreux d’une futé cafardeuse composée de majestueux arbres généalogiques qu’il dû contourner pour accéder au tronc commun de sa branche professionnelle, le jardinage, nourrie par l’influence souterraine de ses racines familiales ce qui, dans la progression de sa recherche intéressée, l’aida à se rapprocher des feuilles de calcul et de route pour le conduire le plus rapidement possible vers les profondeurs réfractaires et ténébreuses du labyrinthe forestier en lui évitant ainsi d’avoir à s’asseoir sur une branche qu’il aurait sciée par mégarde au détriment de son objectif qu’il poursuivit avec conviction et persévérance au contact d’un chêne déchaîné et d’un frêne effréné alignés en rang d’oignons en face d’un emphatique bosquet de peupliers pliés et dépliés dans une prétentieuse arrogance qui nullement ne l’impressionna ni entrava pas sa marche ambitieuse au ras des pâquerettes qu’il évita soigneusement de piétiner pour ne pas à avoir à se justifier et à raconter de bancales salades qui auraient fait rougir des tomates espiègles et qui l’aurait écartées de sa haute quête philosophale dont, malgré l’agressive exubérance d’un luxuriant parterre orthocentré d’une généreuse nappe séculaire d’une impressionnante infinité et variété de champignons lichénisés particulièrement revêches et pestilentiels, il maintenait le cap avec une sincère force inébranlable et une méritoire opiniâtreté, gardant ses objectifs initiaux l’amenant à naturellement secouer le cocotier afin de séparer le bon grain de l’ivraie et de mettre du beurre demi-sel dans les épinards sauvages de cette auguste forêt dans laquelle des indices indicibles lui permirent néanmoins d’accéder directement et infailliblement au pot aux roses dominant une majestueuse clairière claironnante abondamment envahie de mousses aux mille parfums qui, avec exubérance, recouvraient sans retenue une triomphale concentration hasardeuse de pierres aussi peu précieuses que muettes qu’un brutal coup de bambou frappé sur l’écorce bavarde de l’arbre à palabres voisin réveilla d’un silence somnolent et minéral ce qui illumina avec joie et franche pétulance la face subitement devenue écarlate du téméraire jardinier carnivore, qui fébrilement, le cœur battant et la bouche entre-ouverte, se pencha sur cette large étendue de caillasses discrétionnaires afin d’y repérer et surtout d’y trouver le caillou recherché pour ses vertus philosophales qui, suite à un long processus discursif et déductif issu d’une très fine analyse préalablement préparée et appuyée sur un solide corpus de témoignages plutôt fiables, apparût dans une absolue nudité et vérité ce qui permis au chercheur de la pierre magique de l’identifier sans hésitation parmi l’hétéroclite amas minéral du site, et il le mit dans sa poche droite de sa blouse vert bouteille de jardinier professionnel, en le dissimulant sous une écorce corsée et prit sans attendre un chemin retour plus direct vers l’extérieur ce qui l’obligea à escalader un perfide merisier zygomorphe à doubles radicelles falciformes pour accéder à la sensuelle et panoramique canopée afin d’atteindre par un saut démesuré les cimes bourgeonnantes du chêne champêtre monogyne noueux à glands spinuleux à doubles coques ramollies et du majestueux bouleau à temps partiel campanulé aux écorces cordiformes à figures géométriques avant de se laisser brutalement glisser le long du tronc commun mi-figue mi-raisin sur un tapis de fines herbes prétendues médicinales et de piques d’asperges qui lacérèrent dramatiquement sa veste de jardinier carnivore ce qui ne l’empêcha pas de poursuivre sa marche à grandes foulées enjambant sans scrupule la carcasse abandonnée d’un jeune hêtre mésophyte rupicole membraneux semi-lactescent à feuilles d’or et d’avancer sans se retourner ni lever la tête vers un bouquet litigieux de pommes de discorde se balançant aux branches basses d’un jeune pin perdu lancéolé à aiguilles caduques palmées cachant de sa superbe un groupe de tilleuls pauciflores paniculés piriforme à rosettes rostrées méthodiquement bouturés en crossette traditionnelle qu’il évita tout en serrant dans sa main le caillou tant désiré qu’il craignait de lâcher dans ce vertigineux dédale de fibres végétales et optiques qui ne favorisait pas une sortie aisée de ce parcours d’embûches de Noël et de flaques d’eaux croupies qu’il traversa péniblement à gué afin de rejoindre en toute sécurité le grand châtaignier arachnéen héliophile aux folioles ramifiées repéré comme borne limitrophe du bois doré à la feuille dont qu’il put enfin sortir et être à la lumière et voir enfin la précieuse pierre qu'il avait réussi à se procurer au prix d’épreuves téméraires au centre de la forêt et de subitement réaliser que ce caillou ressemblait comme deux gouttes d’eau à tous ceux qui jonchaient déjà sur l’allée centrale du parterre du paradoxe fleuri et de l’ineptie pertinente de son jardin, alors, dépité, il regarda alternativement sa brouette herbivore et la pierre qui perdit à ses yeux toute sa magnificence, secrets de polichinelle et charges existentialistes à connotations philoso-minérales la renvoyant subitement dans le champ de la banalité du galet ordinaire et du mal entendu ce qui l’incita sans scrupule à jeter la pierre dans le jardin du voisin.

