Ping-Pong : Visages de l’Australie, Carole JENKINS, entretien

Dans la continuation de notre exploration du continent poétique australien, nous vous présentons Carol Jenkins, poète et éditrice d'enregistrements de poètes australiens. Elle vit et travaille près de Sidney, où elle se consacre à l'écriture, après avoir abandonné une carrière dans un organisme gouvernemental d'évaluation des risques chimiques. Les poèmes présentés ici ont été lus par l'auteure au Festival International de Poésie de Trois-Rivières en octobre 2016, et sont extraits de la plaquette "Ennuage-moi, a bilingual collection", publiée par River Road Press  en septembre 2016 (www.riverroadpress.net). Ils suivent l'entretien qu'elle a accordé à Recours au Poème.

les traductions sont de Marilyne Bertoncini

 

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Entretien avec Carol Jenkins

 

 

Vous êtes poète et éditrice d'enregistrements audio de poésie : comment êtes-vous venues à ces deux activités – qu'est-ce qui vous a motivée ? (il y a peu d'éditeurs audio)
En 2003, j'ai brusquement ressenti le besoin d'écrire un roman. Je travaillais pour le NICNAS, organisme gouvernemental d'évaluation de l'impact des produits chimiques industriels sur les Australiens et l'environnement. J'y rédigeais toute sortes de documents administratifs ou légaux, mais pas de romans, et certainement pas de la poésie. On m'avait toujours dit que mon courrier personnel était amusant. Je suis une épistolière, j'aime cette forme, bien que désormais ce soient surtout des emails. J'ai donc écrit un roman et quelques poèmes, que j'ai classés. Pour obtenir une aide à la publication, j'en ai envoyé quelques uns, et j'ai eu la chance incroyable de voir accepter ces trois premiers poèmes. Cela m'a fait comprendre l'importance que cela avait pour moi. L'écriture est le travail qui me convient.
Vers le moment où j'ai eu mon premier iPod, vers 2006, j'ai commencé à écouter des podcasts de poésie. J'aime écouter la radio, j'écoute en jardinant, cuisinant ou marchant. Au début, j'ai commencé à enregistrer mes propres travaux et ceux de mes amis. La lecture à voix haute est un grand outil éditorial, et j'ai acheté du matériel d'enregistrement rudimentaire que j'ai apporté à un atelier de poésie à Wollongong en 2007. A l'époque, la Fondation Australienne de Poésie organisait un séminaire de dix jours en résidence ; il y avait chaque nuit de merveilleuses lectures faites par les tuteurs et les poètes de l'atelier – je me souviens avoir dit un soir "Je vais tous vous enregistrer". Je l'ai fait et j'ai produit un CD pour accompagner l'anthologie née de ces travaux. Mon ami Marc Walmsely, musicien et ingénieur du son, m'a montré les bases de l'édition, et m'a aidée pour les problèmes techniques. J'étais convaincue de la nécessité d'enregistrer les poètes lisant leurs oeuvres: à l'époque, la radio nationale d'ABC(Australian Broadcasting Commission) avait un programme hebdomadaire de poésie, mais c'était souvent des acteurs qui disaient les textes et il n'était pas vraiment possible d'avoir accès à leurs archives. J'ai senti que la Série de Poésie de River Road tombait à point, et j'ai réalisé un gros travail d'enregistrement de la poésie australienne. La poésie est un art oral autant qu'écrit, c'était vraiment dommage de ne pas enregistrer nos poètes. D'autres pays le faisaient, pas l'Australie.
Je procède de diverses façons pour enregistrer. Quand je travaille à partir d'ateliers de poésie, je suis démocratique et j'enregistre tous les participants, avec un ou deux poèmes chacun. Autrement, j'ai été systématique dans ma façon de sélectionner. Pour un autre projet de recherche, ,je recueille et analyse des données sur la démographie des anthologies de poésie australienne1 En 2007 j'ai trié les données pour dégager une sorte de consensus entre les éditeurs sur quels poètes étaient selon eux les plus importants : je m'aperçois maintenant que ces données privilégiaient les poètes masculins les plus âgés – ainsi que je l'ai dit à Judith Berveridge en 2009 : "nous sommes dans le lobby du club des vieux mecs". Les choses se sont améliorées, l'anonymat des propositions aidant, un plus grand nombre de rédacteurs choisissent le poème et non le poète. J'ai donc sélectionné les poètes les plus publiés, avec le souci pratique de créer une communauté – L'Australie est vaste. J'avais aussi conscience de la nécessité d'enregistrer des poètes plus âgés alors qu'ils étaient encore parmi nous, avec une bonne voix. Une autre méthode a été de réaliser une anthologie thèmatique. J'en ai fait trois : New Felons – de nouvelles voix au lieu des habituelles, Scissors, Fire, Paper, Water -une sorte de recréation du classique chinois, Ciseaux, papier, rochers, et un sujet qui me tient à coeur, The Philosophy of Clothes ( toujours disponible) . J'ai également réalisé 106 épisodes petit format d'un programme radio intitulé A Way with Words qui passait chaque semaine sur une station FM de Canberra.2 Enregistrer prend beaucoup de temps, et éditer et produire un CD plus encore. J'ai accumulé du retard, et me suis concentrée sur mon propre travail car j'étais saturée. L'an prochain, je me remets à l'édition audio.
 
