Cécile Guivarch, Si elles s’envolent

L'auteure de ces beaux livres de mémoire ("Renée en elle", "Sans Abuelo Petite", "Cent au printemps", "Sa mémoire m'aime") prolonge sa réflexion humaniste avec ce bouquet de textes adressés à ses mère, grand-mère, grand-tante, aux poètes (Marina Tsvetaeva), aux vedettes de l'écran (Marilyne, Brigitte, Françoise, Simone) et à toutes ces femmes qui ont tant oeuvré pour que leur sort soit moins funeste.

On retrouve la grâce, la finesse, et l'empathie de la poète qui sait si bien parler du temps révolu, de toutes les tâches ingrates, de tous ces corps appelés à travailler sans peur de suer ni de courber le corps sous la peine.

En brèves inflexions, sous la bannière de Denise Desautels ou de Denise Le Dantec, Cécile honore le labeur sous toutes ses formes, au temps où les moissons se faisaient à la main, et "recommençaient chaque printemps/ les mêmes gestes d'élan et de coeur", quand "c'était dur" de vivre, de travailler, femmes ou hommes même combat.

"Ma grand-mère comptait ses couches/ comme un oignon" : que de lessive à couler en rivière, que de linge à curer au soleil pour qu'il soit plus blanc.

Les usages du temps, les affres du corps, la splendide mémoire des corps : tout ici relève d'une ethnographie singulière, menée par une poète qui ne fait pas fi de ce qu'elle a vu des anciens, mais en garde rigoureusement les traces.

D'ailleurs, elle se niche, petite, dans certains fragments : "mes jambes comme des ailes/ j'avale le vent bouche ouverte" (p.18).

Cécile Guivarch, Si elles s'envolent, éd. Au Salvart, 2024, 74 p., 12 euros.

L'écriture fluide, nerveuse, qui ne s'embarrasse pas d'images, retrace avec force la période ("ce village sous Franco/ cinquante ans en arrière") .

Un très beau livre.

Présentation de l’auteur

Cécile Guivarch

Cécile Guivarch est franco-espagnole, née près de Rouen en 1976. Elle vit actuellement à Nantes où elle anime le site de poésie contemporaine Terre à Ciel.

Bibliographie

Prix Yves Cosson 2017 pour l’ensemble de l’œuvre

  • Terre à ciels, Les Carnets du Dessert de Lune, 2006
  • Planche en bois, Contre-Allées, Poètes au potager, 2007
  • Te visite le monde, Les Carnets du Dessert de Lune, 2009
  • Coups portés, Publie.net, 2009
  • La petite qu’ils disaient, Contre-Allées, Collection Lampe de poche, 2011
  • Le cri des mères, La Porte, 2012
  • Un petit peu d’herbes et des bruits d’amour, L’Arbre à paroles, 2013
  • Vous êtes mes aïeux, éditions Henry, 2014
  • Du soleil dans les orteils, La Porte, 2013
  • Regarde comme elle est belle, Le petit flou, 2014
  • Le bruit des abeilles, La Porte, 2014 (avec Valérie Canat de Chizy)
  • Gestes printaniers / Xestos primaverais, Amastra-n-gallar, 2014 (traduction Emilio Araúxo)
  • Felos au galop / Felos ao galop, Amastra-n-gallar, 2014 (traduction Emilio Araúxo)
  • Renée, en elle, éditions Henry, 2015
  • S’il existe des fleurs, L’Arbre à paroles, 2015, prix des collégiens Poesyvelynes 2017
  • Sans Abuelo Petite, Les Carnets du Dessert de Lune, 2017
  • Cent au printemps, Les cahiers du loup bleu, Les lieux dits éditions, 2021
  • C’est tout pour aujourd’hui, La tête à l’envers, 2021, Sélection Prix francophone international du Festival de la poésie de Montréal 2022
  • Tourner rond, Petit Va !, Centre culturel de la poésie jeunesse Tinqueux, 2023
  • Sa mémoire m’aime, Les carnets du dessert de lune, 2023
  • Partir, L'atelier des Noyers, 2023

Participation à des anthologies et recueils collectifs :

  • Avec tes yeux, éditions en forêt, em verlag
  • La fête de la vie n°5, éditions en forêt, em verlag
  • Creuser les voix, éditions Samizdat, 2012
  • Métissage, L’arbre à paroles, 2012
  • Momento nudo, L’arbre à paroles, 2013
  • DUOS – 118 jeunes poètes de langue française né.e.s à partir du 1970,
    Anthologie dirigée par Lydia PADELLEC, Bacchanales, 2018
  • Sidérer le silence – poésie en exil, dirigée par Laurent Grison, éditions Henry, 2018
  • La Beauté - Éphéméride poétique pour chanter la vie, Editions Bruno Doucey, 2019
  • Le Système poétique des éléments, 118 poètes, éditions invenit, 2019
  • Polyphonie pour Antoine Emaz, Hors série 2019 N 47 Revue de poésie, 2019
  • Nous, avec le poème comme seul courage – 84 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2020
  • Le désir en nous comme un défi au monde – 94 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2021
  • Quelque part, le feu, éditions Henry, 2023

Autres lectures

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Rencontre avec Cécile Guivarch : De la terre au ciel

Cécile Guivarch est poète, et créatrice d'une revue de poésie incontournable, qu'elle diffuse généreusement, et où elle crée le lieu d'u. travail pluriel, et de publications ouvertes à de multiples voix, Terre à ciel. Elle a publié plus d’une dizaine de recueils depuis 2006 ; parmi ses dernières publications, citons : Un petit peu d’herbes et de bruits d’amour, éditions l’Arbre à paroles, 2013, Du soleil dans les orteils, éditions La porte, 2013, Renée, en elle, éditions Henry, 2015, S’il existe des fleurs, éditions l’Arbre à paroles, 2015, Sans abuelo Petite, éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 2017, et dans de nombreuses revues comme Contre-Allées, Décharge, Sitaudis, Incertain regard et participé à plusieurs anthologies et recueils collectifs. Nombreux sot donc ses engagements, limpide son sourie. Elle a accepté de répondre à nos questions. 

Cécile, tu as créé le site de poésie en ligne Terre à ciel. Quand, et surtout pourquoi ? Comment t’est venue cette envie de porter et d’offrir ainsi gracieusement la poésie ?

Chère Carole, Terre à ciel est née en 2005. Dix-huit ans ! Cette aventure est donc arrivée à sa majorité. Je n’en crois pas vraiment mes yeux, mes oreilles. Et pourtant. Au départ, j’avais pour projet d’offrir aux internautes un site de poésie dans lequel on aurait pu trouver une grande majorité de poètes contemporains. J’imaginais une sorte d’encyclopédie. En cliquant sur le nom d’un poète on peut lire des extraits de ses livres, sa biographie, sa bibliographie. J’avais envie de donner envie aux internautes de lire de la poésie.

De découvrir des auteurs, des univers. De leur donner la soif d’en découvrir plus. De pouvoir assouvir leur soif. Cela m’est venu de mes propres recherches en poésie. Au début des années 2000, j’ai découvert l’œuvre de Roberto Juarroz puis celle de Paul Celan. Ces poètes m’ont éclairée sur ce que la poésie pouvait m’apporter, sur ce qu’elle pouvait apporter à d’autres. A partir de ce moment, j’ai voulu tout savoir de la poésie, alors je suis allée dans les librairies, les médiathèques et j’ai cherché sur le net tout ce que je pouvais lire. J’avais surtout envie de découvrir des poètes contemporains et au début des années 2000 il n’existait que peu de sites de poésie. C’est de ce manque qu’est née Terre à ciel.    Je pensais qu’en quelques mois j’aurais répertorié tous les poètes contemporains existants, mais dix-huit ans plus tard ce n’est pas vraiment fini ! Et c’est bon signe ! La poésie est vivante ! La poésie est en mouvement.
Comment conçois-tu tes numéros ? Et comment Terre à ciel a-t-elle évolué ?
Au départ, Terre à ciel était donc conçue pour être un site personnel, un répertoire de poètes contemporains. Mais vite j’ai eu envie de parler de mes lectures, d’y intégrer des notes de poésie, de publier des voix amies émergentes… Des personnes ont commencé à m’envoyer des contributions que j’ai accepté de publier. Je trouvais que cela permettait d’élargir ma vision de la poésie. Puis vers 2009, je crois, des amis poètes, je nomme Sophie G. Lucas et Sabine Chagnaud, m’ont demandé s’il était possible de m’aider… C’est comme cela que Terre à ciel est devenue une équipe… C’est comme cela que nous avons commencé à fonctionner comme une revue. D’autres personnes nous ont rejoints par la suite… Sabine Huynh, Roselyne Sibille, Armand Dupuy, Roland Cornthwaith, Christine Bloyet, Mélanie Leblanc, Jean-Marc Undriener, Clara Regy, Isabelle Lévesque, Florence Saint-Roch, Françoise Delorme, Sabine Dewulf, Olivier Vossot  et tout récemment Justine Duval… Certains membres ont été de passage et ont apporté énormément à la revue. D’autres traversent les années à mes côtés et c’est un plaisir. Nous concevons les numéros tous ensemble. Déjà par le choix des jeunes poètes que nous mettons en avant. Nous recevons des contributions par la boîte de contact du site ou parfois nous sollicitons des extraits auprès de poètes que nous remarquons. Puis nous concevons les numéros au fil des rencontres, dans les festivals, les salons, au fil de nos lectures, de nos découvertes.  Des contributeurs extérieurs nous font également des propositions. Nous restons ouverts, c’est cela qui fait l’esprit de Terre à ciel.

Clip a été réalisé à partir du recueil Tourner Rond écrit par Cécile Guivarch et édité par la ©ollection Petit Va ! En 2023. Lecture par l’auteure enregistrée en 2023. Création sonore Rémy Peray. Réalisation et montage L'écrit du son.

© Centre de créations pour la jeunesse Collection Petit Va !