Alain Snyers - 2021.

∗∗∗

LA DISPARITION DE LA DISPARITION
Variante lipogrammatique à partir de La disparition de Georges Perec

 

Étant donné le début du roman La disparition (1969) où l’auteur a appliqué un lipogramme1 en « e » :

« Anton Voyl n’arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s’assit dans son lit, s’appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l’ouvrit, il lut ; mais il n’y saisissait qu’un imbroglio confus, il butait à tout instant sur un mot dont il ignorait la signification.

Il abandonna son roman sur un lit. Il alla à son lavabo ; il mouilla un gant qu’il passa sur son front, sur son cou.

Son pouls battait trop fort. Il avait chaud. Il ouvrit son vasistas, scruta la nuit. Il faisait doux. Un bruit indistinct montait du faubourg.

Un carillon, plus lourd qu’un glas, plus sourd qu’un tocsin, plus profond qu’un bourdon, non loin sonna trois coups. Du canal Saint-Martin, un clapotis plaintif signalait un chaland qui passait.

….. ».

Variante A : lipogramme augmenté en b, c, d, f, g, h, , j, k, l, m, n, p, q, r, s, t, v, w, x, y et z. Les lettres supprimées sont remplacées par un signe visuel, ou lors de lectures publiques, par un geste de la main.

« A--o- -o-- -’a--i-ai- -a- à -o--i-. I- a--u-a. -o- -a- -a--uai- -i-ui- -i---. I- -ou--a u- -ro-o-- -ou-i-, -’a--i- -a-- -o- -i-, -’a--u-a-- -u- -o- -o-o--o-. -- --i- u- -o-a-, -- -’ou----, -- -u- ; -a-- -- -’- -a-----a-- --’u- ----o---o -o--u-, -- -u-a-- à -ou- i---a-- -u- u- -o- -o-- i- i--o-ai- -a -i--i-i-a-io-.
I- a---o--a -o- -o-a- -u- u- -i-. I- a--a à -o- -a-a-o ; i- -oui--a u- -a-- -u’i- -a--a -u- -o- --o--, -u- -o- -o-.
-o- -ou-- -a--ai- --o- -o--. I- a-ai- -au-. I- ou--i- -o- -a-i-a-,---u-a -a -ui-. I- -ai-ai- -ou-. U- --ui- i--i--i--- -o--ai- -u -au-ou--.
U- -a-i--o-, --u- -ou-- -u’u- --as, --u- -ou-- -u’u- -o--i-, --u- --o-o-- -u’u- -ou--o-, -o- -oi- -o--a --oi- -ou--. -u -a-a- -ai----a--i-, u- --a-o-i- --ai--i- -i--a-ai- u- --a-a-- -ui -a--ai-.
…. ».

Variante B : traitement lipogrammatique de la version A par un lipogramme en a, i, o et u.

« ----- ---- -’-------- --- - ------. -- ------. --- --- -------- ------ -----. -- ------ -- ------- ------,- ’----- ---- --- ---, -’-------- --- --- --------. -- ---- -- -----, -- -’------, -- --- ; ---- -- -’- ---------- --’-- --------- ------, -- ------ - ---- ------- --- -- --- ---- -- -------- -- -------------.
-- ---------- --- ----- --- -- ---. -- ---- - --- ------ ; -- ------- -- ---- --’-- ----- --- --- -----, --- --- ---.
--- ----- ------ ---- ----. -- ----- -----. -- ------ --- --------, ------ -- ----. -- ------- ----. -- ----- ---------- ------- -- --------.
-- --------, ---- ----- --’-- ----, ---- ----- --’-- ------, ---- ------- --’-- -------, --- ---- ----- ----- -----. -- ----- ------------, -- -------- -------- --------- -- ------- --- -------.
….. ».