Quelle importance ont ces publications sur la scène littéraire en Australie ? Quels sont les poètes que vous publiez, et comment les sélectionnez-vous ?
Je pense que la série des River Road Petry a offert un nouveau média aux poètes que j'ai enregistrés, en promouvant leur oeuvre, en particulier parce que j'ai collaboré avec le UK poetry archive et le USA Poetry Fondation, pour présenter ces poètes sur les sites on line avec textes et audio. J'ai beaucoup aimé travailler avec Poetry Archive, et j'espère que ces collaborations aident à faire mieux connaître internationalement la poésie australienne et le travail de ces poètes. Les enregistrements permettent une archive culturelle : quand j'ai appelé Fay Zwicky – elle vit à Perth – j'ai entendu un soupir de soulagement - elle m'a dit qu'elle avait espéré que quelqu'un enregistre son travail, elle savait que c'était important. Les gens sont très favorables aux renregistrements, et travailler avec les poètes a été merveilleux, je me suis fait de grands amis, et ce qui est important, pour mon propre travail, j'ai compris comment leurs poèmes vont ensemble. Comme poète, je crois que vous devez non seulement lire mais aussi entendre de la poésie, et j'espère de nouveau que la série ait gagné un nouveau public d'auditeurs et de lecteurs.
J'ai choisi de présenter une série de poèmes parlant de tissus, alors que vous êtes connue aussi pour vos poèmes scientifiques : comment ces différents thèmes coexistent-ils dans votre travail et votre inspiration ?
J'aime les vêtements et les tissus, les chaussures et les chapeaux : le vêtement et ses accessoires sont une façon d'exprimer nos personnalités, elle nous donnent la possibilité de faire un peu de théâtre, de tribalisme, de sensualisme. Faire des vêtements, tricoter ou coudre, ce dont je parle dans mon écriture, présente des points communs avec la fabrication de poèmes, on décide de communiquer quelque chose, ou d'habiller quelque chose, et on trouve une substance - on crée un dessin, et on construit Il ya un rythme, une fluidité des tricots et des tissus, une sensualité que j'aime mettre en poèmes. Pour moi, les vêtements évoquent aussi la mémoire : enfant, j'avais quelques beaux vêtements, et j'avais un nom pour chacun, et donc, oui, cette connection entre création et mots a commencé très tôt pour moi. Au collège, j'avais choisi un cours de travaux d'aiguille et j'aimais les techniques de production des vêtements, j'étais la seule intéressée par la biologie du ver à soie, le mot filière me semblait délicieux, et la chimie de la fabrication du nylon m'intriguait - et puis, il y avait l'histoire du costume, que j'ai dévorée. Encore une chose, à propos des vêtements : c'est la façon dont la mémoire d'un événement est intrinséquement liée à ce que je portais – une "madeleine" visuelle – et la façon dont les vêtements peuvent être cruciaux pour un événement. La profonde sensualité tactile des étoffes et vêtements, la première fois que nous les rencontrons ou les testons de la main, c'est ce qui nous enveloppe au quotidien, nos secondes peaux, notre protection contre froid et chaleur. Et je dirais que les vêtements sont l'équivalent visuel de la madeleine de Proust, ils ont aussi leur propre signature olfactive. Nos vêtements n'ont pas seulement notre odeur mais celle de ce que nous faisons en les portant – qu'on pense à la chemise couverte de farine du boulanger, au bleu de travail graisseux du mécanicien...... Ce mélange capiteux est pour moi un sujet irrésistible. Et si ceci ne suffit pas, les habits nous donnent aussi une texture culturelle, un guide abrégé du caractère et de la classe sociale, dans les romans, et une dimension absolue en poésie. Tous ces facteurs font partie de mon désir de faire le CD anthologique The Philosophy of clothes.
Je vois les vêtements et ce dont ils sont faits comme intrinsèques à la façon dont le monde fonctionne, et la science pour moi fonctionne de la même manière. Vous pouvez faire tant de choses dans un poème sur la science, il peut s'expliquer lui-même et expliquer d'autres choses encore; comme être amoureux, ou bien la façon dont les choses deviennent absurdes si on les réduit à leur fonction. Quand j'étais à Trois Rivières pour le Festival International de la Poésie, les gens ont aimé les poèmes sur les vêtements et les poèmes scientifiques comme "Ennuage-moi" et "Quand les Temps éloignent les étoiles" – les francophones les aiment comme du théâtre, et ils comprennent le flirt.
Quelle est votre formation et pourquoi écrivez-vous de la poésie ?
Pour moi la poésie est une forme de jeu – jeu de mots bien sûr, mais ça me permet aussi de faire des expériences de pensée, c'est une façon de m'occuper des choses qui m'interrogent, d'analyser un événement ou une idée pour en tirer parti. Quand j'écris bien, je suis dans ce flux, c'est presqu'addictif. Avoir une pratique poétique favorise mon attention au monde, les détails, les développements scientifiques, les possibilités de métaphore dans ce que disent les gens et l'endroit d'où ils parlent, les ambiguités de langage et d'idées sur l'évolution, la physique, les maths et l'univers. Les moteurs linguistiques dans les poèmes m'intriguent, j'aime les poèmes dans lesquels il y a des pivotements qui réorientent la lecture. Alors que je peux être mélancolique, j'aime aussi faire la fête et m'amuser. Si je peux écrire quelque chose qui me fait rire, c'est une bonne chose.
Avez-vous le sentiment d'appartenir à un courant poétique particulier ? Quels sont vos modèles, les écrivains passés ou contemporains qui comptent le plus pour vous ?
J'ignore si je suis membre d'une quelconque école, en tous cas, je n'adhère à aucune. Mon but est d'être lucide, je peux apprécier l'importance d'une école comme L=A=N=G=U=A=G=E qui a modifié tout le paysage poétique, mais je suis trop attachée à la narration pour faire partie de leur groupe. Puis, je ne crois pas qu'un poème doive être linéaire ou rationnel : à quoi sert l'imagination si on ne peut imaginer que des choses ordinaires ? Il y a tant de merveilleux poètes australiens et néozélandais ; j'ai une grande admiration pour Judith Beveridge, maîtresse en paysages sonores, Joan Burnes pour son mordant et son usage du vernaculaire, la technique brillante de Stephen Edgar, sa virtuosité de pensée – toujours avec du coeur, Michael Sharkey pour son esprit et son agilité, David Musgrave dont le récent livre The Anatomy of Voice est un tour de force. Kevin Ireland et Elizabet Smither en Nouvelle-Zélande ont un esprit concentré et une profondeur que j'aime beaucoup.
Les poètes que j'ai lus et aimés au début sont Donne, Keats, Marvel, Coleridge, Thomas Wyatt, Heaney, Yeats, puis les premiers poètes australiens, Banjo Patterson, Henry Lawson, et Slessor aussi, ils ont été essentiels pour moi et le sont toujours. Adolescente, j'ai découvert Neruda et Rimbaud, et j'en suis tombée amoureuse. Plus tard, j'ai eu le béguin pour Jean Bodel, Sapho et Elizabeth Bishop, et j'ai été impressionnée par Sharon Old, Lucille Clifton, Sylvia Plath, Wallace Stevens et John Berryman. Akmathova qui m'a offert l'exemple de ce pourquoi l'on doit écrire, Miroslav Holub, pour sa précision et la façon de rompre avec les vieilles métaphores. Ici en Australie, j'ai récemment été membre du jury du Newcastle Poetry Prize – il y avait de grands poèmes par John Watson, Ross Gillett and Caitlin Mailing, tous parmi mes favoris maintenant. Il y a tant à lire et relire. Toutefois, pour moi, même si ça semble un peu léger, ce qui compte, c'est le poème, pas le poète.
Nous avons parlé de la traduction comme un processus et une communication – que pourriez-vous dire de votre expérience au cours des traductions que nous publions aujourd'hui ?
Avoir son travail traduit est un grand privilège. J'ai récemment découvert qu'Olga Anikina avait traduit en russe mon poème "Karelia" – situé en Russie, c'était tellement parfait pour ce poème que j'ai pleuré.Certains de mes poèmes, comme "Attente", semblent si naturels en Français que je pense les préférer dans cette langue plutôt qu'en Anglais. Le travail a été fascinant aussi : le fait d'écrire des notes pour expliquer certaines expressions, de développer certaines idées, m'a fait mieux comprendre mon propre travail, et m'a fait saisir la difficulté de refaire le poème en Français. Ma connaissance du Français est très limitée mais je le lis assez bien pour entendre la qualité de ces traductions. Les aller-retours durant le travail m'ont intéressée : pour moi, les questions répétées étaient importantes, je vois maintenant que j'avais aussi choisi de faire traduire quelques poèmes difficiles – mais voilà !3 ils ont une autre vie en Français – ce sont des poèmes avec des séquences génétiques indépendantes.
 
