Chronique du veilleur (39) : Christine Givry

Nul doute que Christine Givry aurait figuré en un autre temps dans L’Air et les Songes de Gaston Bachelard. En lisant ces poèmes regroupés par elle dans Cet espace de clarté (Le Silence qui roule), le lecteur ressent aussitôt ce que le philosophe nommait « la force gracieuse » : « Prends conscience d’être une réserve de grâce, d’être un pouvoir d’envol. »

Surplombant, sublimant, le gouffre de la tombe, la poésie de Christine Givry nous rappelle que, fils de la terre, nous sommes appelés à être aussi et surtout fils du ciel. Dans des sortes d’hésitantes et subtiles ascensions, les poèmes, extraits de La Paix blanche (1982) jusqu’à Graines en dormance (2016), sont d’une remarquable unité, tous liés par une ligne de souffle qui dit courage, exigence et rêverie.

Aurons-nous été assez lents
pour vivre la terre
pour aimer la bouche d’or du ciel
nous qui sommes toujours
comme cet homme en équilibre
au bord de sa Saison

 

Christine Givry, Cet espace de clarté,
Editions Le silence qui roule, 2019.

Il y a là, circulant dans un dynamisme paisible, des aspirations au sens quasi littéral du mot, qui entraînent le lecteur comme en un exercice spirituel dont on devine souvent la tentation mystique :

 

être une poignée de brume
un destin d’hirondelle
sur l’étendue du ciel

 une calligraphie
sur une vaste toile
un point   tout invisible
au centre

 

« L’enfant qui danse sur le pont » est bien de la famille des nombreux oiseaux qui traversent cette anthologie lumineuse de leurs vols et de leurs chants. « Il court  il vit / à hauteur de papillons »

 

il va en chantant à tue-tête
par des prairies que ses yeux baignent
d’étranges fleurs-papillons
il va cueillant de l’éternel

 

N’est-ce pas le poète lui-même qui est, par excellence, « cueilleur d’éternel » ? Pour que cette cueillette soit fructueuse, il faut à Christine Givry une lente attention, une capacité à saisir les effleurements, une douce prévenance à l’égard du plus léger, du plus aérien, malgré les plaintes qu’elle entend, venues des morts :

 

Laisse diffuse ta voix
parmi la douceur et les nuages
qu’elle s’unisse aux songes des pollens
jusqu’à devenir la densité de l’air

 

Elle y parvient admirablement, son éditeur au nom bien venu ici, Le Silence qui roule, l’accompagne heureusement dans sa veille aux lisières, veille au chevet du plus fragile, si proche de la lumière, qu’il en reçoit par la poésie qui s’y inscrit, comme une bénédiction.

 

Présentation de l’auteur

Christine Givry

Christine Givry est une poétesse française.

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