Camille Sova, Humeurs printanières, extraits
sous le souffle du vent des feux rouges s’accumulent
longs sont ces mois d’hiver où le matin décline
l’enfant a perdu la joie
il n’est plus qu’un être de tissus
qui se souvient du mouvement
même si la soif s’éloigne de lui
il y a encore de l’espoir
dans la terre les fleurs apparaissent
mais c’est dans le ciel que naissent les bourgeons
dans sa coquille l’enfant déplie ses visages
il sait qu’une averse arrive
II
les beaux jours naissent dans le même fleuve
puis chacun d’eux revient toucher la terre
dans tous les sens je le vois
les indésirables les autres les moindres beautés
cette fille par exemple qui rappelle le métal
allongée même debout elle apprend à sentir
la foudre les forêts
la partie de la maison réservée aux secours
quand elle pourra éclore
l’au-delà sera déjà en nous
la canopée peut-être s’accorde au désir
mais ne soigne pas les pulsations
après tout
l’organisme ne se baigne jamais deux fois
dans l’eau qui brille
III
l’herbe est triste
elle réalise l’impermanence de l’arbuste
elle dit « j’ai quelqu’un à perdre
c’est le genêt
en sa compagnie le jardin n’est jamais solitude
il est l’infini »
elle observe les bois
demain sera fait d’un existe plus
la fraicheur perdra
elle pense « je me sens comme l’être humain
inutile et obligée de survivre »
elle verse un rayon
un frisson se colle à son oreille
c’est le vide qui s’amuse
IV
« les chutes qui m’ont ouvert la voie se révèlent à la terre
j’aménage le cordon pour me faire funambule
c’est le réveil d’une autre lumière
je me sens enfin être un seuil germé
quelque chose qui a faim et qui part à la chasse »
je m’imagine penser ça
mais je ne suis pas l’avril qui arrive
moi
j’habite le monde
où pour faire sa cueillette il faut ses ciseaux
moi
si je change ma main en nuage
resurgit l’envie de pulsion de geste d’écran
d’effondrement
moi
je ne suis pas le printemps
V
au plus profond du tambour je descends avec la sauge
ensuite le monde change
c’est un pansement naturel
peut-elle avaler pour moi
les animaux du sommeil ?
regardez dans ma bouche
j’ai le deuil chronique
sur le chemin un détail et on doit partir
il faut que le cerisier meurt
pour qu’on éprouve l’été
un nichoir n’est pas une vraie question
seule la nuit est à l’abri du crépuscule