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1You can read an essay of my findings in A Gander at Gender in ‘Australian Poetry Journal Volume 6, Issue 1’

2Un best-of et un essai sur ce programme m'avait été commandé par Kent Mac Carter et peut encore être entendu sur https://cordite.org.au/essays/recording-archives-way-with-words/

3En Français dans le texte.

 

 

Interview with Carol Jenkins

 
You are a poet and a publisher of audio-recordings of poetry : how did you come to both of these activities (that is, as for the hen and the egg, which is first?) - what is the motivation for this special activity (there are few sound-publishers, if this word exist) ?
Around about when I got my first iPod, 2006 maybe, I started to listen to poetry podcasts. I like audio, I listen when I’m gardening, cooking or walking. Originally I started to record my own work or my friends. Reading aloud is a great editorial tool, and I bought some simple recording equipment which I took to a poetry workshop Wollongong in 2007. At that time Poetry Australian Foundation ran a ten day residential course. Every night there were wonderful readings by the tutors and the workshop poets — I remembered saying one night , ‘I’m going to record everyone here’. I did, and produced a CD to go with the anthology that came out of the workshop. My friend Mark Walmsely, musican and audio engineer, showed me the basics of editing and helped me with any technical problems. I could see there was a need to record the Australian poets reading their own work, at the time ABC’s Radio National (ABC is the Australian Broadcasting Commission) had a weekly poetry program but these were often actors reading the poems and it was not really possible to access their archive. I felt the River Road Poetry Series was timely and did an important job to record Australian poetry – poetry is a spoken as well as a written art, it would be a great pity not to record our poets. Other countries were recording their poets and at that time Australia wasn’t.
I have different selection methods for recordings. When I have I recorded at residential workshops, I am democratic and record everyone there, so that is one or two poems from a number of poets. That aside, I was systematic in my selection process. As part of another research project I collect and analyse data on the demographics of anthologisation of contemporary Australian poets. You can read an essay of my findings in A Gander at Gender in ‘Australian Poetry Journal Volume 6, Issue 1’ In 2007 when I started I sorted the data into the most anthologised, to get something of a consensus across a number of editors as to who are the important poets, my top forty list! Now I see after analysing the data there was an across the board bias to older male poets – as I said to Judith Beveridge in about 2009 ‘we are standing in the lobby of the old boys’ club’ . Things have improved, anonymous submissions help and many more editors now chose the poem not the poet. So I selected the most frequently published poets, with the practical consideration thatn we needed an opportunity to get together — Australia is a big place. I was also conscious of the need to record older poets while they are still here and in good voice. Another method I had was an anthology with a theme, I’ve done three of these : New Felons – this was new voices instead of the usual suspects, Scissors, Fire, Paper, Water’ —a slight recast of the Chinese classic, Scissors, Paper Rock , and then a favourite subject for me, The Philosophy of Clothes ( still available!) .
On the audio front I also made 106 episodes of a short radio program called A Way with Words. Itplayed weekly on a Canberra station ArtSounddFM. There is a ‘best of’ and short essay about the program that was commissioned by Kent McCarter from Cordite , so you can still hear a few gems from the vault at https://cordite.org.au/essays/recording-archives-way-with-words/
It takes a lot of time to record, and much more time to edit the recordings and produce a CD. I’ve got a backlog of editing and all the work that goes with it —I’ve been very lazy for a couple of years, and just focused on my own work as I was swamped. In the new year I will get back to editing audio.
What's the impact of these publications on the literary scene in Australia? Who are the poets you publish, how do you select them?
I think the River Road Poetry Series has given another media for the poets I’ve recorded, and promoted their work, especially because I’ve collaborated with both the UK Poetry Archive and the USA’s Poetry Foundation to feature the River Road poets on both online poetry websites with text and audio. The Poetry Archive has been particular good to work with, and I hope these collaborations do something to raise the international profile of Australian poetry and the work of these poets. The recordings provide a cultural archive, when I rang Fay Zwicky – she lives in Perth – I heard this sigh of relief, she told me she had been waiting for someone to record her work, she knew it was important. People are very positive about the recordings and the poets have been wonderful to work with, I’ve made great friends and importantly, for my own work, I see how their poems go together. As a poet I believe you need not just to read but to hear poetry, and again I hope that the series might have bought in a new audience of listeners and readers.
I chose to present a selection of poems about fabrics, on Recours au Poème, while you're known for your scientific poems – how do these various themes coexist in your work and inspiration ?
I love clothes and fabric, shoes and hats, clothing and accessories are in a way the externalisation of our personalities, they give us opportunity for a little bit of theatre, tribalism, sensualism. Making clothes, knitting or sewing, which I write about, has its parallels with making poems, we decide we need to address something, or dress something and we find a substance, create a pattern, and we make. There is a rhythm, a fluidity to knits and fabrics, a sensuousness that I love to put into poems. For me too, clothes evoke memory, as a child I had just a few lovely clothes and I had names for all my dresses, so yes, this connection with creations and words starts very early for me. In junior high school I took a subject called Needlework and I loved all the technical processes of production of fabric, I was the only one who was interested about the biology of the silk worm, the word ‘spinneret’ seemed exquisite to me, and the chemistry of making nylon intrigued me, and then there was the history of costume, which I just ate up . There is another thing about clothes, which is the way a memory of an event is intrinsically linked to what I was wearing — the visual Madeline —and the way the clothes can be pivotal to an event. The profound sensual tactility of fabric and clothes, while we first meet or test it with our hands, it is what wrap ourselves in daily, our second skins, our defence to cold and heat. And while I say clothes are the visual equivalent to Proust’s madeline, they also have their own olfactory signatures, our clothes smell not just of us but we do in them, think of the baker’s floury shirt, the mechanic’s oily overalls. It is a heady mixture which I find an irresistible subject. As if this is not enough, clothes also give us cultural texture, and a short hand guide to character and class, in novels, a complete dimension in a poem. All these factors were in my motivation in making the audio anthology CD The Philosophy of Clothes.I see clothes and what they are made of as intrinsic to the way the world works, and science is like this for me too. You can do so much in a poem about science, it can explain itself and something else too, like being in love, or the way things can become absurd if you keep reducing their functionality. When I was in Trois Rivieres for the International Festival de la Poesie, people loved the clothes poems and the science poems like Ennuage-Moi and Quand Les Temps Eloignees Les Etoiles – the Francophones love these as drama, and they understand about flirting.
What's your formation and why do you write poetry ?
For me poetry is a form of play - word-play of course but also it allows me to experiment with ideas, it’s a way to address things that have me puzzled, to work through an event or an idea to find out something. When I am writing well, I am in that state of flow, it is quite addictive. Having a poetry practice fosters my attention to the world, the minutiae, developments in science, the possibilities for metaphor in what people say and where, duplicities of langauge and ideas about evolution, physics, maths and the universe. The linguistic engines in poems intrigue me, I love poems where there are pivot points that reorient the reader. While I can be bleak, I like to celebrate and to have fun. If I can write something that makes myself laugh that is a good thing.
Do you feel like belonging to a special poetry, linked to a school for ex. ? Who are your models, the writers who are most important for you (past and contemporary) ?
If I am a member of any school of poetry I don’t know it, in any case I don’t believe I subscribe to any. My aim is to be lucid, I can appreciate the importance of schools like L=A=N=G=U=A=G=E, which has changed the whole landscape of writing, but I I am too addicted to narrative to be in their school. Then I don’t believe a poem has to be linear or rational, what is the point of imagination if you only imagine ordinary things?
The Anatomy of Voice is a tour de force, NZ’s Kevin Ireland and Elizabeth Smither have a concentrated wit and insight that I like a lot. The poets I read and loved first; Donne, Keats, Marvel, Coleridge, Thomas Wyatt, Heaney, Yeats, then there is the early Australians, Banjo Patterson, Henry Lawson, and later Slessor, were fundamental to me then and still are. When I was in my teens found Neruda and Rimbaud , and was in love with them. Later I had crushes on Jean Bodel, Sappho and Elizabeth Bishop, and was impressed by Sharon Old, Lucille Clifton, Sylvia Plath, Wallace Stevens and JohnBerryman, Anna Akhmatova gave me this singular example of why things must be written, Miroslav Holub for his precision and breaking out from the old set of metaphors. Here in Australia I was recently judge of the Newcastle Poetry Prize – there were great poems by John Watson, Ross Gillett and Caitlin Mailing, all on my reader radar now. There is so much to read and read again. All said though for me, though it seems a bit fickle, it is the poem not the poet.
We talked about translating as a process and a communication: what could you say about your experience on these translations ?
Having work translated is a great privilege, I recently found Olga Anikina translated my poem Karelia –which is set in Russia —into Russian, this was so perfect for this poem that I cried. Some of my poems, for example Attente, are so natural in French I think I like the French better than the English. The process has been intriguing too, writing notes to explain certain expressions, to explicate, has made me understand my own work better, and impresses on the difficulty to remake the poem in French. My French is very limited but I can read enough to hear how well these translations work. The backwards and forward process is interesting, for me our dialogue, the reiterative questions were important, I can see now I had set some hard poems to translate — but voila ! they have another life in French – they are poems of independent memes.