Au final : une lecture silencieuse ou gestuelle.

[1] Lipogramme : contrainte Oulipienne consistant à bannir une lettre d’un texte.

∗∗∗

LES COULEURS DÉTRAQUÉES, versus bleu
Hissez les bleus !

 

Si le blanc était bleu, le bulletin blanc serait bleu, le Mont-Blanc, serait le Mont-Bleu et les cols blancs, les cols bleus ! Blanche-neige n’aurait plus rien de blanc !
Alors, le petit blanc du bar deviendrait le petit bleu, bleu comme le drapeau blanc.
La carte blanche serait la carte bleue, une carte cousue non plus de fils blancs mais de fils bleus désormais connus comme le loup bleu !
La page bleue serait bleue comme neige et l’arme à balle à bleu deviendrait une arme bleue en fer-bleu.
Depuis son mariage bleu, le blanc-bec est devenu le bleu-bec qui a donné son bleu-seing pour renverser une sauce bleue sur la page bleue lors de sa dernière nuit bleue en tentant de montrer patte bleue.
En voyant la vie en bleu, le rose du poteau se changera en bleu alors le nouveau poteau bleu passera aisément inaperçu malgré les appels du téléphone devenu bleu, bleu comme l’eau de rose !  
Si le jaune était bleu, les œufs auraient un bleu d’œuf et ne manqueraient sûrement pas de provoquer un rire bleu et peut être même une fièvre bleue !
Audacieusement, le gilet bleu osera dépasser la ligne bleue qui n’est pourtant pas celle des Vosges !
Ne pouvant se mettre au vert, mais au bleu, la volée de bois bleus sera bleue de rage et de jalousie tandis que le feu passera au bleu.
Une agile main bleue agitera un chiffon bleu pour remplacer le rouge par le bleu.
La lanterne deviendrait bleue, le peau-rouge sera le peau-bleu et le rouge-gorge, le bleu-gorge et finira dans le bleu si il suit la ligne bleue.
L’ancien révolutionnaire rouge devenu bleu, à cause d’un carton bleu, se fâchera tout bleu pour sortir du bleu et tirera sans hésiter à boulets bleus sur la liste bleue d’un gros bleu, bleu de colère.
Bleu bien sûr comme le bleu à lèvres qui voit bleu tout en étant bleu de honte !
Le bleu-c’est-bleu remplace désormais le noir-c’est-noir de la chanson,
Par le travail au bleu, les idées bleues des gueules bleues du marché bleu broieront du bleu par une magie bleue qui, sans humour bleu, remplira la caisse bleue de la chambre bleue.
Par une nuit bleue, la bête bleue, à l’œil au beurre bleu, se fera prendre dans un trou bleu par une terrible marée bleue.
          Et si le bleu est vraiment bleu !
La fleur bleue reste bleue,
Le bas bleu reste bleu,
Le cordon bleu reste bleu,
La zone bleue reste bleue,
Le col bleu reste bleu,
La colère bleue reste bleue,
Le bleu de travail reste bleu,
Le petit bleu reste bleu,
La grande bleue reste bleue,
          Donc le bleu reste bleu !
Le bleu clair reste clair,
Le bleu marine reste marine,
Le bleu horizon reste horizon,
Le bleu pétrole reste pétrole,
Le bleu de roi reste royal,
Le bleu canard reste canard,
Le bleu ciel reste ciel,
Le bleu profond reste profond,
          Profond et audacieux  
Comme tous les incroyables bleus !
L’outremer et son bleu coquin post-outremer,
Le cobalt et son bleu hydro cobalté doré,
Le céladon et son bleu néo-céladon gominé,
L’azur et son bleu croquignolet azuréen,
Le cæruleum et son bleu proto-cæruleum délavé,
Le Prusse et son bleu pur prussien saturé,
Le turquoise et son bleu primo-turquo-pastel,
Le cyan et son bleu maxi cyan caramélisé,
          Et bien sûr,
Le bleu décoratif imitation bleu,
Le bleu archaïque velouté,
Le bleu impérial lustré,
Le bleu asymétrique saturé,
Le bleu corail cramoisi,
Le bleu achromatique nacré,
Le bleu primaire secondaire,
Le bleu écarlate décoloré,
Le bleu moyen supérieur,
Le bleu vicieux satiné,
Le bleu bitumeux gluant,
Le bleu au plomb sauvage,
          Et encore,
Le bleu de Naples attrape-tout,
Le bleu Véronèse ambré,
Le bleu Magenta nomade,
Le bleu orangé écarlate,
Le bleu vieil acajou jauni,
Le bleu émeraude safrané,
Le bleu fuchsia hédoniste dilué,
Le bleu dalmatien survitaminé,
Le bleu Garance brûlé,
Le bleu terre d’ombre rustique,
Le bleu cadmium intermittent,
Le bleu indien semi-mat,
Le bleu arc-en-ciel glacé, givré, figé,
Copié, plié, séché, volé, collé, bouffé,
Le bleu cuivré, argenté, doré,
Et le bleu est doré !
Et le bleu est adoré !