Tu es poète. Pourquoi la poésie ?
La poésie car elle sert à exprimer ce que je ne pourrais faire sans elle. La poésie est le moyen de rendre compte des plus profondes émotions et sensations. De les libérer. Elle est l’écriture du corps autant que celle de l’âme. Elle permet également d’avancer, d’ouvrir l’esprit, d’accepter ce qui fait peur. Elle garde l’empreinte du présent mais se souvient aussi du passé, de ceux qui nous ont précédés. Elle permet une grande liberté et un constant travail sur la langue. La poésie est vraiment riche et vivante. Elle aide à mieux vivre.

La poésie peut-elle affirmer, et donner à voir, une fraternité, est-elle le lieu d’un rassemblement humaniste qui dépasse toute frontière ?
Oui, j’en suis assez convaincue. La poésie permet de rassembler. La poésie n’a pas de frontière et en même temps elle rend compte de ce qui se passe dans le monde. La poésie est un relai, elle témoigne. Je suis presque convaincue que si tous les enfants lisaient de la poésie, peut-être il y aurait moins de haine dans ce monde, moins de guerres. Je dis « presque convaincue » car est-il possible de refaire l’homme ?
Que peut-elle transmettre ?
Elle peut transmettre de beaux messages. Aider à mieux vivre. Accepter ce qui est inacceptable. A comprendre. Elle aide à réfléchir. Car si on ne comprend pas toujours un poème, il infuse en nous une réflexion. Nous amène à nous questionner là où on ne se posait plus de questions. Elle nous prépare à perdre aussi. La poésie parle de la vie mais aussi de la mort.

La revue de poésie en ligne Terre à ciel - https://www.terreaciel.net/

Penses-tu qu’elle soit lue, et fréquentée, surtout par les plus jeunes ?
Pas suffisamment à mon goût. Déjà remarquons que les rayons poésie dans les librairies ne sont pas forcément les plus garnis, et ne représentent pas toujours ce qui s’écrit de nos jours en poésie. Heureusement au programme du bac de français est entrée la poétesse Hélène Dorion. Certains professeurs font du bon travail auprès des plus jeunes et ont compris l’intérêt de le faire. Je pense par exemple au travail que Michel Fievet, professeur de poésie et éditeur à L’Ail des ours, a fait avant son départ en retraite auprès des jeunes. Mais je pense aussi que la plupart des professeurs de français ne connaissent pas suffisamment la poésie contemporaine, ou n’osent pas assez sortir du programme de l’Éducation nationale. Or la poésie, c’est un entrainement.
Et les jeunes auraient bien besoin d’elle. Je salue le beau travail du Central National pour l’Enfance de Tinqueux qui organise des événements autour de la poésie pour les jeunes et publie revues et livres qui leur sont dédiés. Je pense par exemple au travail de Bernard Friot qui écrit pour les jeunes. Sabine Zuberek Kotlarczik et Sabine Dewulf ont également créé le Prix Pierre Dhainaut du Livre d'artiste dans l'Académie de Lille, qui s'adresse à tous les élèves depuis la primaire (CM1-CM2) jusqu'au lycée, en 1ère. C’est une superbe initiative pour faire lire de la poésie aux jeunes, surtout lorsque l’on sait qu’elles voudraient l’étendre au niveau national. Et j’oubliais, j’ai été lauréate du Prix Poésyvelynes en 2017 pour mon livre S’il existe des fleurs, paru aux éditions L’Arbre à paroles, ce prix est l’occasion pour des collégiens lecteurs de décerner un prix à un livre de poésie et donc de la diffuser. Nous avions été heureux avec mon éditeur quand nous sommes allés à la remise du prix de constater qu’un élève avait dérobé un livre sur l’étalage, nous aurions pu crier « Au voleur ! » mais non ! Nous étions heureux que la poésie intéresse cet élève. Je pense aux salons, aux festivals de poésie, mais qui ne sont peut-être pas assez fréquentés en dehors d’un public d’avisés… mais l’espoir n’est pas vain… car dans ces endroits parfois des rencontres se font avec des personnes qui ne connaissaient pas la poésie. Espérons gagner ainsi de nouveaux lecteurs !    
As-tu des témoignages, des retours de lecteurs ?
Oui, de nombreux témoignages. Les lecteurs de Terre à ciel sont contents d’y trouver beaucoup de choses à lire. Notamment on me parle beaucoup de l’esprit d’ouverture de Terre à ciel et d’y trouver des idées de lectures.
Comment diffuser la poésie, plus encore, et permettre aux gens de se rassembler autour du poème ?
Déclamer dans la rue ! Distribuer des poèmes dans les boîtes aux lettres. Lire un poème chaque soir au JT de 20 heures ! Mettre à disposition des poèmes dans les salles d’attente. La RATP le fait déjà avec son concours de poèmes. Je trouve cela formidable ! Il devrait y avoir un poème affiché à chaque coin de rue, dans toutes les vitrines, sur toutes les boîtes aux lettres ! Soyons nous-mêmes des poèmes !
Les guerres se multiplient sur la planète. Comment la poésie peut-elle aider à l’édification d’un monde pacifique et serein ? Que peut le poème ?
Les guerres… Nous poètes nous assistons. Impuissants. Témoins. Nous écrivons. Crions. Décrions. Dénonçons. J’ai l’impression que nous sommes si petits face à ces horreurs, face à ces guerres qui sans cesse recommencent. Je ne sais pas si le poème peut beaucoup pour la pacification. Ou alors il faudrait que ce soit la poésie qui passe au JT de 20 heures. Et non pas la guerre. Notre monde, les médias, ne nous font voir que les mauvaises choses, on nous maintient dans un climat constant de peur et de haine. Je suis convaincue que si les médias nous montraient la beauté du monde, la richesse des interactions entre les hommes, la bienveillance et l’altruisme, le monde serait bien plus beau. Car le monde est beau si on le regarde de plus près et dans ce qu’il a de beau.  
Et demain ? Des numéros particuliers en vue, des actions ? Ta poésie ?
Cela continue. Le prochain numéro est pour mi-décembre. Il y aura notamment une anthologie organisée par Florence Saint-Roch : « Brasser les cartes ». Ensuite ce sera le numéro d’avril puis celui de l’été. Nous sommes passés de 4 numéros annuels à 3. C’est du travail, de l’investissement et nous avons nos vies personnelles et professionnelles. Pour ma poésie, je viens de publier trois livres cette année : Tourner rond, dans la collection Petit VA ! du centre national pour la poésie jeunesse de Tinqueux, un livre qui a été écrit notamment en réaction à la guerre en Ukraine. Sa mémoire m’aime, aux éditions des Carnets du Dessert de Lune, un livre sur les deux dernières années de vie de ma maman atteinte d’Alzheimer. Partir vient tout juste de paraître à L’Atelier des Noyers, un livre en collaboration avec l’artiste Alexia Atmouni, très beau. Et voilà, la suite s’écrit en marchant. Merci Carole !     
Merci Cécile ! 

Présentation de l’auteur

Cécile Guivarch

Cécile Guivarch est franco-espagnole, née près de Rouen en 1976. Elle vit actuellement à Nantes où elle anime le site de poésie contemporaine Terre à Ciel.

Bibliographie

Prix Yves Cosson 2017 pour l’ensemble de l’œuvre

  • Terre à ciels, Les Carnets du Dessert de Lune, 2006
  • Planche en bois, Contre-Allées, Poètes au potager, 2007
  • Te visite le monde, Les Carnets du Dessert de Lune, 2009
  • Coups portés, Publie.net, 2009
  • La petite qu’ils disaient, Contre-Allées, Collection Lampe de poche, 2011
  • Le cri des mères, La Porte, 2012
  • Un petit peu d’herbes et des bruits d’amour, L’Arbre à paroles, 2013
  • Vous êtes mes aïeux, éditions Henry, 2014
  • Du soleil dans les orteils, La Porte, 2013
  • Regarde comme elle est belle, Le petit flou, 2014
  • Le bruit des abeilles, La Porte, 2014 (avec Valérie Canat de Chizy)
  • Gestes printaniers / Xestos primaverais, Amastra-n-gallar, 2014 (traduction Emilio Araúxo)
  • Felos au galop / Felos ao galop, Amastra-n-gallar, 2014 (traduction Emilio Araúxo)
  • Renée, en elle, éditions Henry, 2015
  • S’il existe des fleurs, L’Arbre à paroles, 2015, prix des collégiens Poesyvelynes 2017
  • Sans Abuelo Petite, Les Carnets du Dessert de Lune, 2017
  • Cent au printemps, Les cahiers du loup bleu, Les lieux dits éditions, 2021
  • C’est tout pour aujourd’hui, La tête à l’envers, 2021, Sélection Prix francophone international du Festival de la poésie de Montréal 2022
  • Tourner rond, Petit Va !, Centre culturel de la poésie jeunesse Tinqueux, 2023
  • Sa mémoire m’aime, Les carnets du dessert de lune, 2023
  • Partir, L'atelier des Noyers, 2023

Participation à des anthologies et recueils collectifs :

  • Avec tes yeux, éditions en forêt, em verlag
  • La fête de la vie n°5, éditions en forêt, em verlag
  • Creuser les voix, éditions Samizdat, 2012
  • Métissage, L’arbre à paroles, 2012
  • Momento nudo, L’arbre à paroles, 2013
  • DUOS – 118 jeunes poètes de langue française né.e.s à partir du 1970,
    Anthologie dirigée par Lydia PADELLEC, Bacchanales, 2018
  • Sidérer le silence – poésie en exil, dirigée par Laurent Grison, éditions Henry, 2018
  • La Beauté - Éphéméride poétique pour chanter la vie, Editions Bruno Doucey, 2019
  • Le Système poétique des éléments, 118 poètes, éditions invenit, 2019
  • Polyphonie pour Antoine Emaz, Hors série 2019 N 47 Revue de poésie, 2019
  • Nous, avec le poème comme seul courage – 84 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2020
  • Le désir en nous comme un défi au monde – 94 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2021
  • Quelque part, le feu, éditions Henry, 2023

Autres lectures

Cécile Guivarch, Renée en elle

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En petites proses toutes gonflées d’une émotion retenue, non feinte, le livre s’écoule des rives de l’enfance aux bords de la vieillesse de la mère, partie en 2021.