 

Dans la continuation de notre exploration du continent poétique australien, nous vous présentons Carol Jenkins, poète et éditrice d'enregistrements de poètes australiens. Elle vit et travaille près de Sidney, où elle se consacre à l'écriture, après avoir abandonné une carrière dans un organisme gouvernemental d'évaluation des risques chimiques. Les poèmes présentés ici ont été lus par l'auteure au Festival International de Poésie de Trois-Rivières en octobre 2016, et sont extraits de la plaquette "Ennuage-moi, a bilingual collection", publiée par River Road Press  en septembre 2016 (www.riverroadpress.net). Ils suivent l'entretien qu'elle a accordé à Recours au Poème.

les traductions sont de Marilyne Bertoncini

 

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Entretien avec Carol Jenkins

 

 

Vous êtes poète et éditrice d'enregistrements audio de poésie : comment êtes-vous venues à ces deux activités – qu'est-ce qui vous a motivée? (il y a peu d'éditeurs audio)

 

En 2003, j'ai brusquement ressenti le besoin d'écrire un roman. Je travaillais pour le NICNAS, organisme gouvernemental d'évaluation de l'impact des produits chimiques industriels sur les Australiens et l'environnement. J'y rédigeais toute sortes de documents administratifs ou légaux, mais pas de romans, et certainement pas de la poésie. On m'avait toujours dit que mon courrier personnel était amusant. Je suis une épistolière, j'aime cette forme, bien que désormais ce soient surtout des emails. J'ai donc écrit un roman et quelques poèmes, que j'ai classés. Pour obtenir une aide à la publication, j'en ai envoyé quelques uns, et j'ai eu la chance incroyable de voir accepter ces trois premiers poèmes. Cela m'a fait comprendre l'importance que cela avait pour moi. L'écriture est le travail qui me convient.

 

Vers le moment où j'ai eu mon premier iPod, vers 2006, j'ai commencé à écouter des podcasts de poésie. J'aime écouter la radio, j'écoute en jardinant, cuisinant ou marchant. Au début, j'ai commencé à enregistrer mes propres travaux et ceux de mes amis. La lecture à voix haute est un grand outil éditorial, et j'ai acheté du matériel d'enregistrement rudimentaire que j'ai apporté à un atelier de poésie à Wollongong en 2007. A l'époque, la Fondation Australienne de Poésie organisait un séminaire de dix jours en résidence ; il y avait chaque nuit de merveilleuses lectures faites par les tuteurs et les poètes de l'atelier – je me souviens avoir dit un soir "Je vais tous vous enregistrer". Je l'ai fait et j'ai produit un CD pour accompagner l'anthologie née de ces travaux. Mon ami Marc Walmsely, musicien et ingénieur du son, m'a montré les bases de l'édition, et m'a aidée pour les problèmes techniques. J'étais convaincue de la nécessité d'enregistrer les poètes lisant leurs oeuvres: à l'époque, la radio nationale d'ABC(Australian Broadcasting Commission) avait un programme hebdomadaire de poésie, mais c'était souvent des acteurs qui disaient les textes et il n'était pas vraiment possible d'avoir accès à leurs archives. J'ai senti que la Série de Poésie de River Road tombait à point, et j'ai réalisé un gros travail d'enregistrement de la poésie australienne. La poésie est un art oral autant qu'écrit, c'était vraiment dommage de ne pas enregistrer nos poètes. D'autres pays le faisaient, pas l'Australie.

 

Je procède de diverses façons pour enregistrer. Quand je travaille à partir d'ateliers de poésie, je suis démocratique et j'enregistre tous les participants, avec un ou deux poèmes chacun. Autrement, j'ai été systématique dans ma façon de sélectionner. Pour un autre projet de recherche, ,je recueille et analyse des données sur la démographie des anthologies de poésie australienne1 En 2007 j'ai trié les données pour dégager une sorte de consensus entre les éditeurs sur quels poètes étaient selon eux les plus importants : je m'aperçois maintenant que ces données privilégiaient les poètes masculins les plus âgés – ainsi que je l'ai dit à Judith Berveridge en 2009 : "nous sommes dans le lobby du club des vieux mecs". Les choses se sont améliorées, l'anonymat des propositions aidant, un plus grand nombre de rédacteurs choisissent le poème et non le poète. J'ai donc sélectionné les poètes les plus publiés, avec le souci pratique de créer une communauté – L'Australie est vaste. J'avais aussi conscience de la nécessité d'enregistrer des poètes plus âgés alors qu'ils étaient encore parmi nous, avec une bonne voix. Une autre méthode a été de réaliser une anthologie thèmatique. J'en ai fait trois : New Felons – de nouvelles voix au lieu des habituelles, Scissors, Fire, Paper, Water -une sorte de recréation du classique chinois, Ciseaux, papier, rochers, et un sujet qui me tient à coeur, The Philosophy of Clothes ( toujours disponible) .

