Daniel Kay, Vies héroïques Portraits, sentences et anecdotes

 Il y a une poétique du fragment et le livre de Daniel Kay l’illustre à merveille, lui qui cultive l’art des miscellanées. Ces mélanges littéraires de portraits, sentences et anecdotes.

Dans ce nouveau livre du poète, l’on peut commencer par la dernière page. Celle où l’on voit Francis Bacon, dans son atelier, s’inspirant de Vélasquez pour peindre Innocent X poussant son cri extravagant et tragique. Au vrai, le peintre, écrit Daniel Kay, n’avait jamais réussi à peindre le sourire, se mit donc à peindre le cri. « Ce qui fit de cet artiste un des plus grands tragiques par défaut ». Ce « par défaut » de l’existence peut s’appliquer à « l’héroïsme minimaliste, cet éternel combat contre le quotidien, corps-à-corps avec ce gouffre dans lequel se débattent femmes et hommes depuis leur naissance », évoqué par Daniel Kay dans le court avant-propos.

Dans ce monde de peu de lumière qui est le nôtre, il ne s’agit pas de masquer le négatif de la vie mais de l’affronter. Le fantôme de Nietzsche est passé par là. Regarder le négatif sans grandiloquence, à la manière des anonymes ou des figures célèbres qui traversent ces pages. Ainsi, le bibliothécaire « qui aimait les livres sans en avoir jamais lu aucun ». Figure à la Bouvard et Pécuchet qui trouvait que la classification de Dewey était le plus beau des poèmes. Ne pas tenter de canaliser la négativité, l’assumer au contraire, c’est peut-être là qu’est le vrai héroïsme humain trop humain. Ainsi au début du livre, deux fragments se font face en un percutant vis-à-vis : d’un côté, Dalida, l’ancienne reine d’Egypte descendant pleine de vie les marches de Montmartre, ignorante pour l’heure des tourments à venir et, en page de droite, Empédocle, sur l’Etna, déposant méticuleusement ses sandales au bord du volcan en feu, pensant une toute dernière fois aux quatre éléments mais décidé à accomplir son geste de suicide. Bel exemple d’association qu’affectionne Daniel Kay entre la culture populaire et l’érudition, jamais pesante pourtant.

Daniel Kay, Vies héroïques. Portraits, sentences et anecdotes, Gallimard, Collection Blanche, 2024, 120 pages, 15€50.

Car tout se déploie chez lui dans la plus subtile ironie. Ainsi, de Balzac : « Il écrivit plus d’une centaine de romans et but des milliers de tasses de café, alliance héroïque de la plume et de la cafetière ». Où se niche malicieusement l’héroïsme au quotidien ? Le jeu, l’écart, la dissonance s’entremêlent pour la grande joie du lecteur. Des fragments de la première partie entrent en résonance avec des variations qui se font écho dans la seconde. Ou avec d’autres livres, tel Le Perroquet de Blaise Pascal. Tout comme ces bribes de la vie mécaniquement réglée d’Alfonso de Almeda à Lisbonne, clin d’œil amusé qui fait penser à un pastiche de Pessoa.

 L’on sent clairement chez Daniel Kay une attention au petit détail signifiant qui rappelle que le poète est un grand contemplatif des choses. C’est le ballon d’or de Diego Maradona ou les pleurs de Nietzsche à Turin devant le cheval malmené par le cocher et sombrant dans la folie. Daniel Kay sait retrouver l’acuité de Proust souvent empreinte de drôlerie, celle des peintres, Baugin et son dessert des gaufrettes, Rembrandt âgé et son énigmatique sourire qui ont inspiré d’autres de ses livres.