Avec la mère, c’est l’Espagne quittée – la Galice, ce sont les fleurs que la mère aimait tant (elle avait le jardin le plus fleuri du village). Ce sont les ancêtres car une fois de plus Cécile parle des siens, avant c’était son « abuelo », sa grand-mère, ses parents émigrés. Ce tissage familial donne aux textes leur pesant d’authentique ferveur.

On plonge dans toutes ces années où fille et mère se sont tenu la main – geste depuis l’enfance. Et dire, redire cet attachement de toujours avec les mots de la dérive, des fins de parcours terribles, et Cécile d’évoquer le temps où les syllabes se mélangeront, où les prénoms seront oubliés.

« J’écris ma mère » : elle écrit sa mémoire vive, sa mémoire déclinante, son jardin, ses fleurs, sa langue (elle a appris le français), son travail (« toute sa vie les mains dans l’eau »). Que de vive émotion à lire ces textes, qui s’adressent à toutes les mères.

Guivarch, une fois de plus, nous donne une leçon de vie, dans une prose poétique, avec ses mouvements courts, ses phrases haletantes, le souffle d’une vie liée aux autres – à l’aune de ce que fut sa mère pour les autres.








Cécile GUIVARCH, Sa mémoire m’aime, Les Carnets du Dessert de Lune, 2023, 92 p. ; 15 euros. Illustrations de Pascale Marbot.

Présentation de l’auteur

Cécile Guivarch

Cécile Guivarch est franco-espagnole, née près de Rouen en 1976. Elle vit actuellement à Nantes où elle anime le site de poésie contemporaine Terre à Ciel.

Bibliographie

Prix Yves Cosson 2017 pour l’ensemble de l’œuvre

  • Terre à ciels, Les Carnets du Dessert de Lune, 2006
  • Planche en bois, Contre-Allées, Poètes au potager, 2007
  • Te visite le monde, Les Carnets du Dessert de Lune, 2009
  • Coups portés, Publie.net, 2009
  • La petite qu’ils disaient, Contre-Allées, Collection Lampe de poche, 2011
  • Le cri des mères, La Porte, 2012
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  • Renée, en elle, éditions Henry, 2015
  • S’il existe des fleurs, L’Arbre à paroles, 2015, prix des collégiens Poesyvelynes 2017
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  • Tourner rond, Petit Va !, Centre culturel de la poésie jeunesse Tinqueux, 2023
  • Sa mémoire m’aime, Les carnets du dessert de lune, 2023
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  • Le désir en nous comme un défi au monde – 94 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2021
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Le livre, de totale empathie, eût pu s’intituler « Le livre de ma mère » car ici respire l’hommage d’une fille à sa mère, dont l’attachement précieux a subi, en fin de parcours, le travail [...]

Rencontre avec Cécile Guivarch : De la terre au ciel

Cécile Guivarch est poète, et créatrice d'une revue de poésie incontournable, qu'elle diffuse généreusement, et où elle crée le lieu d'u. travail pluriel, et de publications ouvertes à de multiples voix, Terre à [...]




Cécile Guivarch, Cent ans au printemps

C’est presque rien. Pendant trente pages, avancer la main dans la main de Dédé Guivarch, ou plutôt :

Grand-père marche vers moi
me cueillir dans le verger

C’est son souvenir qui vient cueillir Cécile, devenue la pomme d’un pommier, et lui fait dérouler son poème. Il n’y aura pas de grand mot, et pour cause :

Ses mots au quotidien 
très peu de choses

le blaireau sur le lavabo
le tabac à rouler

l’ancre sur sa casquette
ses bleu et ses bottes
une vie entre terre et mer

Cécile Guivarch, Cent ans au printemps, éd. Les Lieux-Dits, coll. Cahiers du Loup bleu, 36 p., 7 €.

Et Cécile Guivarch ajoute en contrepoint, puisque chaque poème reçoit un écho parfois ironique parfois nostalgique, parfois les deux :

Je caresse ses médailles
(toute une vie)

Donc peu de choses à dire, et c’est tout. Le tout des sensations, des images qui reviennent telles quelles, le petit ruisseau en contrebas, les lapins dans les clapiers, les marques de la guerre passée, un vieux poirier redevenu sauvage… 

Il aurait eu cent ans au printemps
vingt ans comme ses années de mer

j’ai une barque dans la tête
elle va et vient avec les vagues

La barque du grand père a emporté Cécile dans la poésie de l’essentiel. Elle dit qu’il l’était peut-être, poète, avec « un faux air à Thierry Metz avec son bleu de travail ».

On s’étonne : si peu de chose, une telle économie d’écriture, et pourtant tout est  là. Cécile Guivarch est plus qu’une poète, c’est une sorcière qui d’un coup de stylo magique évoque tout avec rien.

 

Présentation de l’auteur

Cécile Guivarch

Cécile Guivarch est franco-espagnole, née près de Rouen en 1976. Elle vit actuellement à Nantes où elle anime le site de poésie contemporaine Terre à Ciel.

Bibliographie

Prix Yves Cosson 2017 pour l’ensemble de l’œuvre

  • Terre à ciels, Les Carnets du Dessert de Lune, 2006
  • Planche en bois, Contre-Allées, Poètes au potager, 2007
  • Te visite le monde, Les Carnets du Dessert de Lune, 2009
  • Coups portés, Publie.net, 2009
  • La petite qu’ils disaient, Contre-Allées, Collection Lampe de poche, 2011
  • Le cri des mères, La Porte, 2012
  • Un petit peu d’herbes et des bruits d’amour, L’Arbre à paroles, 2013
  • Vous êtes mes aïeux, éditions Henry, 2014
  • Du soleil dans les orteils, La Porte, 2013
  • Regarde comme elle est belle, Le petit flou, 2014
  • Le bruit des abeilles, La Porte, 2014 (avec Valérie Canat de Chizy)
  • Gestes printaniers / Xestos primaverais, Amastra-n-gallar, 2014 (traduction Emilio Araúxo)
  • Felos au galop / Felos ao galop, Amastra-n-gallar, 2014 (traduction Emilio Araúxo)
  • Renée, en elle, éditions Henry, 2015
  • S’il existe des fleurs, L’Arbre à paroles, 2015, prix des collégiens Poesyvelynes 2017
  • Sans Abuelo Petite, Les Carnets du Dessert de Lune, 2017
  • Cent au printemps, Les cahiers du loup bleu, Les lieux dits éditions, 2021
  • C’est tout pour aujourd’hui, La tête à l’envers, 2021, Sélection Prix francophone international du Festival de la poésie de Montréal 2022
  • Tourner rond, Petit Va !, Centre culturel de la poésie jeunesse Tinqueux, 2023
  • Sa mémoire m’aime, Les carnets du dessert de lune, 2023
  • Partir, L'atelier des Noyers, 2023

Participation à des anthologies et recueils collectifs :

  • Avec tes yeux, éditions en forêt, em verlag
  • La fête de la vie n°5, éditions en forêt, em verlag
  • Creuser les voix, éditions Samizdat, 2012
  • Métissage, L’arbre à paroles, 2012
  • Momento nudo, L’arbre à paroles, 2013
  • DUOS – 118 jeunes poètes de langue française né.e.s à partir du 1970,
    Anthologie dirigée par Lydia PADELLEC, Bacchanales, 2018
  • Sidérer le silence – poésie en exil, dirigée par Laurent Grison, éditions Henry, 2018
  • La Beauté - Éphéméride poétique pour chanter la vie, Editions Bruno Doucey, 2019
  • Le Système poétique des éléments, 118 poètes, éditions invenit, 2019
  • Polyphonie pour Antoine Emaz, Hors série 2019 N 47 Revue de poésie, 2019
  • Nous, avec le poème comme seul courage – 84 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2020
  • Le désir en nous comme un défi au monde – 94 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2021
  • Quelque part, le feu, éditions Henry, 2023

Autres lectures

Cécile Guivarch, Renée en elle

« Renée, mon aïeule », ce sont les premiers mots du récit bouleversant que nous livre Cécile Guivarch et déjà avec ce titre Renée, en elle, toute la présence puissante de cette aïeule dans le corps [...]

Le prix Yves Cosson 2017 : Cécile Guivarch

La rencontre de Cécile Guivarch avec l’écriture du poète argentin Roberto Juarroz a été fondamentale, ce fut pour elle la découverte de la poésie contemporaine facilitée ensuite grâce à des sites comme celui [...]

Cécile Guivarch, Sans abuelo Petite

Cécile Guivarch dans nombre de ses recueils creuse la question de la lignée, des transmissions d’une génération à la suivante. Comment existe-t-on dans ce mouvement ? Comment à partir des absences ,des silences,  des [...]

Cécile Guivarch, Cent ans au printemps

Se souvenir nous met au monde Pour Cécile Guivarch Comment garder ceux qui partent à jamais, si ce n’est en voyageant encore avec eux, les invisibles, dans « la barque » des [...]

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Le livre, de totale empathie, eût pu s’intituler « Le livre de ma mère » car ici respire l’hommage d’une fille à sa mère, dont l’attachement précieux a subi, en fin de parcours, le travail [...]

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Cécile Guivarch, Cent ans au printemps

Se souvenir nous met au monde

Pour Cécile Guivarch

Comment garder ceux qui partent à jamais, si ce n’est en voyageant encore avec eux, les invisibles, dans « la barque » des souvenirs qui vont et viennent au gré d’émotions plus fortes que nous et qui nous appellent à chercher les mots ? Dans ce court recueil, de Cécile Guivarch, Cent ans au printemps, paru aux éditions Les Lieux Dits, les passagers sont deux, un mort aimé qui « aurait eu cent ans au printemps » et  sa petite-fille adulte qui cherche à « faire revenir » la vie en les réunissant dans l’enfance de l’écriture.