J'ai également réalisé 106 épisodes petit format d'un programme radio intitulé A Way with Words qui passait chaque semaine sur une station FM de Canberra.2

Enregistrer prend beaucoup de temps, et éditer et produire un CD plus encore. J'ai accumulé du retard, et me suis concentrée sur mon propre travail car j'étais saturée. L'an prochain, je me remets à l'édition audio.

 

Quelle importance ont ces publications sur la scène littéraire en Australie ? Quels sont les poètes que vous publiez, et comment les sélectionnez-vous?

 

Je pense que la série des River Road Petry a offert un nouveau média aux poètes que j'ai enregistrés, en promouvant leur oeuvre, en particulier parce que j'ai collaboré avec le UK poetry archive et le USA Poetry Fondation, pour présenter ces poètes sur les sites on line avec textes et audio. J'ai beaucoup aimé travailler avec Poetry Archive, et j'espère que ces collaborations aident à faire mieux connaître internationalement la poésie australienne et le travail de ces poètes. Les enregistrements permettent une archive culturelle : quand j'ai appelé Fay Zwicky – elle vit à Perth – j'ai entendu un soupir de soulagement - elle m'a dit qu'elle avait espéré que quelqu'un enregistre son travail, elle savait que c'était important. Les gens sont très favorables aux renregistrements, et travailler avec les poètes a été merveilleux, je me suis fait de grands amis, et ce qui est important, pour mon propre travail, j'ai compris comment leurs poèmes vont ensemble. Comme poète, je crois que vous devez non seulement lire mais aussi entendre de la poésie, et j'espère de nouveau que la série ait gagné un nouveau public d'auditeurs et de lecteurs.

 

J'ai choisi de présenter une série de poèmes parlant de tissus, alors que vous êtes connue aussi pour vos poèmes scientifiques : comment ces différents thèmes coexistent-ils dans votre travail et votre inspiration?

 

J'aime les vêtements et les tissus, les chaussures et les chapeaux : le vêtement et ses accessoires sont une façon d'exprimer nos personnalités, elle nous donnent la possibilité de faire un peu de théâtre, de tribalisme, de sensualisme. Faire des vêtements, tricoter ou coudre, ce dont je parle dans mon écriture, présente des points communs avec la fabrication de poèmes, on décide de communiquer quelque chose, ou d'habiller quelque chose, et on trouve une substance - on crée un dessin, et on construit Il ya un rythme, une fluidité des tricots et des tissus, une sensualité que j'aime mettre en poèmes. Pour moi, les vêtements évoquent aussi la mémoire : enfant, j'avais quelques beaux vêtements, et j'avais un nom pour chacun, et donc, oui, cette connection entre création et mots a commencé très tôt pour moi. Au collège, j'avais choisi un cours de travaux d'aiguille et j'aimais les techniques de production des vêtements, j'étais la seule intéressée par la biologie du ver à soie, le mot filière me semblait délicieux, et la chimie de la fabrication du nylon m'intriguait - et puis, il y avait l'histoire du costume, que j'ai dévorée. Encore une chose, à propos des vêtements : c'est la façon dont la mémoire d'un événement est intrinséquement liée à ce que je portais – une "madeleine" visuelle – et la façon dont les vêtements peuvent être cruciaux pour un événement. La profonde sensualité tactile des étoffes et vêtements, la première fois que nous les rencontrons ou les testons de la main, c'est ce qui nous enveloppe au quotidien, nos secondes peaux, notre protection contre froid et chaleur. Et je dirais que les vêtements sont l'équivalent visuel de la madeleine de Proust, ils ont aussi leur propre signature olfactive. Nos vêtements n'ont pas seulement notre odeur mais celle de ce que nous faisons en les portant – qu'on pense à la chemise couverte de farine du boulanger, au bleu de travail graisseux du mécanicien...... Ce mélange capiteux est pour moi un sujet irrésistible. Et si ceci ne suffit pas, les habits nous donnent aussi une texture culturelle, un guide abrégé du caractère et de la classe sociale, dans les romans, et une dimension absolue en poésie. Tous ces facteurs font partie de mon désir de faire le CD anthologique The Philosophy of clothes.

Je vois les vêtements et ce dont ils sont faits comme intrinsèques à la façon dont le monde fonctionne, et la science pour moi fonctionne de la même manière. Vous pouvez faire tant de choses dans un poème sur la science, il peut s'expliquer lui-même et expliquer d'autres choses encore; comme être amoureux, ou bien la façon dont les choses deviennent absurdes si on les réduit à leur fonction. Quand j'étais à Trois Rivières pour le Festival International de la Poésie, les gens ont aimé les poèmes sur les vêtements et les poèmes scientifiques comme "Ennuage-moi" et "Quand les Temps éloignent les étoiles" – les francophones les aiment comme du théâtre, et ils comprennent le flirt.

 

Quelle est votre formation et pourquoi écrivez-vous de la poésie?

 

Pour moi la poésie est une forme de jeu – jeu de mots bien sûr, mais ça me permet aussi de faire des expériences de pensée, c'est une façon de m'occuper des choses qui m'interrogent, d'analyser un événement ou une idée pour en tirer parti. Quand j'écris bien, je suis dans ce flux, c'est presqu'addictif. Avoir une pratique poétique favorise mon attention au monde, les détails, les développements scientifiques, les possibilités de métaphore dans ce que disent les gens et l'endroit d'où ils parlent, les ambiguités de langage et d'idées sur l'évolution, la physique, les maths et l'univers. Les moteurs linguistiques dans les poèmes m'intriguent, j'aime les poèmes dans lesquels il y a des pivotements qui réorientent la lecture. Alors que je peux être mélancolique, j'aime aussi faire la fête et m'amuser. Si je peux écrire quelque chose qui me fait rire, c'est une bonne chose.

 

Avez-vous le sentiment d'appartenir à un courant poétique particulier ? Quels sont vos modèles, les écrivains passés ou contemporains qui comptent le plus pour vous ?

 

J'ignore si je suis membre d'une quelconque école, en tous cas, je n'adhère à aucune. Mon but est d'être lucide, je peux apprécier l'importance d'une école comme L=A=N=G=U=A=G=E qui a modifié tout le paysage poétique, mais je suis trop attachée à la narration pour faire partie de leur groupe. Puis, je ne crois pas qu'un poème doive être linéaire ou rationnel : à quoi sert l'imagination si on ne peut imaginer que des choses ordinaires?