Bel éloge du « divers ». Avec la boiterie du père Gaston ou l’œillet emblématique d’un poète portugais opposant à Salazar, le nez de Cléopâtre inspirant Pascal, s’exprime l’audacieuse liberté du fragment chez Daniel Kay. Pascal, Cioran, Valéry, les présocratiques, les maîtres en cet art sont ici convoqués. Tout comme le poète alsacien Jean-Paul de Dadelsen et Bach. En fin de compte Daniel Kay s’adresse à notre fragilité, celle qui, entre l’intranquillité qui anime sa sensibilité et un certain apaisement, lui permet d’offrir, sous les mots, une dialectique généreuse, jubilatoire parfois, pour le bonheur du lecteur.

Présentation de l’auteur

Daniel Kay

Daniel Kay est un poète français né à Morlaix en 1959. 

Après des études secondaires à Morlaix, Daniel Kay est  agrégé de lettres modernes, discipline qu'il enseigne.

Il a publié des poèmes dans des revues et publie plusieurs recueils. Il écrit également sur la peinture et peint lui-même.

Poèmes choisis

Autres lectures

Daniel Kay, Vies silencieuses

Les « vies silencieuses »du breton Daniel Kay sont celles que donnent à voir les plus grandes œuvres picturales. Vies silencieuses des hommes, des bêtes, des plantes, des fleurs… tous visités par le pinceau du [...]




Daniel Kay, Vies héroïques Portraits, sentences et anecdotes

Il y a une poétique du fragment et le livre de Daniel Kay l’illustre à merveille, lui qui cultive l’art des miscellanées. Ces mélanges littéraires de portraits, sentences et anecdotes.

Dans ce nouveau livre du poète, l’on peut commencer par la dernière page. Celle où l’on voit Francis Bacon, dans son atelier, s’inspirant de Vélasquez pour peindre Innocent X poussant son cri extravagant et tragique. Au vrai, le peintre, écrit Daniel Kay, n’avait jamais réussi à peindre le sourire, se mit donc à peindre le cri. « Ce qui fit de cet artiste un des plus grands tragiques par défaut ». Ce « par défaut » de l’existence peut s’appliquer à « l’héroïsme minimaliste, cet éternel combat contre le quotidien, corps-à-corps avec ce gouffre dans lequel se débattent femmes et hommes depuis leur naissance », évoqué par Daniel Kay dans le court avant-propos.

Dans ce monde de peu de lumière qui est le nôtre, il ne s’agit pas de masquer le négatif de la vie mais de l’affronter. Le fantôme de Nietzsche est passé par là. Regarder le négatif sans grandiloquence, à la manière des anonymes ou des figures célèbres qui traversent ces pages. Ainsi, le bibliothécaire « qui aimait les livres sans en avoir jamais lu aucun ». Figure à la Bouvard et Pécuchet qui trouvait que la classification de Dewey était le plus beau des poèmes. Ne pas tenter de canaliser la négativité, l’assumer au contraire, c’est peut-être là qu’est le vrai héroïsme humain trop humain. Ainsi au début du livre, deux fragments se font face en un percutant vis-à-vis : d’un côté, Dalida, l’ancienne reine d’Egypte descendant pleine de vie les marches de Montmartre, ignorante pour l’heure des tourments à venir et, en page de droite, Empédocle, sur l’Etna, déposant méticuleusement ses sandales au bord du volcan en feu, pensant une toute dernière fois aux quatre éléments mais décidé à accomplir son geste de suicide. Bel exemple d’association qu’affectionne Daniel Kay entre la culture populaire et l’érudition, jamais pesante pourtant.

Daniel Kay,Vies héroïques Portraits, sentences et anecdotes, Gallimard, 2024. 114 p. 15,50 €.

Car tout se déploie chez lui dans la plus subtile ironie. Ainsi, de Balzac : « Il écrivit plus d’une centaine de romans et but des milliers de tasses de café, alliance héroïque de la plume et de la cafetière ». Où se niche malicieusement l’héroïsme au quotidien ? Le jeu, l’écart, la dissonance s’entremêlent pour la grande joie du lecteur. Des fragments de la première partie entrent en résonance avec des variations qui se font écho dans la seconde. Ou avec d’autres livres, tel Le Perroquet de Blaise Pascal. Tout comme ces bribes de la vie mécaniquement réglée d’Alfonso de Almeda à Lisbonne, clin d’œil amusé qui fait penser à un pastiche de Pessoa.