Le poème ne serait-il pas notre seul recours à l’heure de la séparation, nous souffle la poète dans ces vers, en nous invitant à revivre le très peu immense d’un quotidien et d’une relation de tendresse vécue dans l’enfance et par-delà : «elle courait et court encore / (là où elle est ) ». Comme si au fond la mort permettait d’ouvrir au présent un vécu remonté du puits du temps, et de le revisiter. Sourcière d’images, de sensations et de sentiments, Cécile Guivarch nous entraîne dans cette revisitation.

Cécile Guivach, Cent ans au printemps, Les Lieux-Dits, collection Les Cahiers du loup bleu.

Et sa peine, grâce à l’écriture, se transforme en succédané des bonheurs, puisque la langue lui permet de ressaisir la douceur d’un réel enfui et de lui donner un prolongement dans la parole habitée de la poésie.         

La mémoire qui dure donne ainsi une nouvelle naissance à l’être. Les vingt-deux poèmes du recueil égrènent les souvenirs de la narratrice dans des strophes ordonnées en deux parties séparées par un astérisque. La première partie, construite en deux distiques et un tercet, télescope les époques en décrivant un retour vers une campagne ancienne, à la fois même et autre : «  Les champs le bruit du tracteur », la couleur vespérale des blés, la texture de la terre « sous les ongles » sont décrits sous le ciel bleu d’un hiver désormais « sans feuilles », il n’y aura pas de printemps pour le disparu. Dans la douleur de l’adieu, le cœur  a besoin de revivifier les scènes familières de l’enfance, de retrouver les bruits, les odeurs, les gestes qui l’ont faite. La poète peut ainsi dessiner le portrait de celui avec qui elle a habité cet univers aujourd’hui déserté par lui - après elle. Elle nous rend sa présence à travers une histoire de vie que content les objets qui lui ont appartenu : «  le blaireau »,  « le tabac à rouler » et  « les médailles » d’ancien combattant deviennent des témoins muets.  Les lieux partagés ensemble, la maison avec «  le carillon de la salle à manger », comme « le jardin étendu plus loin que le jardin », sont à nouveau foulés. Malgré « le vide » laissé par l’absence,  tous retrouvent leur place sensible dans le regard de la narratrice.  Nostalgique, elle observe aussi les changements du paysage, tels  « les arbres » désormais « alignés sur la crête ».

Les strophes qui se succèdent sans ponctuation donnent à voir, à entendre et à sentir tout ce qui assaille la poète au bord du tombeau. A travers l’évocation de ce grand-père disparu, c’est la fin d’une enfance et d’un monde dont il s’agit. Mais ce qui en demeure se nomme lien – d’amour. De l’homme attentif mais taiseux, loup de mer  «  en bleu de travail », Cécile Guivarch veut « toucher la présence », et ressusciter son mode de vie simple, son courage sa tendresse retenue et l’ancrage de la relation qui les unissait. Comme l’écolière de jadis écrivant sa rédaction, elle tente « d’écrire ses yeux », leur couleur si particulière, «  leur transparence d’eau » désormais « invisible ». Dans la deuxième partie des poèmes, un autre distique aux vers plus brefs, souligne le va-et-vient de la pensée de la narratrice entre ce passé perdu et le présent en train de vivre l’adieu. Le deuxième vers des distiques toujours en italiques exprime le monologue intérieur de la poète : « (c’est rapide de mourir) », constate-t-elle mais il est possible de « redonner une deuxième vie », car écrire comme «  se souvenir nous met au monde ».

Cette « deuxième vie »  battante, celle de l’écriture, mêle le plus intime au plus universel. Dans ces vers écrits à la première personne, Cécile Guivarch choisit l’ellipse et un lyrisme discret qui nous invitent à poursuivre avec elle un voyage intérieur personnel. Ne traduit-elle pas en effet ce qui traverse chacun de nous, corps, pensée et âme, à la mort d’un être cher, aussi âgé soit-il ? Et quand celui-ci appartient à la geste familiale, le poème qui en vient accomplit le retour inévitable vers l’enfance qui nous fonde et nous habite interminablement. Grâce au flux des souvenirs et à l’intensité des perceptions suscitées par les lieux et les choses revisités, nous la suivons dans ce passage qui est descente et remontée. Cécile Guivarch en ce petit recueil construit une maison de mémoire où tout ce qui revient de l’oubli va trouver sa voix sur la page. Certes le poème n’effacera pas la séparation ni l’absence mais, en nous apprenant à parler la mort, il nous apprend aussi à parler la vie. Ces poèmes de l’adieu sont aussi poèmes de l’amour qui unit les vivants aux morts par-delà toute séparation.

                                         

Présentation de l’auteur

Cécile Guivarch

Cécile Guivarch est franco-espagnole, née près de Rouen en 1976. Elle vit actuellement à Nantes où elle anime le site de poésie contemporaine Terre à Ciel.

Bibliographie

Prix Yves Cosson 2017 pour l’ensemble de l’œuvre

  • Terre à ciels, Les Carnets du Dessert de Lune, 2006
  • Planche en bois, Contre-Allées, Poètes au potager, 2007
  • Te visite le monde, Les Carnets du Dessert de Lune, 2009
  • Coups portés, Publie.net, 2009
  • La petite qu’ils disaient, Contre-Allées, Collection Lampe de poche, 2011
  • Le cri des mères, La Porte, 2012
  • Un petit peu d’herbes et des bruits d’amour, L’Arbre à paroles, 2013
  • Vous êtes mes aïeux, éditions Henry, 2014
  • Du soleil dans les orteils, La Porte, 2013
  • Regarde comme elle est belle, Le petit flou, 2014
  • Le bruit des abeilles, La Porte, 2014 (avec Valérie Canat de Chizy)
  • Gestes printaniers / Xestos primaverais, Amastra-n-gallar, 2014 (traduction Emilio Araúxo)
  • Felos au galop / Felos ao galop, Amastra-n-gallar, 2014 (traduction Emilio Araúxo)
  • Renée, en elle, éditions Henry, 2015
  • S’il existe des fleurs, L’Arbre à paroles, 2015, prix des collégiens Poesyvelynes 2017
  • Sans Abuelo Petite, Les Carnets du Dessert de Lune, 2017
  • Cent au printemps, Les cahiers du loup bleu, Les lieux dits éditions, 2021
  • C’est tout pour aujourd’hui, La tête à l’envers, 2021, Sélection Prix francophone international du Festival de la poésie de Montréal 2022
  • Tourner rond, Petit Va !, Centre culturel de la poésie jeunesse Tinqueux, 2023
  • Sa mémoire m’aime, Les carnets du dessert de lune, 2023
  • Partir, L'atelier des Noyers, 2023

Participation à des anthologies et recueils collectifs :

  • Avec tes yeux, éditions en forêt, em verlag
  • La fête de la vie n°5, éditions en forêt, em verlag
  • Creuser les voix, éditions Samizdat, 2012
  • Métissage, L’arbre à paroles, 2012
  • Momento nudo, L’arbre à paroles, 2013
  • DUOS – 118 jeunes poètes de langue française né.e.s à partir du 1970,
    Anthologie dirigée par Lydia PADELLEC, Bacchanales, 2018
  • Sidérer le silence – poésie en exil, dirigée par Laurent Grison, éditions Henry, 2018
  • La Beauté - Éphéméride poétique pour chanter la vie, Editions Bruno Doucey, 2019
  • Le Système poétique des éléments, 118 poètes, éditions invenit, 2019
  • Polyphonie pour Antoine Emaz, Hors série 2019 N 47 Revue de poésie, 2019
  • Nous, avec le poème comme seul courage – 84 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2020
  • Le désir en nous comme un défi au monde – 94 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2021
  • Quelque part, le feu, éditions Henry, 2023

Autres lectures

Cécile Guivarch, Renée en elle

« Renée, mon aïeule », ce sont les premiers mots du récit bouleversant que nous livre Cécile Guivarch et déjà avec ce titre Renée, en elle, toute la présence puissante de cette aïeule dans le corps [...]

Le prix Yves Cosson 2017 : Cécile Guivarch

La rencontre de Cécile Guivarch avec l’écriture du poète argentin Roberto Juarroz a été fondamentale, ce fut pour elle la découverte de la poésie contemporaine facilitée ensuite grâce à des sites comme celui [...]

Cécile Guivarch, Sans abuelo Petite

Cécile Guivarch dans nombre de ses recueils creuse la question de la lignée, des transmissions d’une génération à la suivante. Comment existe-t-on dans ce mouvement ? Comment à partir des absences ,des silences,  des [...]

Cécile Guivarch, Cent ans au printemps

Se souvenir nous met au monde Pour Cécile Guivarch Comment garder ceux qui partent à jamais, si ce n’est en voyageant encore avec eux, les invisibles, dans « la barque » des [...]

Cécile Guivarch, Cent ans au printemps

C’est presque rien. Pendant trente pages, avancer la main dans la main de Dédé Guivarch, ou plutôt : Grand-père marche vers moi me cueillir dans le verger C’est son souvenir [...]

Cécile Guivarch, Sa mémoire m’aime

Le livre, de totale empathie, eût pu s’intituler « Le livre de ma mère » car ici respire l’hommage d’une fille à sa mère, dont l’attachement précieux a subi, en fin de parcours, le travail [...]

Rencontre avec Cécile Guivarch : De la terre au ciel

Cécile Guivarch est poète, et créatrice d'une revue de poésie incontournable, qu'elle diffuse généreusement, et où elle crée le lieu d'u. travail pluriel, et de publications ouvertes à de multiples voix, Terre à [...]




