Christophe Bregaint, Dernier atome d’un horizon (extraits)

TEXTE 1

Passe

Un autre Jour

 

Jour

Crissement

De cette craie

Qui dessine

Une espérance

Appauvrie

Avant

Qu’elle

Ne se casse

Et chute

 

Au pied

Du tableau noir

 

 

TEXTE 2

 

Sur le trajet

Nous laisserons

La fin

En l’état

 

Au point de départ

 

Nous nous nourrirons

De ce qui viendra

Par la suite

 

 

TEXTE 3

 

Battement de cœur

Court-circuité

Devenu tombe

En rien de temps

Comme un rien

Un inachèvement

En pure perte

 

Dans un vertige

Encore et sans interruption

On distingue cet autre

Que l’on n’a pas connu

Avant le fracas

 

 

TEXTE 4

 

De la voix

On ne retrouve plus

Les éclats

Qui ont coupé la

Liaison entre

Elle et

Cet autre

Hors champ

 

Voix off

D’une cicatrice

 

 

TEXTE 5

 

Rendez-vous

Avec notre venue

Au monde

 

La lumière

Dépeuple

Déjà les yeux

De tout repos

 

Tant et si bien

Que l’on commence

A négocier

Un coin de paradis

Avec la mort

 

 

TEXTE 6

 

Aux regards dégoupillés

« Cédez le paysage »

Dis-tu

A cette obscurité qui vient

 

Par la brume

Par l’écume

 

Comme elle est venue

Jusqu’à présent

Par le passé

 

 

TEXTE  7

 

Des crépuscules

Voulant se perpétuer

D’une façon ou d’une autre

 

Au bout du compte

Nous ne sommes

Que ça((Christophe Bregaint, Dernier atome d'un horizon, Tarmac éditions, mai 2018, 86 p., 14 euros.))

 

 

 

 

 

 

***

 

Textes inédits

 

A la confluence

Des ruines

 

Route tracée à

La désolation

 

Hors de la lumière

Peut-être étreindras-tu

Peau couverte

De mémoire

Cette voie où

Celle-ci

 

Comme pitance de l’exil

 

Puisqu’il te faut aller

Où les vents enivrent

 

***

 

A bientôt

Dis-tu

A chaque escale

 

Avant de partir

Pour une autre

 

Sur ton itinéraire

Imprécis

Nomade

 

De gare en port

 

Tu descends

Sur une terre temporaire

 

Pour donner forme

A ton errance

 

***

 

Ce jour

Est particulier

 

Plus noir que jamais

 

Le crépuscule

Discute

Avec la mort

 

Dans l’intimité de la désolation

 

Une tranchée s’est ouverte

 

Adieu

Les discours

Peuvent encore mentir

 

Te souviens-tu que

Nous savions

 

***

 

Gratter la surface

Des ténèbres

A suffisance

En cet endroit

 

Pour trouver plus de sombre

S’il en est besoin

 

La disgrâce

Fait fleurir

Plus qu’un naufrage

 

A l’orée

De l’indéfini

Tremblement

 

Il semble que

La pluie est attendue

 

***

 

A l’autre bout de la ligne

Tes yeux

Ne portent plus le ciel

 

Sous tes cheveux

 

Tout est devenu

Tellement vulnérable

 

 

De ce qu’il te reste

De ce que tu n’as plus

Encore une fois

 

Tu refais l’inventaire

D’une vie

Foutoir

 

***

 

Parfois

Tu te retournes

 

Vers là-bas

 

C’est un jour d’hiver

Qui donne refuge

A ta peine

 

Ce ciel transi

 

De temps à autre

Il reste plus longtemps

A tes côtés

 

***

 

Que faire

Ce jour

Te demandes-tu

A chaque mouvement

De l’ennui

 

L’étreinte d’une interrogation

 

Retranche

Une clarté à ce qu’il te reste

Comme souffles

 

En sursis

 

***

 

Qui que tu sois

Jusqu’à l’ivresse

Par la souffrance

 

Tu concasses

Les os

Des faux soleils

 

