Claudine Bertrand, La poésie s’abreuve

la poésie s’abreuve
à la cruche trouée
en gouttelettes de vie
chaque seconde

vie et mort toujours
sur le même sentier
collant à chaque pas
comme sable aux semelles

les peaux saignent
sur terre orange brûlé
ne respirant plus
entre chair et air

un vieillard tire sa révérence
c’est une bibliothèque
qui disparaît de l’humanité
de toutes mémoires

chacun ses musiques
ses temps primitifs
odes abandonnées
pulsation de la marche

faire le guet
sur la potence
révélation des sages
offrant certains mots

qu’on laisse sécher
deux jours deux nuits
s’il sont encore là
d’autres mots se déposent
pour un nouveau poème

confronté
à l’arbre fétiche
l’écrivain enfante
de grands bouleversements

Extrait de Émoi Afrique (s), Éditions Henry, 2017.

 

 

Présentation de l’auteur

Claudine Bertrand

Claudine Bertrand est une poétesse canadienne née en 1948 à Montréal, au Québec.

Elle est l’auteure d’ouvrages poétiques et de livres d’artiste au Québec et à l’étranger, dont Une main contre le délire (finaliste en 1996 au Grand Prix du Festival international de la poésie de Trois-Rivières), L’amoureuse intérieure (Prix de poésie 1998 de la Société des écrivains canadiens), Tomber du jour, Le corps en tête (prix Tristan-Tzara 2001), L’énigme du futur (Prix Saint-Denys Garneau en 2002 livre d'artiste avec la plasticienne française Chantal Legendre). Elle a été lauréate du Prix Femme de mérite 1997 et médaillée d’or du Rayonnement culturel.

Elle est Fondatrice de la revue Arcade, elle la dirige de 1981 à 2006 et a créé le Prix de la relève Arcade (1991).

Depuis les années 1970, elle collabore à plusieurs revues littéraires: Montréal now !, Intervention, La nouvelle barre du jour, Les écrits, Hobo-Québec, Possibles, Rampike, Doc(k)s, Mensuel 25, Moebius, Estuaire, Écritures, Tessera, Bacchanales, et Acte Sud, Jardin d'essai, Pourtours et Travers (France).

[Source : Wikipédia]

© photo Isabelle Poinloup

© Josée Lambert

Recueils de poésie

  • Idole errante, récit poétique, Montréal, Éditions Lèvres Urbaines, 1983.
  • Memory, scénario poétique, Montréal, la Nouvelle Barre du Jour, 1985.
  • Fiction-nuit, poésie avec quatre dessins de Monique Dussault, Saint-Lambert, Éditions Le Noroît, 1987.
  • La Dernière Femme, poésie avec une linogravure de Célyne Fortin, Saint-Lambert, Éditions Le Noroît, 1991 (tirage épuisé) 2e édition bilingue tchèque et française, traduction de Jana Boxberger, Prague, Protis, 2000.
  • La Passion au féminin, entretiens, coauteur avec Josée Bonneville, Montréal, XYZ Éditeur, 1994.
  • Une main contre le délire, poésie, avec une illustration de Roch Plante, Montréal/Paris, Le Noroît/Erti éditeur, 1995.
  • L'Amoureuse intérieure, suivi de La montagne sacrée, poésie, avec quatre originaux de Roland Giguère, Montréal/Paris, Le Noroît/Le Dé Bleu, 1997, * Prix de la Société des Écrivains Canadiens, Prix de la Renaissance française; 2e édition traduite en catalan par Anna Montero, Barcelone, Tandem Edicions, 2002.
  • Tomber du jour, poésie avec une illustration de Marcelle Ferron, Montréal, Éditions Le Noroît, 1999.
  • Le Corps en tête, poésie, l’Atelier des Brisants, France, 2001, prix Tristan-Tzara.
  • Jardin des vertiges, poésie, illustration de Chan Ky-Yut, Montréal, Hexagone, 2002.
  • Nouvelles épiphanies, poésie, Montréal, Trait d’Union, Autres temps, France, 2003.
  • Chute de voyelles, poésie, Trait d’Union, Montréal, Autres Temps, France, 2004.
  • Pierres sauvages, poésie, Édition de l’Harmattan, coll. « Poètes des 5 continents », France, 2005.
  • Ailleurs en soi, poésie, Éditions Domens, France, 2006.
  • Autour de l'obscur, poésie, Éditions de l'Hexagone, 2008.
  • The Last Woman, poésie, Éditions Guernica, 2008. Choix de poèmes publiés de 1991 à 2002, traduits par Antonio D'Alfonso.
  • Autour de l’obscur, poésie, illustration Anne Slacik, Édition de l’Hexagone, 2008.
  • Passion Afrique, poésie, illustrations Michel Mousseau, Éditions Rougier, collection «Ficelle», France 2009.
  • Au large du Sénégal, poésie, illustrations Michel Mousseau, Éditions Rougier, collection "Plis urgents", 2013

 

Poèmes choisis

 




Claudine Bertrand, Sous le ciel de Vézelay

A la suite d’un séjour à la maison Jules-Roy Claudine Bertrand s’inspire de ses impressions sur Vézelay et les paysages du Morvan qui l’entourent pour produire des poèmes de tonalité et longueur différentes.

 

Les titres au sommaire montrent que l’inspiration et la réflexion ont trouvé des sources variées, notamment dans les lieux : « Le Cimetière », « Banc public », « Le Marché ».

Dès l’incipit le champ lexical révèle l’envoûtement exercé par le lieu sur la poète qui avoue : « Je perds pied » et cela dans un « Décor insolite », « une mer enivrante : « Vézelay / Aventure hallucinante ». Vers courts formant de nombreux distiques et phrases nominales traduisent une forte émotion-source.

