Clément Beaulant, Autobiographie d’une zone de conflit (extrait)

le gazon est traversé des membres de la famille forment de petits îlots de chair – je dis « 

joie » je crois, que ça fait plusieurs heures que j'attends ou plusieurs décennies

 dans la rue un frère est un militaire c'est toujours le même,

ibidem

une pluie fine est tombée ce matin, dans la journée, une pluie fine

un appel (seul) un appel : le nom de votre correspondant : un échec

je relève presque quelques photographies sur le fil,

les corps brûlés dans la poussière, les chiens s'affairent »

demain notes pour penser, relever le courrier – ici viens-tu ?

notes pour penser, ne pas oublier de fermer aussi et sortir

les querelles des journaux dans l'actualité des mois ont passés où est m.

∗∗∗

les balles résonnantes percutent le sommeil – le paysage

tu et nous sont les deux seuls mots peut-être qui méritent un agrandissement

dans les couloirs des maisons d'arrêt on entend le même silence

ce silence est un absent est un frère ou seulement le souvenir

car j'ai vu que tu utilisais ce nous à la manière de

soleil ascendant. ça vous dit de pique-niquer ce midi s'entend comme

des essaims de nous parfois c'est flippant je peux ? - ici viens-tu ?

les uniformes des soldats sont des sexes levés vers le drapeau

à l'horizon, trois silhouettes quand parfois une nous salue

fusil mitrailleur en poche : des slogans dans la rue,

je ne sais pas avec quels mots tu parviens à exister

∗∗∗

dans les couloirs des grands hopitaux de campagne

le cinéma a fermé ses portes, les banquettes, votre place assise

dans le living-room : les riches ont fini par crever d'un empoisonnement au mercure

 il fallait faire des essais – test 1 échec test 2 échec etc

les résultats qui nous sont communiqués sont des données classifiées

et tout ce que le mot famille soulève

papa a suffit de                       rien ne résiste à l'absence

comme crises d'épilepsie autant d'incohérences et de confusions

dans le lointain le mur de craie : un message gravé dans le passé

puis finalement disparition de l'escalier des parents, ce n'est pas des

 vacances : un arbre et ce fourmillement d'être dans la lune

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les strates suivantes contiennent en pièces jointes le balisage qui sera posé sur site :

les restes du déjeuner des cadavres, les jouets des soldats de l'armée française

à l'infinitif dans les rapports : pillages et butins et viols sont des succès

le ballon est resté toute l'après-midi enfoncé dans le canapé

il en manque une – disparue – étouffée – qui est-ce

toutes les sorties scolaires sont annulées jusqu'à nouvel ordre

les carreaux cassés ont été remplacés une fois c'était moi sinon

on pourrait se reposer ensemble, c'est une joie ici viens-tu ?

(les tables ont tourné) quelqu'un a parlé

les trottoirs ruissellent de sang, nous remontons vers la place

les militaires en patrouille sourient au passant c'est moi le frère

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dans un pays très étranger les jeeps les 4x4 sillonnent les pistes tracées dans le v

des véhicules de l'armée stationnent devant le parlement 

cela est, tu dis cela est répète càd le vent ou son masque

ressemble exactement à m. – ressemble à la sonnerie du téléphone

journaux télévisés le 20h les cadavres représentent plus de la moitié de l'humanité

  1. ou p. : reste une famille quant aux disparus

le métro est le lieu le plus chaleureux que je côtoie dans l'intimité des tous

les ondes radio passent en boucle le soupçon d'une très vaste rumeur à laquelle

espace-vide tout le village à les volets clos – pas un lieu où un frère est absent

tous les soirs l'arrêt du bus est un havre où les coléoptères se reposent,

forment un cercle dans lequel tes bras lèvres poumons respirent ici viens-tu ?