Cécile Guivarch, Sans abuelo Petite

Cécile Guivarch dans nombre de ses recueils creuse la question de la lignée, des transmissions d’une génération à la suivante. Comment existe-t-on dans ce mouvement ? Comment à partir des absences ,des silences,  des dons aussi se construit-on ? ces questions sont  renforcées par celle de l’exil, qui est un thème très présent dans ce beau livre de poèmes. Car c’est une vraie langue de poète qui porte trace de ce qui vient des temps de l’enfance.

Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite, Editions Les Carnets du dessert de Lune, Bruxelles, 2017, 78 pages, 13€.

Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite, Editions Les Carnets du dessert de Lune, Bruxelles, 2017, 78 pages, 13€.

Dans « Sans Abuelo Petite » il  s’agit d’un grand-père parti d’Espagne pour Cuba, et jamais revenu alors que son épouse était enceinte de la mère de la narratrice, mère qui elle-même vint s’installer en France. Cécile Guivarch empoigne sa douleur , celle de sa mère, de sa grand-mère et réussit à en faire un poème du désir de l’absent quel qu’il soit, nécessaire à la construction de notre identité.

 

m’as-tu imaginée ?  (p 65)

ton histoire se cramponne à mes épaules (p 65)

 

Au-delà de l’histoire familiale précise, ces textes ouvrent une sensibilité à l’exil, thème , hélas, fortement contemporain auquel nous devrions davantage nous intéresser :

L’exil, le départ :

 

le corps se courbe
Sous le poids de la valise
Quelque chose d’aussi lourd
Le cœur au fond (p 13)

 

L’exil , la perte des langues

 

elle ne connait plus la totalité de sa langue. Elle revient par fragments. Puis elle débite. En galicien. Ou un mélange des deux. (p 23)

 

L’exil, le fracassement de soi , de chaque côté du silence et des questions sans réponse

 

tu ne sais pas l’odeur des fleurs de mon jardin (…)
J’ai poussé sans prendre racine (p 34)

 

Avec une grande maîtrise , Cécile Guivarch évoque , de manière concise , elliptique mais efficace les soubresauts du monde qui mènent au départ. On voit l’Espagne, la dictature franquiste

 

Même les oiseaux se taisaient
Les uns les bouches pleines de terre
Disparaissaient dans de grandes fosses (p24)

 

petite les guerres me faisaient peur
J’entendais la terreur des mères
Le sang se répandre hors des corps (p36)

 

 

Tous ces thèmes sont portés on le voit par un important travail de langue : deux langues , deux graphies, deux formes poétiques, dualité qui constitue l’auteure, et parfois scission dans le partage de l’âme et du corps, douleur de l’absence, mais aussi dans cette dualité , effort de jonction  de soi dans l’autre, force d’amour même séparés.

 

te tengo en mi corpo
Como un pedazo de ti (p42)

 

Cécile utilise le poème et la prose poétique : dans l’une , les touches narratives délicates  brossent des scènes ou prennent  un ton plus réflexif

 

ma mère est née là-bas mais habite ici. Elle dit que là-bas ce n’est plus chez elle. Ici ce n’est pas chez elle non plus (…) p37

Dans nos cabanes on rêve. Moi je pense à mon abuelo. Un jour il viendra peut-être dans ma cabane. Comme un génie. J’essaie de le convoquer. Mais il doit avoir les oreilles bouchées. (p45)

 

Le poème ,lui, enserre dans sa langue tendue , l’impossible des retrouvailles désirées, la douleur de chacun , la difficulté à être dans l’absence, et la plupart du temps en enracinant le poème dans la nature , jardin ou océan.

 

ne plus rien taire
remuer la langue crier
Restera-t-il des fleurs
Le vieux rosier arraché (p 26)

la mer a pris ton visage (p 44)

 

Cécile Guivarch fait œuvre de ce que sa lignée lui a donné , langue, identité, images voilées , images perdues, et tendresse pour écrire un livre fort, magnifique , inscrit certes dans une histoire personnelle mais dont tout le travail d’un grand poète permet des résonnances pour tous les exilés de fait dans notre monde actuel et pour nous  tous aussi qui tâtonnons à être.

 

comment savoir ce qui nous poursuit
Et pèse autant ? ( p 67)




Le prix Yves Cosson 2017 : Cécile Guivarch

La rencontre de Cécile Guivarch avec l’écriture du poète argentin Roberto Juarroz a été fondamentale, ce fut pour elle la découverte de la poésie contemporaine facilitée ensuite grâce à des sites comme celui de Silvaine Arabo ou remue.net.

Remise du Prix Yves Cosson à Cécile Guivard en mai 2017 (© photo de C. Guivarch)

Remise du Prix Yves Cosson à Cécile Guivard en mai 2017 (© photo de C. Guivarch)

Cécile Guivarch contribue à son tour, depuis plusieurs années à faire connaître la poésie française contemporaine et étrangère, puisqu’elle anime depuis 2008 le site Terre à Ciel, pour dit-elle : «  Permettre à d’autres d’accéder à la lecture des poètes et donner des liens vers d’autres sites. » On y trouve de belles traductions, la traduction est pour Cécile qui est bilingue une création à part entière 
Ce qui caractérise ce site, c’est une ouverture au monde : «  Je suis moi-même un petit mélange franco espagnol, cubain, breton, argentin, normand, ce qui doit avoir un lien avec mon attirance pour les voix du monde. »
Avant Terre à Ciel,  elle a animé un groupe Yahoo intitulé «  Voix du monde »

« Ecrire et surtout de la poésie me permet d’exprimer ce que j’ai au plus profond » dit-elle.

 Son  écriture est comme une pulsation, un battement de cœur, les mots souvent au rythme du souffle et de l’oralité, une écriture marquée par toutes ces langues qui ont bercé son enfance : le français sa langue paternelle, l’espagnole la langue maternelle, sans oublier le galicien et le patois normand ; toutes s’inscrivent dans sa filiation, comme son œuvre dont la singularité repose sur un travail de mémoire qui ne cesse de puiser dans les archives familiales.

En exergue de son dernier recueil Sans Abuelo petite, Cécile Guivarch a choisi cette phrase de Jean Cocteau : «  Le poète ne chante juste que dans son arbre généalogique » une citation qui illustre parfaitement son chant poétique qui se nourrit de la mémoire familiale le plus souvent transcrite par la mère. Cécile Guivarch ne cesse de tisser toutes ces histoires, de renouer avec les vies de ses ancêtres, comme ce grand père inconnu, exilé à Cuba, cette tante qui a fui le franquisme et est partie en Argentine ou l’ancêtre paternelle Renée qui vivait en Bretagne.

Toutes ces vies qui l’habitent, la poète les réunit dans son œuvre au fil de ses recueils; parce qu’elle est de leurs sangs, elle revient vers eux, tend l’oreille, les écoute et écrit dans leur sillage :

J’accompagne l’écriture de vieilles photos, vieux courriers et aussi recherches dans mon arbre.

Mes chantiers d’écriture sont de vastes fouilles sur la filiation et tous ces gens dans notre sang et qui nous habitent.

« Tu me coulais dans le corps avant même ma naissance » dit-elle lorsqu’elle parle de ce grand-père parti à Cuba.
Elle les console et par l’écriture entre en empathie avec toutes ces vies simples qui n’ont laissé que peu de traces de leur passage : un prénom, un acte de naissance, une adresse, une photographie, un métier, une tombe ; des hommes et des femmes aux destins ordinaires, parfois au destin douloureux, la douleur  qui traverse les générations, Cécile Guivarch la revit  comme  celle de Renée qui donne le titre éponyme au recueil publié aux éditions Henry :

Cette nuit je l’ai prise dans mes bras, elle sanglotait comme un petit enfant, blottie contre moi. J’ai essuyé les larmes de ses joues et elle est restée longtemps, le regard dans le vide (..) Je ne sais toujours pas  ce qui la fait pleurer autant Renée (…) elle me semble si fragile et en même temps sa peau est si dure, ses yeux sont de pierres. Des pierres par lesquelles s’écoulent des larmes et du sang.

Dans l’œuvre de Cécile Guivarch, la maternité est un thème majeur, il y a beaucoup de mères qui ont lutté pour la vie, la leur, mais surtout pour celle de leurs enfants, comme ces mères qui ont pleuré leurs fils morts en 14-18, ces disparus du très beau recueil S’il existe des fleurs paru aux éditions L’arbre à Paroles. En 50 poèmes brefs, dont Syvie Dubin dit dans une critique : «  Au bout du chemin de croix, des hommes ressuscités au sens premier du mot, c'est-à-dire relevés, debout dans nos mémoires ». Car  en ce recueil Cécile nous emporte de sa mémoire familiale à notre mémoire collective.

Pour Cécile Guivarch le silence des disparus est assourdissant :

Je ressasse sans cesse l’histoire
qu’on avait crue enfouie
elle remonte et déborde

Il en est pour la poésie de  Cécile Guivarch,  où se mêlent souvenirs réels et imaginaires, comme pour le roman et l’on pense à l’essai de Marthe Robert Roman des origines et origines du roman
On a envie de  reprendre ce titre et pour la poésie de Cécile Guivarch , dire: Poésie des origines et origines de la poésie.

Pour elle, écrire c’est  aussi être responsable et de soi et des autres, ces aïeux dont elle poursuit le chemin en chair et en esprit.

vous durez
sous terre ou au ciel
vous vous poursuivez
à travers nous.

dit-elle dans le recueil Vous êtes mes aïeux  (Éditions Henry).