Le second texte, « Alphabet sous la pluie » retrace une conscience du travail en train de se faire, une performance de « stances » et de hiéroglyphes » qui nourrit l’intérieur et le pénètre d’un mystère. La chambre est un sanctuaire avant l’appel extérieur, celui de la rue.

 

 Claudine Bertrand, Sous le ciel de Vézelay, L’Harmattan, collection Accent tonique, 2020, 79 pages, 12 euros 

 

Ainsi le lecteur, comme l’a fait la résidente elle-même, attend-il beaucoup de la suite, convaincu par la paix et la lumière qui définissent « ce lieu sacré » « Où la parole devient poésie » :

 

J’entrevois une lueur
Toujours interminable
Comme Marco polo
Explorant un nouveau monde

 

L’énergie de Claudine Bertrand est stimulée par « l’opéra » qui naît du paysage et il faudrait plusieurs pages pour rendre compte des conséquences poétiques de cette magie. Quelques pistes suffiront à donner l’envie de découvrir le recueil.

Il faut savoir déjà qu’à Vézelay « Madeleine veille » sur la colline chère aux écrivains et créateurs auxquels la poète va rendre hommage en créant une sorte de reportage poétique. « En communion avec les pierres » et les pèlerins qui se dirigent vers Compostelle, séduits par Vézelay et son « temps / qui passe au ralenti » grâce à la sainte qui fut la « première au tombeau ».

La poète met ses pas dans ceux de ses prédécesseurs et de ses disparus et « cherche / Strophes toujours fuyantes » quand tercets et quatrains se succèdent, dans la magie des mots, pour percer les secrets du « banc public » de la Maison Jules-Roy et de ses jardins qui rendent urgente l’écriture. Mais celle-ci est difficile et demande de dépasser l’état de recueillement pour se laisser inspirer par l’écrivain « aux livres immenses » et être à l’écoute de la voix de l’ange intérieur.

Au mitan de l’opus monte la fièvre créatrice et un poème comme « D’une aube à l’autre » n’est pas, avec « l’oisillon blessé » et la mauvaise herbe, sans rappeler le pittoresque poétique de Colette quand elle parle de sa Bourgogne. Une plongée spatio-temporelle, pour celle qui « défie les nuages », stimule cette fièvre en même temps que les promenades et la liste des amis poètes qui méritent un quatrain :

 

Bernard Noël  Zéno Bianu
Valérie Rouzeau
Sans oublier William Cliff
Guy Goffette   Robert Desnos 

 

Autant de voix comme aussi autant de langues pour autant de siècles de littérature et d’art à l’occasion de ce séjour dans « Vézelay encore et toujours », cité « Inexpugnable » d’Histoire et de religion.

Le rythme régulier de l’écriture mime, par son incantation, celui des litanies et du temps dévolu à ce « voyage initiatique ».

 

Dans la barque du voyage
Un bleu étourdissant
Aspire à sa propre voix
Tanguée par les vagues de la vie
Teintée de violence

J’apprivoise cette Basilique
Livres de pierres et de lumière

 

Ainsi Claudine Bertrand, définitivement imprégnée de cette ville magique, lieu de sa renaissance, a-t-elle bien accompli sa mission de poète-pèlerin en ajoutant au silence sacré, interrompu par les cantiques de la foule réunie dans la Basilique, une parole lénifiante qui magnifie les mots.

 

Présentation de l’auteur

Claudine Bertrand

Claudine Bertrand est une poétesse canadienne née en 1948 à Montréal, au Québec.

Elle est l’auteure d’ouvrages poétiques et de livres d’artiste au Québec et à l’étranger, dont Une main contre le délire (finaliste en 1996 au Grand Prix du Festival international de la poésie de Trois-Rivières), L’amoureuse intérieure (Prix de poésie 1998 de la Société des écrivains canadiens), Tomber du jour, Le corps en tête (prix Tristan-Tzara 2001), L’énigme du futur (Prix Saint-Denys Garneau en 2002 livre d'artiste avec la plasticienne française Chantal Legendre). Elle a été lauréate du Prix Femme de mérite 1997 et médaillée d’or du Rayonnement culturel.

Elle est Fondatrice de la revue Arcade, elle la dirige de 1981 à 2006 et a créé le Prix de la relève Arcade (1991).

Depuis les années 1970, elle collabore à plusieurs revues littéraires: Montréal now !, Intervention, La nouvelle barre du jour, Les écrits, Hobo-Québec, Possibles, Rampike, Doc(k)s, Mensuel 25, Moebius, Estuaire, Écritures, Tessera, Bacchanales, et Acte Sud, Jardin d'essai, Pourtours et Travers (France).

[Source : Wikipédia]