 L’on sent clairement chez Daniel Kay une attention au petit détail signifiant qui rappelle que le poète est un grand contemplatif des choses. C’est le ballon d’or de Diego Maradona ou les pleurs de Nietzsche à Turin devant le cheval malmené par le cocher et sombrant dans la folie. Daniel Kay sait retrouver l’acuité de Proust souvent empreinte de drôlerie, celle des peintres, Baugin et son dessert des gaufrettes, Rembrandt âgé et son énigmatique sourire qui ont inspiré d’autres de ses livres.

Bel éloge du « divers ». Avec la boiterie du père Gaston ou l’œillet emblématique d’un poète portugais opposant à Salazar, le nez de Cléopâtre inspirant Pascal, s’exprime l’audacieuse liberté du fragment chez Daniel Kay. Pascal, Cioran, Valéry, les présocratiques, les maîtres en cet art sont ici convoqués. Tout comme le poète alsacien Jean-Paul de Dadelsen et Bach. En fin de compte Daniel Kay s’adresse à notre fragilité, celle qui, entre l’intranquillité qui anime sa sensibilité et un certain apaisement, lui permet d’offrir, sous les mots, une dialectique généreuse, jubilatoire parfois, pour le bonheur du lecteur.

Présentation de l’auteur

Daniel Kay

Daniel Kay est un poète français né à Morlaix en 1959. 

Après des études secondaires à Morlaix, Daniel Kay est  agrégé de lettres modernes, discipline qu'il enseigne.

Il a publié des poèmes dans des revues et publie plusieurs recueils. Il écrit également sur la peinture et peint lui-même.

Poèmes choisis

Autres lectures

Daniel Kay, Vies silencieuses

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Un printemps en poésie chez Gallimard : Etienne Faure, Anna Ayanoglou, Daniel Kay

C'est un bien beau printemps que celui de 2022 chez Gallimard, avec ces titres de la collection Blanche, en poésie, belle comme un jour qui prend de l'altitude et nous accompagne vers le solstice d'été, et sa lumière. Trois titres très différents mais avec ceci en commun qu'ils font poésie, ce qui n'est pas rien !

∗∗∗

 

Etienne Faure, Vol en V

En prose, en vers, au fil des paragraphes, des tracés qui suivent l’allure d’un essaim justifié à gauche ou bien en blocs déposés au centre de l’espace scriptural, le signe est langage avant la langue  dans Vol en V. Épigraphes d’œuvre et de chapitres jalonnent ce recueil où les titres suivent les poèmes, comme pour les porter, mais pas que. Il existe un dispositif paratextuel très élaboré qui accompagne les vers d’Etienne faure, traverse le texte, l’enrichit, le retranche pour l’ouvrir à son essence qui est de laisser émerger la voix du monde. 

Ces titres situés sous les poèmes se présentent également comme un sous-titrage, mais il est permis de les considérer comme des titres car ils figurent dans la table des matières. Nous pourrions y voir une volonté de ne pas surcharger la lecture, de laisser la pluralité des sens affleurer sans alourdir l'appréhension de l'ensemble. C’est il semble une des fonctions de ce positionnement tutélaire. Mais lorsque l’on considère l’aspect sémantique de ces titres qui suivent le texte et sont en italique on se rend compte qu’ils en soulignent la trame anecdotique, qu'ils attirent l'attention sur l'instant de vie qui est la matière du poème... Un désir de mettre en exergue les éléments dévolus à un univers référentiel. Mais pourquoi ? 