∗∗∗

L’APPEL DADA / CABARET DADA, 06 février 2016

Artistes, êtes-vous là ? oui
      Pacifistes, êtes-vous là ?
Poètes, êtes-vous là ?
      Amis des arts, êtes-vous là ?
Touristes, êtes-vous là ?
      Zurichois, êtes-vous là ?
Voltairiens, êtes-vous là ?
      Créateurs, êtes-vous là ?
Provocateurs, êtes-vous là ?
      Rénovateurs, êtes-vous là ?
Conspirateurs, êtes-vous là ?
      Dénonciateurs, êtes-vous là ?
Débroussailleurs, êtes-vous là ?
      Navigateurs, êtes-vous là ?
Spoliateurs, êtes-vous là ?
      Liquidateurs, êtes-vous là ?
Imitateurs, êtes-vous là ?
      Renifleurs, êtes-vous là ?  oui  - Reniflez tous !
Vaporisateurs, êtes-vous là ?
      Rémouleurs, êtes-vous là ?
Déménageurs, êtes-vous là ?
      Copulateurs, êtes-vous là ?
Ravitailleurs, êtes-vous là ?
      Rouspéteurs, êtes-vous là ?   oui   Rouspétez !
Cache-radiateurs, êtes-vous là ?
      Retardateurs, êtes-vous là ?
Décapsuleurs, êtes-vous là ?  oui - Décapsulez -vous !
      Accumulateurs, êtes-vous là ?
Ensorceleurs, êtes-vous là ?
      Ventilateurs, êtes-vous là ?  oui  - Ventilez-vous !
Sanibroyeurs, êtes-vous là ?
      Antidouleurs, êtes-vous là ?
Inspirateurs, êtes-vous là ? oui  - Inspirez fortement !
      Horodateurs, êtes-vous là ?
Boursicoteurs, êtes-vous là ?
      Quadrimoteurs, êtes-vous là ?  oui  - On doit vous entendre, les quadrimoteurs !
Ambassadeurs, êtes-vous là ?
      Aspirateurs, êtes-vous là ?  oui - Aspirez !
Acuponcteurs, êtes-vous là ?
      Bonimenteurs, êtes-vous là ?
Tripoteurs, êtes-vous là ?  oui - Tripotez votre voisin !
      Manipulateurs, êtes-vous là ?
Camionneurs, êtes-vous là ?
      Postillonneurs, êtes-vous là ?  oui - Postillonnez !
Perturbateurs, êtes-vous là ?
      Blagueurs, êtes-vous là ?
Pleurnicheurs, êtes-vous là ?  oui - Pleurnichez !
      Spectateurs, êtes-vous là ?
Emmerdeurs, êtes-vous là ?
      Dadaïstes, êtes-vous là ?

Présentation de l’auteur

Alain Snyers

Alain Snyers, artiste franco-belge, vit et travaille en Isère et à Paris.

Diplômé en peinture et art mural de l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris (1976).

Co fondateur en 1975 du groupe UNTEL (avec Jean-Paul Albinet et Philippe Cazal) représenté par la galerie mcf michèle Didier (Bruxelles - Paris).

Membre du Collège de ‘Pataphysique.

Expose et publie depuis 1975.

Comme plasticien, Alain Snyers développe une pratique artistique polyvalente qui investit autant les supports traditionnels de l’expression comme le dessin ou les images que ceux plus variés de la vie quotidienne à travers ses objets et comportements.

Avec humour et dérision, il décline sur une large diversité de supports des représentations décalées de l’ordinaire et du connu ainsi revisités.

Par des séries thématiques, des installations éphémères, des jeux de mots ou des manœuvres visuelles, il créé des situations nouvelles de rencontres et de relecture du banal.

En jouant sur la polysémie des appellations, des correspondances fortuites ou des décalages inattendus, Snyers construit une œuvre polymorphe qui conjugue critique, burlesque et parodie.

