Cypris Kophidès, La nuit traversière

On connaît la flûte traversière. Voici que l’on découvre la « nuit traversière ». C’est celle qu’évoque Cypris Kophidès dans un court recueil de 20 poèmes en édition bilingue (français-grec). Comment, la lisant, ne pas penser à L’Hymne à la nuit de Jean-Philippe Rameau - dont il existe des partitions pour flûte traversière - même si l’autrice nous propose plutôt une vision onirique de la nuit, peuplée de songes mais aussi de cauchemars. Avant que la lumière ne vienne tisser un « espace de lumière et d’ardeur ».

« La nuit ne parle que du jour », affirmait Maurice Blanchot. On le ressent profondément à la lecture de cette nuit traversière qui là est pour sonder, au sein du cosmos, le mystère de l’être humain, capable à la fois de sauvagerie foncière comme d’humanité rayonnante. « L’ombre chuchote que seule la cruauté est salutaire », écrit Cypris Kophidès. « Le regard des grands fauves s’allume du désir des proies ». Oui, la nuit traversière peut être cette « nuit de fuite où les poignards parlent » et où « la lune noire perd son sang/entre les jambes des femmes ».  La poétesse nous dit, sur l’espace/temps d’une nuit, ce qui agite à la fois le cosmos et l’humanité. Place, en effet, aux frayeurs, aux rêves, aux cauchemars. « Tout tourbillonne dans les labyrinthes de ténèbres palpables qui se nichent au cœur de l’âme des choses », notent Katina Vlachou et Vassilis Pandis , dans la préface de ce petit livre. Mais il existe, ajoutent-ils, « une lumière qui émane des ténèbres ».

Voici, en effet, « la lumière des regards » ou « l’amour qui fait persévérer les étoiles ». Voici l’aube avec « la plénitude aiguë d’un chant d’oiseaux ». Arrive le moment où « le jour se déploie »,« les petits enfants clignent des sourires embués ». Il a fallu, pour cela, traverser une nuit peuplée de rêves avec tout son cortège de mystères. L’écriture de Cypris Kophidès témoigne elle-même, par une forme d’opacité, de l’énigme profonde contenue dans la nuit.




  Cypris Kophidès, La nuit traversière, Diabase, 57 pages, 10, euros.

Le poète iranien Sorab Sepehri parlait de « la nuit de bonne solitude » et des « pulsations humides de l’aube ». Cypris Kophidès le rejoint souvent dans sa propre évocation de la « nuit immobile » ou de « l’opacité du silence ». La même ardeur, chez les deux auteurs, pour associer la nature tout entière à l’évocation de la  nuit et pour témoigner de « ce temps immobile/que traverse une musique/errante ».

Présentation de l’auteur

Cypris Kophidès

Cypris Kophidès est une auteure et poète franco-grecque qui vit en Touraine et en Grèce. Éditrice chez Diabase depuis 1995 aux côtés d’Yves Bescond, elle a également mené plusieurs entretiens avec Jocelyne Ollivier-Henry, Charles Juliet, Georges Bahgory et Yvon Le Men.

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Bibliographie

  • Vingt deux petits soleils (Diabase Éditions, 2019)
  • L’enfant de Trébizonde (Diabase, 2015)
  • La langue fraternelle, entretien avec Yvon Le Men (Diabase, 2013)
  • Le regard amoureux, entretien avec Georges Baghory, (Diabase, 2012)
  • Avec les Inuit du Nord Groenland, entretien avec Jocelyne Ollivier-Henry (Diabase, 2007)
  • D’une Rive à l’autre, entretien avec Charles Juliet (Diabase, 2006)
  • Philippe Gouret, L’éternité Végétale avec Yannick Pelletier et Serge Hutin (la Tempérance 1993)
  • La Nuit traversière (Éditions Chambelland, Le Pont de l’Epée, 1983)
  • A Echos Multiples (Éditions Chambelland, La coïncidence, 1979)

Poèmes choisis

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