Ces titres "à l’envers" portent les marques sémiques d’une littéralité qui en réalité magnifie la poésie, en dévoile la substance, et révèle toute la puissance du langage poétique. Comme une serviette japonaise qui une fois plongée dans l’eau se déploie et laisse apparaître une infinité d’univers, le poème soluble dans le regard du lecteur prend toute sa dimension une fois que l’instant de vie qui en a été l’origine est nommé, comme un instantané posé sur l’onde sonore des mots ondoyant dans un océan polysémique.

Etienne Faure, Vol en V, Gallimard, Collection Blanche, 2022, 144 pages, 16 €.

Dans la ville à pied, sans repli, sans arrière
pays, origines, hors cela, il emprunte
au début sous le nom de rue, pont, grève
un parcours exempté de fil, anonyme,
laissant l'impasse pour attraper les quais
via les passages, les cours et circuler
inclus dans la foule en mue sans arrêt
selon l'heure ou l'allure à laquelle on passe,
interdit soudain sous un nom, un bouquet
au mur scellé (mortellement blessé)
après la chute de naguère, le bruit d'un corps au sol,
épitaphe à jamais cernée du crible des impacts
encore aux murs, semblant redire : passant,
nous allons mourir, et personne n'en saura rien,
ou bien continuer de parler aux vivants
plus avant, ceux qui vont te survivre
— et le flâneur éclairé sous un angle
un instant exposé au soleil du soir,
médite à découvert avant de traverser vite,
regagner l'ombre.

Passage à découvert   

             

 

Comme pour dissoudre les passages, se fondre dans les décors qui servent de supports aux textes, dévoiler l'essence de ce que recèle la langue poétique, et soutenir les champs sémantiques à l'œuvre dans ce qui "fait" poésie, ces titres supportent et révèlent, renvoient au désir de relire le poème. Apparaît alors toute la puissance du langage poétique, ce qu'il permet de transcrire, qui est tout simplement l'indicible : la couleur d'un lieu, chargé d'émotions que tout concourt à communiquer, la profondeur d'un temps de vie arrêté qui déployé dans le présent du texte, l'éphémère de nos vies, capturé dans l'espace vacant du poème, là où tout se recrée à chaque instant. 

Alors les épigraphes prennent sens, car chacune met l’accent sur l’envol, celui du regard, celui de la langue libérée par la mise en jeu du poème.

   Nous nous touchons, comment ?
Par des coups d’ailes

Rainer maria Rilke
à Marina Tsvétaïéva
Correspondance à trois, Eté 1926

                   ∗

Comme à chaque saison c’est le
désir qui les fait venir de si loin.

William Carlos Williams,
Paterson, livre V

                  ∗

Ainsi appuyé au ciel 

Thomas bernhard
Sur la terre comme en enfer

 

Altitude topographique métaphorique qui est celle qu’offre la poésie, pour s'appuyer au ciel, porté par l'élan d'un Vol en V...

 

Promesse ajourée du langage
la pluie fourmille au sol
puis s’éparpille.
On dirait
- dentelière, reprenez-moi si je me trompe -
un point d’Alençon répété sur le vide
et qui finit dentelle, voire
jour Venise

jusqu’au motif

Anna Ayanoglou, Sensations du combat

 

Combattre est-ce vivre ? Est-ce écrire, lutter ? Il semble qu'intensément oui. La langue d'Anna Ayanoglou poursuit le monde, encore, tente de forer des puits au centre du silence, pour faire jaillir une lumière étincelante. Celle du poème, assurément. 

 

 

Prose poétique ou poème dans cette liberté de trait qui est encore et toujours à inventer, Sensations du combat brûle et emporte l'esprit au centre d'un langage vif, parois tranchant, parfois fédérateur de symboles qui alors convoquent des archétypes que la poétesse interroge. Ses origines, l'amour, et puis écrire, ce lieu investi par le regard spéculaire de l'énonciatrice qui emploie le pronom personnel de la deuxième personne du singulier pour témoigner de sa propre existence. 