© photo Isabelle Poinloup

© Josée Lambert

Recueils de poésie

  • Idole errante, récit poétique, Montréal, Éditions Lèvres Urbaines, 1983.
  • Memory, scénario poétique, Montréal, la Nouvelle Barre du Jour, 1985.
  • Fiction-nuit, poésie avec quatre dessins de Monique Dussault, Saint-Lambert, Éditions Le Noroît, 1987.
  • La Dernière Femme, poésie avec une linogravure de Célyne Fortin, Saint-Lambert, Éditions Le Noroît, 1991 (tirage épuisé) 2e édition bilingue tchèque et française, traduction de Jana Boxberger, Prague, Protis, 2000.
  • La Passion au féminin, entretiens, coauteur avec Josée Bonneville, Montréal, XYZ Éditeur, 1994.
  • Une main contre le délire, poésie, avec une illustration de Roch Plante, Montréal/Paris, Le Noroît/Erti éditeur, 1995.
  • L'Amoureuse intérieure, suivi de La montagne sacrée, poésie, avec quatre originaux de Roland Giguère, Montréal/Paris, Le Noroît/Le Dé Bleu, 1997, * Prix de la Société des Écrivains Canadiens, Prix de la Renaissance française; 2e édition traduite en catalan par Anna Montero, Barcelone, Tandem Edicions, 2002.
  • Tomber du jour, poésie avec une illustration de Marcelle Ferron, Montréal, Éditions Le Noroît, 1999.
  • Le Corps en tête, poésie, l’Atelier des Brisants, France, 2001, prix Tristan-Tzara.
  • Jardin des vertiges, poésie, illustration de Chan Ky-Yut, Montréal, Hexagone, 2002.
  • Nouvelles épiphanies, poésie, Montréal, Trait d’Union, Autres temps, France, 2003.
  • Chute de voyelles, poésie, Trait d’Union, Montréal, Autres Temps, France, 2004.
  • Pierres sauvages, poésie, Édition de l’Harmattan, coll. « Poètes des 5 continents », France, 2005.
  • Ailleurs en soi, poésie, Éditions Domens, France, 2006.
  • Autour de l'obscur, poésie, Éditions de l'Hexagone, 2008.
  • The Last Woman, poésie, Éditions Guernica, 2008. Choix de poèmes publiés de 1991 à 2002, traduits par Antonio D'Alfonso.
  • Autour de l’obscur, poésie, illustration Anne Slacik, Édition de l’Hexagone, 2008.
  • Passion Afrique, poésie, illustrations Michel Mousseau, Éditions Rougier, collection «Ficelle», France 2009.
  • Au large du Sénégal, poésie, illustrations Michel Mousseau, Éditions Rougier, collection "Plis urgents", 2013

 

Poèmes choisis

 




Claudine Bertrand, La poésie s’abreuve

la poésie s’abreuve
à la cruche trouée
en gouttelettes de vie
chaque seconde

vie et mort toujours
sur le même sentier
collant à chaque pas
comme sable aux semelles

les peaux saignent
sur terre orange brûlé
ne respirant plus
entre chair et air

un vieillard tire sa révérence
c’est une bibliothèque
qui disparaît de l’humanité
de toutes mémoires

chacun ses musiques
ses temps primitifs
odes abandonnées
pulsation de la marche

faire le guet
sur la potence
révélation des sages
offrant certains mots

qu’on laisse sécher
deux jours deux nuits
s’il sont encore là
d’autres mots se déposent
pour un nouveau poème

confronté
à l’arbre fétiche
l’écrivain enfante
de grands bouleversements

Extrait de Émoi Afrique (s), Éditions Henry, 2017.

 

 

Présentation de l’auteur

Claudine Bertrand

Claudine Bertrand est une poétesse canadienne née en 1948 à Montréal, au Québec.

Elle est l’auteure d’ouvrages poétiques et de livres d’artiste au Québec et à l’étranger, dont Une main contre le délire (finaliste en 1996 au Grand Prix du Festival international de la poésie de Trois-Rivières), L’amoureuse intérieure (Prix de poésie 1998 de la Société des écrivains canadiens), Tomber du jour, Le corps en tête (prix Tristan-Tzara 2001), L’énigme du futur (Prix Saint-Denys Garneau en 2002 livre d'artiste avec la plasticienne française Chantal Legendre). Elle a été lauréate du Prix Femme de mérite 1997 et médaillée d’or du Rayonnement culturel.

Elle est Fondatrice de la revue Arcade, elle la dirige de 1981 à 2006 et a créé le Prix de la relève Arcade (1991).

Depuis les années 1970, elle collabore à plusieurs revues littéraires: Montréal now !, Intervention, La nouvelle barre du jour, Les écrits, Hobo-Québec, Possibles, Rampike, Doc(k)s, Mensuel 25, Moebius, Estuaire, Écritures, Tessera, Bacchanales, et Acte Sud, Jardin d'essai, Pourtours et Travers (France).

[Source : Wikipédia]

© photo Isabelle Poinloup

© Josée Lambert

Recueils de poésie

  • Idole errante, récit poétique, Montréal, Éditions Lèvres Urbaines, 1983.
  • Memory, scénario poétique, Montréal, la Nouvelle Barre du Jour, 1985.
  • Fiction-nuit, poésie avec quatre dessins de Monique Dussault, Saint-Lambert, Éditions Le Noroît, 1987.
  • La Dernière Femme, poésie avec une linogravure de Célyne Fortin, Saint-Lambert, Éditions Le Noroît, 1991 (tirage épuisé) 2e édition bilingue tchèque et française, traduction de Jana Boxberger, Prague, Protis, 2000.
  • La Passion au féminin, entretiens, coauteur avec Josée Bonneville, Montréal, XYZ Éditeur, 1994.
  • Une main contre le délire, poésie, avec une illustration de Roch Plante, Montréal/Paris, Le Noroît/Erti éditeur, 1995.
  • L'Amoureuse intérieure, suivi de La montagne sacrée, poésie, avec quatre originaux de Roland Giguère, Montréal/Paris, Le Noroît/Le Dé Bleu, 1997, * Prix de la Société des Écrivains Canadiens, Prix de la Renaissance française; 2e édition traduite en catalan par Anna Montero, Barcelone, Tandem Edicions, 2002.
  • Tomber du jour, poésie avec une illustration de Marcelle Ferron, Montréal, Éditions Le Noroît, 1999.
  • Le Corps en tête, poésie, l’Atelier des Brisants, France, 2001, prix Tristan-Tzara.
  • Jardin des vertiges, poésie, illustration de Chan Ky-Yut, Montréal, Hexagone, 2002.
  • Nouvelles épiphanies, poésie, Montréal, Trait d’Union, Autres temps, France, 2003.
  • Chute de voyelles, poésie, Trait d’Union, Montréal, Autres Temps, France, 2004.
  • Pierres sauvages, poésie, Édition de l’Harmattan, coll. « Poètes des 5 continents », France, 2005.
  • Ailleurs en soi, poésie, Éditions Domens, France, 2006.
  • Autour de l'obscur, poésie, Éditions de l'Hexagone, 2008.
  • The Last Woman, poésie, Éditions Guernica, 2008. Choix de poèmes publiés de 1991 à 2002, traduits par Antonio D'Alfonso.
  • Autour de l’obscur, poésie, illustration Anne Slacik, Édition de l’Hexagone, 2008.
  • Passion Afrique, poésie, illustrations Michel Mousseau, Éditions Rougier, collection «Ficelle», France 2009.
  • Au large du Sénégal, poésie, illustrations Michel Mousseau, Éditions Rougier, collection "Plis urgents", 2013

