Colette Wittorski, Ephéméride
Elle vit aujourd’hui en Ephad dans le Centre-Bretagne et publie un recueil sous le titre Ephéméride. Colette Wittorski (96 ans) parle de son grand âge, de tout ce qui l’anime ou l’agite, en une série de poèmes courts écrits au cours des trois dernières années.
Dans un précédent livre, L’immensité des liens (L’Harmattan, 2020) Colette Wittorski parlait déjà du « couteau des heures » qui « accomplit son office ». Mais, en dépit de tout, elle persistait à habiter la vie intensément (« Si bref est l’instant, hâte-toi ») et pouvait même affirmer que « décliner n’est pas mourir ». Trois ans après, on retrouve cette tonalité dans les mots d’une « vieille femme qui ne veut pas mourir » et se dit, pourtant, « réduite à l’inventaire de l’instant ». Lucide de bout en bout, elle fait aussi ce terrible aveu : « Je suis une plante en pot/restreinte/j’ai besoin d’être arrosée ». Mais avec un brin de malice, elle ajoute : « Je choisis mes jardiniers ». On saluera cette lucidité et cette capacité de prise de distance avec l’état de vieillesse qui est le sien.
Colette Wittorski n’est pas dupe. Il y a « la grande paix des bruits » qu’elle n’entend plus et cette solitude qui fait d’elle une « guetteuse de riens ». Evoquant son « âme encapuchonnée » et « le bois vermoulu » de sa mémoire, elle nous offre, dans le grand âge, des petites pépites poétiques arrachées à la chair de sa vie, tout en continuant à entretenir une profonde complicité avec la nature. Elle salue le vieil arbre qui lui offre ses pommes et la voilà « penchée pour les ramasser ».D’autres arbres, entrevus sur le talus, elle en parle ailleurs comme des « danseurs bien accordés » qui « se tiennent par les branches ».
Au cœur de ce « bord à bord mouvant », dans cette vieillesse qu’elle assume, demeure, indestructible, le sentiment fugitif d’exister encore, malgré tout, pleinement. « Du silence et de la solitude/parfois surgit la joie// une source entre deux pierres/dont soudain j’entends la voix ». Sa capacité d’émerveillement demeure intacte. « Splendeur !/ la lande est tachée par le sang des bruyères/criant leur déchirure ».
Colette Wittorski, Ephéméride, L’Harmattan, 78 pages, 12 euros.
Quand à l’au-delà, elle pose la question du droit d’accès. « Serons-nous dans l’autre monde/des émigrés de la terre/dont les anges et les déjà morts se méfient/comme nous le faisons avec ceux d’ici ». Et, la lisant, l’on pense aux mots de de Léo Ferré : « Poète, vos papiers ! ».