On perçoit des bribes de vie, mais à peine, rien de lyrique, ou alors un lyrisme vivifiant, comme un combat contre les mots avec, pour changer la plainte en chant de guerre. Et surtout cette lucidité qui guide ne permet aucun apitoiement. C'est juste, c'est la vie regardée comme elle se doit de l'être, avec vaillance, celle d'une femme qui s'empare du temps et des chemins grâce à sa parole, et surtout grâce au silence que recèle le poème. 

Anna Ayanoglou, Sensations du combat, Gallimard, Collection Blanche, 2022, 88 pages, 13 €.

Rien d’autre que composite, agglomérat
– de langues approchées, apprivoisées
puis le temps passe, et rien, elles sommeillent
et leurs liens avec elles
mais tout sommeille – les terres, des aïeux
ou sans, peu importe, vraiment
– tous des membres fantômes
souffrances scintillantes
qui se réveillent par intermittence.

Sensations du combat passe à travers les âmes pour aller droit vers l'essentiel de questionnements incontournables que seule la poésie permet de laisser affleurer parce qu'impossibles à rendre audibles, autrement.

Capsule de présentation de Anna Ayanoglou, lauréate du Prix de la première œuvre en langue française de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

∗∗∗

 

Daniel Kay, Un peigne pour Rembrandt, et autres fables pour l'œil

 

Poèmes en prose, pour ce recueil qui ouvre sur ce texte du tout premier chapitre, "La fabrication des images", avec "Histoire d'un désir" :

 

Etendre le bleu à la manière des linges aux fenêtres,
les fines étoffes au vent Léger. Ne pas prendre le
ciel comme limite ni même comme principe d'expansion
mais comme désir. Alors le bleu resplendit tel un fruit sur
une coupe disposé, un fruit unique rendu à la table des 
couleurs.

 

N'est-ce pas là raconter la magie de l'art, cette merveille qui à travers le fruit, un ceil, des visages, magnifie l'anecdotique pour puiser aux sources des universaux, là où les archétypes parlent une seule et même langue, celle de l'humanité ?

Tout entier ce recueil est un hymne à l'art. Daniel Kay raconte avec ses mots ce fabuleux secret du miracle qui advient lorsque la représentation traverse l'épaisseur du temps. Des lignes, mais pas n'importe lesquelles, des mots agencés pour faire poésie, unique chance de capturer l'indicible majesté de la couleur, du tracé, du regard que le peintre pose sur le paysage et de cette transformation lorsque la couleur est étalée sur la surface de la toile, avec des aplats et des teintes, de courbes et des lignes de fuite qui arrivent dans l'univers intangible d'une fraternité. Un dimanche aux Pays-Bas, Chez Bruegel l'ancien, Trait pour trait, Le peigne de Rembrandt, Les affinités électives, Grande galerie, Volumes... Autant de chapitres dans lesquels le poètes célèbre l'art, et égrène une galerie de portraits d'artistes, sortes de tableaux de toiles, comme dans ce magnifique poème sur Bacon :

Francis bacon
Histoire d'un reniement

    Tu peux toujours crier, grand pape épouvanté, crier
la mâchoire serrée sur des poussières d'étoiles, ton âme
sent trop fort la viande. Le grand drame épiscopal, lui, 
suit sa route. C'est que l'Esprit-Saint a choisi le mauve, le
théorème du mauve pour foudroyer, foudroyer le temps
d'un dernier cri. Et tu te demandes, encore et encore : 
Mon dieu, pourquoi m'as-tu injurié ?

 

 

Daniel Kay, Un peigne pour Rembrandt, Gallimard, Collection Blanche, 2022, 112 pages, 12 € 50.