Tous sont présence au monde, ils sont  la vie qui traverse les mots du poète, qui traverse les siècles , comme dans Le cri des mères ed La Porte où à deux ou trois siècles l’une de l’autre, les petites filles se rejoignent ; ce recueil offre  à la petite Zélie du XXIe siècle, comme le dit Françoise Urban Meninge : «  Le cadeau incommensurable d’une lignée de femmes dont le cri de lumière irradie au cœur des ses très beaux poèmes de chair, de sang et d’âmes mêlées. »

L’œuvre de Cécile Guivarch est œuvre d’empathie, sensible, profondément humaine, apaisante et réconciliante. Écrire, c’est aimer même la part d’ombre qui habite toute vie, c’est rompre avec l’interdit, les non dits et la honte qui parfois habite les vies.
Écrire, c’est être capable de  transformer les blessures en  éclats de lumière quie sont les mots du poème, c’est parfois redonner un lieu aux apatrides, qu’ils soient apatrides d’une terre ou apatrides de leur histoire.

C’est tout cela écrire en poésie pour Cécile Guivarch , car de ses espaces intérieurs, elle ouvre la voix du poème.
Le poème dont Cécile Guivarch a dit dans un article de la revue N47 :

Il est celui qui me raconte une histoire, celui qui me pousse à réfléchir. Celui qui m’apprend à ne plus avoir peur. Celui qui puise dans les racines. Celui qui parle une autre langue, vient d’un autre pays. Le poème vient de l’étonnement d’être au monde. La poésie vient de l’effarement d’être au monde.

Chère Cécile continuez à nous raconter des histoires, à réfléchir et à nous faire réfléchir, à ne plus avoir peur et à puiser encore longtemps dans vos racines en notre langue et en cette autre langue venue d’ailleurs ( l’espagnol) afin que comme vous et avec vous en vous lisant, nous ne cessions de nous étonner d’être au monde, dans un monde que vous souhaitez plus fleuri et il le sera sûrement avec toutes ces  graines que sont les poèmes que vous avez semés que vous sèmerez encore.
Je terminerai avec vos mots pleins d’espérance extraits de votre dernier recueil qui vient de sortir en ce mois de mai : Sans Abuelo petite (Éditions Les carnets du dessert de lune)

Des guerres pour un bout de terre. Rois d’Espagne, d’Angleterre et de Navarre et lesquels encore. Terre comme richesse. Les gens sont restés là, ne pouvaient pas partir. Ceux qui ont osé se sont déracinés et ont planté leurs racines ailleurs. D’autres villages, d’autres pays, traversées des mers et des océans, par-dessus les montagnes. Ceux-là qui sont partis et font courir les racines d’une terre à l’autre. Ceux-ci qui sont restés pour ne pas oublier d’où nous sommes. Les uns puis les autres sont nos origines, ce qui nous fondent, nous  charpentent. D’ici ou de là nous sommes tout aussi bien. Nous prenons racine, nous semons des graines. Nous sommes des fleurs.

Présentation de l’auteur

Cécile Guivarch

Cécile Guivarch est franco-espagnole, née près de Rouen en 1976. Elle vit actuellement à Nantes où elle anime le site de poésie contemporaine Terre à Ciel.

Bibliographie

Prix Yves Cosson 2017 pour l’ensemble de l’œuvre

  • Terre à ciels, Les Carnets du Dessert de Lune, 2006
  • Planche en bois, Contre-Allées, Poètes au potager, 2007
  • Te visite le monde, Les Carnets du Dessert de Lune, 2009
  • Coups portés, Publie.net, 2009
  • La petite qu’ils disaient, Contre-Allées, Collection Lampe de poche, 2011
  • Le cri des mères, La Porte, 2012
  • Un petit peu d’herbes et des bruits d’amour, L’Arbre à paroles, 2013
  • Vous êtes mes aïeux, éditions Henry, 2014
  • Du soleil dans les orteils, La Porte, 2013
  • Regarde comme elle est belle, Le petit flou, 2014
  • Le bruit des abeilles, La Porte, 2014 (avec Valérie Canat de Chizy)
  • Gestes printaniers / Xestos primaverais, Amastra-n-gallar, 2014 (traduction Emilio Araúxo)
  • Felos au galop / Felos ao galop, Amastra-n-gallar, 2014 (traduction Emilio Araúxo)
  • Renée, en elle, éditions Henry, 2015
  • S’il existe des fleurs, L’Arbre à paroles, 2015, prix des collégiens Poesyvelynes 2017
  • Sans Abuelo Petite, Les Carnets du Dessert de Lune, 2017
  • Cent au printemps, Les cahiers du loup bleu, Les lieux dits éditions, 2021
  • C’est tout pour aujourd’hui, La tête à l’envers, 2021, Sélection Prix francophone international du Festival de la poésie de Montréal 2022
  • Tourner rond, Petit Va !, Centre culturel de la poésie jeunesse Tinqueux, 2023
  • Sa mémoire m’aime, Les carnets du dessert de lune, 2023
  • Partir, L'atelier des Noyers, 2023

Participation à des anthologies et recueils collectifs :

  • Avec tes yeux, éditions en forêt, em verlag
  • La fête de la vie n°5, éditions en forêt, em verlag
  • Creuser les voix, éditions Samizdat, 2012
  • Métissage, L’arbre à paroles, 2012
  • Momento nudo, L’arbre à paroles, 2013
  • DUOS – 118 jeunes poètes de langue française né.e.s à partir du 1970,
    Anthologie dirigée par Lydia PADELLEC, Bacchanales, 2018
  • Sidérer le silence – poésie en exil, dirigée par Laurent Grison, éditions Henry, 2018
  • La Beauté - Éphéméride poétique pour chanter la vie, Editions Bruno Doucey, 2019
  • Le Système poétique des éléments, 118 poètes, éditions invenit, 2019
  • Polyphonie pour Antoine Emaz, Hors série 2019 N 47 Revue de poésie, 2019
  • Nous, avec le poème comme seul courage – 84 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2020
  • Le désir en nous comme un défi au monde – 94 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2021
  • Quelque part, le feu, éditions Henry, 2023

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Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite – Lectures croisées

Olivia Elias et Simone Molina ont lu Sans Abuelo Petite, le dernier recueil de Cécile Guivarch paru aux Editions du Carnets du dessert de la Lune. Lectures croisées...

Par Olivia Elias

ABSENCE, DOULEUR, POESIE

Quatre personnages. Lui, naufragé sur l’île loin des siens, sa femme aux yeux verts, sa fille et sa petite-fille. En arrière-plan, décor mouvant mais dont la nature demeure la même : guerres, révolutions, terreur, bouleversement qui mettent en mouvement hommes et femmes en quête d’un avenir meilleur.
Lui, elle ne l’a pas connu. L’homme qu’elle appelle abuelo n’est pas son grand-père. Le vrai, L’étranger, l’X dans l’arbre a fui la misère, peut-être la prison. Il s’est retrouvé piégé dans une autre prison, Cuba. L’océan, porte blindée, s’est refermé sur lui. A sa place, les missives ont voyagé.

Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite, Editions Les Carnets du dessert de Lune, Bruxelles, 2017, 78 pages, 13€.

Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite, Éditions Les Carnets du dessert de Lune, Bruxelles, 2017, 78 pages, 13€.

Il pleuvait des lettres et l’océan les amenait. Il dit à la mère qu’il l’aime, demande des nouvelles de la nina, La nina qui ne parle pas de (lui).
Sa petite-fille l’apprend le matin de ses 9 ans au petit-déjeuner, dans ce pays devenu sien où l’on parle français. L’espagnol et le galicien sont réservés aux vacances au village.
La petite-fille se met à rêver. Je vois une île depuis la plage. Elle n’est pas si loin je peux l’atteindre à la nage…/ Comment fait-on quand on part si ce n’est pour jamais se retourner.

 

De ce jour, elle lui parle

      Tu es un oiseau sur une île
      Les vagues s’écrasent sur les rochers
      Au loin tout s’est éloigné
     Ton île est-elle un ciel bleu 
      ou juste un peu de pierre
      un peu plus de murs ?

Sans nulle part d’où venir

Elle parle pour lui

La musique vient des profondeurs.
Roulement de mer, bruit des chevaux, envol des oiseaux.
… Ne sais plus le temps, s’il s’écoule ou s’il s’est arrêté.
Les rêves reviennent en boucle.

Son visage, ses yeux verts.
Sa voix en écho, vos amours dans un tas de paille.
Tarrêtes de respirer pendant très long moment
sans mesurer si tu es mort ou si tu respires encore…

        Lentement tu reviens.
Les ailes coupées, tu les laisses repousser.

Elle, qui n’a pas vécu l’exil, grandit plante déracinée.
Elle, qui n’a connu aucune guerre, pleure à la place du grand-père, des mères et des femmes laissées sans personne, en Galicie et ailleurs...
Mêlant souvenirs d’enfance et rêveries, en textes courts, denses, Cécile Guivarch raconte ce qui est advenu depuis qu’il est parti. Le village, longtemps resté immuable - Hommes et femmes au rythme de la salsa/Mains et ventre vides - aujourd’hui méconnaissable. Le passage du temps sur le visage de la grand-mère. Les errances de la mère à la recherche d’un ici qui serait aussi là-bas, les siens d’une langue à l’autre.

Sans Abuelo Petite où comment le matin de ses neuf ans à la table du petit déjeuner, une petite-fille est devenue poète. Comment, des années plus tard, elle tient la promesse qu’elle lui a faite, qu’elle s’est faite. Recoller la branche manquante à l’arbre… Réparer.