Du pinceau en poil de martre aux fichiers informatiques ou à la photocopieuse, il mixe avec plaisir et liberté différents  langages créant ainsi dans un entre-deux permanent les termes de nouveaux dialogues.

L’écriture, la poésie visuelle, la lecture publique ou la fiction narrative prolongent l’univers plastique vers une littérature active où les lettres, les mots ou les phrases se croisent et définissent des univers singuliers voyageant dans la richesse de la langue française.

La forme sérielle qui est récurrente dans l’œuvre d’Alain Snyers, permet des déclinaisons insolites comme celles, développées dans les séries de « tissus de mensonges », « pinces sans rire », « trous de mémoire », …

Le détournement de sens se retrouve dans des pièces comme « l’arrosoir à deux pommes », « les thermomètres de l’art » tout comme dans l’absurde rédaction de textes officiels.

 www.alainnsyers.fr

Bibliographie

Parcours artistique

Expose depuis 1975. Co-fondateur à Paris du groupe Untel (1975) avec Jean-Paul Albinet et Philippe Cazal.

Expositions personnelles (incluant celles du groupe UNTEL) et collectives

(sélection depuis 2000).

  • 2017 :
    • Resert. Galerie Satellite, Paris.
    • Sur les traces de Pierre Lambert. La ville des mots. Woluwe-Saint-Lambert & Woluwe-Saint-Pierre (Bruxelles).
    • La comédie du langage. Musée le Carroi, Chinon (37).
  • 2016 :
    • Le temps de l’audace, (UNTEL). Institut d’art contemporain, Villeurbanne.
    • Paroles peintes. Galerie Satellite, Paris.
    • Art-O-Rama. Stand Michèle Didier. Friche Belle de mai, Marseille.
    • La sente mystérieuse. Jodoigne (Belgique).
    • Lourmar-INFO. Lourmarin (13).
  • 2015 :
    • L’art d’être touriste, (UNTEL). Galerie Michèle Didier, Paris.
    • Collection 15, (UNTEL). Institut d’art contemporain, Villeurbanne.
    • Tours et détours. Galerie Satellite, Paris.
    • Le pipi dans l’art. Atelier 34, zéro muséum, Bruxelles.
  • 2014 :
    • La boîte UNTEL, FIAC. Stand Michèle Didier. Grand-Palais, Paris.
    • La boîte UNTEL. Galerie Michèle Didier, Paris.
    • Le cheval en toutes lettres. Abbaye aux dames, Caen.
    • Phénoménal. Galerie Satellite, Paris.
  • 2013 :
    • Retour sur expériences. Le Lieu centre en art actuel, octobre, Québec.
    • UNTEL, FIAC. Stand Michèle Didier. Grand-Palais, Paris.
    • Vie quotidienne (UNTEL). Musée d’art moderne et contemporain, Strasbourg.
    • Grigris et fétiches. Atelier des Vertus, Paris.
    • Rêves apprivoisés. Galerie Satellite, Paris.
    • PANneauPAN. Fondation du doute, Blois.
  • 2012 :
    • Burlesque. Maison des arts, Bagneux.
    • Pan total, 59 rue de Rivoli, Paris.
    • Fiction. Galerie Satellite, Paris.
    • Le cerveau. Espace à débattre, Nice.
  • 2011 :
    • Safranimmo. Galerie Le Carré noir, Amiens.
    • Les 37 du 37bis. Atelier 37bis, Paris.
    • Exposition planétaire. Galerie Satellite, Paris.
    • Performing the city. ESADHAR, Le Havre.
    • Solosary. Galerie Test du Bailler, Vienne (38).
  • 2010 :
    • Savon de Marseille. Maison des arts contemporains, Pérouges (01).
    • La parade des chevaux jupons. Galerie Lagalerie, Paris.
    • Snyers-Immo. Atelier C. Paris.
  • 2009 :
    • Parade 69. Galerie du marchand du sel, Sète.
    • La Tour de Babel. Galerie Satellite, Paris.
    • Aujourd’HIER. Musée lapidaire, Vienne (38).
    • Espiègleries culinaires. Conseil régional d’Alsace, Strasbourg.
  • 2008 :
    • 68 tard. Galerie Salvador, Paris.
    • Roub’immo. La plus petite galerie, Roubaix.
    • Le temps retrouvé. Grand hôtel, Cabourg (14).
    • Do I know you ? Urban gallery, Marseille.
    • Paradoxe. Galerie Satellite, Paris.
  • 2007 :
    • Domestique. Maison des arts contemporains, Pérouges (01).
    • Set-immo. Galerie du marchand du sel, Sète.
    • 13 à table. Galerie l’Ébauchoir, Lyon.
  • 2006 :
    • Le tas d’esprit. Galerie Seine 51, Paris.
    • Les phares. Galerie Satellite, Paris.
  • 2005 :
    • La fête des feuilles. Parc de la Tête d’or, Lyon.
  • 2004 :
    • Cosmopolis. Musée d’art contemporain, Thessalonique.
    • Chantiers d’artistes. Commanderie Saint-Jean, Corbeil-Essonnes.
  • 2003 :
    • Briques. Galerie Les contemporains, Bruxelles.
    • Fluxus /Le milieu de l’art. Galerie Art7, Nice.
    • Terres inconnues. Galerie Satellite, Paris.
  • 2002 :
    • UNTEL 1975-1980, archives. La galerie, Noisy-le-Sec.
    • Cartes de visites. Galerie Satellite. Paris.
  • 2001 :
    • La réalité revisitée, (UNTEL). Centre d’art Cimaise et portique, Albi.
  • 2000 :
    • Fontenimmo. La Galeru, Fontenay-sous-Bois.
    • Kunstzebanknoten. Museum fûr moderne Kunst, Wendel (Allemagne).
    • Où est la vérité ? Galerie Hors-lieux, Strasbourg.