 

Poèmes choisis

 




Claudine Bertrand : Deux poèmes sur l’Afrique

On ne sait quand commence le voyage peut-être était-il déjà amorcé avant de fouler la terre Afrique mais on sait qu’il est contenu dans chaque seconde comme une attente.

 

 

Le tissu de nos vies
file sans reprise
ouvre un espace
où s’y glisser
comme les mots
qui défilent à la queue leu leu
en débâcle en orage
ou flambée de sons

...

Publié dans l'anthologie Chant de plein ciel - Voix du Québec

⇒ Lien vers le bon de commande

 

Présentation de l’auteur

Claudine Bertrand

Claudine Bertrand est une poétesse canadienne née en 1948 à Montréal, au Québec.

Elle est l’auteure d’ouvrages poétiques et de livres d’artiste au Québec et à l’étranger, dont Une main contre le délire (finaliste en 1996 au Grand Prix du Festival international de la poésie de Trois-Rivières), L’amoureuse intérieure (Prix de poésie 1998 de la Société des écrivains canadiens), Tomber du jour, Le corps en tête (prix Tristan-Tzara 2001), L’énigme du futur (Prix Saint-Denys Garneau en 2002 livre d'artiste avec la plasticienne française Chantal Legendre). Elle a été lauréate du Prix Femme de mérite 1997 et médaillée d’or du Rayonnement culturel.

Elle est Fondatrice de la revue Arcade, elle la dirige de 1981 à 2006 et a créé le Prix de la relève Arcade (1991).

Depuis les années 1970, elle collabore à plusieurs revues littéraires: Montréal now !, Intervention, La nouvelle barre du jour, Les écrits, Hobo-Québec, Possibles, Rampike, Doc(k)s, Mensuel 25, Moebius, Estuaire, Écritures, Tessera, Bacchanales, et Acte Sud, Jardin d'essai, Pourtours et Travers (France).

[Source : Wikipédia]

© photo Isabelle Poinloup

© Josée Lambert

Recueils de poésie

  • Idole errante, récit poétique, Montréal, Éditions Lèvres Urbaines, 1983.
  • Memory, scénario poétique, Montréal, la Nouvelle Barre du Jour, 1985.
  • Fiction-nuit, poésie avec quatre dessins de Monique Dussault, Saint-Lambert, Éditions Le Noroît, 1987.
  • La Dernière Femme, poésie avec une linogravure de Célyne Fortin, Saint-Lambert, Éditions Le Noroît, 1991 (tirage épuisé) 2e édition bilingue tchèque et française, traduction de Jana Boxberger, Prague, Protis, 2000.
  • La Passion au féminin, entretiens, coauteur avec Josée Bonneville, Montréal, XYZ Éditeur, 1994.
  • Une main contre le délire, poésie, avec une illustration de Roch Plante, Montréal/Paris, Le Noroît/Erti éditeur, 1995.
  • L'Amoureuse intérieure, suivi de La montagne sacrée, poésie, avec quatre originaux de Roland Giguère, Montréal/Paris, Le Noroît/Le Dé Bleu, 1997, * Prix de la Société des Écrivains Canadiens, Prix de la Renaissance française; 2e édition traduite en catalan par Anna Montero, Barcelone, Tandem Edicions, 2002.
  • Tomber du jour, poésie avec une illustration de Marcelle Ferron, Montréal, Éditions Le Noroît, 1999.
  • Le Corps en tête, poésie, l’Atelier des Brisants, France, 2001, prix Tristan-Tzara.
  • Jardin des vertiges, poésie, illustration de Chan Ky-Yut, Montréal, Hexagone, 2002.
  • Nouvelles épiphanies, poésie, Montréal, Trait d’Union, Autres temps, France, 2003.
  • Chute de voyelles, poésie, Trait d’Union, Montréal, Autres Temps, France, 2004.
  • Pierres sauvages, poésie, Édition de l’Harmattan, coll. « Poètes des 5 continents », France, 2005.
  • Ailleurs en soi, poésie, Éditions Domens, France, 2006.
  • Autour de l'obscur, poésie, Éditions de l'Hexagone, 2008.
  • The Last Woman, poésie, Éditions Guernica, 2008. Choix de poèmes publiés de 1991 à 2002, traduits par Antonio D'Alfonso.
  • Autour de l’obscur, poésie, illustration Anne Slacik, Édition de l’Hexagone, 2008.
  • Passion Afrique, poésie, illustrations Michel Mousseau, Éditions Rougier, collection «Ficelle», France 2009.
  • Au large du Sénégal, poésie, illustrations Michel Mousseau, Éditions Rougier, collection "Plis urgents", 2013

 

Poèmes choisis

 




Nouvelles de la poésie au Québec : Claudine Bertrand

Rencontrer Claudine Bertrand est une expérience unique : poète, déjà publiée sur nos pages, plusieurs fois récompensée pour son œuvre ((On citera  les prix Tristan Tzara, Saint-Denys Garneau, ses poèmes traduits en bulgare, et le doctorat « honoris causa » de l’Université de Plovdiv (Bulgarie) qui lui est décerné pour souligner ses trente ans d’écriture. Nous mentionnerons ses derniers titres : Emoi Afrique(S), Fleurs d’orage, Au large du Sénégal, Ailleurs en soi, Pierres sauvages, Tomber du Jour.)), couronnée aussi en juin 2017 par Le Prix européen "Virgile 2017"...   elle est encore essayiste, éditrice, revuiste... : il semble que nul domaine lié à la littérature, à la poésie et à sa diffusion ne lui ait échappé.