 

 

 

Par Simone Molina

L’écriture de Cécile Guivarch provoque des émotions rares. Non pas de celles qui vous submergent, mais de celles qui entrouvrent délicatement le voile posé sur le mystère et vous permettent d’accéder aux lisières de l’énigme cherchant à se faire entendre depuis la nuit du monde.
Avec son dernier ouvrage « Sans Abuelo Petite » on entre dans cette écriture simple, actuelle, directe, qui nous touchait déjà à la lecture de ses précédents recueils. Et comme l’écrit Luce Guilbaud dans sa préface, Cécile Guivarch « fait revivre les absents » avec « cette tendresse » qu’on lui connait lorsqu’on l’a déjà lue.  
Pourtant ce livre-ci possède une qualité qui lui est singulière et qui contribue à inviter le lecteur à lire, et encore relire, cette poésie déployée sur le miroir des pages.
Cette qualité est la conjonction si réussie du fond et de la forme. Comment faire toucher du doigt au lecteur le secret éparpillé dans diverses mémoires mutiques, sinon en appelant ces voix à prendre parole ?  Et comment leur donner la parole dans l’éparpillement de l’Histoire ?
C’est par une construction tout à fait précise, une spatialisation de l’écriture dès que s’ouvre le livre, que le lecteur est convoqué à des niveaux différents, et à différents âges.
D’abord à l’orée du recueil, deux exergues. « C’est pas ma terre », écrit Perrine Le Querrec dans Patagonie, et Cocteau annonce clairement que « le poète ne chante juste que dans son arbre généalogique ». Ainsi nous est annoncé le caractère incontournable de l’écriture du poème, l’exigence qui tient le poète au coeur.
Puis nous entrons dans le recueil par quelques pages qu’on pourrait dire polyglottes.
En haut, les poèmes en italique, intemporels. Ils sont la figure de celui qui vient hanter ceux qui sont demeurés là, au pays.
En bas, l’adresse à l’homme qui est parti est directe, actuelle, franche, inquiète.
Dans le début du recueil, tout se passe comme si, sur la page même, se font entendre les voix multiples que chacun porte en soi, avec leurs ambivalences, les doutes, les rêves aussi, dont on sait combien ils tiennent plus du rébus que du récit linéaire.
En haut de la page, la voix est tout autant celle du poète que celle de la femme abandonnée, ou celle de la mère qui craint pour le fils qui s’en va.  C’est une voix aux multiples langues. En bas de la page, les contours d’un homme qui souffre dans sa nudité d’homme, apparaissent.

Puis la construction bascule, avec l’apparition de la troisième voix : celle de l’enfant, et d’un regard de et sur l’enfance. Alors, disparaissent les poèmes intemporels des pages de droite et apparait l’âge de l’enfance, avec cette ritournelle « Tartines-pain-beurre-confiture. Fraise et moi petite » qui vient scander une enfance curieuse de ce qui se transmet, de ce qui chante dans la langue, dans les langues, des liens familiaux, des connivences, mais aussi des déplacements. C’est l’histoire racontée par la mère et la grand-mère aussi, et qui nourrit l’enfant, c’est le récit de l’enfance et son souvenir charmant.
Pourtant sur les pages de gauches se poursuit le dialogue déjà entrepris. Du bas, à la lisière et dans l’humus de la page, monte du profond de la mémoire un appel au grand-père disparu, une adresse à celui qui s’est effacé et dont ne demeurent que des lambeaux d’une vie supposée, d’une vie insulaire et sans retour. C’est le poème de l’ailleurs, de l’inconnu, du franchissement de frontières, des paysages exotiques, des hypothèses et des incertitudes.
Et puis, lovés à la pliure interne du livre, sur ces mêmes pages de gauche, mais dans la partie aérienne de la page, se poursuit la fluidité des poèmes bilingues, courts, elliptiques, épurés. Ils creusent en nous, lecteurs, la puissance du secret.

La spacialisation des poèmes, les voix multiples qui se chevauchent, nous emmènent vers une expérience partagée par ceux qui savent écouter les enfants : face à ce qui ne se dit pas, tout enfant sait sans savoir qu’il sait, et cherche à comprendre en interrogeant à sa manière les adultes, mais tout autant les objets du quotidien, et également les arbres, les oiseaux, les fleurs….
Lorsqu’est révélé le secret, « le cœur me monte dans la gorge », écrit Cécile Guivarch. C’est qu’en découvrant l’existence de celui qui est parti, l’enfant perd celui dont elle croyait être de la lignée. « J’ai essayé de comprendre. J’ai lu » écrit-elle.
Alors les souvenirs d’enfance s’interrompent et laissent place à nouveau aux poèmes en italiques qui sortent de l’ombre, de la pliure du livre ; ils vont se poursuivre en lieu et place du récit de l’enfant. Ils viennent à cette place précise, celle de l’innocence.
Pourtant, derrière chaque secret, même dévoilé, subsiste une question. « L’enfant, tu as pensé qu’il n’était pas de toi ». Une question qui dit la blessure au-delà du départ. Cette blessure ensevelit sous le poids du silence. Alors, plus loin, l’exigence d’enterrer les morts afin de « taire le silence ».
« Comment se fait-il qu’on s’habitue à tant de séparations ? » nous dit Yanis Ritsos dans le magnifique poème qu’a choisi Cécile Guivarch pour clore le recueil, comme si se séparer du poème consistait aussi à le confier à ceux dont on sait, ou dont on espère, qu’ils sauront l’entendre.

Ainsi le lecteur a cheminé dans cette partition qui dit les séparations, et qui, au fil de la lecture, inscrit une trame au cœur : la lecture devient navette qui imprime en nous une image des temps de la vie : le passé, le présent, le futur et la poésie qui leur est consubstantielle.
Mais pourquoi ressent-on cela ?
Il ne s’agit pas d’une pensée, ni d’une réflexion, ni même d’une déduction. Il s’agit d’une sensation, d’une évidence dont la vigueur tient à la construction du livre qui n’impose rien, et entraîne à un après-coup de la lecture.  
Que nous dit cette construction ? Que le poème, et la poésie, sont là avant le récit et qu’ils lui survivront.
Le poème dans sa forme épurée précède la survenue d’une vérité inouïe, révèle les indices d’une présence sous l’absence. Puis il permet de passer d’une extériorité rendue aride par le silence à une intériorité partageable, universelle.
C’est dire que la poésie ne situe pas sa puissance uniquement dans les mots mais qu’elle réclame une attention portée à l’espace et au temps, à l’espace-temps du multiple de nos vies.
Dans « Sans Abuelo Petite », l’espace de la page renvoie le lecteur aux exils, intérieurs et géographiques, au temps et au hors-temps tricotés par une transmission qui s’ignore et qui se révèle au fur et à mesure qu’il échappe au poète.
Un livre réussi est un au-delà d’une parole singulière car il prend le lecteur par le cœur et par le geste vivant de la main qui court sur les pages. Le poème s’écrit ensuite avec le lecteur, touché en ce lieu qui inscrit le poème en chacun de nous, à sa source même.  

Présentation de l’auteur

Cécile Guivarch

Cécile Guivarch est franco-espagnole, née près de Rouen en 1976. Elle vit actuellement à Nantes où elle anime le site de poésie contemporaine Terre à Ciel.

Bibliographie

Prix Yves Cosson 2017 pour l’ensemble de l’œuvre

  • Terre à ciels, Les Carnets du Dessert de Lune, 2006
  • Planche en bois, Contre-Allées, Poètes au potager, 2007
  • Te visite le monde, Les Carnets du Dessert de Lune, 2009
  • Coups portés, Publie.net, 2009
  • La petite qu’ils disaient, Contre-Allées, Collection Lampe de poche, 2011
  • Le cri des mères, La Porte, 2012
  • Un petit peu d’herbes et des bruits d’amour, L’Arbre à paroles, 2013
  • Vous êtes mes aïeux, éditions Henry, 2014
  • Du soleil dans les orteils, La Porte, 2013
  • Regarde comme elle est belle, Le petit flou, 2014
  • Le bruit des abeilles, La Porte, 2014 (avec Valérie Canat de Chizy)
  • Gestes printaniers / Xestos primaverais, Amastra-n-gallar, 2014 (traduction Emilio Araúxo)
  • Felos au galop / Felos ao galop, Amastra-n-gallar, 2014 (traduction Emilio Araúxo)
  • Renée, en elle, éditions Henry, 2015
  • S’il existe des fleurs, L’Arbre à paroles, 2015, prix des collégiens Poesyvelynes 2017
  • Sans Abuelo Petite, Les Carnets du Dessert de Lune, 2017
  • Cent au printemps, Les cahiers du loup bleu, Les lieux dits éditions, 2021
  • C’est tout pour aujourd’hui, La tête à l’envers, 2021, Sélection Prix francophone international du Festival de la poésie de Montréal 2022
  • Tourner rond, Petit Va !, Centre culturel de la poésie jeunesse Tinqueux, 2023
  • Sa mémoire m’aime, Les carnets du dessert de lune, 2023
  • Partir, L'atelier des Noyers, 2023

Participation à des anthologies et recueils collectifs :

  • Avec tes yeux, éditions en forêt, em verlag
  • La fête de la vie n°5, éditions en forêt, em verlag
  • Creuser les voix, éditions Samizdat, 2012
  • Métissage, L’arbre à paroles, 2012
  • Momento nudo, L’arbre à paroles, 2013
  • DUOS – 118 jeunes poètes de langue française né.e.s à partir du 1970,
    Anthologie dirigée par Lydia PADELLEC, Bacchanales, 2018
  • Sidérer le silence – poésie en exil, dirigée par Laurent Grison, éditions Henry, 2018
  • La Beauté - Éphéméride poétique pour chanter la vie, Editions Bruno Doucey, 2019
  • Le Système poétique des éléments, 118 poètes, éditions invenit, 2019
  • Polyphonie pour Antoine Emaz, Hors série 2019 N 47 Revue de poésie, 2019
  • Nous, avec le poème comme seul courage – 84 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2020
  • Le désir en nous comme un défi au monde – 94 poètes d’aujourd’hui, éditions Le Castor Astral, 2021
  • Quelque part, le feu, éditions Henry, 2023

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La rencontre de Cécile Guivarch avec l’écriture du poète argentin Roberto Juarroz a été fondamentale, ce fut pour elle la découverte de la poésie contemporaine facilitée ensuite grâce à des sites comme celui [...]

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Cécile Guivarch dans nombre de ses recueils creuse la question de la lignée, des transmissions d’une génération à la suivante. Comment existe-t-on dans ce mouvement ? Comment à partir des absences ,des silences,  des [...]