Interventions, manœuvres et lectures

(sélection depuis 2007)

  • 2017 :
    • Levons notre verre, 21 janvier. Galerie Satellite, Paris.
    • Les excusés de la poésie, 30 janvier, Le Frigo, Paris.
    • Sur les traces de Pierre Lambert, manœuvre urbaine. Février-avril. Woluwe-Saint-Lambert & Woluwe-Saint-Pierre (Bruxelles).
    • Les excusés de Chinon, 20 mai. Musée le Carroi. Chinon.
  • 2016 :
    • Hugo Ball et le rebond de la balle. 06 février. Halle Saint-Pierre, Paris.
    • Les mots d’UNTEL, 11 février. Institut d’art contemporain, Villeurbanne.
    • Une cuiller pour…, 9 avril. Festival Giboulées. Caluire (69).
    • 5 réactualisations d’actions UNTEL. 02 & 03 juillet. Charivari, Villeurbanne.
    • Comment j’ai lu certains de ses livres ? 14 juillet. Cimetière du Père Lachaise, Paris.
    • Fashion show, la chemise UNTEL. 26 août. Art-O-Rama ; stand Michèle Didier. Marseille.
    • Frasq, 22 octobre. Le générateur, Gentilly.
    • Petites scènes de la vie ordinaire. 17 décembre. Sylvie Ferré, Lyon.
  • 2015 :
    • Tout se dire, 07 mars. Rue Française, Paris.
    • Vous n’êtes pas ici, 19 mars. Galerie Moissan, Paris.
    • Glissement de mots, 23 mai. Librairie Mona Lisait, Paris.
    • Le couronnement de Raymond, 14 juillet. Cimetière du Père Lachaise, Paris.
    • La leçon inaugurale, 02 octobre. Université de Picardie. Amiens.
    • Zones de confidences, 15 octobre. Rue Defly, Nice
    • Fashion show, la chemise UNTEL, 19 novembre. Galerie Michèle Didier, Paris.
  • 2014 :
    • Autour d’un verre, 26 janvier. Théâtre de verre, Paris.
    • Sacrées gueules, 12 mars. Galerie Vitoux, Paris.
    • La parade des chevaux-jupons, 16 mai. Abbaye aux dames, Caen.
    • Le camion-valise, 07 juin. Quartier Nord, Amiens.
    • Locus Solus pour les nuls 1, 12 juillet. Bibliothèque centrale, Cergy-Pontoise.
    • Locus Solus pour les nuls 2, 14 juillet. Cimetière du Père Lachaise, Paris.
    • We lost control, 23 octobre. Librairie Mona Lisait, Paris.
  • 2013 :
    • Un principe d’équivalence, 27 janvier. École d’art de Calais.
    • Les dictons de Mars, 15 mars. Espace Colette Perrier, Paris.
    • Les excusés de la peinture, 06 avril. Fondation du doute, Blois.
    • Apostrophes, 13 juin. 59 rue de Rivoli. Paris.
    • L’impression de la frite, 14 juillet. Cimetière du Père Lachaise, Paris.
    • Québec-immo, la vente à l’encan, 17 octobre. Le lieu, centre en art actuel, Québec.
    • Parc Abraham, octobre. Québec.
    • Perdu. Octobre. Campagne d’affiches. Québec.
    • Échange flash / le sac UNTEL (UNTEL), 23, 24, 25, 26 et 27 octobre. Stand Michèle Didier, FIAC, Grand Palais, Paris.
  • 2012 :
    • Les excusés de Bagneux, 14 janvier. Maison des arts, Bagneux.
    • La 10e pétition pour rien. Janvier. Maison des arts, Bagneux.
    • Poèmes à trous, 13 mars. Café de Flore, Paris.
    • La 11e pétition pour rien. 28 avril. 59 rue de Rivoli. Paris.
    • La remontée de la rue de Rivoli en cheval-jupon, 29 mars. Rue de Rivoli, Paris.
    • 5 pétitions à signer vite ! 06 et 07 octobre. Festival du livre. Mouans-Sartoux (06).
    • Perdu. Octobre. Campagne d’affiches. Mouans-Sartoux (06).
  • 2011 :
    • Je vous offre un verre (UNTEL), 12, 13 janvier. ESADHAR, Le Havre.
    • Les excusés niçois, 23 juillet. Espace à débattre, Nice.
    • Perdu, novembre-décembre. Campagne d’affiches. Quartier nord, Amiens.
  • 2010 :
    • Le grand bavardage, 02 octobre. Nuit blanche, église de Ménilmontant, Paris.
    • Pharma-mots, 08 octobre. Café la Renaissance, Lyon.
  • 2009 :
    • Pharma-mots, 13 mars. Café le François Coppé. Paris.
    • Perdu. 13 et 14 juin. Rue du Bon Pasteur, Lyon.
  • 2008 :
    • Perdu, septembre. Cours Franklin Roosevelt, Marseille.