Claudine Bertrand est une femme engagée, féministe sans demi-mesure : pionnière, elle a fondé la revue Arcade consacréeà l’écriture des femmes et l’a dirigée durant 25 ans, œuvrant ainsi à faire connaître la littérature, à la diffuser et à la rendre visible – mais  son engagement va bien au-delà, il engage toute sa vie, entraînant les choses autour d'elle dans un mouvement d'irrésistible avancée, et on ne s'étonne pas de lire en exergue de son site cette citation du poète espagnol Gabriel Celaya :

La poésie est une arme chargée de futur

Voici une devise qui caractérise parfaitement cette personne chaleureuse, riche de projets ((En projet,  une anthologie de 150 poètes de la francophonie, qui sera publiée en juin aux éditions Henry.)) menés avec toute l'énergie du monde - à tel point que l'image qu'on garde d'elle, comme un éblouissement sur la rétine, est celle d'une force en action, colorée de rouge comme la couverture de l' anthologie de ses textes ((Rouge assoiffée, Éditions L’Hexagone, collection Typo, 2011)), qu'elle nous a dédicacée en guise de carte de visite et dont les textes marquent les étapes de sa vie mais témoignent aussi des moments et des interrogations de l'histoire universelle.

Considérée au Québec comme l'ambassadrice de la littérature québécoise, elle ne pouvait être que la première invitée de notre rubrique sur la poésie d'outre-atlantique, dont on souhaite qu'elle nous aide à la développer.

Présentation de l’auteur

Claudine Bertrand

Claudine Bertrand est une poétesse canadienne née en 1948 à Montréal, au Québec.

Elle est l’auteure d’ouvrages poétiques et de livres d’artiste au Québec et à l’étranger, dont Une main contre le délire (finaliste en 1996 au Grand Prix du Festival international de la poésie de Trois-Rivières), L’amoureuse intérieure (Prix de poésie 1998 de la Société des écrivains canadiens), Tomber du jour, Le corps en tête (prix Tristan-Tzara 2001), L’énigme du futur (Prix Saint-Denys Garneau en 2002 livre d'artiste avec la plasticienne française Chantal Legendre). Elle a été lauréate du Prix Femme de mérite 1997 et médaillée d’or du Rayonnement culturel.

Elle est Fondatrice de la revue Arcade, elle la dirige de 1981 à 2006 et a créé le Prix de la relève Arcade (1991).

Depuis les années 1970, elle collabore à plusieurs revues littéraires: Montréal now !, Intervention, La nouvelle barre du jour, Les écrits, Hobo-Québec, Possibles, Rampike, Doc(k)s, Mensuel 25, Moebius, Estuaire, Écritures, Tessera, Bacchanales, et Acte Sud, Jardin d'essai, Pourtours et Travers (France).

[Source : Wikipédia]

© photo Isabelle Poinloup

© Josée Lambert

Recueils de poésie

  • Idole errante, récit poétique, Montréal, Éditions Lèvres Urbaines, 1983.
  • Memory, scénario poétique, Montréal, la Nouvelle Barre du Jour, 1985.
  • Fiction-nuit, poésie avec quatre dessins de Monique Dussault, Saint-Lambert, Éditions Le Noroît, 1987.
  • La Dernière Femme, poésie avec une linogravure de Célyne Fortin, Saint-Lambert, Éditions Le Noroît, 1991 (tirage épuisé) 2e édition bilingue tchèque et française, traduction de Jana Boxberger, Prague, Protis, 2000.
  • La Passion au féminin, entretiens, coauteur avec Josée Bonneville, Montréal, XYZ Éditeur, 1994.
  • Une main contre le délire, poésie, avec une illustration de Roch Plante, Montréal/Paris, Le Noroît/Erti éditeur, 1995.
  • L'Amoureuse intérieure, suivi de La montagne sacrée, poésie, avec quatre originaux de Roland Giguère, Montréal/Paris, Le Noroît/Le Dé Bleu, 1997, * Prix de la Société des Écrivains Canadiens, Prix de la Renaissance française; 2e édition traduite en catalan par Anna Montero, Barcelone, Tandem Edicions, 2002.
  • Tomber du jour, poésie avec une illustration de Marcelle Ferron, Montréal, Éditions Le Noroît, 1999.
  • Le Corps en tête, poésie, l’Atelier des Brisants, France, 2001, prix Tristan-Tzara.
  • Jardin des vertiges, poésie, illustration de Chan Ky-Yut, Montréal, Hexagone, 2002.
  • Nouvelles épiphanies, poésie, Montréal, Trait d’Union, Autres temps, France, 2003.
  • Chute de voyelles, poésie, Trait d’Union, Montréal, Autres Temps, France, 2004.
  • Pierres sauvages, poésie, Édition de l’Harmattan, coll. « Poètes des 5 continents », France, 2005.
  • Ailleurs en soi, poésie, Éditions Domens, France, 2006.
  • Autour de l'obscur, poésie, Éditions de l'Hexagone, 2008.
  • The Last Woman, poésie, Éditions Guernica, 2008. Choix de poèmes publiés de 1991 à 2002, traduits par Antonio D'Alfonso.
  • Autour de l’obscur, poésie, illustration Anne Slacik, Édition de l’Hexagone, 2008.
  • Passion Afrique, poésie, illustrations Michel Mousseau, Éditions Rougier, collection «Ficelle», France 2009.
  • Au large du Sénégal, poésie, illustrations Michel Mousseau, Éditions Rougier, collection "Plis urgents", 2013

 

Poèmes choisis

 




Fil de lecture de France Burghelle-Rey : sur Claudine Bertrand, Nicole Brossard, Laura Vasquez

 

Fleurs d’orage, Claudine Bertrand, éditions Henry.