Ce que racontent les images... Daniel Kay les fouille, mais pas seulement. Il met en demeure le langage de dire cette magie qui opère dans les toiles de grands peintres, et il y parvient, grâce à la poésie, cela va sans dire. L'esprit-Saint est ici celui de l'artiste, qui choisit le théorème du mauve, qui incorpore le mauve pour le restituer là, dans l'écrin de la toile, face au cri incessant, avalant tous les cris de tous les hommes, dans celui de ce pape, grand, épouvanté d'une trouille qui pleut séculaire sur nos semblables. C'est tracé, sur le tableau, c'est écrit, dans Un peigne pour Rembrandt, et partout dans ce beau recueil, comme fables offertes à nos que regards, puisées dans l'épaisseur des histoires, qui ne se veulent en aucun cas explicatives. Elles guident  au contraire les yeux des lecteurs vers cette impalpable miracle qu'est l'art, ainsi que le fait cette fabuleuse fable de Rembrandt dans le chapitre qui lui est consacré, Trois fragments d'une histoire du visible :

 

A Amsterdam, Dieu rend visite à Rembrandt qui n'a
même pas eu le temps de se peigner. Il entre sur la pointe
des pieds pour ne pas réveiller Saskia et parlemente long-
temps avec l'artiste avant de passer sa commande : son
choix est fait, ce sera une grande histoire du visible.

Présentation de l’auteur

Etienne Faure

Etienne Faure, né en 1960, vit et travaille à Paris. Dernières publications : Vol en V, Gallimard, 2022 ; Et puis prendre l’air, poèmes en prose, Gallimard, 2020 ; Tête en bas, poèmes, Gallimard, 2018, prix Max Jacob 2019 ; Ciné-plage, Champ Vallon, 2015.
La revue Phoenix lui a consacré un dossier d’invité (numéro 27) ainsi que Contre-allées (n°43). Rédaction de notes critiques dans le Cahier Critique de Poésie, Poezibao, Europe, la Revue des revues, Phoenix. Il est traduit en grec, serbe et hongrois.

Bibliographie

Légèrement frôlée, Champ Vallon, 2007
Vues prenables, Champ Vallon, 2009
Horizon du sol, Champ Vallon 2011
La vie bon train, Champ Vallon 2013
Ciné-plage, Champ Vallon 2015
Tête en bas, Gallimard 2018
– Et puis prendre l'air, poèmes en prose, Gallimard, 2020.
– Vol en V, Gallimard, 2022.

en revues

La NRF : n° 462-463, 488, 512, 551, 577, 582
Conférence : n° 8, 16, 22, 27, 34
Théodore Balmoral : n° 31, 34, 35, 39-40,44, 48, 52-53, 61,62/63, 68
Le Mâche Laurier : n° 12, 15, 22, 24
Pleine Marge : n° 15, 28
Rehauts : n° 4, 7, 12, 15, 18, 23, 27, 31, 35
Europe : n° 955-956, 1015-1016
Contre-Allées : n° 29-30
* (Astérisque) : n°1 et 3
Les Carnets d’Eucharis (papier et électronique)
Phoenix : n°21, 27
TO AENTPO : n° 201-202 (parution en grec de textes extraits de Légèrement frôlée)

Nombreux entretiens et publications de notes critiques dans Poezibao, Europe, Phoenix, La revue des revues, le Cahier Critique de Poésie. Il est traduit en grec, serbe et hongrois.

en revues électroniques
Sur Zone n°19, Poezibao ; Secousse n° 18, remue.net, Sitaudis, Les Carnets d’Eucharis.

Sur Etienne Faure :
Poète invité du numéro 27 de la revue Phoenix (décembre 2017) : dossier coordonné par François Bordes et Myrto Gondicas, contributions critiques de Jean-Claude Pinson, Stéphane Bouquet, Gilles Ortlieb, Jean-Pierre Chevais, François Bordes, Myrto Gondicas.

Plusieurs entretiens avec Tristan Hordé publiés dans Poezibao, Littérature de partout, Les carnets d’Eucharis, remue-net.

