Franck Bouyssou, 5 poèmes

Tu veux mimer une saison morte
être un bois flotté sur une plage en hiver
un grincement de porte, une couleur sur un mur qui ne sépare pas

ce qui est là pour être là
que rien ne traverse

arrière-pays qui ne manque à personne
mais dont l'absence mutilerait l'apparence du monde.

∗∗∗

À portée du temps
tu façonnes un lieu avec des mots
couverts du silence des rivières
boisés comme un rêve en novembre

où le seuil est une ombre qui danse
dans l'espace mesuré d'une page non écrite

et tu attends, errant,
que l'encre bleue de l'enfance se lève
et vienne mourir sur les fleurs de ta tombe.

∗∗∗

Tu trembles d'un incessant refrain
qui du dedans cherche une fenêtre
au bord de ton corps grillagé

tu ne vois plus ni la tourterelle
ni le visage des saisons ni le garçon qui t'appelle
du fond de sa forêt

prisonnier d'un printemps sans oiseaux
tu te répètes comme cette goutte
dans le ventre de l'évier

automate rouillé criant au bord du vide.

∗∗∗

Tu sens l'odeur chaude de la pierre
prêt à te brûler aux ailes de l'été

dans la chambre moite
               un après-midi de sable
                               emplit ton sommeil

une gorgée de bleu comme une griffe
dans une carrière d'ombres

tu te délectes – animal assoiffé de feu !

Tu saisis toute la densité du temps
sincère intervalle
                          où passe
                               l'impeccable clameur de ton être
renonçant à vivre ou à mourir.

∗∗∗

On t'a parlé une langue de sable
tu as su l'aube, le vent, la dune
le ciel à côté du ciel réparer la beauté

et cette main errante
dans l'abîme du jour

cherchant un reste de nuit
au fond d'un sarcophage.

Présentation de l’auteur

Franck Bouyssou

Franck Bouyssou. Né le 25 janvier 1975 à Antibes. Médecin psychiatre en exercice libéral.

Publications :

Encres Vives n°312, août 2004.

Le frisson esthétique n°4, printemps 2007.

Poèsie/première n°65, octobre 2016 et n°72, décembre 2018.

Décharge n°180, décembre 2018.

 

 

 

Bibliographie 

REVUES

Arpa n°133-134 2ème semestre 2021, n°137 2ème semestre 2022.

Autres lectures




Franck Bouyssou, Carré de mars

Un silence de rive morte souffle sur les pas de tes rues. Ville. Ma ville.
Pendant tout le jour la nuit t’appelle à l’abri du vide qui peu à peu t’absorbe. La nuit t’appelle à son seuil de pierres froides.
Même jaunes les étoiles ne réchauffent rien.
Dans la nuit qui t’appelle tu cherches le printemps à tâtons dans l’herbe humide des jardins publiques. Et tu frôles le manteau oublié d’un rêve qui tremble au bord de la saison.

Confinement. Ce mot est doux comme du coton.
Confiserie ou firmament ?
C'est comme un rêve qui tourne en rond. Un carrousel.
L’œil se multiplie, longe des façades où vibrent des sourires d'enfants.
Au tournis voici la nausée. Entends-tu ? Entends-tu ?
Ce mot qui nous enferme. Du ciel dans un bonbon.

Ennui. Tâche d'huile. Tu allonges tes membres croyant remplir plus de vide. Croyant augmenter la matière, croyant que l'ennui est un vide.
As-tu oublié qu'il y a un nom pour toute chose ? Un nom énorme qui solidifie toute chose. Et qu'en désignant toute chose à l'aune de son nom, la source coule comme une lumière de mai.
Nomme cet arbre un cyprès, nomme cette sensation l'ennui.
Dans la pénombre du mot, alors se plaira ton séjour dans l'ennui.

 

Un ciel plaqué d’une pâleur bleue presque abstruse ternit la promesse vide du soir.
Une lumière à l’abandon tombée d’un lampadaire découvre la rue
Bientôt asile des chats errants.
S’appliquer à se taire
Et dans la paume d'un monde qui hésite à fuir
Boire l'éphémère.

Présentation de l’auteur

Franck Bouyssou

Franck Bouyssou. Né le 25 janvier 1975 à Antibes. Médecin psychiatre en exercice libéral.

Publications :

Encres Vives n°312, août 2004.

Le frisson esthétique n°4, printemps 2007.

Poèsie/première n°65, octobre 2016 et n°72, décembre 2018.

Décharge n°180, décembre 2018.

 

 

 

Bibliographie 

REVUES

Arpa n°133-134 2ème semestre 2021, n°137 2ème semestre 2022.

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