Pour retrouver

Espace vital

Ne serait-ce qu’un court

Instant

 

Qui referait

Lumière

 

***

 

Tout cela est stupide

On se gratte encore la peau

On creuse

Dans la chair

 

On espère y trouver un peu de repère

Sous des plaies mal cautérisées

Par le temps

 

Privation de couleur

Qui pénètre de plus en plus l’œil

Telle une aiguille aiguisée

Dans la terre grise

 

Tes os s’enfoncent

Sans plainte

Tu dériverais bien encore

Mais ton souffle est prisonnier

 

Par-dedans les parois

De la désolation

 

« qu’y a-t-il à faire?

Je n’ai qu’une seule réponse: désespère!»*((S. Kierkegaard))

 

 

 

 

 

 

 




Christophe Bregaint, A l’avant garde des ruines

Un recueil léger, aérien, de belle allure, avec un portrait de l’auteur en couverture. A l’avant garde des ruines dessine son petit volume sur fond blanc, accompagné de cet horizon d’attente, annoncé par le sous titrage qui classe in médias res les textes dans la catégorie « Poésie ».

Le lecteur ne sera pas déçu. Rares sont encore les poètes qui, en si peu de mots, déploient tant de puissance évocatoire, de landes aux horizons des terrains vagues, de paysages où se perdre devient suivre une errance qui sanctifie le passage du Styx.

 

Hors de la lueur

Le paysage s’ouvre
Sur
Un échantillon de mort

Se referme
Sur les lointains

L’enfer
Répète des oraisons

Tu renais
En lui 

Christophe Bregaint , A l’avant-garde des ruines, Editons du Pont de l’Europe, 2017, 65 pages, 10 €.

Christophe Bregaint , A l’avant-garde des ruines, Éditions du Pont de l’Europe, 2017, 65 pages, 10 €.

Agencées tel un espace scénique au décor minimaliste, les pages immaculées offrent aux quelques mots parsemés, justifiés à gauche, une étendue de silence. Pour être rares, les mots qui composent les vers de Christophe Brégaint n’en sont pas moins puissants…Le texte liminaire, comme les autres, sème quelques phrases qui trament avec l’espace scriptural de la page l’architecture totémique du poème :

 Aride
Au bout
De la route
L’imposture
Des feux
Dans
Sa gorge
Grise


Comme
D’autres

A contresens

De ta frêle nacelle
Tu y vas tomber 

Le ton est offert dès l’abord. Se regardant voir, le poète se dévoile sans pour autant céder aux facilités d’un lyrisme pesant. La mise à distance permise par le pronom personnel de la deuxième personne du singulier aide, certes, à porter cette réflexivité du regard. Mais ce dispositif est également soutenu par l’emploi d’un lexique riche, sans pour autant être précieux. Des mots percutants, des jeux avec les heurts des syllabes, la place de ces quelques substantifs déposés comme on appose des petits coups de ciseaux à un marbre. L’objet sculpté y est parfait, rien ne vient en ternir la puissance, et l’ensemble forme un univers où le cri n’a jamais été aussi mesuré, étouffé, tout en déployant autant de puissance.

Que vienne
Le dépit
Tu lui donneras
Quelques munitions
S’il n’en a plus
Suffisamment
Puisque
Tu ne comptes plus
Leur nombre
Tout au long
De tes jours et
De tes nuits
En sentinelle
Exposée
Au souffle
Du chaos

Confessions d’un être qui unit ses tentatives d’affronter l’indicible au groupe humain, en une fraternité énoncée par le pronom de troisième personne « on ». La promptitude ne brusque pas la mesure du texte, au contraire, elle en dévoile l’intensité, dans une avancée vers l’imparable chute. Car n’oublions pas l’engagement de Christophe Brégaint, militant de toujours, qui agit sans compter lorsqu’il s’agit de soutenir l’association Action Froid. Il est en effet l’initiateur, aux côtés d’Eléonore Jame, d’une anthologie qui réunit 107 auteurs, Dehors, recueil sans abri, dont le parrain est Xavier Emmanuelli. Alors, l’absurdité de la misère, toujours et encore si prégnante pour tant de nos frères en ce monde, il la côtoie, il la mesure, il la sent, palpe et jouxte. Cette problématique soutient l’architecture sémantique de nombre de ses textes.