 

Le recueil s’ouvre sur l’alliance de la parole avec le monde et sur le désir pour «  le poète aveugle », Roland Giguère, qui a choisi le suicide et au souvenir duquel Claudine Bertrand dédie son texte, de retourner au limon. Pour ce faire se déploie, dès les premières pages, une isotopie de la liquidité. L’eau, sous toutes ses formes, est ici un élément rédempteur et permet à l’errant de trouver son identité. La narratrice, en union avec son interlocuteur, se métamorphose et trouve sa définition : «  je suis méditerranée ».

Au sein de cet univers «  cobalt » et  «  indigo  » «  les «  fleurs d’orages  » dans un vers éponyme et la «  couleur fraîche sur dalles chaudes  » s’associent au champ lexical du bleu.

Le livre formé, avec harmonie, de quatrains aux vers courts et composé de quatre volets avance comme autant de vagues qui se déposent sur le sable du repos définitif. La première partie se clôt sur la révélation que l’eau et les mots sont une même et unique  chose : «  l’eau des psaumes  » où l’on va savoir si le poète ( destinataire ou narrateur ? ), dans un «  éden métissé  », pourra trouver le salut.

Le second volet, après une allusion au tsunami et à la fuite, s’achève sur une profession optimiste du poète disparu qui a écrit :

 

«   Nous ne craignons pas
les profondeurs

si nous pouvons
remonter plus haut  »

 

A l’ouverture de la partie suivante, c’est une langue aux accents homériques qui s’offre au lecteur avec, comme cadre encore, les éléments marins et comme moyens, des épithètes et expansions diverses dignes des grands textes :

 

«  l’orpheline éternité  »

«  abîmés de bleu
les nuages saturés  »

«  l’indéchiffrable ailleurs  »  

 

Et au milieu de la mer qui «  ensorcelle  » et qui grise : l’espoir. A noter, également, malgré tout un lexique funèbre, ces deux vers remarquables :

 

«  jamais plus le siècle
ne piratera ton verbe  »

 

Puis la musique, «  cette alchimie  », semble bien la clé dans «  le lamento d’un art sacré ».

Le volet quatre réitère ces isotopies. L’eau, sous l’aspect, cette fois, de la glace et les couleurs également, accompagnent l’hommage au peintre :

 

« Revoir les paysages
de Sisley lointains

en bordure du Loing
des péniches évoluent  » 

 

Assonances et allitérations y remplissent leur rôle synesthésique et l’art de Claudine Bertrand - à la fois, dans son sens et sa forme - nous comble :

 

« Moulin près du pont
un jeu limpide

de teintes ciel de lit
parfois mauve fauve

L'insolence de la cigale
cet été-là stridence
l'orgie la complainte
que l'on délecte »

 

Enfin, nous dit «  celle qui sait  », le poète, sourcier et visionnaire, choisit, dans un siècle ravagé, de remonter le fleuve.

Avec l’expérience, l’écriture de la poète s’est parfaite. Elle est devenue ici magique, mettant le doigt, avec ce sentiment d’évidence propre à la poésie, sur la beauté du monde.

 

*

 

Temps qui installe les miroirs, Nicole Brossard, éditions du Noroît.

 

Dès le poème d’entrée s’expriment le pouvoir des mots, leur incidence sur l’être et le corps puis vient un constat d’expérience, celui que «  trop de bruit sous la langue trot d’effroi  ».

Tercet après tercet, au moyen d’une langue qui circule, épurée, la maîtrise du temps, la peur et la mort sont exprimées d’une manière optimiste qui tutoie le lyrisme :

 

« on peut facilement frôler la mort  »

« cédilles ou virgules affamées de sens  »

« nouvelle peur dans l’imaginaire  »

 

Alors la narratrice, audacieuse, n’hésite pas à désarticuler la phrase, nominalisant des propositions, pour parler de ses «  paradoxes  » et pour introduire le prosaïque : «  l’amertume sous forme d’asperges  » ainsi que le familier : «  now la vie  ». Vie, d’ailleurs, imparfaite : «  laine tirée lacet défait » même si « on vit rapproché du ciel  ».

Mais c’est dans la joie, «  aux sources de tendresse  », que se trouve la solution : «  tu devras devenir ton propre temps  ».

Dans la dernière partie de cet opus le langage se ferme et offre son mystère en même temps que la poète affirme une identité qui reste à décrypter : «  je suis parfois sept jours / une chute une lame d’eau…une invention / une analogie ». Puis elle insiste sur l’aspect obscur de ses actes et de ceux de ses pairs : « dans l’abstrait nous montrons nos tatouages  ».

Les mots, pour revenir au début, ont pris ici véritablement le pouvoir. Ainsi peut l’emporter le jeu sur le signifiant : « chaos carotide  » puisque le sens va en s’effritant. Et s’il y a joie «  prodigieuse  », elle se trouve dans «  l’obsession des mots  » cette fois encore.

 

*

 

 

La Main de la main, Laura Vasquez, Cheyne éditeur.

 

Comme «  La forme de mon ventre  », celui du premier des quatre chapitres, le titre du recueil, par sa mise en abyme, est marqué par la possession qu’évoque encore l’incipit : «  Le premier matin du ma vie » . Dès le début, la réalité, et, à l’intérieur d’elle, la nature puis le corps lui- même sont des prises de conscience fortes jusqu’à la chute du premier chapitre qui se clôt sur l’hiver dévorant : «  Ta bouche tremble pour le dernier hiver  ».