Cécile Guivarch, Cent ans au printemps

Se souvenir nous met au monde Pour Cécile Guivarch Comment garder ceux qui partent à jamais, si ce n’est en voyageant encore avec eux, les invisibles, dans « la barque » des [...]

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C’est presque rien. Pendant trente pages, avancer la main dans la main de Dédé Guivarch, ou plutôt : Grand-père marche vers moi me cueillir dans le verger C’est son souvenir [...]

Cécile Guivarch, Sa mémoire m’aime

Le livre, de totale empathie, eût pu s’intituler « Le livre de ma mère » car ici respire l’hommage d’une fille à sa mère, dont l’attachement précieux a subi, en fin de parcours, le travail [...]

Rencontre avec Cécile Guivarch : De la terre au ciel

Cécile Guivarch est poète, et créatrice d'une revue de poésie incontournable, qu'elle diffuse généreusement, et où elle crée le lieu d'u. travail pluriel, et de publications ouvertes à de multiples voix, Terre à [...]




Rouge contre nuit (7), « le ciel renversé », avec Valérie Canat de Chizy et Cécile Guivarch

 

Pure sensation.

Valérie Canat de Chizy et Cécile Guivarch ont choisi de confondre leurs voix. Aucune indication typographique particulière ne permet de distinguer l’une de l’autre. D’ailleurs, il semble que les poètes ont choisi de se taire d’abord pour devenir une chambre d’écho. Le bruit des abeilles se fait alors entendre. Distinctement. À cette condition sans doute. Pour les papillons, silencieux, « ce sont leurs caresses d’ailes / dont les fleurs se souviennent ». Place à l’imperceptible, cela seul, au-devant du livre : tout ce qui peut être ainsi ressenti devient la matière de ce recueil cousu comme il est de coutume aux éditions La porte. Quelques pages pour une attention accrue à l’autre, il s’agit d’écrire à deux, et au monde. Cohérente démarche, la poésie se nourrit de l’approche légère d’un souffle, d’un regard. Le « je » alors devient impersonnel ou manifeste la conscience aigüe de ce qui peut échapper si l’on n’y prend garde. Synesthésie particulière où « tout est mêlé », les perceptions en particulier, les deux voix aussi :

 

« je te vois murmurer
ce que les fleurs savent taire »

 

Au déchiffrement, se vouer, dans l’amitié du « poème en miroir ». Le vol des papillons, des libellules, très présent dans le texte, figure la tentative menacée de percevoir. Le poème serait cette acuité particulière, ce vis-à-vis fragile où tout peut s’inscrire ou se perdre, le partage lui donne l’existence des signes d’encre. Empreinte végétale ou animale, croisée d’humanité et de nature vivante, « quiétude d’ « une feuille / sur la mousse ». Sujet qui disparaît :

 

« nous vient un jardin
parfois une forêt »,

 

ellipse du pronom « il » ou retard d’un sujet inversé qui n’en est pas un tout à fait, sur le seuil d’un poème où le pronom objet « nous » devient sujet (« nous volons presque ») : ce que le poème déclenche, c’est la perception autant qu’une saveur de « fraises », réjouissance du mot en bouche quand il entre dans le texte. Ce mouvement rejoint le « bruit des vagues » qui éveille « peut-être une sirène » ou « un trésor / dans le silence » car la « fusion » fonde l’accueil du merveilleux infime. L’animal familier, le chat, dans cette danse, murmure sa propre version (« dormir »).

Le battement d’un même cœur, celui de la terre en chacun perçu, devient le rythme du poème. Enchaînement des distiques, au milieu du livre, pour évoquer les poèmes comme une eau douce ou salée. Jeunesse à travers les rires et les enfants, leurs sauts qui les poussent à toucher le ciel de leurs secrets (« ballons dans le ciel », tête renversée sur une balançoire et les ailes, récurrentes, présentes en chacun qui regarde les nuages) là où « même l’abeille / a un bruit de fleur ». Et la page écrite du livre pour entendre se rejoindre les poèmes à deux voix comme une seule.

 




Cécile Guivarch, Renée en elle

« Renée, mon aïeule », ce sont les premiers mots du récit bouleversant que nous livre Cécile Guivarch et déjà avec ce titre Renée, en elle, toute la présence puissante de cette aïeule dans le corps de l'auteur. C'est une aïeule, c'est toute une généalogie qui est rappelée avec elle, avec dates et lieux, celle d'un début XIXe siècle, « une époque où l'on mourrait facilement de maladie, de dysenterie, de froid ou de faim » et où la mort, sur laquelle on ne devait pas s'attarder, était banalisé.

Depuis les visites nocturnes répétitives de son aïeule, Cécile Guivarch va recomposer les plaintes, les murmures, les sanglots, la vie de cette aïeule qui pourrait être aussi la nôtre.

« De sa bouche s'écoule la rivière de son corps, de ses peines, de ses souffrances ».

Renée lui parle dans son patois breton que Cécile ne connait pas, toutes les nuits elle l'exhorte de s'appuyer sur sa langue à elle, le français et de l'aider à déchiffrer ce qu'elle a à dire.

Elle va refaire le chemin jusqu'à elle, reconstruire, réinventer une vie au plus près de celle qu'a du être celle de Renée, lui donner l'épaisseur qu'elle n'a pas eu, et que du fond des âges elle est venue réclamer.

Peu à peu dans l'ombre vont se dessiner toutes les « couleurs de Renée », du rose qui lui colorait les joues, au rouge et noir du sang qu'elle a sacrifié, à chacune de ces naissances.

Plusieurs enfants sont nés de Renée, beaucoup  n'ont pas eu cette chance, et « ont dévalé les rivières de son sang ». Inscrits au régistre « Anonyme G ». Dans cette époque où se sont succèdées les naissances, d'un enfant à l'autre, parfois portant le même prénom pour « remplacer » celui qui n'avait eu le temps de voir le jour, il fallait oublier et si possible oublier vite, ces enfants morts-nés qui n'avaient pas même droit au registre civil. (Faut-il rappeler que c'était encore valable jusqu'en 2001!)

Les femmes ont toujours perdu des enfants, les femmes ont toujours eu peur de perdre leurs enfants.

Cécile Guivarch décrit ici la douleur de ces pertes dont les mères restent inconsolables. « Je me souviens de ces visites où elle ne me parlait que de la page « funérailles » du journal local. Je ne comprenais pas pourquoi ma grand-mère parlait uniquement de ceux qui étaient morts ou de de ceux qui se mourraient. »

Les mères restent inconsolables, c'est surtout parce qu'en banalisant ces morts à peine nés, en forçant à oublier, oublier ces morts, et qu'on nous apprenne à oublier,  en ne donnant pas une légitimité à ces naissances, les mères savent, elles, que les hommes qui ont accompli de tels actes, niaient jusqu'au sacré de la vie.

Cécile Guivarch va donner au lecteur dans un récit halluciné et détaillé, la douleur de ces naissances avortées : « C'est sa couche d'un rouge vif que j'entrevois parfois. Elle contraste avec l'ombre de sa demeure. Cela fait un peu comme un film en noir et blanc où le rouge est la seule couleur ».

Renée en elle, c'est l'histoire de toutes les femmes qui ont traversé le temps, des femmes dures au labeur et courageuses dans leurs maternités multiples, encore plus quand elles étaient vouées à donner la mort plutôt que la vie.

Renée en elle, c'est toute la tendresse de l'auteur pour cette aïeule qui sanglote la nuit dans son sommeil, blottie tout contre elle.

Renée en elle, c'est un envoûtement, et une volonté de ne pas mourir, un désir de croire que quelqu'un quelque part un jour vous fera exister à nouveau.

Ces fragments de mémoire posés sur la page disent chacun un bout de l'histoire de Renée, cette aïeule qui habite toujours le cœur de Cécile Guivarch.

« Ce qu'il y a avec Renée c'es qu'elle me vient toute en morceaux, tessons de mosaïques »

et ce qui est troublant dans cette mosaïque reconstituée par petits bouts d'humanité déchiquetée, c'est le regard de la jeune femme sur celle qui devient une figure héroïque. Quand elle la décrit, penchée sur elle au milieu de la nuit ou «  de dos, qui se soulève au milieu des sanglots ». « D'où je suis je ne vois que son dos » précise Cécile et ces images superposées sont d'une réalité prégnante et très émouvante.

On s'attache à la figure de cette mater dolorosa qui « passait ses nuits à se cogner la tête contre le mur, à la fin son front était devenu dur comme de la pierre », dur comme ce ventre qui donnait la vie et la mort une fois sur deux.

Cécile fait revivre son aïeule dans le corps du texte et toutes ces larmes qu'elle ne peut plus retenir à la perte de l'unique fille morte dans son berceau  « elle dit que c'est elle qui aurait dû mourir et pas l'enfant ».

A deux siècles de distance, elle est la fille de cette aïeule qui a pleuré toute sa vie la perte de ses enfants et est devenue folle de chagrin à la perte de son unique fille, dans le berceau.

Le deuil est une réparation quand il ouvre sur une rédemption, Renée a vécu en criminelle ses pertes, elle a cherché une justice parmi les hommes, qui ne l'ont pas cru quand elle a dit qu'elle n'avait pas volé et l'ont jeté en prison, elle a tellement absorbé sa culpabilité que les hommes se sont chargés de l'accuser à tort.

Les toutes dernières pages, Cécile a ce trait de génie de faire parler son aïeule, elle lui rend sa voix deux fois, celle-ci au bout de sa quête est devenue audible. Ces pages diront tout le drame terrible de sa vie et ce qu'elle a laissé derrière elle comme souffrance transmise de génération en génération. Dans la violence des dernières pages nous restons comme tétanisés face à tant d'accablement.

Le texte de Cécile Guivarch devient le suaire de ce corps douloureux, un endroit où inscrire celle qu'on a voulu oublier.