Il y a tant de merveilleux poètes australiens et néozélandais ; j'ai une grande admiration pour Judith Beveridge, maîtresse en paysages sonores, Joan Burnes pour son mordant et son usage du vernaculaire, la technique brillante de Stephen Edgar, sa virtuosité de pensée – toujours avec du coeur, Michael Sharkey pour son esprit et son agilité, David Musgrave dont le récent livre The Anatomy of Voice est un tour de force. Kevin Ireland et Elizabet Smither en Nouvelle-Zélande ont un esprit concentré et une profondeur que j'aime beaucoup.

Les poètes que j'ai lus et aimés au début sont Donne, Keats, Marvel, Coleridge, Thomas Wyatt, Heaney, Yeats, puis les premiers poètes australiens, Banjo Patterson, Henry Lawson, et Slessor aussi, ils ont été essentiels pour moi et le sont toujours. Adolescente, j'ai découvert Neruda et Rimbaud, et j'en suis tombée amoureuse. Plus tard, j'ai eu le béguin pour Jean Bodel, Sapho et Elizabeth Bishop, et j'ai été impressionnée par Sharon Old, Lucille Clifton, Sylvia Plath, Wallace Stevens et John Berryman. Akmathova qui m'a offert l'exemple de ce pourquoi l'on doit écrire, Miroslav Holub, pour sa précision et la façon de rompre avec les vieilles métaphores. Ici en Australie, j'ai récemment été membre du jury du Newcastle Poetry Prize – il y avait de grands poèmes par John Watson, Ross Gillett and Caitlin Mailing, tous parmi mes favoris maintenant. Il y a tant à lire et relire. Toutefois, pour moi, même si ça semble un peu léger, ce qui compte, c'est le poème, pas le poète.

 

Nous avons parlé de la traduction comme un processus et une communication – que pourriez-vous dire de votre expérience au cours des traductions que nous publions aujourd'hui ?

 

Avoir son travail traduit est un grand privilège. J'ai récemment découvert qu'Olga Anikina avait traduit en russe mon poème "Karelia" – situé en Russie, c'était tellement parfait pour ce poème que j'ai pleuré.Certains de mes poèmes, comme "Attente", semblent si naturels en Français que je pense les préférer dans cette langue plutôt qu'en Anglais. Le travail a été fascinant aussi : le fait d'écrire des notes pour expliquer certaines expressions, de développer certaines idées, m'a fait mieux comprendre mon propre travail, et m'a fait saisir la difficulté de refaire le poème en Français. Ma connaissance du Français est très limitée mais je le lis assez bien pour entendre la qualité de ces traductions. Les aller-retours durant le travail m'ont intéressée : pour moi, les questions répétées étaient importantes, je vois maintenant que j'avais aussi choisi de faire traduire quelques poèmes difficiles – mais voilà !3 ils ont une autre vie en Français – ce sont des poèmes avec des séquences génétiques indépendantes.

 

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1You can read an essay of my findings in A Gander at Gender in ‘Australian Poetry Journal Volume 6, Issue 1’

2Un best-of et un essai sur ce programme m'avait été commandé par Kent Mac Carter et peut encore être entendu sur https://cordite.org.au/essays/recording-archives-way-with-words/

3En Français dans le texte.

 

 

Interview with Carol Jenkins

 

You are a poet and a publisher of audio-recordings of poetry : how did you come to both of these activities (that is, as for the hen and the egg, which is first?) - what is the motivation for this special activity (there are few sound-publishers, if this word exist) ?

 

 

Around about when I got my first iPod, 2006 maybe, I started to listen to poetry podcasts. I like audio, I listen when I’m gardening, cooking or walking. Originally I started to record my own work or my friends. Reading aloud is a great editorial tool, and I bought some simple recording equipment which I took to a poetry workshop Wollongong in 2007. At that time Poetry Australian Foundation ran a ten day residential course. Every night there were wonderful readings by the tutors and the workshop poets — I remembered saying one night , ‘I’m going to record everyone here’. I did, and produced a CD to go with the anthology that came out of the workshop. My friend Mark Walmsely, musican and audio engineer, showed me the basics of editing and helped me with any technical problems. I could see there was a need to record the Australian poets reading their own work, at the time ABC’s Radio National (ABC is the Australian Broadcasting Commission) had a weekly poetry program but these were often actors reading the poems and it was not really possible to access their archive. I felt the River Road Poetry Series was timely and did an important job to record Australian poetry – poetry is a spoken as well as a written art, it would be a great pity not to record our poets. Other countries were recording their poets and at that time Australia wasn’t.

 

I have different selection methods for recordings. When I have I recorded at residential workshops, I am democratic and record everyone there, so that is one or two poems from a number of poets. That aside, I was systematic in my selection process. As part of another research project I collect and analyse data on the demographics of anthologisation of contemporary Australian poets. You can read an essay of my findings in A Gander at Gender in ‘Australian Poetry Journal Volume 6, Issue 1’ In 2007 when I started I sorted the data into the most anthologised, to get something of a consensus across a number of editors as to who are the important poets, my top forty list! Now I see after analysing the data there was an across the board bias to older male poets – as I said to Judith Beveridge in about 2009 ‘we are standing in the lobby of the old boys’ club’ . Things have improved, anonymous submissions help and many more editors now chose the poem not the poet. So I selected the most frequently published poets, with the practical consideration thatn we needed an opportunity to get together — Australia is a big place. I was also conscious of the need to record older poets while they are still here and in good voice. Another method I had was an anthology with a theme, I’ve done three of these : New Felons – this was new voices instead of the usual suspects, Scissors, Fire, Paper, Water’ —a slight recast of the Chinese classic, Scissors, Paper Rock , and then a favourite subject for me, The Philosophy of Clothes ( still available!) .

 

On the audio front I also made 106 episodes of a short radio program called A Way with Words. Itplayed weekly on a Canberra station ArtSounddFM. There is a ‘best of’ and short essay about the program that was commissioned by Kent McCarter from Cordite , so you can still hear a few gems from the vault at https://cordite.org.au/essays/recording-archives-way-with-words/

 

It takes a lot of time to record, and much more time to edit the recordings and produce a CD. I’ve got a backlog of editing and all the work that goes with it —I’ve been very lazy for a couple of years, and just focused on my own work as I was swamped. In the new year I will get back to editing audio.

 

What's the impact of these publications on the literary scene in Australia? Who are the poets you publish, how do you select them?

 

I think the River Road Poetry Series has given another media for the poets I’ve recorded, and promoted their work, especially because I’ve collaborated with both the UK Poetry Archive and the USA’s Poetry Foundation to feature the River Road poets on both online poetry websites with text and audio. The Poetry Archive has been particular good to work with, and I hope these collaborations do something to raise the international profile of Australian poetry and the work of these poets. The recordings provide a cultural archive, when I rang Fay Zwicky – she lives in Perth – I heard this sigh of relief, she told me she had been waiting for someone to record her work, she knew it was important. People are very positive about the recordings and the poets have been wonderful to work with, I’ve made great friends and importantly, for my own work, I see how their poems go together. As a poet I believe you need not just to read but to hear poetry, and again I hope that the series might have bought in a new audience of listeners and readers.