Quelques contributions :
- Contribution au colloque de Cerisy « Jude Stéfan : le festoyant français » septembre 2012 : L’enfance dans les textes de Jude Stéfan : la grande absente ?
- Publication de notes critiques dans le Cahier Critique de Poésie, Poezibao, Europe et La revue des revues.

Autres lectures

Etienne Faure, Et puis prendre l’air

Le livre d’Étienne Faure, Et puis prendre l’air, porte en première de couverture l’indication générique : « poèmes en prose ». Voilà qui surprend : non pas tant qu’on puisse annexer de la prose à la poésie, [...]

Étienne Faure, Vol en V : AILES POUR E

Le livre est posé sur l’herbe du jardin. Vol en V sous les chants d’oiseaux. Il faut bien qu’il se patine… Ah, pas encore de taches de café ; ni annotations, au crayon mots [...]

Présentation de l’auteur

Anna Ayanoglou

Anna Ayanoglou est une poétesse française née en 1985. Après des études de littérature russe et de linguistique, elle part vivre en Lituanie, puis en Estonie. Son premier recueil de poèmes, Le fil des traversées (Gallimard, 2019, prix Apollinaire Découverte et prix Révélation de Poésie de la SGDL en 2020) se fait l’écho de ce long séjour balte.

Gardant une distance prudente avec son Paris natal, Anna Ayanoglou réside désormais à Bruxelles, où elle construit son œuvre poétique et conçoit l’émission « Et la poésie, alors ? » sur les ondes de Radio Panik. Le désir qui sous-tend cette émission mensuelle consacrée à la poésie du monde : donner à entendre des poèmes lus en langue originale en plus de la traduction française. Dans « Et la poésie, alors ? », poèmes et moments musicaux alternent, dialoguent durant trente minutes. (Podcast disponible en suivant ce lien : https://www.radiopanik.org/emissions/et-la-poesie-alors-/episodes/)

Bibliographie

Le fil des traversées, Gallimard, Collection blanche, 2019.

Sensations du combat, Gallimard, Collection Blanche, 2022.

En parallèle de l’écriture de ses recueils, Anna Ayanoglou publie des poèmes dans des revues littéraires. On peut la lire notamment dans La NRF, Europe, Po&sie, Poésie/première, Décharge

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Daniel Kay

Daniel Kay est un poète français né à Morlaix en 1959. 

Après des études secondaires à Morlaix, Daniel Kay est  agrégé de lettres modernes, discipline qu'il enseigne.

Il a publié des poèmes dans des revues et publie plusieurs recueils. Il écrit également sur la peinture et peint lui-même.

Poèmes choisis

Autres lectures

Daniel Kay, Vies silencieuses

Les « vies silencieuses »du breton Daniel Kay sont celles que donnent à voir les plus grandes œuvres picturales. Vies silencieuses des hommes, des bêtes, des plantes, des fleurs… tous visités par le pinceau du [...]




Daniel Kay, Vies silencieuses

Les « vies silencieuses »du breton Daniel Kay sont celles que donnent à voir les plus grandes œuvres picturales. Vies silencieuses des hommes, des bêtes, des plantes, des fleurs… tous visités par le pinceau du peintre. Le poète, lui, se met à leur écoute. Il redonne vie à tout un univers et nous propose sa propre mise en musique. Un exercice d’interprétation qui ne manque pas de sel et d’originalité. Suivons le guide…

 

Daniel Kay, Vies silencieuses, Gallimard, 127 pages, 14,50 euros.

Faire parler les peintures. Le cinéma en a fait l’expérience. Peter Greenaway nous a livré en 2008 sa version de La ronde de nuit de Rembrandt. En 2014, c’est Lech Majewski qui avait mis en scène Le portement de croix de Bruegel (tableau de 1564) en réalisant le film Le moulin et la croix.