Un dialogue s’instaure sans attendre entre un «  je  »  et un «  tu  »  sous forme d’un échange où l’offrande, dans la simplicité, est reine : «  Je t’apporte du miel  ».

 

Cette douceur du texte est renforcée par la musique d’une poésie qui chante grâce aux mètres variés, aux strophes de différentes longueurs, aux interrogations ou aux exclamations et à des procédés comme l’anaphore. Ainsi, dans sa sémantique riche, le mot «  comme  » :

 

«  Comme les choses invisibles  »

«  Comme je suis seule !  »

 

Et au mitan de l’opus, un poème autonome : huit vers dans lesquels lecture et écriture sont sources d’élan. La voix s’y exprime au moyen d’un énoncé performatif dans des adunata surréels qui montrent l’audace de la poète-démiurge :

 

«  Que le soleil s’en aille au milieu du ciel et qu’il reste
en place des mois et des mois et des années, des siècles.  »

«  Alors les soldats lui jettent des pierres
et rien ne bouge
jamais. »

 

A l’issu du deuxième chapitre, l’auteure définit son identité par des mots où la parole d’un moi en quête de l’aimé n’hésite pas à se faire lyrique.

La partie suivante s’ouvre sur la litanie du « défiguré », « celui qui s’endort », auquel s’identifie la narratrice protéiforme avant même d’arriver à se définir, elle et les autres :

 

«  mon visage est trop mince »

«  notre peau est si tendre  » 

 

Alors intervient une forme de récit où les pierres ont un rôle, où la gorge se fend, où « les fenêtres de la maison se ferment » pour que puissent commencer les histoires et les choses.

 

*

 

 

 

 




Claudine Bertrand, Rouge assoiffée

Par le titre de son l'anthologie, qui rassemble quinze recueils publiés de 1983 à 2009, Claudine Bertrand évoque au féminin amour et  passion et l'ensemble des recueils le fait avec une poésie d'une richesse exigeante et dans un véritable hommage à la langue et aux mots.

Une étude exhaustive serait vaine ici. Il suffira de privilégier quelques aspects de l'œuvre pour rendre compte du génie de l'auteur.    

Dans la première moitié du recueil la poète alterne l'expression en vers libres et celle en prose avec des textes qui, parfois brefs, vont jusqu'à se réduire en versets. C'est seulement à partir du Jardin des vertiges ( 2002 ) qu'elle trouve sa mise en page et choisit définitivement une disposition en vers libres, avec son rythme souple et musical et sa concision silencieuse. Ceux-ci présenteront, de plus en plus, pour affronter la vie et son destin, une maîtrise du vocabulaire ainsi que la simplicité d'un style souvent lapidaire et porté à la perfection, sans compromis, sans arbitraire comme dans Autour de l'obscur ( 2008 ) : " Profaner le fatum / Ce qui lui ressemble / Tirage au sort ".

Grâce à un certificat de scénarisation cinématographique l'œil de Claudine Bertrand s'est fait caméra au service d'une écriture visuelle et dans ses textes liminaires, ceux de Mémory, par exemple, chaque cadrage embraye sur le précédent et les voix se multiplient comme des angles de prise de vue. Le lecteur des recueils récents se réjouit alors d'avoir confirmation de son admiration pour la poétique qui s'ouvre ici et offre tout son potentiel: " lente déchirure / de cette femme / mise à nue / voir soudain / l'œil de voyante ".

Au départ de la réflexion sont déjà convoqués les thèmes de la mémoire et du deuil  récurrents dans l'ensemble de l'œuvre, avec le questionnement qui, d'évidence, va de pair.

Pour évoquer la mort : " jamais elle ne reverra son père et sa mère " ( La Dernière femme -1991 ), des mots concrets et choisis avec précision se font écho au long des recueils " ombre ","  chaos ", " crânes ", " os ", " guerre ", pierre tombale ". Cette dernière donnera lieu plus tard en 2005, sous le titre Pierres sauvages, à un magnifique développement sur la vie d'une matière devenue vivante : " La pierre crève les yeux du miroir ".

Ainsi se fait la quête conjointe de l'identité pour celle qui écrit : " je suis déjà morte " ( Nouvelles épiphanies - 2003 ) ajoutant plus loin : " Dire je est lourd / surtout quand il fait défaut ".

Point n'est donc besoin de nouveaux mots, d'un nouveau langage à décrypter pour celle aussi qui, même en errant, – " je perds l'écriture,", dit-elle, dans le très bel opus A 2000 années-lumière d'ici ( 1999 ) -  a le verbe simple et l'alliance innée du son et du sens: "depuis le début des temps / je m'appelle Constance / malgré tout je me sens prête à décoller ".

Et c'est dans la violence qu'il lui a fallu vivre et écrire là sa souffrance. Cette même année, Tomber du jour évoque la tornade qui détruit " maisons, villes et villages " et s'achève par une terrible chute : " Tombeau des regrets ". Tombera aussi la pluie en 2004 ( Chute des voyelles ) / à la recherche des pleurs  / Cette souffrance / jusqu'au dernier battement du monde ".

Mais la solitude à la fois de l'esprit et du corps " en réclusion ", comme la recherche de l'identité de " l'orpheline / en deuil de soi ", trouvent en l'écriture le meilleur adjuvant possible. Déjà en 1994 dans La Montagne sacrée, avant même le mitan de l'anthologie, le verbe apparaît magnifié et semble la solution suprême à un destin décrit mot à mot ainsi que le fait une dentellière pour former ses jours : " Une parole / s'enracine au temps immémorial / Me délivre d'un secret trop lourd / une voix la plus déchirante / Réamorce le divin ".