I chose to present a selection of poems about fabrics, on Recours au Poème, while you're known for your scientific poems – how do these various themes coexist in your work and inspiration?

 

I love clothes and fabric, shoes and hats, clothing and accessories are in a way the externalisation of our personalities, they give us opportunity for a little bit of theatre, tribalism, sensualism. Making clothes, knitting or sewing, which I write about, has its parallels with making poems, we decide we need to address something, or dress something and we find a substance, create a pattern, and we make. There is a rhythm, a fluidity to knits and fabrics, a sensuousness that I love to put into poems. For me too, clothes evoke memory, as a child I had just a few lovely clothes and I had names for all my dresses, so yes, this connection with creations and words starts very early for me. In junior high school I took a subject called Needlework and I loved all the technical processes of production of fabric, I was the only one who was interested about the biology of the silk worm, the word ‘spinneret’ seemed exquisite to me, and the chemistry of making nylon intrigued me, and then there was the history of costume, which I just ate up . There is another thing about clothes, which is the way a memory of an event is intrinsically linked to what I was wearing — the visual Madeline —and the way the clothes can be pivotal to an event. The profound sensual tactility of fabric and clothes, while we first meet or test it with our hands, it is what wrap ourselves in daily, our second skins, our defence to cold and heat. And while I say clothes are the visual equivalent to Proust’s madeline, they also have their own olfactory signatures, our clothes smell not just of us but we do in them, think of the baker’s floury shirt, the mechanic’s oily overalls. It is a heady mixture which I find an irresistible subject. As if this is not enough, clothes also give us cultural texture, and a short hand guide to character and class, in novels, a complete dimension in a poem. All these factors were in my motivation in making the audio anthology CD The Philosophy of Clothes.

 

I see clothes and what they are made of as intrinsic to the way the world works, and science is like this for me too. You can do so much in a poem about science, it can explain itself and something else too, like being in love, or the way things can become absurd if you keep reducing their functionality. When I was in Trois Rivieres for the International Festival de la Poesie, people loved the clothes poems and the science poems like Ennuage-Moi and Quand Les Temps Eloignees Les Etoiles – the Francophones love these as drama, and they understand about flirting.

 

What's your formation and why do you write poetry?

 

For me poetry is a form of play - word-play of course but also it allows me to experiment with ideas, it’s a way to address things that have me puzzled, to work through an event or an idea to find out something. When I am writing well, I am in that state of flow, it is quite addictive. Having a poetry practice fosters my attention to the world, the minutiae, developments in science, the possibilities for metaphor in what people say and where, duplicities of langauge and ideas about evolution, physics, maths and the universe. The linguistic engines in poems intrigue me, I love poems where there are pivot points that reorient the reader. While I can be bleak, I like to celebrate and to have fun. If I can write something that makes myself laugh that is a good thing.

Do you feel like belonging to a special poetry, linked to a school for ex. ? Who are your models, the writers who are most important for you (past and contemporary)?

 

If I am a member of any school of poetry I don’t know it, in any case I don’t believe I subscribe to any. My aim is to be lucid, I can appreciate the importance of schools like L=A=N=G=U=A=G=E, which has changed the whole landscape of writing, but I I am too addicted to narrative to be in their school. Then I don’t believe a poem has to be linear or rational, what is the point of imagination if you only imagine ordinary things?

 

The Anatomy of Voice is a tour de force, NZ’s Kevin Ireland and Elizabeth Smither have a concentrated wit and insight that I like a lot. The poets I read and loved first; Donne, Keats, Marvel, Coleridge, Thomas Wyatt, Heaney, Yeats, then there is the early Australians, Banjo Patterson, Henry Lawson, and later Slessor, were fundamental to me then and still are. When I was in my teens found Neruda and Rimbaud , and was in love with them. Later I had crushes on Jean Bodel, Sappho and Elizabeth Bishop, and was impressed by Sharon Old, Lucille Clifton, Sylvia Plath, Wallace Stevens and JohnBerryman, Anna Akhmatova gave me this singular example of why things must be written, Miroslav Holub for his precision and breaking out from the old set of metaphors. Here in Australia I was recently judge of the Newcastle Poetry Prize – there were great poems by John Watson, Ross Gillett and Caitlin Mailing, all on my reader radar now. There is so much to read and read again. All said though for me, though it seems a bit fickle, it is the poem not the poet.

 

We talked about translating as a process and a communication: what could you say about your experience on these translations?

 

Having work translated is a great privilege, I recently found Olga Anikina translated my poem Karelia –which is set in Russia —into Russian, this was so perfect for this poem that I cried. Some of my poems, for example Attente, are so natural in French I think I like the French better than the English. The process has been intriguing too, writing notes to explain certain expressions, to explicate, has made me understand my own work better, and impresses on the difficulty to remake the poem in French. My French is very limited but I can read enough to hear how well these translations work. The backwards and forward process is interesting, for me our dialogue, the reiterative questions were important, I can see now I had set some hard poems to translate — but voila ! they have another life in French – they are poems of independent memes.

 




choix de poèmes de Carole JENKINS traduits par Marilyne Bertoncini

Pour la route

D'abord comme un défi, puis pour la chaude langueur
du goudron, à minuit, rentrant à pied à la maison,
nous avons étendu nos corps au mileu
de Moana Road, et nous sommes embrassés, ces longs baisers
rêveurs où l'on s'abandonne l'un à l'autre, à la route,
aux pins noirs qui d'en haut nous regardent, à la lumière cadenassée
des maisons aux volets fermés serrées sur un quart d'acre
de pâtés de maison, l'arche de vertigineux amas brillant d'étoiles
au-dessus de nous, et nous nous sommes relevés, comme des anges
revenant dans un monde étrange, pour descendre
la rue en marchant, mains et bras enlacés,
riant, comme si nous avions avalé un univers
qui exploserait à l'extrémité de nos doigts.

For the Road

First as a dare and then for the warm languor
of the tar, at midnight walking to my house,
we lay down our bodies on the middle
of Moana Road and kissed, those long dreamy
kisses of abandonment, to each other, to the road,
to the dark pines looking on, to the locked light
of houses with blinds drawn tight on quarter acre
blocks, the stars’ bright and dizzy mass
arcing over us, and we’d get to our feet, like angels
coming to in a strange world, to walk
down the road, arms and hands tangling,
laughing, like we’d swallowed a universe
and it was exploding out of our fingertips.

*

Pendant l'hiver

J'ai jadis porté
de fins gants d'agneau et je vois encore
la façon dont la peau retient
le vide que la main
a quitté, j'entends le soupir
du gant, sa résistance tandis que lentement
il exhale la mémoire de la main
qu'il a tenue.

Over Winter

I once wore
fine kid gloves and still see
he way the leather holds
the emptiness the hand
has left, hear the glove’s
sigh, its endurance as it slowly
exhales the memory of the hand
it held and goes to winter
waiting under straw.