Collections

  • Fonds national d’art contemporain (1989-2009-2015)
  • Musée des Beaux-arts d’Angoulême (Angoulême)
  • Fonds régional d’art contemporain (Rhône-Alpes)/ Institut d’art contemporain (2015) : Le miroir
  • Musée des Beaux-arts de Tourcoing /MUBA(2015)
  • Collection Yves Couthouit (2010-2012).
  • Diverses autres collections privées.

Filmographie

  • UNTEL (Albinet, Cazal, Snyers) « Le déjeuner sur l’herbe, 1975-2013 » 25 min, présenté à la FIAC (Édition 2013)

Autres lectures

Wanda Mihuleac et Alain Snyers, Roumpfs

Roumpfs, en campagne permanente, est-il précisé en avant lecture, cela ressemble à une plaisanterie, à une satire, et c'en est une, burlesque à souhait, assurément... Mais pas que... Ce serait mal connaître Wanda [...]




Wanda Mihuleac et Alain Snyers, Roumpfs

Roumpfs, en campagne permanente, est-il précisé en avant lecture, cela ressemble à une plaisanterie, à une satire, et c'en est une, burlesque à souhait, assurément... Mais pas que... Ce serait mal connaître Wanda Mihuleac qui dirige Transignum avec maestria depuis tant d'années, et Alain Snyers, artistes accomplis et « polyvalents »… !

Si ce livre est tout ceci à la fois, il est également un lieu de dénonciation des systèmes politiques sans distinction de positionnement, de classe, de pays, d’idéologie. Il faut dire que la juxtaposition du travail de ces deux artistes permet une révélation : on peut rire du pire, on peut pleurer devant un objet/livre somptueux et drôle, on peut se divertir en restant extrêmement sérieux.

Il faut avant tout remettre le livre dans son contexte historique. Il a été conçu et publié pour les élections européennes. Les auteurs ont eu de quoi être inspirés, et ils ont  amplement trouvé de quoi faire dans les discours de nos candidats, dans leur image travaillé à grand renfort de spécialistes du marketing et de la communication. Les Roumpfs, à l’internationale s’il vous plait, candidats émérite aux élections européennes, présentés à travers leur discours de campagne. Un puits de merveilles, sans fond, comme le réel nous l’a enseigné, bien entendu. 

Wanda Mihuleac et Alain Snyers,
Roumpfs, Les éditions Transignum, 
2019, 20 €.

