Chantal Couliou, Instants nomades
Ses recueils sont comme de petits cailloux semés sur un chemin de poésie qui a démarré il y a déjà près de quarante ans, Chantal Couliou, partagée entre les cieux brestois et morbihannais, a la concision comme terrain de jeu. Elle pratique avant tout le poème court et le haïku. Ses textes nous la montrent le plus souvent immergée dans la nature mais toujours à l’écoute des rumeurs de la ville quand elle y réside. Son nouveau petit recueil (illustré par Yves Barré) est là, à nouveau, pour en témoigner.
Ces Instants nomades, titre à la fois du premier chapitre et du recueil lui-même, nous font penser à cette Voie nomade évoquée par Anne Perrier (1922-2017) dans son livre édité en 1986 à La Dogana. « Ne me retenez pas si/Au détour du chemin/Tout à coup/Emportée vers les sources du jour/J’escalade le chant du merle », écrivait la poétesse suisse. Il y a aussi des merles dans le petit livre de Chantal Couliou. Elle raconte ainsi, dans un de ses instants nomades, avoir eu « pour toute compagnie/le chant d’un merle solitaire ». Et si ce n’est pas un merle, c’est un rouge-gorge qui la suit « pas à pas ».
Vivre ces instants nomades, dit-elle, c’est « c’est se délester de ce trop-plein de gris entre terre et mer ». C’est « résister au vent et effacer ses traces » (ce n’est pas le « bleu du vent » dont parle Anne Perrier). Le vent, ici, est obsédant et Chantal Couliou l’évoque dans d’autres chapitres de son recueil. C’est une « voix », un « souffle ». Et ce vent peut être « glacial ». Il « nous convie/à une longue traversée de la nuit ». De toute façon (et l’on pense à Brest), il « gouverne l’horizon ».
Chantal Couliou, Instants nomades, Gros textes, 70 pages, 8 euros.
Pour Chantal Couliou il importe avant tout de « rester à l’écoute », savoir que l’on peut « marcher sans fin / et ne jamais arriver/à bon port ». Elle prône la lenteur, une forme de vie « à l’écart du monde » (qui n’est pas une fuite). « Prendre temps, dit-elle, de se pencher / sur la primevère sauvage/qui court sur le talus ». Et elle cite la grande poétesse russe Marina Tsvetaïeva pour qui « la plus belle victoire » était de « passer sans laisser d’ombre ».