Miroitement sur terre de la petite flaque d’eau de Christophe Jubien
Une critique de janvier 2014, parue dans le numéro 83 de Recours au poème.
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Miroitement sur Terre de la petite flaque d’eau, nuée au ciel des mots de Christophe Jubien, nous invite à nous interroger sur l’essence même de la poésie. Mais quelle est-elle ? Dérapage du signe, affleurement des silences, images suscitées par ? On le pense, on le dit, on tente de la définir, de l’apprivoiser, d’en maîtriser les arcanes, de la contenir depuis des siècles dans un réservoir trop petit. Et déborde, dépasse, affleure Christophe Jubien. Faisant fi de la fonction autotélique du langage, il encercle les signes à la page. Des mots fidèles au sens du lexique, un énonciateur qui se dévoile au fil de la lecture, des champs lexicaux qui déploient la vie poussée de terre. Là est cette poésie qui coule comme une source limpide du signe dans sa complétude. Mais comment dire le ferment de l’existence ? Rien ne s’envole, mais tout pousse à accroître notre acuité au présent. La simplicité du langage trouve place et se fait chant poétique, pour atteindre à
Un genre de Satori
Moment de flottement
après que le ballon
soit retombé chez les voisins
moi les enfants les bras ballants
une pie soudain joyeuse
le cèdre vraiment bleu
un chien qui se met à japper
mais alors très très loin
puis le ballon qui nous revient
comme par enchantement.
Les mots de Christophe Jubien nous mènent au plus simple de l’existence grâce à un texte irréductible tant est légère sa présence à la page, ponctué par les illustrations de Pierre Richir où plonger le regard après les mots.
Gracile mais puissante, une poésie ténue mais en épaisseur présente aux dimensions du signe tendrement déployé dans la simplicité même du langage, mais qui ouvre aux horizons herméneutiques de l’existence.