*

Les bienfaits de Saint Vincent-de-Paul

Saint Vincent, saint patron du vestiaire
étudiant, m'a légué depuis les profondeurs

et détours de ses tables de tri, une parfaite
camisole victorienne, chaque point de la taille

d'un seizième de pouce, épinglée
d'un linon et d'un pâle ruban de soie qui se faufilait

au coeur de trois pouces de dentelle pour jouer,
en travers de la poitrine et des épaules,

un jeu de tenu-tombé
et dans cette antique pratique

il me donna, alors que jupe et chemisier
tombaient à terre, quelque chose du sentiment

d'être à la fois moi-même et l'involontaire
gémissement du jeune homme, observant,

torse nu, prés du lit.

The Blessings of Saint Vincent

Saint Vincent, patron saint of student
clothing, bequeathed to me from the depths

and twists of his sorting tables, a perfect
Victorian camisole, every stitch scaled

in sixteenths of an inch, pin-tucked
lawn and pale silk ribbon that threaded

the three deep inches of lace to play,
across the breasts and shoulder,

a game of hanging on and falling
off and in this antique practice

he gave to me, as skirt and shirt
fell upon floor, something of the feeling

of being both myself and the involuntary
groan of the young man, watching,

waist naked, standing by the bed.

*

Préparatifs au froid

Pour doubler mon écharpe, je déniche du satin de soie, une crème
qui saisit ombres et lumière, coupé à la bonne taille,
les morceaux assemblés à points glissés qui passent comme le temps
Tôt, jai appris à épingler, pas à faufiler
mais c'est la tension du tricot à tisser, du fil à enfiler,
le glissement de l'ourlet retourné, la torsion de ce qui peut
s'étirer à ce qui ne peut pas, c'est ça le secret.
Le tricot est susceptible, mais, O, la chaleur et la couleur subtile,
leurs qualités, et comme le satin éclaire bien
la rudesse qu'il emprunte, comme mon joli visage
et ma peau contre la barbe du soir de ta joue.

Getting ready for the cold

To line my scarf, I hunt out silk satin, that cream
borrower of shades and light, cut to size,
pieces seamed with stitches that slip past like time
I early learnt to pin, no point tacking
but it’s the tension of knit to weave, thread to needle,
the slipping-under-edge, the torsion of what can
stretch to what will not that is the trick.
The knit is prickly but Oh, the warmth and subtle colour,
the merit in them, and how fine the satin
lights up its borrowed roughness, like my fine face
and skin against the afternoon stubble of your cheek.

*

Le Veston de Ted Hughes jeune

à partir de Poetry in the Making, ch.1 - Capturing animals

Au moment du battage, son veston grouillait,
la doublure doublée de soixante souris,
qu'il faisait naître des meulons et des
gerbes. Leurs fines griffes de souris
éraillaient le taffetas, leur fines dents taillaient
l'entoilage. Bouillonnant sous le tissu gonflé,
elles nichaient dans l'intérieur tendu
de l'ourlet.
Et le veston une fois posé – ou libre -
se sauvait avec des frissons sur des pieds cachés,
pullulant avec son odeur de renfermé,
d'ammoniac et de grains de millet.

Young Ted Hughes’ Jacket

                   From his Poetry in the Making, ch. 1, Capturing Animals

At threshing time his jacket seethed,
the lining lined with sixty mice,
that he conjured from stooks
and sheafs. Their thin mouse claws
ran the taffeta, their fine teeth incised out
the interfacing. Rising like boils,
they nested in the frayed inside
of the hem.
And when he set the jacket down – or free –
it shivered off on hidden feet,
pullulating with its smell of must,
ammonia and millet seed.

*

En quittant la ville

Etait-ce l'indigence du néon
semi-obscur dans une gare routière du côté le plus miteux de la ville,
les passagers d'avant-crépuscule -

la mère seule avec deux enfants de moins de cinq ans,
les yeux las serrant des oreillers, la dame plus âgée
avec des pantashort bleus et un haut assorti,

les filles en jeans serrés et thongs
soufflant des bouffées d'air blanc qui se dressaient,
comme de froids fantômes devant nous,

ou peut-être était-ce le moteur du bus qui tournait,
la porte qui glissait et claquait
en s'ouvrant avec des râles de fumeur, vous biaisez prudemment

vers un siège, où votre jumeau vous regarde
dans la glace, l'aube se propageant par-dessus les toits
et le quai humide, la ville embarquée de force par les voies rapides

votre visage brouillé de larmes inattendues,
un douloureux élan de solitude car vous quittez
une ville que vous n'aviez jamais pensé autant aimer,

ou était-ce juste le fait d'aller, gagner de la vitesse, la vue plongeante*
sur des poteaux télégraphiques, les maisons cédant la place à des fermes récréatives,
puis de vraies fermes, à l'infini.

Leaving Town

Was it the down-and-outness of the fluorescent
half-dark in a bus station on the seedier side of town,
the pre-dawn passengers—

the single mother with two kids under five,
bleary-eyed hugging pillows, the older lady
with mid-blue leisure pants and matching top,

the girls in tight jeans and thongs
blowing puffs of white air that hung themselves,
cold ghosts before us all,

or maybe the bus engine turning over,
the slide and slap of the door
wheezing open like a smoker, edging aisle-wise

into a seat, where your glass window twin gazes
back at you, dawn spreading over the roofs
and wet tarmac, the city getting dragged off by the highway

your face blurred by unexpected tears,
an ache of loneliness for leaving
a town you never thought you liked that much,

or was it just going, gaining speed, a high view
of telegraph poles, houses giving way to hobby farms,
then real farms, stretching out forever.

*

Le Dessin

Ebauche de bourdon de bus, tiré du tricot
dans le bourbier d'un voyage, ruban
ruban, brassière pour bébé, la manche
et le dos. Le rythme du tricot.
encore et encore, ces mouvements
intermittents quand le petit doigt
soulève une boucle – de la pelote – du fil
qui si léger, si soyeux,
dit progrès, dit projet,
et tout le temps le dessin attend ;
encore un bon bout de fil à venir.

The Pattern

Bus drone drawn, knitting in
in a slough of travel, garter
garter, baby cardi, sleeve
and back. The rhythm of stocking.
on and on, and those intermittent
movements where the little finger
lifts a loop –off skein– of thread
that lies as light, lies as silk,
says progress, says prospect,
and all the time the pattern waits;
a finite length of yarn ahead.

*

La Sotte

Cette grande sotte de nouveau jour arrive
gauche dans son pyjama bleu
ignare de ce qui va
se passser, même de ce que ce soir
ses habits couverts de rouille,
de traces de sang, pâle et meurtrie
elle partira en claudicant, par-delà l'horizon
oubliant presque l'éclat
de son azur, l'or interminable
de son après-midi

Dunce

That great dunce the new day arrives
awkward in her blue pyjamas
knowing nothing of what will
happen, not even that by evening
her clothes will be smeared with rust,
streaks of blood, that bruised and pale
she will limp off, over the horizon
nearly forgetting the brilliance
of her azure, the long gold
of her afternoon