Eric Brogniet, Sahariennes suivi de Célébration de la lumière
Deux suites, qui se répondent ou se font écho, composent ce recueil. La première se termine par ce vers "A la lumière du monde" qui annonce la seconde intitulée "Célébration de la lumière". Les deux suites ont pour caractéristique de se situer dans le désert.
Je ne ferai pas au lecteur l'injure de citer le bas de la page 49 qui fait état des lieux où a été écrite la première suite ou l'ont inspirée. Je remarquerai seulement qu'elle est composée de quasi-haïkus, des tercets qui ne respectent pas la règle des 17 mores. Ces brefs poèmes sont tantôt descriptifs ("Empreinte des caravanes / Le pied du chameau / L'ornière des pneus"), tantôt interrogatifs ("Quelle présence / De spasme en spasme / Entre la stase et l'extase ?"), tantôt métaphysiques ("L'énonciation / Pas l'énoncé : / Transe thérapeutique")… Évocation d'un univers où l'humain est réduit à l'état de traces…
La seconde suite, "Célébration de la lumière", est rédigée en poèmes brefs qui ne dépassent pas les dix vers (en deux quintils) ; deux, trois ou quatre distiques ou deux tercets pour les autres poèmes. Ces poèmes disent une vie intérieure qui débouche sur l'amour, une relation marquée par la plénitude alors que la précédente suite disait un paysage aride où le vide et le rien régnaient en maîtres. Mais de la première à dernière page, Eric Brogniet évite la mièvrerie. Peut-on pour autant parler d'expérience mystique ? Je ne sais pas trop ! La couleur réduite à l'air brûlé, le noir de la lumière sont le cadre de cet amour qui prend différentes formes : l'oasis, les nourritures terrestres (le lait de chamelle, les vins de palme, les raisins…) et l'on pense à ce vers de Paul Éluard ("Grandir est sans limites", extrait de Le Visage de la Paix de 1951, avec vingt-neuf illustrations de Picasso) : les pierres parlent de l'aimée "croissante" et "qui grandit" avec le sang…