 Le silence
Une chimère
Vous apporte
Toute l’horreur
Du monde

Celle-ci

Fleurira sur
Tous
Les bonheurs
Les sourires
Les amours
Les paix
Un passé

Devenu énigme

Un lexique sans dissimulation et pourtant dans sa ténuité, dans sa nudité, ce poème énonce la globalité de nos échecs, ce « passé devenu énigme », puisque tout perdure, la misère et les guerres. Comme un éclat pur de cristal, ici enclos, le cri, à nouveau, mais, celui-ci, transpersonnel, pour l’humain. Et puis, cet horizon clos, puisque tout perdure.

Christophe Brégaint parle le langage d’une humanité aboutie, puisque c’est «  Cet invisible serpentant Au milieu D’un ciel qui Craque » qu’il appelle, en si peu de traces écrites, sous l’impuissance de la parole. Politique avant d’être lyrique, ce cri n’est autre que celui de nos semblables. Ainsi offrons lui le privilège des dernières lignes de ces quelques propos qui, je l’espère, rendront hommage au recueil, aussi bien qu’au poète, discret et engagé :

Il y a une colonne d’ombres
Silencieuses
Dans l’écran plasma
De nos lumières

Leurs mains tracent
Des mystères
A même la terre
Couverte du sang des anciens

Sur la cordillère des Andes

Marchent les orphelins de Cusco
Ayant pour toute possession
Le creux des bras immenses
Du soleil

 

 

Présentation de l’auteur




Christophe Bregaint : Poèmes

A la confluence
Des ruines

Route tracée à
La désolation

Hors de la lumière
Peut-être étreindras-tu
Peau couverte
De mémoire
Cette voie où
Celle-ci

Comme pitance de l’exil

Puisqu’il te faut aller
Où les vents enivrent

 

 

 

 


A bientôt
Dis-tu
A chaque escale

Avant de partir
Pour une autre

Sur ton itinéraire
Imprécis
Nomade

De gare en port

Tu descends
Sur une  terre temporaire

Pour donner forme
A ton errance

 

 

 

 


Ce jour
Est particulier

Plus noir que jamais

Le crépuscule
Discute
Avec la mort

Dans l’intimité de la désolation

Une tranchée s’est ouverte

Adieu
Les discours
Peuvent encore mentir

Te souviens-tu que
Nous savions

 

 

 

 


Gratter la surface
Des ténèbres
A suffisance
En cet endroit

Pour trouver plus de sombre
S’il en est besoin

La disgrâce
Fait fleurir
Plus qu’un naufrage

A l’orée
De l’indéfini
Tremblement

Il semble que
La pluie est attendue

 

 

 

 


A l’autre bout de la ligne
Tes yeux
Ne portent plus le ciel

Sous tes cheveux

Tout est devenu
Tellement vulnérable

 

 

 


De ce qu’il te reste
De ce que tu n’as plus
Encore une fois

Tu refais l’inventaire
D’une vie
Foutoir

 

 

 


Parfois
Tu te retournes

Vers là-bas

C’est un jour d’hiver
Qui donne refuge
A ta peine

Ce ciel transi

De temps à autre
Il reste plus longtemps
A tes côtés

 

 

 

 


Que faire
Ce jour
Te demandes-tu
A chaque mouvement
De l’ennui

L’étreinte d’une interrogation

Retranche
Une clarté à ce qu’il te reste
Comme souffles

En sursis

 

 

 


Qui que tu sois
Jusqu’à l’ivresse
Par la souffrance

Tu concasses
Les os
Des faux soleils

Pour retrouver
Espace vital
Ne serait-ce qu’un court
Instant

Qui referait
Lumière

 

 

 

Lire À l’avant-garde des ruines, le premier recueil de Christophe Bregaint

 

Présentation de l’auteur