A chacun sa spécificité, qui promet des montagnes de bienfaits et victuailles, qui ancre son salut sur… Le texte de l’auteur est un prodige satirique. tour à tour dévolu à l’antiphrase et aux jeux de mots de ceux que plus personne n’ose employer depuis des lustres mais qui dans le contexte revêtent une profondeur due à leur mise en situation. De retournement en énonciation parodique, toutes les tonalités du discours oblique, ironique sont mises en œuvre, toutes les octaves du comique sont explorées.

Alain snyers joue avec une maestria époustouflante de ces registres ancestraux qui heureusement ont permis une dissidence salvatrice de s’exprimer. De nos jours la coercition n’est plus punitive, ni explicite. Il s’agit de contourner les discours médiatiques bien souvent exempts de totale objectivité, il s’agit de contourner le contournement, de renverser les reversements. Les Roumpfs savent parfaitement voyager en terrain miné, en pays barbelé. Il n’y a qu’à regarder la campagne d’affichage des candidats, la série de portraits élaborés par Wanda Mihuleac, pour s’en apercevoir…

Pour cette artiste plasticienne t éditrice rire est très sérieux. Il s’agit de laisser affleurer toute la trame cachée du réel tout ce que tait la parole et l’image, tout ce que comporte le hors cadre, le hors champ, le hors discours étayé sur de la littéralité qui par définition est une surface, comme celle d’un miroir, qui a un côté caché. Dévoiler, révéler, voici ce que fait Wanda Mihuleac, qui dans ses portraits des Roumpfs en campagne laisse apparaître tout le ridicule des croyances, des idéaux de tout poil. Ce travail sur l’image dépasse le politique et va remuer les arcanes des comportements et des postures humaines, toute société confondue.

S’instaure alors un dialogisme absolument hallucinant entre les « discours »  élaborés par Alain Snyers et les portraits de wanda Mihuleac. Qui révèle qui, quoi complète quoi ? Rien, parce que ces deux polarités artistique sont plus que jamais complémentaires. Un ridicule redondant, mais jamais lourd, bien au contraire, car le texte ancre l’image dans une réalité, celle d’une campagne politique, et les portraits des candidats Roumpfs accentuent les effets obliques du texte, mettant l’accent sur telle portée ironique, sur tel jeu de mots, sut tel élément qui énonce le ridicule et son retournement, la dérision et son corolaire, la prise de conscience que le réel est porteur de ces traits certes exagérés mais dont il est l’inspirateur…

Et la démarche est menée jusqu'au bout, jusqu'à une inscription dans le réel qui porte la visée burlesque sur le territoire d'un pamphlet des plus caustiques : Communiqué de presse, campagne d’affichage rue Léon Fort à Paris, exposition accompagnée d’une intervention de Wanda Mihuleac et d’Alain Snyers. Il faut dire que l’artiste et éditrice Wanda Mihuleac s’empare d’un texte et le fabrique, le façonne, le construit, le mêle à d’autres vecteurs artistiques, lui permet d’exister peu à peu car il prend forme à travers ces rencontres avec le réel, avec le public, avec son regard de plasticienne. Tous les livres d’artistes, de bibliophilie, que compte Transignum, répondent à cette exigence ontologique, à cette démarche qui unit le texte, l’image, le son, l’objet redimensionné par son travail de transformation de la matière. Se révèle d’autres dimensions, celles du texte caché et dévoilé, celle d’un effacement du sens par recouvrement, par disparition, par toute sorte de dispositifs qui en démultiplient les potentialités sémantiques.

 

Le rire est le lieu d’instauration d’une connivence, d’un territoire reconnu par une communauté, par des individus qui se constituent en globalité comprenant l’implicite d’un message. Ce livre vient alors créer purement et simplement une communauté européenne ! Car bien entendu que les camarades Belges, les Roumains, les Finlandais, les Allemands, bref les peuples de la communauté européenne,  (après traduction du texte bien entendu) sont parfaitement à même de saisir le sens littéral et oblique de ce qui est montré et dit. N’est-il pas merveilleux de constater ainsi qu’il peut tut à fait exister une communauté des peuples d’Europe ? Enfin !

Campagnes d'affichage, objets promotionnels, voici qui ancre amplement la démarche dans un réel déjà bien malmené par le caractère performatif des discours politiques... Ramener les choses à leur plus simple littéralité est parfois salvateur. 

Les Roumpfs en campagne est un livre très sérieux ! Il veut dire, à bon entendeur, et à bon lecteur, que NOUS ne sommes plus dupes ! Et si ce live est une acquisition incontournable pour tout bibliophile, il devrait être l’être également pour tout individu qui se prépare à porter mandat étayé sur la confiance de ses semblables.