Teo Libardo, Il suffira, Emma Filao, éparpiller la peau, Élisa Coste, Les chambres
Teo Libardo, Il suffira
Nous rêverions que certains de nos contemporains se soignent à la racine et guérissent de la haine, des croyances mortifères, de l’indifférence, de la cupidité – autres visages de la rage – pour enfin s’ouvrir à la complexité du monde, à une fraternité réelle. La crainte fugace que tous les Rosa canina sur Terre n’y suffiraient pas traverse en-dehors des épines notre conscience. Nous laisserons donc proliférer ces rosiers sauvages bannis des jardins bien entretenus. »
Il suffit d’une telle lueur d’espoir, Il suffira d’une telle volonté, pour reprendre le titre de l’ouvrage de poésie de Teo Libardo, pour que ces lettres restent vives et ne deviennent mortes comme des vœux pieux, mais sans portée. Par la déclinaison de l’assertion en anaphore, se dessine ce sillon fertile élargissant le champ des possibles d’où s’élève ce chant singulier des ré-enchantements : « Il suffira de le vouloir », « Il suffira d’un désir haut-perché », « Il suffira d’errer », « Il suffira de danser », « Il suffira d’un chant oublié renaissant », « Il suffira d’une mélancolie », « Il suffira de réinventer le feu »…
Teo Libardo, Il suffira, poésie, Rosa
canina éditions, 44 pages, 12 euros.
Croyance dans les facultés d’un verbe réparateur, ce recueil se lit comme une ode aux éléments, au primitif et à ses vérités premières d’où fuse une énergie bénéfique à la réinvention du verbe aimer : « le sentiment merveilleux d’une poésie du vivre / un trait craie / sillon ineffaçable / blotti en nos corps météores / horizon palimpseste amoureux / chante la folie limpide d’exister »…
Emma Filao, éparpiller la peau
Emma Filao, éparpiller la peau, poésie,
Rosa canina éditions, 112 pages, 22 euros.
Élisa Coste, Les chambres
Transfiguration d’une vie également sous le signe de l’intensité, le récit d’Élisa Coste intitulé Les chambres, commençant par une sensation de vertige, prend son essor avec la rencontre de ses deux amants, Louis et Pascal, pour écrire une histoire d’amour témoignant de la vulnérabilité et de la richesse d’un parcours :
« J’étais dans l’interstice du monde, portée très haut par deux amours, un blond angélique et absent, un brun d’une inquiétante énergie. Nous riions très fort, nous marchions vite dans la ville froide et déserte, l’un me haussait dans ses bras quand l’autre me faisait tourner sur moi-même, jusqu’à ne plus savoir qui j’étais, tourbillon effréné où je perdais la tête. »
L’Amour fou, pour reprendre le titre du roman surréaliste d’André Breton, dont les exaltations des passions dévorantes se concluent néanmoins sur le sentiment étrange d’avoir aspiré à une vie rêvée et néanmoins réelle où poésie et politique s’allient dans un goût mêlé d’absolu heurté et d’échec inavoué : « Une histoire d’amour ne finit jamais. Nous n’avons pas su la vivre, la transformer.
Élisa Coste, Les chambres, récit, Rosa
canina éditions, 78 pages, 15 euros.
Nous n’avons pas pu changer ce dont nous étions désormais conscients. » Forte de cette lucidité, l’aventurière prend alors la plume pour rassembler les morceaux épars du miroir et le tendre à nouveau à la promesse des rencontres fondatrices...