Les écrivains ou poètes ne sont pas en reste. On pense notamment au beau recueil Archives de neige de la Finistérienne Anne-José Lemonnier (Rougerie, 2007), inspiré par les tableaux de l’Ecole de Pont-Aven ou les dessins de Jean Moulin exposés au musée des beaux-arts de Quimper.

Daniel Kay, lui, va plutôt chercher sa propre inspiration du côté de la Renaissance italienne et de l’art baroque. Apparaissent dans son recueil les villes emblématiques de Florence, Venise, Assise, Sienne, les œuvres du Quattrocento mais aussi celles de l’école hollandaise. Voilà, en tout cas, un livre surprenant sur la création artistique et sur la capacité d’une œuvre picturale à féconder l’imagination. Mieux: l’imaginaire, le fantastique, le surnaturel.

 Car il s’agit bien, ici, d’une réinterprétation très personnelle des plus grands tableaux de maîtres. Le faisant, Daniel Kay aiguise notre regard. Mais, finalement, n’est-ce pas là le rôle du poète : nous révéler ce que nos yeux ne voient pas ou traquer le merveilleux derrière le visible. Ainsi, sur ce tableau, « Le crépuscule n’est qu’une chemise rouge/qui flotte sur les cyprès/et brûle les leucocytes ». Ailleurs, voici « les angelots bouffis qui tombent comme des corps stellaires dans les champs d’oliviers ». Plus loin, ce sont les anges, « ces messagers célestes semblables à de grands papillons bariolés qui butinent, parmi les fleurs des champs, le suc d’une nouvelle aurore ».

Daniel Kay ouvre aussi la porte de l’atelier du peintre. En Italie, il voit « dans la cuve d’indigo/le bleu du ciel et la robe de la Vierge ».Près de chez lui, dans l’atelier de Jean-Luc Bourel, dont il contemple les toiles, il s’interroge : « Comment l’espace donne-t-il du temps à ce regard/qui s’épuise dans le bleu ? »

Ah ! Le bleu. Il éclaire et parcourt le livre. Il l’inaugure même dans ce premier chapitre intitulé « Le bleu à l’âme » mais le poète sait mettre en garde contre « les fausses promesses du bleu »et même sa « perfidie ».Il nous dit aussi que « les Grecs ne possédaient pas de mots pour le bleu ». Et que n’aurait-il pu dire sur les Bretons pour qui le bleu et le vert se confondent dans le mot « glaz ».

Le poète nous ouvre vraiment, dans ce livre, de nouvelles perspectives sur la peinture. Il la dépoussière, lui fait endosser (quand il s’agit d’œuvres anciennes) les costumes d’une certaine modernité en faisant entrer dans ses poèmes des mots d’aujourd’hui. Ou encore des mots du langage trivial. Voici sa Madeleine de Georges de la Tour qui « s’applique à remonter sur ses cuisses/la double soie duveteuse des jarretelles/tendue comme une corde autour du cou ».Voici les Sadducéens qui ont « éraflé/les portes des bagnoles ».Voici « le dos cabossé des anges ».

Les statues, aussi, ont leur mot à dire. Silencieuses pas définition, elles « susurrent une langue étrangère/un curieux idiome/que seuls peuvent comprendre/les enfants et les muets ».  Et sans doute, aussi, le poète quand il se met à leur écoute.

 

Présentation de l’auteur

Daniel Kay

Daniel Kay est un poète français né à Morlaix en 1959. 

Après des études secondaires à Morlaix, Daniel Kay est  agrégé de lettres modernes, discipline qu'il enseigne.

Il a publié des poèmes dans des revues et publie plusieurs recueils. Il écrit également sur la peinture et peint lui-même.

Poèmes choisis

Autres lectures

Daniel Kay, Vies silencieuses

Les « vies silencieuses »du breton Daniel Kay sont celles que donnent à voir les plus grandes œuvres picturales. Vies silencieuses des hommes, des bêtes, des plantes, des fleurs… tous visités par le pinceau du [...]