Dans " un cantique de l'âme " et " en un poème symphonique " l'écriture assiste la mémoire par sa présence au monde et prépare la poète à l'accès vers la lumière. Celle-ci écrira dans Pierres sauvages encore : " un mot à la fenêtre / éclaire le paysage ". Elle qui disait dans sa première prose : " Je ne suis qu'une fiction " annonce ainsi la renaissance, corrélative aux deuils multiples, qu'elle avait d'ailleurs pressentie dans une superbe assertion : " je suis une perpétuelle voyelle dans ce paysage sans limite " ( La Dernière femme ). Elle ne savait pas alors combien elle disait vrai et ignorait qu'une aventure de plus de vingt ans s'offrait à elle.

Avec Le Corps en tête en 2001 le troisième millénaire s'ouvre sur une constatation positive : " Je commence à entendre ce que je n'entendais pas ". Le monde, comme le corps lui-même, sont perçus dans une certaine jubilation. Se confirme enfin la joie ressentie à exprimer son existence par l'écriture poétique. Voici que l'année suivante, l'écriture, au service de la nature et du cosmos, rejetant les métaphores usées au profit d'expressions originales comme celle du " ciel jongleur", honore le corps et, plus encore, l'être féminin tout entier, lui qui " enlace le minéral / de baisers malicieux / sous un ciel ivre " ( Jardin des vertiges ).

L'amour encore y est exalté quand " Un cœur fuit / sous la verrière / de roses et de clématites " et qu'il " se révèle enflammé / de toutes lèvres complices ".

Il s'agira donc bien d'espoir dans Pierres sauvages car le voyageur, même s'il fuit, " entend ce vers: " Voyageur, debout / c'est vers loin / que tu marches " et reçoit, par ces mots joyeux, toute la promesse d'un temps-espace offert à sa liberté

Mais néanmoins restent encore des questions qui, dès les premiers temps de la réflexion, étaient là et l'écriture est elle-même objet de doute. En effet, Claudine Bertrand, à la lire, n'est pas toujours certaine que ses mots forment un poème. La douleur s'exaspère dans les derniers recueils quand la mémoire se trouve au comble du manque : " Je ne sais plus mon nom " et  que son corps est malade au point qu' elle crie en une belle et émouvante paronomase : " Je n'ai plus de prière / …Je n'ai plus de pierres / ni de père " ( Ailleurs en soi - 2006 ) Mais juste après, dans un sursaut, elle exprime sa décision d' "extirper le verbe / du verbiage / du vacarme / pour éloigner le banal / et rendre le mot à  la bouche ". L'objectif essentiel est donc  toujours bien le verbe.

Les mots étaient déjà en 2001 les compagnons de la femme renaissante:

 

"Dentelles, satin, tulles mousseline  lui font un 

cortège de sonorités sous le palais.

 

Un flux de lumière coule dans le corps de la pensée."

 

Enfin dans le dernier recueil ( Passion Afrique- 2009 ) le poète se fait le " passeur " de cette lumière, la voix " renonce à se taire " quand, " derrière chaque syllabe ", est repoussée " la frontière ". On se souvient que celle qui s'identifiait au E n'a pas hésité, pour faire jouer la musique, à introduire dans sa poésie l'anglais ou l'italien.

C'est tout cela, avec la variété des moyens, la fidélité aux thèmes et l'harmonie d'un certain lyrisme évident malgré l'économie des mots, qui fait l'originalité et la valeur de l'anthologie Rouge assoiffée de Claudine Bertrand.




MÉMOIRE DU BÉNIN

 

Une route se souvient
de secrets indicibles
te prie à travers sable rugueux
et pierres sauvages
de ne rien occulter

Silhouette noire
dans le vert paysage
tu te glisses en de brefs instants
comme serpent de l’Éden
pour faire surgir les mots

Je lis l'inaccessible poème
au coeur des racines
dans tes yeux inconsolables

 

 

 

 

 

Les tourments du vent
se font entendre
avec fracas
comme la voix sans fin
des esclaves à Ouidah

Elle résonne encore
près de la porte de Non-Retour
se mêlant aux chants
aux soupirs du Bénin
qui refusent de se taire

La langue étrangère
boit à la lisière de l’intime
langue en désirance
se fait jour
contre toute attente
à  l’aube d’une nouvelle odyssée

 

 

 

 

 

Langue contre langue
pour faire respirer le poème
d’heure en heure
l'œil du tigre
te supplie de ne rien oublier
son corps d’ivresse
déjoue toute langue

Parfum d’ailleurs
dans les zones haute tension
on fait fi des conventions
pour forger un espace de liberté
en terre d'errance
 




ROUGE SUR ROUGE

 

 

Vertiges lointains
sous nos pas
la terre bouge comme séisme

Corps-action
en hauteur de vue
des points d'éblouissement

D'autres ailleurs
vers ailleurs ici
plus loin que blessure

 

 

 

 

Pensées et mots d'entrechoquent
passage au noir
liberté baïllonnée
comme le refus global

Entrer dans le maquis des langues
rendre à la réalité crue
désordres et tempêtes
nuits sans trêve
sans bord sans limite

Le souffle sur la tempe éclate
des passants perdent leur visage
leurs yeux se vident de leur mémoire

 

 

 

 

Avec un bout de rien
rejouer son théâtre
l'abîme est dessous
tous les mots sont piégés

La main cherche à tâtons
quelque chose qui a disparu
perdu dans la rumeur basse

Les murs craquent les toits aussi
bruits de casserole tintamarres
le « je » le « tu » pluriel
les cendres encore chaudes

 

 

 

 

L'agitation dans la rue
recharge le sens de l'univers
et des images qui roulent à flots
dans la voix du peuple

la langue soudain soulève les mots
frôle les précipices
le poème goutte à goutte
se dilue dans le magma
comme l'utopie

 

 

 

 

 

Rouge sur rouge
déferlantes
sont les énigmes
du printemps de notre histoire

Autant de vertiges
de loin en loin
qui se rapprochent
de terre Québec